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Critiques de Kim Thúy (427)
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em

Lors de la passionnante entrevue avec des lecteurs Babelio, Kim Thùy a dévoilé que c'est une incroyable photographie de Chick Harrity qui était à l'origine de ce très beau roman : un bébé qui dort dans une boîte en carton, sa main qui en sort touchant celle d'un petit garçon recroquevillé contre la boîte. Deux orphelins dans la rue, à Saigon, en 1973, en pleine guerre du Vietnam. Le genre de photo qui vous bouleverse. Kim Thùy a imaginé le destin de ces deux enfants, devenus adultes.



Ce qui est très impressionnant, c'est qu'en seulement 150 pages, elle est parvenue à une épure riche de sens et très prenante émotionnellement. Rare un roman qui dit autant, avec autant d’intensité, avec un tel art de la concision. Tout le contexte de la guerre du Vietnam est évoqué, mais de façon subtile, par touches, remontant même à l'Indochine française et à ses plantations d'hévéas. Rien n'est occulté des tragédies des ces deux époques : l'exploitation des coolies et le droit de cuissage, le massacre de My Lai en 1968, le recours à l'épandage d'herbicides défoliants ( agent orange notamment ), mais aussi l'opération Babylift de 1975 qui permet l'évacuation de milliers d'orphelins vietnamiens adoptés par la suite aux Etats-Unis.



Et pourtant, Em est un roman tourné vers la vie, lucide et optimiste. On entend des mots sans colère, ni haine, ni rancune, des mots qui respirent de façon apaisé, presque calme. Comme si le Bien se faufilait dans les fissures du Mal. Les personnages sont tous plein de drames et de larmes, mais ils avancent : Tam née à l'époque indochinoise d'un colon et d'une coolie, survivante d'un massacre, sauvée par sa nounou ( magnifique personnage, incarnation de la loyauté et de l’altruisme, qui coud sous ses vêtements les bijoux qui vont payer à sa protégée l'éducation occidentale à) laquelle elle aurait eu droit sans le meurtre de son père ) ; Em et Louis, les deux orphelins métis nés de mères vietnamiennes et de pères GI's, qui seront en quête d'identité.



C'est dans ce faisceau de personnages poignants que l'illustration de la couverture résonne. Réalisée par l'artiste canadien Louis Boudreault, elle est juste sublime. Des fils tissés qui sortent d'une boîte en carton. Au départ, les chapitres, très courts, sont peints comme des tableaux impressionnistes, sans lien apparent. Et puis à mesure que l'auteure tisse son récit qui se déploie tel un kaléidoscope plein de sens. Pas grave si la rencontre presque magique tissée entre les deux orphelins semble complètement improbable dans la vraie vie, on y croit à cet incroyable destin. Le récit touche ainsi au conte pour célébrer la résilience et surtout l'amour, tellement simple là où est la vie n'est que complexité. Les fils se cousent, s'assemblent avec une belle liberté, certains ne seront pas noués ou n'arriveront pas à destination.



Avec son écriture ciselée, ses phrases peaufinées avec minutie, ce subtil roman distille un charme et une sagesse qui ne peuvent que toucher par leur générosité jusqu'à son titre polysémique : «Em », « petite soeur » ou « petit frère », «  bien-aimé.e » en vietnamien, prononcé « aime » en français.



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em

En 1973, le photographe Chick Harrity émut l'Amérique avec une image prise pendant la guerre du Viêt Nam : une toute petite fille endormie dans une boîte en carton, donnant la main à son frère couché à ses côtés dans une rue de Saigon. Ces deux orphelins ont inspiré à Kim Thuy les personnages de cette histoire : Em Hong, bébé abandonné recueilli par Louis, lui aussi enfant des rues de Saigon, évacués de la capitale au cours de l'opération Babylift qui, en 1975, envoya aux Etats-Unis trois mille enfants vietnamiens, orphelins de guerre ou nés de GI‘s.





L'histoire d'Em et de Louis, adoptés puis devenus adultes en Amérique, est l'occasion de nous plonger dans la guerre du Viêt Nam, en une série de flashes où resurgissent tour à tour l'exploitation des coolies dans les plantations d'hévéas de l'Indochine française, le massacre de My Lai jugé plus tard comme « l'épisode le plus choquant de la guerre du Viêt Nam », les épandages d'agent orange - ce défoliant qui empoisonna durablement les populations locales -, et enfin le sauve-qui-peut et l'évacuation d'enfants lors de la prise de Saigon par les communistes.





Chaque scène est marquante et comporte son lot d'émotions. Les mots de Kim Thùy alignent une série d'images fortes qui n'ont rien à envier à la photographie à l'origine de ce livre. Pourtant, le ton est calme, presque apaisé, sans rancune ni colère. Car ce qui l'emporte dans ces pages est au final l'affection tendre contenue dans le mot em : « petit frère » ou « petite soeur », homonyme du mot « aime ». Du carton de la photographie à la boîte pleine de fils de la couverture illustrée par l'artiste canadien Louis Boudreault, l'accent est mis sur les liens d'amour entre deux enfants qui, par delà la guerre et les continents, tissent peu à peu la toile de leur résilience.





Cette lecture m'a ramené à l'esprit la vaste fresque quasi documentaire Sud lointain d'Erwan Bergot, mais aussi le terrifiant Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire, qui débouche sur l'infinie culpabilité de faire partie des survivants. Kim Thùy a, elle, choisi de s'attacher à la part d'humanité sauvée de l'enfer, dans une narration éclair, ciselée jusqu'à l'épure, d'une rare et bouleversante intensité.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ru

Ru (petit ruisseau). Un seul mot. Preuve limpide que point n'est besoin du racolage ordinaire d'un titre à rallonge pour raconter l'émigration clandestine et le déracinement géographique. Ici en effet, tout comme dans les aventures d'un certain fakir calamiteux, la subtilité du propos se trouve être inversement proportionnelle à la longueur du titre…



Ru, donc, est une sorte de recueil autobiographique, où Kim Thuy dévoile sa vie par fragments aléatoires, évoquant son enfance dorée dans le Sud-Vietnam, sa fuite du régime communiste en 1978 avec tant d'autres clandestins, ou son nouvel avenir au Québec, sa patrie d'adoption. Réflexions intimes, anecdotes ou brefs portraits recomposent dans le désordre la mosaïque émouvante d'une existence éparpillée dans ses souvenirs.



C'est un voyage dans le temps qui nous est proposé, décousu et presque léger car exprimé avec un détachement gracile, une ironie paisible et une sobre concision qui contrastent en permanence avec l'horreur incontournable qui sous-tend chaque évocation. Un paradoxe qui ne rend ces récits que plus rares et déroutants car, on le devine sans peine, le destin de Kim Thuy est moins un long fleuve tranquille qu'un ruisseau turbulent.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Ru

Que voilà un excellent témoignage !

L'auteure sait nous maintenir en haleine avec son histoire personnelle qui la mènera de Saïgon au Québec en tant que réfugiée "boat-people". Les description des exactions des communistes vietcong sont toujours contrebalancées par une poésie de l'écriture. le récit, découpé en courts chapitres, ne sombre jamais dans le tragique et se lit comme autant de scénettes à méditer. On la suit, enfant, du Vietnam aux premiers jours de son arrivée au Canada en passant par un camp de regroupement en Malaisie. Toutes les horreurs vécues par cette enfant semblent laisser la place au meilleur que peut nous offrir la vie ! En ce sens, c'est une grande leçon de vie qui nous ai donnée par ce livre. A travers le tragique de son histoire et de celle des siens, Kim Thùy nous rappelle à chaque instant l'importance inhérente au moindre petit moment de vie. Le récit n'est pas linéaire, et une partie de sa richesse vient des nombreuses allées et venues, au grès de ses souvenirs d'enfance entre son passé et sa vie actuelle.

Un livre d'une grande sagesse que je recommande vivement. .
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em

Avec Mãn , Ru, Vi , nous pourrions tresser une phrase entière de doux mots poétiques auquel s'ajoute maintenant Em, le nouveau titre de Kim Thuy.



le début du livre commence par une belle histoire d'amour d'un planteur français Alexandre, avec Mai et leur petite fille, Tam. Et puis, tout s'arrête brutalement. Nous entendons le bruit de la mitraille et la fureur des pales des hélicoptères.

Nous sommes en pleine guerre du Vietnam (ou guerre américaine selon le point de vue où l'on se place), qui va durer pas moins de 20 ans. Tout va très vite. Les évènements s'enchaînent rapidement comme des éclairs au rythme de très courts chapitres forts en émotions.



La lecture de ce livre bouleversant sur des orphelins pas comme les autres du Vietnam «  Pays en forme de S, qui renvoie peut-être à son parcours sinueux ; ou peut-être à sa grâce » m'a d'abord décontenancée par sa forme un peu décousue.

Dans ce sens qu'il n' y a pas vraiment d'histoire linéaire construite autour de personnages bien campés. Mais en poursuivant ma lecture, j'ai compris que cette structure particulière tient toute sa place dans le chaos de la guerre et des vies éparpillées.



J'ai été émue par l'amour qui reste vivant malgré l'horreur. Mon coeur en éclat pour toutes les Mà donnant le sein aux bébés abandonnés dans des boîtes en carton au coin des rues, qu'ils aient les joues roses ou cuivrées, les yeux clairs ou en amande.

Des nourrices qui ouvrent les bras d'une nouvelle famille, où la nièce devient la soeur, l'oncle devient le père, sans ordre ni hiérarchie, juste par amour.



Parmi tous ces enfants et bébés expatriés loin de leur pays en 1975, il y a Tam, Em Hong et Louis dont la naissance a crée entre eux des liens invisibles au Vietnam.

Aux quatre coins du monde, ils vont suivre séparément des trajectoires différentes sans gommer leur appartenance et leur lien de solidarité à la communauté vietnamienne.

Une bonne étoile les suit à distance. Et les attire avec force pour tisser les fils d'une belle histoire inachevée.

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em

Le roman par lequel j'avais découvert le style de Kim Thuy, tout en concision et en épure était Vi. J'avais beaucoup apprécié cette histoire sur l'avenir de ces boat-people ayant quitté sous l'oeil médiatique leur pays mais dont l'histoire était vite passée dans l'anonymat, une fois le temps du spectaculaire passé. J'avais adoré la pudeur toute asiatique de l'auteur pour aborder ces vies meurtries mais pour autant remplies d'espoir, de résilience.



Quand j'ai vu le nom de Kim Thuy sur la liste des écrivains présents à la Comédie du Livre 2022 de Montpellier, celle qui sonnait le retour à la "normale" après deux années tronquées (annulation et édition à distance très frustrante), j'ai été ravi de savoir que j'allais pouvoir échanger avec une auteur dont je pourrais parler d'un de ces romans avec admiration. Il est toujours plus plaisant de rencontrer en salon des auteurs que vous connaissez et appréciez déjà.



L'échange fut très agréable, notamment autour de ses titres vietnamiens mais aussi phonétiquement français. Après avoir indiqué mon intérêt pour ces récits autour des conflits où la France se trouvait impliquée (Algérie, Rwanda, Indochine...), elle me conseilla son dernier livre et nous avons remarqué l'utilisation d'un impératif paradoxal dans les deux livres : Vis et Aime, comme si ces deux verbes pouvaient être ordonnés... et une jolie dédicace qui reflète bien cet échange, mais restera mon petit secret ! J'ai même pu ensuite assister à une conférence autour de l'anniversaire des éditions Liana Levi, avec des échanges très intéressants avec d'autres auteurs édités au même endroit, et une vraie réflexion autour de ce que devait être une maison d'édition pour ses auteurs.



Vous me demanderez : et quand est-ce qu'on parle du roman qui fait l'objet de la critique... ? J'y arrive, ne stressez pas. Si l'auteur ne nous indiquait pas dès le départ que son roman était tissé (comme le fil de l'illustration de couverture) autour d'histoires réelles, on aurait eu envie de lui dire qu'elle exagérait. Que d'insuffler autant d'amour dans des moments si terribles, entre des êtres que tout devrait séparer, entre des personnages qui n'auraient jamais dû se (re)trouver, c'était vraiment trop. Et quoi de mieux que son style toujours autant dans l'épure, fait des courts chapitres habituels, pour canaliser tout ce trop ! Liana Levi a insisté à la conférence sur cet art hallucinant du "faire court" que maîtrisait Kim Thuy... et l'auteure a elle-même souligné combien son éditrice l'avait encore incité à plus couper quand elle s'étendait trop.



Cela aboutit à un roman à taille humaine, avec des personnages attachants, et qui ne laisse jamais de goût de trop peu malgré ses 150 pages. Juste l'impression d'un joyau ciselé, dont les petites facettes reflètent le monde entier si on accepte de se perdre dans le jeu des miroirs à l'infini qu'ils contiennent.



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Mãn

Voici un roman très original construit à l'aide de courts chapitres oú le titre est doublé en Vietnamien, à la droite de la page. "Man" est une histoire de femmes: il raconte avec élégance, retenue, pudeur et poésie la vie d'une jeune vietnamienne mariée à un restaurateur vietnamien qu'elle suit au Canada mais aussi l'histoire de sa mère adoptive, enseignante, qui lui a appris le français en cachette,grâce à "une vie " de Maupassant .....elle lui en lisait des extraits chaque soir......

Par petites touches subtiles, sensibles, imaginatives, sans pathos, on découvre son parcours, elle a été couturière, interprète ,chroniqueuse culinaire, elle a vécu une vie de labeur et de petites joies.....les mets et les mots sont trés présents dans ce récit, ils sont minutieusement choisis. L'auteure raconte la douleur du déracinement, le déchirement , l'amitié entre des femmes de culture différente , les coutumes de la cuisine vietnamienne , ses raffinements , ses couleurs et ses odeurs, ses mélanges .....

L'histoire d'une femme aux racines arrachées mais permanentes, présentes!

Par ses souvenirs et ses sensations, sa réserve, Kim Thui crée un univers dense, doux et poétique, lumineux, un voyage culinaire et linguistique....

Un beau livre à la fois , délicat, puissant et raffiné sur l'amour et le bonheur ....servi par l'intelligence de l'auteure et son talent de conteuse.





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Ru

En introduction de ce court récit autobiographique, l'auteure Kim Thúy, nous indique : Ru signifie « petit ruisseau » et, au figuré « écoulement ». En vietnamien, ru signifie « berceuse », « bercer ».

J'ai aimé cette voix qui parle d'exil, de déracinement, d'arrachement. L'exil, c'est aussi une manière de renoncer sans oublier, de reconstruire après.

Les pages s'égrènent comme des fragments de vies, entre la vie d'avant et celle d'après. C'est comme un patchwork, une mosaïque qui s'édifie sous nos yeux, sous nos doigts. Entre les deux, il y a la mer, une embarcation qui tangue dans l'océan, ses occupants ne savent plus très bien ce qui sépare le jour de la nuit, la mer du ciel. Nous sommes à la fin des années 70 lorsque Kim Thúy et sa famille fuient comme tant d'autres le régime communiste du Vietnam, après le départ des soldats américains. Ils font partie des boat people. La terre promise et qui les accueillera sera le Canada.

Le souvenir est un désordre, un dédale, chaque page est un fragment qui se détache de l'existence de l'auteure pour venir se poser sur ces pages et sur nos lèvres. Son émotion est à peine perceptible, enfouie dans un voile de pudeur qu'elle desserre peu à peu avec une délicatesse infinie.

Comment poser l'ancre sur une terre inconnue ? Se souvenir d'où l'on vient pour déjà forger un futur improbable.

Sans doute faut-il la famille pour survivre à l'exil, des bras pour être bercé, comme dans le bruissement de l'eau d'un ru.

Il y a justement cette famille présente dans le livre, ceux qui sont partis, ceux qui sont restés, ceux qui ne sont plus là. Elle les invite un à un dans ce récit généreux, parfois de manière tragi-comique.

L'exil, c'est aussi le renoncement matériel, laisser derrière soi une maison, tous ces objets impossibles à emporter dans une seule valise. Alors il faut emporter autre chose, la beauté de la mémoire capable à chaque instant de faire ressurgir l'étonnement, l'émerveillement, la fragilité d'un mot, le bruissement d'un feuillage, le rouge profond d'une feuille d'érable, le parfum d'une pivoine à peine éclose, le goût d'un fruit. Il reste alors une manière de marcher jusqu'à ses rêves jusqu'à l'infini. Parfois un dernier attachement aux objets résiste, qui n'est peut-être pas que matériel, un éventail, un bol, derniers liens aux soucis terrestres.

Le don de rêver est un héritage magnifique, pourquoi ne le cultivons-nous pas plus fortement ? Il faudrait offrir à nos enfant des livres qui parlent d'exil et puis aussi en parler dans les écoles.

Ru est un livre actuel, ce livre m'a touché pour cela aussi, les embarcations des boat people au large de la Malaisie ont désormais été remplacées par des embarcations tout aussi fragiles qui traversent la Méditerranée, quittant la Libye pour échouer sur les plages italiennes ou grecques. C'est toujours la même chose, rien n'a changé, l'horreur de ce que la terre natale peut devenir brusquement, la folie humaine toujours, oblige sans doute à trouver la force un jour de partir, la peur au ventre.

Un ru, même s'il court son chemin imperturbable, peut devenir parfois un ruisseau turbulent.

Ce récit aime la vie.

Merci à toi Anne de m'avoir donné envie de découvrir ce très beau et sensible récit.
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Vi

Avec son dernier roman Vi, Kim Thuy revient sur son parcours, son Vietnam natal. Encore une fois, mais on ne s’en lasse pas. Cette fois-ci, dans un récit fictif mais aux forts accents autobiographiques, elle raconte l’histoire de Vi. Il est question de la rencontre entre ses parents, de la famille qui s’agrandit, des belles années. Puis, c’est le choc : l’arrivée des communistes, la séparation d’avec le père, l’exil forcé, les boat people. Enfin, le Canada. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là. Si l’adaptation semble, d’abord, facile, et les petits chocs culturels, anodins, c’est faire le pont entre deux cultures qui est beaucoup plus ardu. En effet, comment concilier la vie au Québec, un ardent désir de liberté et de modernité avec les traditions vietnamiennes ? À travers une succession de très courts chapitres (2-3 pages pour la plupart), la jeune fille qui a fui le Vietnam s’est transformée en une jeune adulte aux valeurs nouvelles.



Si le clivage avec le reste de sa famille et de sa communauté semblait imminent, l’amour fut plus fort. De plus, des études et une connaissance de la langue vietnamienne constituent une occasion pour elle de retourner dans son pays d’origine pour servir d’interprète, entre autres. Là, elle renoue avec son passé, fait des rencontres touchantes, peut-être faire la paix avec son passé et, qui sait, retrouver son père disparu ? Kim Thuy partage avec candeur des pans de sa vie, qui pourrait être celle d’autres migrants. Sa plume, toujours aussi juste, évocatrice, douce et entrainante, me porte dans son Vietnam natal mais aussi dans ses pérégrinations autour du globe. Davantage que dans ses romans précédents, ses récits livrent des pans de sa vie et d’autres, inventés, qui pourraient passer pour les siens, mais toujours narrés avec simplicité, spontanéité et honnêté. Je ne me lasse jamais de lire ses petits bijoux littéraires.
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Ru

Mélange de souvenirs évoqués par bribes éparpillées, narration au fil de l’eau - celle de ce ru qui, en vietnamien, est aussi une berceuse - ce premier roman publié en 2009 et écrit directement dans un français très fluide est l’autobiographie romancée de son auteure.



Elle y raconte l’enfance brisée, la vie “d’avant”, le Vietnam en guerre, les familles dévastées, l’oppression communiste, la tragédie des boat people, l’exil, la perte des repères connus et la construction d’une autre vie, à des milliers de kilomètres de la terre natale.



"Ru" est un récit tragique et poignant dont j’ai beaucoup aimé la retenue et la pudeur, la narration décousue - comme fut décousue la vie de tous ces immigrants bousculés par l’Histoire -, le courage et l’obstination à vivre, envers et contre tout, de ces personnes et de ces personnages persuadés que “la vie est un combat où la tristesse entraîne la défaite”.



Plus qu’un roman, "ru" est un livre de souvenirs bouleversant qui nous offre un témoignage de première main sur l’une des grandes tragédies du vingtième siècle, comme sur les blessures inguérissables du déracinement et de l’exil.



Une belle lecture.



[Challenge Multi-Défis 2020]

[Challenge Plumes féminines 2020]

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Mãn

Parfois une mère ne suffit pas, il en faut trois : celle qui met au monde, celle qui recueille, celle qui élève. Parfois, être mère ne suffit pas, il faut une amie pour donner les gestes et les mots de l'amour. Parfois, être comblée ne suffit pas, il faut plus qu'un mari, des enfants, le succès, il faut découvrir l'amour, le vrai, celui dont on n'osait rêver.

Mãn se raconte, de sa naissance au Vietnam jusqu'à sa renaissance dans les bras d'un homme, des difficultés de vivre dans un pays colonisé puis en guerre à son mariage arrangé avec un restaurateur expatrié au Canada, l'exil, la cuisine pour seul univers, l'amitié qui change tout, la réussite, les enfants, et bien sûr l'amour, la vraie découverte, impossible évidemment, mais inévitable et fondateur.





Mãn est un pêle-mêle de sensations et d'émotions où se côtoient les saveurs du Vietnam, le sel des larmes et le bonheur de vivre. Par petites touches délicates, se reconstitue la vie d'une femme qui conjugue le verbe aimer sans le dire, par de petites attentions de chaque instant, en veillant au confort des siens, en devançant leurs désirs. Empêchée de s'exprimer par une pudeur naturelle et une enfance silencieuse auprès d'une mère engagée, elle va pourtant s'ouvrir aux sentiments grâce à l'amitié d'une femme et à l'amour d'un homme. Poétique et tendre, l'histoire de cette femme se dessine comme une mosaïque où se mêlent la cuisine vietnamienne, la mémoire et l'enrichissement de l'exil. Les évènements plus graves sont évoqués en pointillés, les douleurs sont enfouies, cachées.

Un roman sensible et profond, porteur d'espoir et d'amour.
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em

Roman témoignage bouleversant écrit avec une jolie plume précise et percutante. Kim Thuy nous raconte ce que deviennent les enfants vietnamiens devenus orphelins à cause de la guerre, des enfants de pères américains, des enfants meurtris. Ce roman est dur, les horreurs ne sont pas cachées mais malgré tout il y a aussi des histoires d'amour. A côté des atrocités de la guerre, de l'esclavage des coolies vietnamiens, il y a des actes héroïques. L'être humain n'est pas que monstre mais l'auteur veut montrer sa colère face à ce qu'on a voulu dire au monde entier ces américains qui ont agi non pas par amour de la démocratie mais pour l' image, cela m'amène à la couverture de ce roman que je comprends seulement maintenant et qui est de fait tout à fait remarquable.

" Si votre coeur se sert à la lecture de ces histoires de folie prévisible, d'amour inattendu ou d'héroïsme ordinaire, sachez que la vérité entière aurait très probablement provoquer chez vous soit un arrêt respiratoire, soit de l'euphorie."
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Ru

« En français, ru signifie « petit ruisseau » et, au figuré, « écoulement (de larmes, de sang, d’argent) » (Le Robert historique). En vietnamien, ru signifie « berceuse », « bercer ». »



Dans Ru, Kim Thúy nous raconte son étonnant destin de jeune réfugiée, boat people obligée de fuir son Vietnam natal pour le Canada. Elle tisse un émouvant patchwork de souvenirs, les fragments d’une vie vraiment pas ordinaire.



Portée par une écriture fine, sensible, pleine de tendresse et de poésie, Kim Thúy nous livre une histoire riche en émotions qui va droit au cœur. Souvenirs tantôt légers et drôles, tantôt graves et douloureux, sensations provoquées par la profusion d’images, de couleurs, de parfums, d’odeurs ou de saveurs qui surgissent à la lecture comme au fil de l’eau.



Une histoire qui ne peut pas laisser indifférent. Je ne trouve pas vraiment les mots comme je le voudrais mais si j’ai un conseil à vous donner, c’est de vous laisser bercer par la douce mélodie des mots de Kim Thúy …


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Ru

Un petit livre trop court.

L'auteur y retrace sa vie tumultueuse.

Enfant de la haute bourgeoisie vietnamienne élevée dans les beaux quartiers de Saigon, elle est contrainte à l'exil par la victoire communiste.

Après avoir transité par un camp de réfugiés en Malaisie, elle trouve asile avec sa famille au Québec.

Jamais impudique, souvent drôle, la confession est toujours émouvante.
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Ru

Encore une harraga, une exilée, une déracinée, une brûleuse de route. Mais Kim est vietnamienne, et sa harraga à elle est celle des boat peoples obligés de fuir devant les bouleversements politiques, petite enfant qui ne comprenait pas grand chose à ce qui lui arrivait, petite fille de la famille d’un riche préfet d’origine chinoise qui fuit Saigon devenu communiste. "Mon père avait prévu, si notre famille était prise par des communistes ou des pirates, de nous endormir pour toujours, comme la Belle au bois dormant, avec des pilules de cyanure. Pendant longtemps, j’ai voulu lui demander pourquoi il n’avait pas pensé à nous donner le choix, pourquoi il nous aurait enlevé la possibilité de survivre." Le ton est donné, style net, froid et pourtant empreint d’une infinie tendresse, une émouvante retenue qui donne à ces menus chapitres, des paragraphes, plutôt, une charge affective considérable. Les paragraphes se suivent dans le désordre, évoquant l’horreur des bateaux de tous les dangers, les camps de Malaisie, l’arrivée misérable dans un Canada gelé, l’intégration d’enfants qui ne parlaient du français que le peu qu’ils avaient cru apprendre de leurs institutrices. Pas une plainte pour ces vies qui se reconstruisent dans le plus grand dénuement, les boat peoples n’ont rien, n’emportent rien et, si d’aventure ils parviennent à cacher de minuscules diamants dans un bracelet en plastique dentaire, ils se le font voler. Les parents abandonnent leurs enfants à des inconnus en espérant qu’ils sauvent ainsi leur vie…



La vision de Kim Thùy est toujours morcelée, comme les souvenirs qu’elle garde des hommes qu’elle a aimés : un battement de cil de l’un, une mèche rebelle de l’autre, des leçons de certains, des silences de plusieurs. Par petites touches pointilliste, mosaïque de détails, se met en place la vie du Vietnam d’autrefois, ces grandes familles de dix-huit enfants, régies par une grand-mère étroitement corsetée experte en diamants, avec "l’oncle Deux" séducteur et irresponsable ou l’émouvante "tante Sept", simple d’esprit et fugueuse, qui ne sait pas pourquoi son ventre a gonflé, pourquoi elle a été endormie dans une clinique, ni que ce petit neveu est en fait son fils ; ou encore avec les impossibles et touchantes amours ancillaires d’une pauvre journalière et du jardinier.



Vietnam ravagé par la guerre et les bouleversements politiques, avec ces fillettes prostituées pour survivre, aperçues derrière une porte, ou comme ses petits cousins :" Ils m’ont décrit en ricanant comment ils avaient masturbés des hommes en échange d’un bol de soupe à deux mille dông. Ils ont dépeint sans retenue ni réserve ces gestes sexuels avec le naturel et la pureté de ceux qui considèrent que la prostitution est uniquement une affaire d’adultes et d’argent, qu’elle n’implique pas des enfants de six à sept ans comme eux, qui s’y adonnaient pour un repas à quinze cents. "Vietnam où vainqueur et vaincus connaissent la même misère, comme ces miliciens communistes qui stockent leurs poissons dans la cuvette des toilettes, objet incongru pour eux, qui ne peut donc servir que de garde manger.



Camps de réfugiés de Malaisie, cloaque puants et couverts de mouches, où des femmes tombent et se noient comme dans des sables mouvants.



Vietnam d’aujourd’hui enfin, avec ses odeurs, ses saveurs et ses formes retrouvées.



J’aimerai tout citer, parce que ce livre est une petite merveille, un premier roman (est-ce vraiment un roman) dépaysant, poignant, et poétique qu’il faut que je vous laisse découvrir, pour y puiser une magnifique leçon de courage et de dignité.



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Ru

Kim Thuy raconte dans "Ru" les souvenirs qui lui reviennent de son enfance à Saigon ceux de la traversée dans la cale d'un bateau, ceux de son passage en Malaisie et son arrivée au Québec. Cette autobiographie est construite sur de nombreux petits chapitres qui decrivent chacun un épisode, un moment de vie. Si certains font sourire, d'autres sont tragiques, mais ils sont tous émouvants, empreints de poésie. Il n'y a pas d'ordre chronologique, les chapitres se succèdent au gré de ses souvenirs. de tous ces souvenirs, il en ressort une réflexion sur la difficulté à se situer à s'ancrer dans une culture lorsque l'on est issu de deux cultures.
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Ru

Comme un ruisseau qui s'écoule lentement ou comme une douce berceuse enfantine (le sens du terme Ru en vietnamien), l'autrice nous conte ses souvenirs d'enfance au Vietnam, puis dans un camp insalubre en Malaisie où elle est arrivée avec sa famille sur un boat people de sinistre mémoire (mais l'histoire continue héla aujourd'hui avec d'autres peuples et sous d'autres cieux) et au Canada où ils tentent de s'adapter, avec des épisodes d'incompréhension quelque peu cocasses.

Elle ne se sent ni d'ici ni d'ailleurs, comme beaucoup de personnes dans sa situation, ses amours sont multiples.

J'ai trouvé ce petit livre particulièrement émouvant, plein de poésie, de senteurs et de couleurs à l'évocation du pays perdu puis retrouvé sans l'être vraiment lorsqu'elle a l'occasion d'y retourner.
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em

Un tout petit livre, mais une brique d'émotions, un regard sur le Vietnam et sa diaspora.



Les histoires de guerre, on les oublie et on passe à la suivante. Depuis le Vietnam, il y a eu les atrocités du Rwanda, les réfugiés de Syrie et plus récemment le Myanmar, etc.



On les oublie, mais pour les Vietnamiens du monde comme Kim Thuy, il y a un devoir de mémoire. Se rappeler ce pays de l'Indochine française où les paysans-esclaves devaient faire pousser des hévéas. Ce pays partagé en deux par des ententes internationales. Puis une guerre, une guerre sale où des armes chimiques ont été utilisées, comme cet agent« agent orange », défoliant cancérigène dont les effets existent encore cinquante ans plus tard.

Et ces soldats devenus fous qui fusillent les civils, les vieillards et les bébés, une folie meurtrière qu'ils rapporteront dans leur pays.



Mais Kim Thuy ne raconte pas que la guerre. Elle raconte l'amour, les orphelins qui survivent et la bravoure de gens qui les ont aidés. Elle raconte la résilience des réfugiés qui ont travaillé sans relâche pour créer des entreprises et assurer l'avenir de leurs enfants.



Une lecture touchante, avec une écriture concise, des mots qui suggèrent et des pages aérées qui laisse de l'espace pour respirer.

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Vi

Écrire un livre, pour témoigner, pour partager, pour mettre des mots sur les maux d’un peuple. J’ai quitté ma terre, un jour, une nuit, mais elle ne me quitte pas. Je suis parti, j’ai Visité d’autres lointaines contrées, mais je reviens toujours à ce Vietnam natal. Dès que je sens l’odeur d’une soupe tonkinoise, je reVis, Vi c’est d’ailleurs mon prénom, Vi comme dans inVisible et aussi un peu comme dans Vie, car après tout il est question de Vivre en dehors de son passé, de ses racines surtout.



Écrire un peu de son histoire, pour faire découvrir la personne que je suis. Enfouie dans un passé que j’ai fui, je replonge dans les souvenirs, les odeurs de la mémoire. J’entends des rires d’enfants jouant à la marelle dans la ruelle. J’entends des bombes venant s’écraser dans le jardin de ces mêmes enfants. J’entends et je reVis la sombre histoire de mon passé.



Et je respire la chaleur de cette soupe tonkinoise avec ses petits légumes taillés finement. Un mélange de citronnelle et de ciboulette s’échappe de la cuisine itinérante de mon esprit. Je revois ma mère, ma grand-mère, toutes trois attablées, préparant le repas dominical. J’avais huit ans quand la maison a été plongée dans le silence.



Écrire une Vie, ses escales, ses embarquements, ses migrations comme des oiseaux, cherchant de nouveaux nids à construire. Ici, là, ailleurs. Saïgon, Rome, Paris, le Danemark, la Malaisie, Montréal... Que de voyages, que de nouvelles expériences, même si mon cœur me ramène toujours au Vietnam, vers la soupe de ma grand-mère au bord d'une rivière. Vi(s) à Hanoï, des vies.
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em

On a tous en mémoire les images d’un hélicoptère qui décolle en catastrophe d’un toit de Saïgon, avec à son bord deux fois le nombre de passagers autorisé. Malheurs à ceux qui sont restés, la résistance nord-vietnamienne les a châtiés.

Et ceux qui ont abandonné leur terre pour se donner un futur, que sont-ils devenus ? C’est le sujet principal du très beau livre de Kim Thúy. Des premières échauffourées à la débâcle finale, l’auteure suit les pas des enfants métis, nés de soldats américains, que leur couleur de peau trahit et qu’on tolère comme un mal nécessaire. Ils traversent les horreurs de la guerre, résistent à la misère, infusent la société comme ces mots étrangers, français ou anglais, qui s’immiscent dans la langue du pays. On suit les trajectoires de Mai, de Tâm, d’Em ou de Louis. Leur émouvantes épopée est le prétexte à des rappels historiques déconcertants, comme l’opération « Babylift » voulu par le président Ford (rapatriement des bébés nés de GI’s) ou l’acharnement de l’occupant à défolier la forêt, condamnant ainsi des générations entières au cancer ou à la malformation physique.

Ce fut une guerre immonde (l’éloquence des chiffres p145) dont l’auteure résume l’absurdité par cet accablant constat : « j’ai évité de vous attrister (…) avec le document qui présente les raisons pour lesquelles il fallait continuer la guerre 1) 10% pour la démocratie 2) 10% pour prêter main forte au Vietnam du Sud 3) 80% pour éviter l’humiliation ».

Les rescapés qui ont rallié les USA sont devenus docteurs, hommes d’affaire ou très souvent, patronnes d’un salon de manucure. Et de finir sur cette remarque déchirante : contrairement à ce qu’affirmait son médecin, Tâm n’est pas décédée de la trop grande inhalation des vernis qu’elle utilisait dans son salon mais des effets tardifs de l’agent orange.

Notre imaginaire est pollué par les très nombreux films consacrés à la guerre du Vietnam, pourtant, Kim Thúy réussit à l’évoquer d’une voix singulière.

Bilan : 🌹🌹

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