Le livre s’ouvre sur la rencontre de deux jeunes gens, Adela et Marcos, âgés d’une vingtaine d’années qui sont tombés amoureux.
Adela Fitzberg est née à New-York, d’un père psychanalyste qui a fui la dictature argentine et d’une mère, Loreta, vétérinaire Cubaine en exil qui rejette systématiquement tout ce qui a trait à son île natale.
Marcos vient de quitter Cuba pour tenter sa chance, gagner sa vie le mieux possible à Miami, chacun fuit pour une raison qui lui est propre…
Ils se sont rencontrés parce que Adela a décidé de faire des études de lettres hispaniques et a choisi une université à Miami au grand dam de sa mère. On imagine la réaction de cette dernière quand elle lui a annoncé leur décision de vivre ensemble : elle a disparu de la circulation, purement et simplement.
Un jour, Adela tombe sur une photographie de la famille de Marcos et de leurs amis, prise lors d’un anniversaire et une jeune femme enceinte attire son attention car il s’agit probablement de sa mère. Et l’histoire peut commencer.
Retour à Cuba, où le communisme (le castrisme) bat son plein, des amis sont réunis à la villa Fontanar qui appartient à Clara, ingénieure et son mari Dario, neurochirurgien et leurs deux enfants Marcos et Ramsès. Il y a là Irving, et son compagnon Joël, Elisa Correa, fille de diplomate ayant beaucoup voyagé et son époux Bernardo, Horacio, docteur en physique, dont lepère Renato a fui Cuba dès la révolution, et Walter, artiste peintre ayant étudié à Moscou dont il s’est fait renvoyer, Liuba et son mari Fabio. Ils constituent « le Clan ».
On fête l’anniversaire de Clara et la préparation du départ de Dario en Espagne, alors que Walter, persécuté qui se dit espionné par le gouvernement tente de persuader Dario de l’aider à fuir.
Le lendemain, Walter est retrouvé mort : il se serait suicidé en sautant d’un toit. Mais, cela semble étrange donc, vont survenir les interrogatoires musclés, notamment pour Irving, homosexuel donc forcément louche. Et, tout aussi étrange, Elisa disparaît sans rien dire à personne.
L’URSS est en train de s’effondrer, exit le mur de Berlin, donc Cuba perd un allié de poids et va sombrer dans la pauvreté, la faim, car tout manque, malgré « les longues queues » qu’il faut faire pour trouver quelque chose à manger ou autres denrées de première nécessité.
Tout le monde finit par s’exiler : Dario à Barcelone, en 1990, puis Irving et Joël à Madrid, Horacio à Miami en 1994, puis San Juan, Liuba et son époux Fabio, à Buenos Aires, obligés de laisser derrière eux leur fille Fabiola…
Bien-sûr, on se demande si Elisa et Loreta sont une seule et même personne, et si oui, qui est le père d’Adela ? mais également qui est a trahi qui ? Walter s’est-il suicidé ou a-t-il été assassiné ? Mais, le roman va beaucoup plus loin…
Leonardo Padura nous raconte les liens qui se sont formés entre tous les membres du Clan, leur évolution, comment ils sont arrivés à se construire une autre vie, et à travers chacune de ces vies, on se rend compte que chacun détient une part de la vérité, sur Elisa, sur son père, fonctionnaire en vue du régime, sur Walter et c’est ce qui fait la force du récit, avec en fond sonore cette chanson de Kansas :
« Poussière dans le vent,
Nous ne sommes que de la poussière dans le vent. »
Et, encore et toujours cette même phrase lancinante, autant que la chanson de Kansas, « que nous est-il arrivé ? »
Leonardo Padura parle tellement bien de l’exil (vous savez à quel point ce thème m’est cher !), de la difficulté de se reconstruire ailleurs, car on ne se sent chez soi nulle part, comme Dario qui milité pour l’indépendance de la Catalogne, pour pouvoir avancer, alors qu’il a réussi sa nouvelle vie, ou comme Irving qui ne supporte pas la chaleur de Madrid, comme si le soleil n’était supportable qu’à Cuba.
Il évoque la douleur de partir alors que les autres restent comme si on les abandonnait lâchement, et aussi le pourquoi : pourquoi certains partent alors que d’autres décident de rester et voient les départs successifs telle Clara qui voit partir son mari, Dario puis ces deux fils, l’un après l’autre. Les premiers sont partis pour des raisons surtout politiques et pour avoir la liberté, ou encore à cause de la peur, alors que pour les plus jeunes, il s’agit surtout de raisons financières, s’acheter une voiture par exemple…
L’analyse de la situation économique et sociale de Cuba est terrible : les hôpitaux à l’agonie, les prescriptions de bilans biologiques gratuits certes, mais il n’y a plus de réactifs, pour les réaliser. On assiste à l’effondrement d’une idéologie à laquelle beaucoup ont cru avec enthousiasme, avec l’envie de participer à l’effort de créer une nouvelle société, plus égalitaire, mais corruption, suspicion, surveillance ont fini par faire des ravages.
Une scène émouvante : le repas où ils se retrouvent tous pour fêter l’anniversaire de Clara et le départ de Dario, que Ramsès leur fils est chargé de « fixer sur la pellicule » alors que chacun a le moral au plus bas. Quand se reverront-ils, s’ils se revoient un jour ?
« La fête se déroula, et ils burent, chantèrent, s’amusèrent parce qu’ils avaient besoin de boire, de chanter et de s’amuser pour ne pas pleurer ou se couper les veines. »
L’écriture est très belle, pleine de poésie, de sensibilité, et de lucidité, pour évoquer la douleur l’exil, l’émigration, la désillusion, la nostalgie, le retour fantasmé…
Vous l’avez compris, j’ai vraiment adoré ce roman, pavé de 600 pages environ, que j’ai fait durer le plus possible, alors que la lecture était addictive.J’ai encore des étoiles plein les yeux…J’espère ne pas avoir trop radoté, sous l’effet de l’émotion! en résumé: il faut le lire…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m’ont permis de découvrir ce roman et de me plonger enfin dans l’univers d’un auteur magistral.
#Poussièredanslevent #NetGalleyFrance
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