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Critiques de Leonardo Padura (695)
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L'homme qui aimait les chiens

Au risque de me répéter (mais est-ce ma faute si tant d'excellents livres sont venus à moi depuis le début de l'année ?), "L'homme qui aimait les chiens" est un très grand roman, le premier que je lis du cubain Leonardo Padura (*).



Padura nous raconte de façon parallèle l'histoire de trois personnages : celle de Trotsky depuis son exil en Turquie jusqu'à son assassinat au Mexique, en 1940, commandité par Staline; celle de Ramon Mercader, son assassin, depuis son enrôlement dans le camp républicain pendant la guerre d'Espagne jusqu'à sa fin mystérieuse; celle enfin d'Ivan, un cubain, double de l'auteur, que les circonstances politiques de son pays ont empêché jusqu'alors de réaliser son rêve de devenir écrivain et qui devient un jour dépositaire de l'histoire de ce Ramon Mercader.



Quoi de plus périlleux que de se lancer dans une saga historique à la fois si célèbre (le destin tragique de Trotsky est bien connu par quiconque s’intéresse un peu à l'histoire du XXe siècle) et dont tant d'aspects ne sont que des conjectures ? Comment nous faire comprendre les ressorts qui font agir d'un côté le vieux révolutionnaire bolchévik en rupture de ban, fuyant de pays en pays les sbires de Staline, accompagné de sa femme et de quelques rares amis, et de l'autre le jeune communiste catalan Mercader, recruté par la police politique de Staline et modelé en un ennemi juré du "traître" Trotsky ? Et finalement, de quelle liberté peut jouir un écrivain cubain vivant encore sur cette île, pour rendre compte de cette tragédie historique, sachant les liens étroits qui ont lié Cuba et l'URSS ?



Le miracle de ce roman tient justement dans cette liberté de ton qu'a su trouver Leonardo Padura. Même si sa sympathie penche évidemment du côté du "Vieux", comme l'on surnommait Trotsky, il réussit à nous peindre un Mercader sinon attachant du moins très intéressant et toute la préparation de l'attentat est digne des meilleurs romans d'espionnage. Et la sympathie pour Trotsky ne va pas sans une lucidité à l'égard du compagnon de Lénine qui n'est pas totalement épargné dans ce récit. Et c'est là où le personnage d'Ivan est essentiel au roman pour nous montrer sans complaisance les tristes résultats d'une application rigoureuse des préceptes castristes, déclinaison latino-américaine mais relativement fidèle (sans jeu de mots) du credo léniniste.



D'un point de vue historique, ce roman porte aussi un éclairage passionnant sur toute la période de la guerre d'Espagne (avec notamment la prise de contrôle du camp républicain par les staliniens, éliminant progressivement leurs alliés socialistes, anarchistes et trotskystes, et notamment le leader du POUM, Andreu Nin) et aussi sur la période des procès de Moscou, où Staline, avec avec férocité inouïe, fait le ménage parmi les anciens bolchéviks, et aussi parmi les officiers et médecins juifs, préparant et consolidant le pacte Ribbentrop-Molotov de 1939 avec l'Allemagne nazie. La triste ironie de l'histoire est que c'est Trotsky qui était accusé par Staline de vouloir pactiser avec Hitler !



Au-delà de l'intérêt historique, Padura s'est attaché à restituer mille et un petits détails de la vie de ses personnages, ce qui rend son récit très crédible et très vivant. Ainsi les chiens ont une place particulière dans ce roman et c'est aussi un tour de force de Padura d'avoir trouvé pour titre de son roman une périphrase qui peut désigner l'un ou l'autre de ses trois personnages principaux.



Je ne le cache pas, "L'homme qui aimait les chiens" est un des tout meilleurs romans historiques que j'ai pu lire et c'est aussi un très grand roman humaniste.



(*) J'ai eu l'occasion de voir l'adaptation qui a été tirée en 4 épisodes de 4 de ses romans policiers avec comme personnage principal le flic Mario Conde (que, par facétie, Padura cite dans son roman "L'homme qui aimait les chiens") sous le titre "Quatre saisons à La Havanne" et j'ai beaucoup aimé !

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Une enquête de Mario Conde : Les brumes du pa..

Loin du Cuba exotique pour touristes, Leonardo Padura nous livre un roman noir mélancolique sur La Havane, ses combines et ses désillusions. Son héros, Mario Conde, a quitté la police depuis une dizaine d’années pour devenir un commerçant un peu particulier, achetant des vieux livres afin de les revendre à de riches Américains ou à quelques parvenus locaux. Pour survivre, se procurer du vrai café et de la nourriture, les intellectuels cubains et les grandes familles à bout de souffle doivent se séparer de leurs biens les plus chers: meubles, bijoux et livres précieux, réunis par plusieurs générations. Conde ne fait pas partie des professionnels les plus rapaces, cet idéaliste désappointé tentant de rester honnête dans ce marché de la pénurie. Le jour où il franchit la porte de Dinisio Ferrero et d’Amalia, sa soeur, il comprend cependant qu'il pénètre dans un sanctuaire et qu'il va devoir opérer des choix stratégiques : les plus magnifiques ouvrages sur l'histoire du pays, les plus belles éditions originales s'ouvrent devant ses yeux. En furetant, Conde découvre dans un des volumes la photo d'une femme mystérieuse, la chanteuse de boleros, Violeta del Rio. Cette beauté drapée dans une robe satinée fut une star des années 1950, disparue du jour au lendemain. L'ancien flic se réveille : Mario Conde veut savoir qui était cette étoile filante et pourquoi son nom et son visage lui rappellent des souvenirs de famille étouffés depuis quarante ans.



Padura construit son récit en deux parties, en écho au deux faces du disque 78 tours de la mystérieuse chanteuse (Face A : Quitte-moi / Face B : Tu te souviendras de moi), et calque son rythme sur une mélodie lente et lancinante. La jeune femme aurait abandonné la chanson pour se marier à un homme fortuné de la Havane mais la révolution et le renversement de Batista ont accéléré les exils. Violeta del Rio a dès lors disparu des mémoires et rares sont les fantômes du passé qui peuvent se remémorer cette voix et ce visage angélique. Alcides Montes de Oca, l’amoureux transi de Violeta, s’est enfui, laissant aux soins de sa dévouée secrétaire Nemesis, la demeure familiale. La vieille femme est désormais cloîtrée dans une chambre et dans son passé, gardée par ses enfants, Amalia et Dionisio.

Le meurtre de Dionisio accélère une enquête menée d’abord dans le brouillard des souvenirs et qui va faire des incursions dans les bas-fonds de la Havane, parmi les taudis décrépis, la pauvreté démesurée et le désespoir tenace qui imprègne les rues pestilentielles.



Cette enquête d’une densité très noire n’est pas imprégnée d’un suspens haletant. La fin est attendue. Pourtant, le roman est envoûtant. A la fois roman historique, politique, social et policier, Les brumes du passé sont une belle fiction cruelle et sentimentale, lugubre et hargneuse. L'auteur fait un bilan terrible de Cuba depuis Castro, ses rêves dévoyés et ses échecs à l'aube du XXIe siècle. Le troc est devenu le mot-clé d'un pays qui meurt d'inanition et se résigne aux plus cruels sacrifices pour avaler autre chose que de l'eau sucrée. En ajoutant une enquête sentimentale à sa réflexion, il intègre la dimension musicale avec la voix troublante des interprètes de boléros. Mais il est évident que Leonardo Padura, à travers Mario Conde, a le coeur dévasté par la misère de son pays et l'âme en berne devant cette nouvelle génération passée du côté des dollars et des combines poisseuses. Ce polar teinté de nostalgie est aussi un hymne à l’amitié et aux livres. Il s’adresse donc à tous les amateurs de littérature…
Ne passez pas à côté !!!



A déguster au son d’un boléro, un verre de rhum à la main (avec modération…)



Mon premier Padura et une très belle découverte !! Je me réjouis de replonger aussi vite que possible dans son univers et de retrouver son héros éminemment sympathique et attachant.

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Ouragans tropicaux

Passé le moment de sidération devant le changement radical de style narratif par rapport à ma lecture précédente ( le dernier roman de Ken Follett ... )

Passé le moment d'interrogation de commencer une série avec un héros récurrent par le Tome 10

Passé le moment de perturbation devant la double temporalité du récit qu'il faut saisir rapidement,

Passé le moment de consternation de mon manque de culture de l'histoire de Cuba avant Fidel Castro,



Tous ces petits tracas se sont vite effacés pour savourer cette plongée cubaine avec Mario Conde , flic à la retraite , aux pensées qui surgissent comme un torrent fou .

La Havane , en 2016 , est le théâtre de deux événements majeurs, la visite du président Obama et le concert des Stones.

La police est sur les dents et un ex collègue de Conde lui demande son aide pour résoudre un crime : un ancien ponte du régime retrouvé mort et mutilé dans son appartement où deux toiles de valeur ont également disparu.



Au début du XX eme siècle, un jeune policier , Arturo Saborit arrive à la capitale, des idéaux et des principes d’honnêtement plein la tête.

Il devient un proche d'un jeune homme de bonne famille, Alberto Yarini, proxénète et candidat pour être élu député .

Le meurtre sordide d'une prostituée devient l'obsession de Saborit qui va plonger dans le milieu du sexe, de l'argent et des trafics.



Pendant ce temps Conde fait resurgir les années noires du régime castriste avec des hommes de pouvoir sans scrupules écrasant en particulier le monde artistique. Tant d'années après à qui profite le crime ?

Conde va soulever beaucoup de mauvais souvenirs , de trahison, de morts louches et de biens mal acquis .



Je me suis vraiment laissé emporter dans cet ouragan tropical .



lu en Novembre 2023

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Poussière dans le vent

Les lectures communes sont souvent l’occasion d’aller vers des livres que nous n’aurions pas choisis seuls, parce nous ne connaissions pas l’auteur, nous avions des appréhensions face à un pavé ou encore que le thème n’entrait pas dans nos sujets de prédilection.



Poussière dans le vent fait partie de ces romans que je n’aurais pas découverts sans les babeliotes-amis. Un grand merci à mes acolytes de LC !



Leonardo Padura présente son île de Cuba de manière très belle, avec ses ambivalences, des quartiers les plus pauvres aux maisons d’architectes proches du pouvoir, des manques subis dans les besoins les plus primaires à l’éducation de qualité dispensée à tous ceux qui en ont les capacités sans distinction de classes. Cet auteur est passionnant dans son traitement politique en montrant les deux côtés tant du communisme que du libéralisme, sans présentation manichéenne et sans préjugé.



Au départ, l’histoire est celle de la rencontre d’un couple, d’une jeune femme venant de New-York et d’un jeune homme fraîchement arrivé de Cuba. La découverte d’une photographie où leurs parents fêtent ensemble un anniversaire va les mener à s’interroger sur leurs origines. On explore alors, avec chacun des personnages, le déroulement de sa vie et l’influence que cela a pu avoir sur d’autres existences.



L’amitié forte qui relie les membres du clan est indestructible, malgré les amours et désamours, entre ceux qui restent et ceux qui partent, sur plusieurs décennies. L’exil est omniprésent, dans une reconstruction autour du passé, du présent et de l’avenir, quel que soit le lieu d’ancrage. Les choix auront des conséquences sur les générations futures, qui connaîtront une vie très différente de leurs parents ou grands-parents.



Ce roman a une intrigue, mais je retiendrai surtout son ambiance. Si vous avez envie de passer la soirée avec un groupe d’amis qui ont des rêves plein la tête, de voir comment ils ont évolué dans un monde à la fois fermé et ouvert, de réfléchir sur ce qui est vraiment important pour vivre heureux… Ecoutez et lisez Poussière dans le vent !

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L'homme qui aimait les chiens

Les deux personnages historiques au centre de ce roman -fleuve sont LéonTrotski et son assassin, Ramón Mercader. Trois fils narratifs alternent : une biographie de Trotski qui commence avec son exil, en 1929, très précise. Elle est suivie de celle de Ramón Mercader, communiste stalinien qui se battit dans les rangs républicains pendant la guerre civile d’Espagne avant d’être recruté (par sa mère !) pour un mystérieux projet. Sans rien en savoir, sinon que celui-ci exigeait un renoncement complet à son ancienne vie et à son identité…



Le troisième fil, plus tardif nous emmène à Cuba en 1977. Ivan, un jeune homme qui avait publié un livre prometteur n’a pas su poursuivre son élan. Il a tenté un second livre qui a été violemment retoqué par la censure d’état. Autant dire, un enterrement de première classe pour ses ambitions littéraires… Il se reconvertit comme vétérinaire semi-officiel. Ivan va rencontrer par hasard un homme âgé qui promène ses deux chiens, deux superbes barzoïs. Il va peu à peu se lier avec cet homme à la santé chancelante. Qui finira par vouloir lui raconter, et en lui demandant de n’en parler à personne, la vie de Ramón Mercader…



Ce roman est à l’évidence remarquablement documenté. Le fil narratif de la biographie de Trotski m’a toutefois paru parfois bien aride car Leonardo Padura y a inclus beaucoup du contexte politique de l’époque. De Ramón Mercader je ne savais rien. Donc sa vie mouvementée, ses changements incessants d’identité, m’ont paru plus romanesques. On sait bien comment tout cela s’est terminé à Mexico mais l’auteur parvient à créer un véritable suspense autour de ce meurtre annoncé. La partie cubaine a été pour moi la plus facile à lire et ses personnages très attachants.



Une fois qu’on a bien compris que ces figures politiques de premier plan, de grands fauves, sont en guerre totale les uns contre les autres, avec des moyens humains et financiers considérables, le détail de leurs affrontements politiques m’a paru lassant, ce qui explique ma note mitigée. Je reconnais le grand et beau travail de Leonardo Padura sur ce sujet historique, mais je serai heureux de le retrouver plutôt avec une enquête de Mario Conde.

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Poussière dans le vent

J'ai retrouvé avec bonheur la belle écriture de Padura (bravo, au passage, au traducteur) dont les descriptions pittoresques nous emmènent dans les quartiers de la Havane — mais pas seulement — et qui sait mener le lecteur tout au long de plus de 600 pages sans l'essouffler ni le perdre dans les relations complexes de ses différents personnages. C'est, on le sait, un maître du roman policier mais on est ici plutôt dans un autre genre: une saga qui s'échelonne sur plusieurs décennies et permet de voir monter les générations… On retrace donc une partie de l'histoire récente de Cuba, son effondrement économique après la chute de l'URSS et les défections qui en découlent. Puis on vit à la génération suivante l'ouverture relative qu'a permis la reprise des relations avec les États-Unis sous la présidence d'Obama. Voilà pour la toile de fond sur laquelle se jouent les rencontres, les séparations et même les trahisons des nombreux personnages du roman. Chaque caractère est suffisamment bien défini pour que le lecteur développe des relations d'affinité ou de méfiance vis-à-vis des uns et des autres. Et même si les situations sont parfois rocambolesques voire improbables, le savoir-faire de l'auteur fait qu'on ne se lasse pas de vouloir en savoir plus…

Ce n'est pas à mon avis le meilleur roman que Padura ait écrit (j'ai préféré L'homme qui aimait les chiens) mais je n'hésite tout de même pas à lui attribuer quatre étoiles. Je n'hésiterais pas non plus, si d'aventure on s'enquerrait de mon avis, à lui faire une place dans la liste de nobélisables mais je sais bien que je ne suis pas prophète en la matière puisque Philip Roth que je place personnellement très haut n'en a pas reçu l'honneur…
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Une enquête de Mario Conde : La transparence ..

Nous retrouvons Mario Conde à la recherche d'une statue pour rendre service à un ancien camarade de classe et pour l'argent, bien sûr.

L'intrigue se partage entre le Cuba d'aujourd'hui et des incursions du XIIième au XXième siècles dans lesquelles est racontée l'histoire de cette vierge noire.

L'intérêt du roman se trouve essentiellement dans le style de l'auteur, ses réflexions sur Cuba et ses descriptions de l'amitié.

Il y a quelques longueurs dans le récit.

Les personnages ont du caractère et sont attachants.

Il y a du rhum, de la pauvreté, des difficultés à trouver les biens de première nécessités des désillusions et de la corruption.

Toutefois les personnages sont attachés à leur pays.

La plume de Leonardo Padura est toujours aussi élégante et rien que pour ça, ce roman vaut le coup.

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Une enquête de Mario Conde : Mort d'un chinoi..

Un vieux chinois a été assassiné. Pendu avec son chien dans son misérable appartement, un doigt tranché, le corps recouvert de signes ésotériques, Pedro Cuang a-t-il été victime d’un meurtre rituel ou d’une vengeance ? Pour l’inspecteur Mario Conde, l’enquête est inhabituelle : c’est sa première incursion dans le Barrio chinois de La Havane dont il ne connait ni les codes, ni les usages. Il sollicite donc l’aide de son ami Juan Chion pour le guider dans le quartier et lui expliquer les mœurs de ses congénères.



Une enquête à part dans le parcours du Conde et dans la bibliographie de Leonardo Padura. Prétexte pour parler de l’immigration chinoise à Cuba, on y découvre un Mario Conde totalement ignorant de cette communauté et qui collectionne les préjugés. Pourtant, les premiers Chinois sont arrivés sur l’île dès 1847 ! Ils ont travaillé dans les champs de canne à sucre ou de tabac et ont même participé aux guerres d’indépendance. Au fil du temps, ils se sont ‘’cubanisés’’, épousant des locaux, quittant le quartier chinois qui est tombé est désuétude. Conde découvre cependant un monde à part, un noyau dur qui continue de perpétuer leurs traditions et croyances d’origine, est impliqué dans le trafic de drogue et organise des jeux clandestins. Le policier navigue donc entre rituels ancestraux, trafics en tout genre et jeux d’argent afin de trouver le meurtrier.

Ce livre n’est pas le meilleur de Padura et pourra déstabiliser ceux qui ne connaissent pas le Conde. On le sait fragile et droit, attaché à son île et à sa bande d’amis, trop attiré par l’alcool et les femmes, on le découvre ici un brin raciste, insistant lourdement sur la puanteur des Chinois…Une déception pour cette parenthèse dans le parcours de Mario Conde qu’il faut pourtant absolument découvrir dans les autres titres de l’auteur.

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Une enquête de Mario Conde : La transparence ..

Condé approche de ses soixante ans avec grande anxiété . Ancien flic, il vit du commerce des livres tout en espérant en écrire un. Sa relation avec Tamara et ses soirées avec ses vieux potes du lycée, entre rhum, gastronomie locale et cigare, à défaut de faire de lui un homme comblé, lui procure un certain épanouissement.

Jusqu'à ce qu'un autre vieux pote de lycée , Bobby, vienne lui confier une affaire privée. Il s'est fait dépouiller par son jeune amant qui a profité de son absence pour dévaliser sa maison. Dans le butin , une mystérieuse statue de vierge noire dont la perte anéantit Bobby.



Bienvenue à Cuba en 2014. l'enquête menée par Condé nous fait visiter La Havane en proie à de profondes mutations après l'ouverture du pays , confinés sur lui même depuis la révolution. C'est plein de couleur , le rhum coule à flot, le tabac local est à l'honneur. On découvre les nouveaux riches laissant pantois l'ancienne génération mais aussi les bidonvilles sans foi ni loi aux mains des " Palestiniens", ces migrants venus de l'est de l'île.

On parcourt le monde si extravagant des marchands d'art.

Parallèlement, on remonte le temps pour découvrir la vraie nature de cette fameuse vierge. La guerre civile espagnole, le moyen âge, les templiers...Beaucoup d'érudition la dessous.

Tout cela se fait dans un style admirable , teinté d'humour , de fatalité, d'amour, d'amitié.

Je me suis quand même un peu lassé de toutes ces digressions , qui même si elles étaient remarquablement écrites m'ont un peu détourné de la substantifique moelle de l’œuvre.

Mais nul doute que l'auteur a voulu nous montrer le Cuba d'aujourd'hui en le reliant à cette histoire de vierge dont la remontée du temps était un peu longuette.

Un mot sur l'aspect policier du livre : Une enquête bien menée , un peu éloignée des habituels poncifs du genre sans être non plus révolutionnaire.

Une très belle plume que je n'hésiterai pas à fréquenter à nouveau !
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Une enquête de Mario Conde : Vents de carême

Cap vers le sud, pour découvrir Cuba (et pour changer des polars nordiques…)



On ne connait souvent de Cuba que l’ami Fidel ou les plages, on oublie que cette île, à peine plus petite que l’Islande, compte plus d’habitants que la Suède (11 millions) !



Pour goûter l’atmosphère du pays, accompagnons le lieutenant Mario Condé à La Havane. Pendant cette enquête, il sera tiraillé entre la nostalgie du collège où il a étudié et un meurtre très actuel.



On pourra aussi être au fait de sa vie privée, ses amours et ses aventures sexuelles, ses amis d’enfance et les gueuletons qu’il déguste avec son ami le Flaco.



Un polar sans prétention, dans une ambiance différente…

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Une enquête de Mario Conde : Hérétiques

Voici un roman complexe et foisonnant, qui rend hommage aux hérétiques contemporains ou anciens, osant défier leur religion ou l'ordre établi. Sa construction biblique en trois livres et une genèse, assez ironique compte tenu du titre, permet de séparer le récit en trois parties distinctes, bien que liées.



Le héros, ou plutôt anti-héros, de cette histoire est Mario Conde, ex-policier cubain, qui vivote maintenant en revendant des livres anciens. Dans la première partie (livre de Daniel), il aide le fils de Daniel Kaminsky — juif polonais émigré à La Havane avant la guerre — à reconstituer le parcours de son père sur les traces d'un mystérieux tableau de Rembrandt extorqué à sa famille à l'époque nazie.

La deuxième partie (livre d'Elias), située au XVIIe siècle à Amsterdam, décrit la vie de Rembrandt et d'un de ses apprentis, expliquant ainsi l'origine du fameux tableau.

Retour à La Havane pour la troisième partie (livre de Judith), où Conde enquête cette fois sur la disparition d'une jeune fille. Cette sombre affaire le remettra contre toute attente sur la piste du tableau.

Quant à la genèse, en partie tirée d'une chronique du XVIIe siècle, je vous signale seulement qu'il faut avoir le cœur bien accroché pour la lire...



Reconstitution historique et polar, immersion dans la Havane de 1939 à nos jours, biographie de Rembrandt, essai sur la liberté ou sur la persécution des juifs au cours des siècles, les 600 pages d'Hérétiques ne cèdent jamais à la facilité. Une fois acclimatée aux redondances de Leonardo Padura, qui ne lésine ni sur les adjectifs ni sur les explications, j’ai adoré suivre Mario Conde, ses bouteilles de rhum et sa vieille clique de copains tous affublés de surnoms: le Flaco (le maigre), le Conejo (le lapin), Candito el Rojo (le rouge), Yoyi el Palomo (le pigeon)… . Vieux con et macho dans l'âme, mais très fidèle en amitié comme en amour, Conde est décidément bien attachant. En revanche, j’ai trouvé la partie sur Rembrandt et son apprenti, bien que très documentée, un peu lente et touffue à mon goût. Heureusement que Conde reprend la main, et la bouteille, dans la dernière partie.



Au cours du récit, l'auteur fait souvent référence à ses enquêtes précédentes. Il n'est pas nécessaire de les avoir lues pour suivre celle-ci, mais je me laisserais bien tenter par une nouvelle virée à la Havane ! C'est l'occasion d'ajouter quelques titres à mon pense-bête.



*** Livre sélectionné pour le prix Libraires en Seine 2015 ; prix décerné à Jacob, Jacob ***
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Retour à Ithaque



Deuxième film de Laurent Cantet - Palme d'Or avec entre les murs dans les Caraïbes après le très réussi « Vers le sud », et deuxième film en langue étrangère après « Foxfire », "Retour à Ithaque "était sorti en salles dans une relative confidentialité en décembre 2014 alors même que le film était vraiment emballant et réussi.



Dans cette version publiée en livre chez Metailié du scénario du film Retour à Ithaque (2014) co-écrite par Leonardo Padura et le réalisateur Laurent Cantet, les dialogues font une analyse brillante de la façon dont une génération éduquée dans et pour la révolution a été frustrée de toutes ses aspirations par l’évolution du pays et s’est réfugiée dans la force et la fragilité de l’amitié.



Le récit, tel que Cantet le voulait est l'histoire d'une amitié mise à mal par la vie, mais qui reste seule capable de résister à l'engloutissement des individus. et en ce sens, constitue un des meilleurs films- et livre désormais- sur l'amitié, ce sujet si fertile en histoire de qualité bien inégale



Tout le scénario conserve une unité de lieu et de temps : une terrasse sur un toit de Cuba pendant toute une soirée jusqu’à l’aube : le dispositif pourrait faire penser à du théâtre filmé mais c’est sans compter la grande maitrise de Cantet pour distiller des plans superbes et s’appuyer sur un montage vif et alerte qui laisse l’ennui à la porte du film.



Les deux auteurs nous racontent aussi le tournage du film à Cuba et nous font partager l’amour du cinéma et l’émerveillement de la création artistique.Peu à peu, grâce à ces 5 personnages d’intellectuels désabusés, le film, qui commençait comme une comédie ironique devient un portrait d’une génération désillusionnée qui a cru à la révolution et qui a vu tous leurs idéaux s’envoler peu à peu.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une enquête de Mario Conde : L'automne à Cuba

Mario Conde est un flic cubain désabusé. L'après "revolucion" n'offre rien à cette génération de trentenaires dans les années 1990 sinon une longue plainte ou de la résignation face aux privations, aux tickets de rationnements et à la corruption.

Le rhum coule à flot. C'est bien la seule chose qui marche à Cuba.



Ce livre n'est donc pas seulement un bon policier. Il y a un contexte bien vu. le sujet de la génération sacrifiée et désenchantée - comme dirait Mylène- ressort à chaque page.



Tout aurait pu me plaire sans le personnage principal. Son portrait a tout d'un beauf: une vision des femmes limitée à leur cul(-bas), un questionnement récurrent sur la taille et l'état de son membre, le ménage c'est pas pour lui, etc: le gros beauf!. Ma déception ne vient donc que du très peu de profondeur que Padura a donné à son personnage.



Bukowski m'a semblé plus fin!





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Une enquête de Mario Conde : L'automne à Cuba

J'aime bien plonger avec Leonardo Padura dans "son" Cuba. Avant lui, je n'avais lu aucun témoignage de ce que pouvait être la vie des cubains restés au pays. De cette "chape de plomb" au-dessus de leurs têtes, comme une menace permanente... le Cuba de Fidel. Ils ont appris à vivre avec "le manque". Manque de quoi ? Manque de tout ! Ils se sont construit une philosophie particulière, qui leur est propre. Dans les romans de Padura, l'intrigue policière n'est qu'un prétexte, c'est bien de la vie des Cubains de La Havane dont il est question.
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Poussière dans le vent

J’avais envie d’en savoir plus sur Cuba.

Leurs vies, leurs problèmes, leurs guerres, leurs victoires, leurs exils… Et sur tous ses sujets, je fus conquise…

Mais je ne sais pas, je suis déçu, je m’attendais à autre chose de plus fort, de plus intense… La photo sur la couverture m’a intrigué… J’y ai lu de l’amour, de la passion, du désir et de l’espoir…

Alors, je reste sur ma faim… L’histoire est répétitive, même si je me suis attaché aux personnages, il y a un, je ne sais quoi d’inabouti…



Donc… je lirai d’autres romans de cet auteur, car j’affectionne Cuba ! Cette île si mystérieuse !



Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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L'homme qui aimait les chiens

Au travers de son personnage principal, Ramon Mercader, l'auteur retrace la désillusion que fût le "stalinisme".

La terreur que le petit "Père des peuples" à instauré et la Peur qui en à découlé, ont fermé les bouches et tués les consciences.

Ce livre est dense, précis, il nous promène de Moscou à Cuba et de Paris à Barcelone en passant par New-York.

C'est un mélange de fiction et de réalité, où la petite histoire d'un républicain espagnol rejoint la grande histoire du XXème siècle.

Padura Fuentes reste impartial et n'hésite pas à critiquer la "victime", il décrit les manipulations psychologique et dialectique misent en place par les penseurs moscovites du N.K.V.D, le "bras de fer" à distance entre Trotsky et Staline...très instructif.





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Une enquête de Mario Conde : La transparence ..

J’ai fait la connaissance de Mario Conde dans Passé parfait ( l’histoire se déroule en 1989) . Depuis, vingt cinq ans ont passé (nous sommes en 2014) , Mario vieillit, il aborde la soixantaine avec quelques inquiétudes métaphysiques et des petits problèmes de santé. Le voilà, à nouveau, sollicité par un ami pour résoudre un problème de vol concernant, notamment, une antique vierge qui a connu bien des péripéties au cours des siècles.

La Havane s’est encore altérée, la corruption y est grande, les pauvres sont plus pauvres, les riches, souvent grâce aux trafics en tous genres, plus riches.

J'ai visionné récemment un reportage mettant en exergue cette dégradation, cette précarité qui s'accentuent faute de touristes plus importants, car désormais les États Unis refusent le visa aux visiteurs, s’ils ont, auparavant, opéré un séjour touristique à Cuba.



J’ai trouvé beaucoup de similitudes entre le personnage de Mario Condé et celui de Fabio Montale (trilogie marseillaise d’Izzo, que je viens de relire attentivement pour une conférence) : sens de l’amitié, de la fraternité, mise en exergue de la pauvreté, de la discrimination…
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Ouragans tropicaux

Pleins feux donc, sur Cuba, en 2016, alors que l’île s’apprête à recevoir la visite de Barak Obama, suivie par celle des Rolling Stones, un défilé Chanel pour se terminer sur un match de base-ball. L’île est en ébullition, les touristes arrivent en nombre, tout le monde espère un changement.



En même temps, un vieux cacique, Quevedo, ancien ministre de la culture connu par son intransigeance, vis-à-vis de tout comportement non conforme, mais qui dans la vie privée n’était pas aussi propre que cela. Débordée par la mobilisation massive pour encadrer la visite d’Obama, la police fait appel à Mario Conde, flic à la retraite reconverti en bibliothécaire. Comment enquêter sereinement quand on loin d’être un sympathisant de l’ancien ministre ?



En parallèle, Leonardo Paduro nous raconte une autre histoire, survenue en 1910, au moment où le passage de la comète de Halley soulève les peurs, la fin du monde ? Il s’agit de l’histoire d’un jeune proxénète, Alberto Yarini, à qui tout sourit, jusqu’à envisager une carrière politique, sur fond de guerre entre gangs de proxénètes, avec à nouveau des assassinats à la clé, celui d’une jeune prostituée découpée en morceaux.



En fait, ce qui se passe en 1910, prend racine des années avant, lors de la guerre d’indépendance, quand l’île s’est libérée de la colonisation espagnole pour tomber sous l’influence des USA, et ainsi que le présent, dans le passé, comme on le découvrira…



Ce roman m’a donné du fil à retordre, les va-et-vient entre 1910 et 2016, avec de nombreux personnages dont je n’arrivais pas à retenir les noms, (concentration en berne depuis quelques mois) ; je l’ai donc posé, repris reposé plusieurs fois, prête à lâcher la lecture, mais eurêka le dernier tiers m’a passionnée, car les nombreuses références à l’histoire de Cuba ont pris le pas sur l’enquête policière et je me suis laissée porter, ce que j’aurais dû faire dès le début. Peut-être ma concentration s’était-elle un peu réveillée, entre temps.



J’ai pris du plaisir dans cette dernière partie, ce qui m’a fait tempérer mes réactions allergiques du départ. Je mets quand même un bémol : Leonardo Paduro a tendance à noyer le lecteur, sous un flot de détails qui ne sont pas forcément indispensables à la compréhension, voire l’accentuent. Il m’a donné envie de me pencher sur le passé de Cuba, la période de l’indépendance, ce qui a amené au régime castriste, (car je ne connais vraiment que celle période-là).



J’ai bien aimé le scepticisme de Mario Conde, à propos des conséquences de la visite de Barak Obama sur les éventuels changements, car il pense que tout restera comme avant, comme après le passage d’un ouragan tropical, la manière dont il considère les Rolling Stones, qu’il qualifie de « vieillards », car il leur préfère les Beatles (moi aussi d’ailleurs).



Je n’ai lu Poussière dans le vent, le précédent roman de Leonardo Paduro qui m’a beaucoup plu, et L’homme qui aimait les chiens me nargue toujours, bien en vue, sur une étagère de ma bibliothèque…



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur.



#Ouraganstropicaux #NetGalleyFrance !
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Une enquête de Mario Conde : Les brumes du pa..

Une fois de plus, Padura nous entraîne dans le Cuba mythique des années 1950. Notre guide est le commissaire Mario Conde, mais cette fois, il n’est plus flic, mais vendeur de beaux livres....Padura titille les rivages ambiguës de notre personnalité, comme le sont ceux de ses personnages. Nous aimons l'authenticité de l'Espagne de Franco, du Cuba de Batista, mais nous nous en défendons...voire !

Les héros du livre avaient 18 ou 20 ans dans les années 1970, il se sont écorchés les mains pendant la grande campagne de coupe de la canne à sucre, celle qui devait sauver le pays, sortir l’île du marasme économique dans lequel l’embargo l’a plongé. Près de trente ans plus tard, ils constatent, amers, qu’il ne leur reste que les ampoules aux mains et les cals.

Personne à Cuba ne croit plus à la grande révolution castriste et, la «démerde» bat son plein, dans un système qui refuse de jeter l’éponge et de passer à autre chose, mais tolère des pratiques qu’il réprouve officiellement.

Dans ce conetxte explosif, les bibliothécaires payés deux-cent-soixante pesos par mois, alors qu’ils ont la responsabilité d’ouvrages dépassant les plusieurs milliers de pesos, sont tentés, et certains n'hésitent pas à franchir le pss, troquant sur des marchés parallèles, des ouvrages qu’ils sont chargés de conserver en l’état pour les lecteurs. Mais la perspective de gagner en un rien de temps jusqu’à vingt mois de salaire, est plus forte que tout.

Drogue, prostitution, rackets, dans des quartiers dont les immeubles s'effondrent, malgré les étais qui permettent de continuer à vivre, sont les autres alternatives. Brader les fonds culturels du pays apparaît moins risqué et finalement pas si grave que cela.

Mario Conde est un sentimental, il est entouré de ses amis nostalgiques d’une époque, celle où ils pirataient les disques interdits des Beatles, des Creedence Clearwater Revival et autres Chicago.

Ils sont simplement nostalgiques de leur jeunesse, même s’ils ne croient plus aux idéaux qui l’on bercée.

Ils n’y seront jamais indifférents.

La générosité et la solidarité vraies est ce qui leur reste de cette époque. Générosité et solidarité dont chacun sait faire preuve lorsqu’une bonne fortune croise son chemin. Il est acquis qu’il en partagera les bénéfices avec ses amis de toujours, rhums vieux, cigares, plats fins, fête au menu...

Mario Conde, vendeur de livres anciens, s’est associé avec Yopi El Palomo, un jeune homme dont il est l’aîné de plus de trente ans. Ce dernier fait aussi dans le commerce des livres anciens et traite Conde et ses amis (Carlos El Flaco, sa mère Josefina, Caudito El Rojo, Conejo), de martiens.

La fortune leur sourit seulement lorsque le hasard le veut bien (ces hasards leurs sont souvent annoncés par une prémonition de Condé, son faux début d'infarctus le chatouille et il sent qu’il va se passer quelque chose d'extraordinaire)

Pour Conde, cette fois, le hasard met sur son chemin la bibliothèque des Montes de Oca, une richissime famille cubaine.Un trésor estimé à plusieurs milliers de dollars américains, même si Conde considère qu’un bon tiers de ces livres ne doit pas quitter Cuba, au grand dam de son associé qui a beaucoup moins de scrupules que l’ex policier.

Cependant, la bibliothèque recèle autre chose que des livres et ramène Conde et El Palomo à l’histoire ancienne de Cuba, base arrière de la maffia américaine, avec Meyer Lanski, Joe Luciano et autre parrains venant en villégiature sur l’île, souvent avec la bénédiction des USA et du dictateur Batista. Nous étions à l’époque du Tout Sauf le Communisme (TSC).

Conde découvre ainsi l'existence de Violeta del Rio, une chanteuse de boléro qui fait tourner la tête à tous ceux qui l’entendent, hommes ou femmes.

«Je suis foutu ! Il va falloir que je sache qui était cette femme et ce qui a bien pu lui arriver.»

« Elle avait un timbre un peu rauque, de femme mûre qui a beaucoup bu dans sa vie, elle n’élevait jamais trop la voix, elle disait presque les boléros plus qu’elle ne les chantait et dès qu’elle se lançait, les gens se taisaient, ils en oubliaient leurs verres, parce qu’elle avait quelque chose d’une sorcière qui hypnotisait tout le monde, les hommes et les femmes, les souteneurs et les putains, les ivrognes et les drogués, car les boléros elle en faisait un drame et pas n’importe quelle chanson (...) comme si c’était les choses de sa propre vie qu’elle racontait là, devant tout le monde.»



Son suicide, au fait de sa gloire, reste un mystère, est-il un meurtre maquillé, où un pur hasard survenu en même temps que des épisodes de l’histoire la plus sanglante de la mafia.

L’assassinat de Dionisio, le fils de la gouvernante de Alcides Montes de Oca ne serait-il pas lui aussi en line avec la mort de violeta ?

Conde, bien que vendeur de livres, est embarqué dans une enquête qui le force à redevenir le flic affûté, remonter le temps, à interroger des témoins d’un âge canonique dont aucun, pourtant n’a perdu la mémoire :



Le journaliste et critique musical, Rafael Gíro :



« Le boléro, c’est pas n’importe quoi, bine sûr que non : pour le chanter, il faut l’assumer plutôt que l’éprouver. Le boléro n’est pas une réalité, mais un désir de réalité auquel on accède à travers l'apparence de la réalité, vous me suivez ? C’est pas grave...»



Le timbalier de l’orchestre Rogelito :



« (...) ce jour là, elle ne travaillait pas, mais elle chantait parce qu’elle avait envie de chanter et Frank Emilio au piano avait très envie de jouer et comme tous les deux en avaient très envie, ce qu’ils ont fait cette nuit-là, c’est quelque chose qu’on n’oublie jamais, même si on vit mille ans. Je t’ai déjà dit que Violeta était un sacré beau brin de fille ? D’accord, elle avait dix-hui ou dix-neuf ans et à cet âge-là, elles sont toutes appétissantes, même la mère Teresa de Calcutta ! »



Kathy Barqué, la chanteuse de boléro dont le succès est menacé par le le talent érotique de Violeta, la chanteuse à la voix envoutante :



« Tout à coup, cette Violeta a fait son apparition, décidée à me prendre ce qui m’appartenait . Elle avait la jeunesse, un corps, je crois qu’elle avait même un coeur, mais il lui manquait les ovaires...et un maître pour lui apprendre à chanter.»



Tous confirment peu ou prou l'intuition de Mario Conde.



Une plongée historique dans ce Cuba disparu qui survit uniquement par la musique, les voitures américaines, et une nostalgie qui étreint toute la société cubain, malgré les promesses de Castro et les privations connus sous l’ère Batista.

Conde fait oeuvre d’historien, au delà de l’intrigue policière menée de façon admirable, un meurtre, des suspects, des témoins, des mensonges, des demi-vérités. Le roman nous permet de découvrir un monde englouti que le film de Wim Wenders, Buena Vista Social Club nous a montré la partie émergée. Padura nous entraine au fonds dans une apnée dévastatrice. On pense aussi en le lisant, à la série HBO Boardwalk Empire dans laquelle Meyer Lansky et Joe Luciano apparaissent.

La leçon de ce livre émouvant de nostalgie, écrit avec maestria, documenté avec précision, est qu’au delà des systèmes qui veulent les maîtriser, les asservir, leur livre des prêts-à-penser, les humains font toujours preuve d’une imagination qui peut quelquefois dépasser le pire...soit construire un univers de valeurs étanche qui leur permet d’échapper un temps au rouleau compresseur de la norme morale religieuse ou économique.



Je recommande chaudement la lecture de Les brumes du passé...



Comme chante Violeta del Rio :



«Je serai dans ta vie, le meilleur

Des brumes du passé

Quand tu parviendras

à m’oublier,

Comme le plus beau ver est

celui

dont on ne peut

se souvenir...

Oui, maintenant...

Quitte moi.



Ne pleurez surtout pas...courez vite lire Les brumes du passé !
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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L'homme qui aimait les chiens

Plutôt que « L’homme qui aimait les chiens» on pourrait dire les hommes qui aimaient les chiens car les protagonistes principaux de ce roman sont tous reliés, entre autre, par leur amour des chiens, et cet amour est un point d’ancrage pour leurs vies errantes, leurs vies volées et éclatées. Il leur permet de rester fidèles à eux-même, de garder un peu de leur âme.

« C’était la chronique même de l’avilissement d’un rêve et un témoignage sur l’un des crimes les plus abjects jamais commis, non seulement parce qu’il affectait le destin de Trotski, après tout concurrent de ce jeu pour le pouvoir et protagoniste de nombreuses atrocités historiques, mais aussi celui de millions de gens entraînés -- malgré eux, bien souvent sans que personne ne se souciât de leurs désirs -- par le ressac de l’histoire et la folie de leurs maîtres déguisés en bienfaiteurs, en messies, en élus, en héritiers de la nécessité historique et de la dialectique incontournable de la lutte des classes.» p 373
Cette réflexion que se fait Ivan, le narrateur cubain de cette longue histoire, résume bien ce que ce roman de Padura nous fait vivre, dans une démonstration et selon une construction sans faille. 


C’est dans un climat de peur où règnent le mensonge et la délation que tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire vont voir leur vie et celle de leur proches détruites. La manipulation est reine et le manipulateur suprême est Staline qui perfectionne son oeuvre d’effacement de la mémoire. 


A travers la nasse mise en place, dès le début de l’exil de Trotski, qui se refermera lentement sur lui et sa famille, après que chaque maillon ait été forgé et soudé à un autre, nous revisitons l’histoire du XXème siècle où des millions d’êtres vont être broyés. L’idéal révolutionnaire qui a fait se soulever des millions de personnes a été détourné au profit du pouvoir bureaucratique et totalitaire d’un seul. Que ce soit ceux qui ont été tués comme opposants ou déclarés comme tels, ou ceux qui ont tué en se croyant justifiés par leur participation à l’avènement de ce rêve de société égalitaire, ils auront au final tous été cyniquement dupés, laminés après avoir perdu toute individualité. Et au-delà de la révolte et du dégoût que peut susciter ce gâchis on ne peut s’empêcher de ressentir une grande compassion devant tant de souffrance.


Comme Ivan le narrateur, qui s’efforce de rassembler tout ce que Jaime Lopez, l’homme aux deux Barzoï, rencontré sur la plage, lui a confié de la vie de Ramon Mercader l’assassin de Trotski, le lecteur va vouloir savoir, comprendre, tenter de découvrir et démêler le vrai du faux. Et Padura réussit à nous tenir en haleine au long des sept cents pages de ce roman qui, loin d’être rébarbatif devient de plus en plus passionnant. Une histoire aux multiples ramifications qui ne trouvera son épilogue tragique qu’en 2004.

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