AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Leonid Andreïev (64)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Les sept pendus

Les Sept Pendus, c'est un récit très réaliste, s'appuyant sur une bonne documentation et issu principalement de l'activité terroriste intense qui secouait la Russie encore Tsariste du tout début du XXème siècle. Certains attentats touchaient leur cible, d'autres étaient déjoués à la dernière minute. C'est sur l'un de ces attentats que s'appuie le livre tout comme la pièce d'Albert Camus, Les Justes.



Ici, Leonid Andreïev, sort légèrement de son chemin habituel en 1908, lui qui s'orientait résolument vers une forme de symbolisme ou d'expressionnisme pour revenir à un récit plus brut, ou disons, d'apparence plus brute. Car en réalité, même sous un traitement très réaliste, le cas limite qu'il choisit s'apparente à une forme d'expressionnisme.



La situation est tellement exceptionnelle, tellement " surréaliste ", tellement éloignée de l'expérience ordinaire de tout un chacun que c'est finalement une forme d'expressionnisme. Certes, la littérature du XIXème en général et russe en particulier de manque pas d'écrits devisant de la peine de mort ou d'exécution, l'un des fleurons du genre est d'ailleurs français et à mettre à l'actif de Victor Hugo avec Le Dernier Jour D'Un Condamné. Tourguéniev de son côté a rédigé L'Exécution De Troppmann.



Or si dans Les Sept Pendus, bien évidemment on peut y lire une dénonciation de la peine de mort, cela ne semble pas le seul objectif poursuivi par l'auteur. Il commence d'ailleurs très intelligemment son récit par une analogie très forte entre le destin du ministre visé par l'attentat, prévenu in-extremis et celui des condamnés.



Ici, ce qui ressort à mes yeux, c'est l'homologie de destin quand on vous dit : tel jour à telle heure, vous allez mourir. Andreïev sonde le poison psychologique que constitue une telle certitude. Et c'est ça le sujet du livre. Nous savons tous que nous allons mourir, c'est inscrit dans le contrat, mais la vie nous ménage une petite clémence en noyant d'incertitude le moment exact où cela interviendra. Et c'est ça qui rend la vie vivable.



Qu'on soit ministre en exercice, brigand reconnu, criminel crapuleux ou assassin politique, l'horrible c'est le : tel jour, telle heure, tu vas mourir ! C'est là, semble-t-il, le véritable châtiment de la peine de mort, la torture même, peut-être plus encore que la mort elle-même. Chaque seconde qui passe est ton ennemie, et, quand tu souhaites que cela s'arrête et que chaque seconde qui passe fait semblant d'être ton amie, c'est ton ennemi quand même.



Ce livre est admirable d'un point de vue psychologique, salué par des condamnés à mort eux-même qui en soulignent la véracité, l'authenticité psychologique voire psychiatrique. Les alternances de phases, tous les leurres, tous les mensonges que le condamné se débite pour tromper cette certitude, toutes les réactions du corps qui, comme un programme qui aurait une défaillance, se met à produire des réactions anarchiques.



Bref, pas spécialement une lecture de plage, mais un petit récit très bien fait, très bien écrit, avec le ton juste et qui met dans le mille, à savoir nous interroger, nous questionner sur la mort, d'une part, et son annonce inéluctable d'autre part. Je pense que cette thématique pourrait aussi fortement interpeler les personnes qui ont, d'une façon ou d'un autre, attenté à leurs propres jours. Mais ce n'est que mon avis, pendable, c'est-à-dire, pas grand-chose au bout d'une corde.
Commenter  J’apprécie          880
Dies Irae

Décidément, cette collection de petits formats des éditions du Rocher n'arrête pas de m'étonner et de me ravir. On peut y lire pléthore d'auteurs russes pas forcément très connus sous nos longitudes, bien que majeurs en leurs terres. Leonid Andreïev fait partie de ceux-là.



Ici, avec Dies Iræ, il nous délivre un petit écrit de forme assez peu académique, de la longueur d'une nouvelle mais séparé en deux chants, lesquels chants sont segmentés en chapitre (?) ou strophes (?), je ne sais trop quel terme employer, sachant que certaines de ces sections peuvent n'être constituées que d'un seul mot, voire, pour l'une d'entre-elles, que d'une succession de deux lignes de pointillés, avec un pouvoir suggestif appréciable, mais le plus souvent il s'agit d'un ou plusieurs paragraphes, parfois coupés de dialogues, d'où ma difficulté à catégoriser l'écrit en question.



Mais peu importe la forme, me direz-vous, qu'en est-il du fond ? Andreïev se réapproprie, bien évidemment, le poème apocalyptique des chants grégoriens ou des requiem pour en faire un outil d'édification plus moderne, plus social ou sociétal que mystique. J'aurais tendance à croire qu'il s'agit d'une réflexion à haute voix, sous forme de fiction, sur la liberté et la captivité, d'une part, et sur la vie et la mort d'autre part, plus particulièrement, sur la peur de la mort et/ou la légitimité de la mort et de la vie.



Oui, je sais bien qu'exprimé comme ceci, cela paraît un peu confus, mais j'échoue à le formuler plus intelligiblement. Le narrateur, Geronimo Pascagna, est un prisonnier, qu'on soupçonne un peu dérangé mentalement, mais ce n'est pas très clair. Il nous parle de ses codétenus.



D'après les sonorités, on suppose que la scène se déroule en Italie, mais ce n'est jamais précisé formellement, ni surtout OÙ en Italie, car le lieu pourrait avoir de l'importance. En effet, tout ce que le narrateur nous expose, les faits comme la réflexion, semble le fruit de ce que l'on suppose être un vaste tremblement de terre, mais, là encore, ce n'est pas précisé formellement, peut-être parce que le narrateur lui-même n'en a pas pleinement conscience ou parce que l'auteur souhaite désigner un " jour de colère " général, qui puisse être naturel ou fruit d'une révolution humaine.



L'effet de ce " tremblement de terre ", réel ou symbolique, est de faire ployer et s'effondrer tout ce que l'on croyait intangible et inaltérable, comme les murs et les barreaux de la prison, par exemple.



Si bien qu'à l'heure du drame, où la ville est en ruine, à l'heure où la ville dépeuplée compte et pleure ses multiples morts, Geronimo et ses comparses jouissent d'une liberté inespérée.



Le narrateur ne tarde pas à nous dire que tous ses codétenus ont rapidement été fusillés. Mais ils n'ont pas été fusillés au motif qu'ils s'étaient évadés lors de la catastrophe, non, ils sont fusillés au motif que pour survivre et tâcher de se vêtir moindrement, ils ont pris sur les morts. D'où une première réflexion, sur le respect dû aux morts et celui dû aux vivants.



Geronimo, lui, n'est pas fusillé, bien que capturé avec les autres, car on ne perçoit sur lui rien qui indique qu'il se soit servi sur les morts. En revanche, on se dépêche de le remettre derrière les barreaux. De là, une seconde réflexion d'Andreïev, à savoir que, suite à une catastrophe telle qu'un gigantesque séisme, les maisons sont encore toutes à terre, la vie est encore largement désordonnée que déjà, et semble-t-il avant tout autre, un nouveau bâtiment pénitentiaire voit le jour, comme si c'était la priorité des priorités.



Enfin, parmi ces réflexions de Dies Iræ, littéralement en latin " jour de colère ", je vois également une évocation en parallèle de la peur et de la liberté. Les détenus ou condamnés à mort, affranchis de la peur de mourir y sont plus libres que les hommes libres tiraillés par la peur de mourir.



Et finalement, derrière tous ces symboles ou ces allégoriques évocations, que faut-il y lire ? Une crainte de rebâtir quelque chose de totalement nouveau au lendemain d'un effondrement cataclysmique, — comme une révolution par exemple — et qui pousserait les survivants, comme pour se rassurer, à remettre la société sur les rails qu'elle vient de quitter ? Pourquoi rebâtir cette prison, et surtout en premier ? N'est-ce pas l'occasion de passer l'éponge, au moins partiellement, de redonner une chance aux vivants plutôt que d'en faire à nouveau des morts vivants à l'heure où tant sont morts ?



En somme, un texte certes court mais au(x) développement(s) possiblement multiple(s) car particulièrement propice à l'herméneutique. Ce faisant, un texte aux vertus allégoriques et symboliques, voire philosophiques qui, s'il nous dérange un peu car n'offrant pas d'interprétation toute faite ni facile, n'en est sans doute que plus intéressant car, il permet probablement autant d'interprétations et de lectures différentes et diverses qu'il existe de lecteurs. C'est vrai pour tout livre, mais de celui-ci en particulier.



Mais quoi qu'il arrive, ne vous mettez pas en colère en ce jour car ceci n'est qu'un avis, un tout petit avis, confus qui plus est, c'est-à-dire, très peu de chose.
Commenter  J’apprécie          650
Le Rire rouge

"Le rire est le propre de l'Homme"



... disait très justement Rabelais, mais quelle sorte de rire ? Or, l'homme rit de bien des façons différentes.

Il y a le rire franc et le rire jaune. Et aussi le fou rire... à ne pas confondre avec le rire fou. Sans oublier le rire hystérique, cynique, diabolique ou... le rire rouge.

Je dis "diable" et je dis "fou" et je dis "Leonid Andreïev", et je pense toujours la même chose. On pourrait polémiquer sur la question - qui ou quoi est exactement le diable ? - mais si vous me demandez un synonyme après cette lecture, cet homme-là pourrait très bien faire l'affaire.

Un Russe qui a vécu au début du 20ème siècle, alcoolique, fou, écrivain incroyable et expressionniste qui va vous retourner l'estomac ou vous donnera envie de vous prosterner à ses pieds. Ou les deux.



Grand ami de Maxime Gorki (si on oublie quelques épisodes orageux), Andreïev était tout ce qu'il pouvait être. Auteur, peintre, journaliste, grand critique de la société et visionnaire. Et c'est sans doute cette vision sceptique de l'avenir (une sorte de Jules Verne déformé et effrayé par le monde) qui a imprégné son oeuvre par des images de l'indescriptible horreur et de la peur.

Il a traversé comme une comète le ciel littéraire russe, pour tomber presque aussitôt dans l'oubli, aggravé encore par son émigration au Grand Duché de Finlande en 1910. Il n'a été redécouvert qu'avec le début de la perestroïka soviétique dans les années 1980.



Vous connaissez peut-être son histoire "Les Sept Pendus". Je venais d'être légèrement déstabilisée par "Le Gouffre", avant de tomber dans le même recueil sur ceci : une nouvelle de 50 pages intitulée "Le Rire rouge"...

Il s'agit d'un cauchemar concentré de la guerre, et d'un encore plus cauchemardesque retour à la maison. La terreur pure qui se matérialise en images et en mirages dans le journal d'un jeune soldat qui a survécu. Mais il n'a pas pu échapper à ses démons, et le lecteur s'enfoncera lentement avec lui dans l'abyme de la folie, de plus en plus grande.

Les fragments disparates de ses notes, pas toujours logiquement ordonnées, intensifient encore le sentiment d'anxiété et de panique croissante, et la façon avec laquelle Andreïev décrit le glissement progressif et irréversible d'un esprit autrefois sain dans le chaos, c'est quelque chose qu'on pourrait comparer à une monstrueuse raffinerie bruyante qui ne s'arrête jamais de tourner.

On entre dedans en individu sain et heureux, et on en ressort avec le cerveau en mélasse.



Peut-être que je glorifie inutilement Andreïev, peut-être devrais-je prendre du recul et regarder son œuvre avec plus d'objectivité, mais Andreïev n'est pas Hugo, ni Verne, ni Gorki. Andreïev, en tant que personne qui a lutté toute sa vie avec ses troubles mentaux (et qui est vraiment devenu temporairement fou, après avoir terminé "Le Rire rouge"), n'est pas de ceux qui pourraient résister à la tentation de débiter l'esprit humain en copeaux, les disperser autour de le chambre et y mettre le feu.

Si vous trouvez le courage de finir "Le Rire rouge", vous aurez une déplaisante impression qu'il y a quelqu'un d'autre avec vous, dans la pièce vide.

Le rouge - le rouge du sang, du ciel et du rire - vous rentre sous la peau et vous vous retrouvez désemparé face à la démence cosmique, parmi les centaines et les milliers de morts dans les plaines russes... cinquième verste, sixième verste... jusqu'à l'horizon écarlate qui vous nargue par son rictus effronté.



Cette nouvelle sur la folie - toutes formes de folie - est un plaidoyer contre la guerre, et l'auteur a choisi la persuasion par la terreur ; un procédé aussi efficace que la contemplation du "Cri" de Munch : le même horizon rouge-sang, la même angoisse. On peut imaginer la guerre grâce aux films, aux reportages, aux livres, mais on n'a toujours pas la moindre idée ce qu'est vraiment la guerre. Tant mieux ; je ne fais pas semblant de comprendre, car je ne le veux même pas. Mais après avoir lu "Le Rire rouge", je garde sur le palais un drôle d'arrière-goût qui a du mal à disparaître... et c'est tout le grand art d'Andreïev. 5/5



"... se penchant vers moi, il murmura à travers ses dents jaunes, enfumées :

- Il viendra bientôt un moment où personne ne sortira d’ici. Oui. Ni moi, ni personne.

Et je vis dans ses yeux proches ce quelque chose d’inerte, d’ahuri. Et quelque chose de terrible, d’insoutenable, pareil à l’écroulement de milliers de maisons me traversa le cerveau et, glacé de terreur, je balbutiai :

- Le rire rouge.

Et il fut le premier à me comprendre."
Commenter  J’apprécie          6423
Les sept pendus

Je viens de découvrir cet auteur qui m’a beaucoup plu. Il aborde la mort sous plusieurs aspects, tout d’abord la peine de mort avec une description rapide des jugements, et le séjour dans ce qu’on appellerait aujourd’hui les couloirs de la mort : il faut attendre qu’il y ait un nombre suffisant de prisonniers pour exercer la sentence, on va donc mélanger un groupe de « terroristes » condamnés pour un attentat déjoué à temps et deux autres détenus qui ont tué.



L’auteur aborde également la transformation du fonctionnement mental des condamnés, face à l’échéance : ils savent qu’ils vont mourir mais quand ? le tic-tac sadique de l’horloge qui sonne tous les quarts-d ’heure est là pour rappeler à chacun les secondes qui s’égrènent.



Cette incertitude de l’heure par rapport à la certitude de la mort est envisagée pour chacun des personnages et on voit leur évolution parfois surprenante, le plus motivé idéologiquement n’est pas forcément le plus indifférent…



Il y en a même un qui est dans le déni : on ne peut pas le tuer.



Andreïev évoque aussi, via le général qui a échappé à l’attentat, comment le fait d’être passé à deux doigts de la mort peut avoir des conséquences catastrophiques, car notre général imagine tout ce qui aurait pu se passer : syndrome du survivant ?



On accompagne les condamnés jusqu’à la fin et les relations entre eux, leur communication va évoluer, à la suite de leur cheminement personnel.



Une nouvelle très intense, bien écrite publiée en 1908…



Challenge XIXe siècle
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          490
Les sept pendus

Se retrouver dans la tête de 7 personnes, cela peut être divertissant, amusant, intéressant, intrigant, mais se retrouver dans la tête de 7 personnes qui sont condamnées à la peine capitale, c'est une autre histoire. Ici on va vivre les interrogations les angoisses et découvrir comment chacun s'approprie le temps, comment chacun s'arrange avec cette mort certaine et programmée . Ce n'est pas tant la mort en soi qui hante ces personnages mais bien plus l'attente et savoir que la vie va prendre fin dans un temps proche. Tout le monde sait que la mort arrivera un jour ou l'autre mais on ne sait pas quand et c'est ce qui en fait l'événement supportable. Le fait de savoir, bouleverse le temps qui passe et qui devient lui-même un bourreau. Chaque personne  va être décrite, on passe d'une tête à l'autre. Il y a 5 terroristes qui veulent assassiner le ministre, leur initiative sera arrêtée avant qu'ils puissent jeter leurs bombes. Ces 5 "terroristes" sont Serguei, Tañía, Vassili, Moussia et Werner.

Il y a également un employé de ferme qui est déficient mentalement et Michka.

Tout est décrit avec une plume que j'ai envie de qualifier de silencieuse et de pudique. Le moment où les familles viennent les voir est fort et, pour ma part, très émouvant. C'est de la littérature russe, donc il y a cet aspect sombre que l'on retrouve bien.

Le sujet de la peine de mort est évidemment traité mais de façon beaucoup plus discrète que je le pensais.

Commenter  J’apprécie          475
Les sept pendus

« Aujourd'hui la vie, demain la mort. »



Nous découvrons à tour de rôle sept condamnés à mort par pendaison, cinq terroristes et deux assassins. Nous les découvrons dans un premier temps à l'énoncé de leur verdict, dans une attitude de façade, puis, dans l'isolement de leur cellule, en tête à tête avec cette mort inéluctable qui les fixe droit dans les yeux sans ciller et dont ils aimeraient bien pouvoir détourner le regard.



« Il n'avait jamais pensé à la mort ; pour lui, elle n'avait point de forme. Mais maintenant, il sentait nettement, qu'elle était entrée dans la cellule, qu'elle le cherchait en tâtonnant. »



J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui nous plonge dans les tourments du compte à rebours de la mort.

Le tour de force de l'auteur, selon moi, est de parvenir à donner corps et vie à la mort. Il donne un visage à la mort et nous renvoie à notre propre regard sur la mort : comment vivre quand on connait à l'avance le moment de sa mort, quand elle ne peut plus être évitée ou retardée, ou vice versa, comment mourir quand il faut composer avec la vie ? « Ce n'est pas mourir qui est terrible, c'est de savoir qu'on va mourir. »



Acculés, avec un pied dans la vie et l'autre dans la mort, les protagonistes vont réagir et évoluer selon leur personnalité. Certains passages, avec les familles notamment, sont particulièrement touchants. Ce sont sept attitudes différentes qui sont déclinées, sept manières différentes de tromper l'attente de la mort, toutes aussi réalistes les unes que les autres, et qui vont parfois les surprendre eux-mêmes. Je devrais sans doute dire huit manières différentes, si j'inclus celle de ce ministre dans le premier chapitre à qui il est annoncé qu'un attentat à son encontre est sur le point d'être déjoué.



Cette nouvelle n'est pas aussi plombante que le thème pourrait le laisser supposer. Mais elle dépeint sans fioritures, avec beaucoup de justesse et d'authenticité, les réactions que peut avoir un individu en prenant conscience de sa mort imminente, quand bien même il ne la craindrait pas et penserait y être préparé. Une très belle découverte.



« La vie et la mort marchaient simultanément sur deux plans, et jusqu'à la fin, jusque dans les détails les plus risibles et les plus stupides, la vie restait la vie. »
Commenter  J’apprécie          4310
S.O.S.

"Nous aimions tous la liberté-quel esclave ne l'aime pas et n'en rêve pas ! Mais c'est une chose d'aimer la liberté, et c'en est une autre de savoir être libre. "(p. 18)



Me rendant tout récemment près de la Fac de Jussieu, je suis rentrée fouiner dans une bouquinerie , qui était en plus, "surprise"... le siège social des éditions Sillage ! J'ai ainsi trouvé ce recueil de 4 articles de Leonid Andreiev; les deux premiers publiés en 2017, dont le premier, cinglant sur la "Censure", et plus grave ,sur l'"autocensure" des artistes dans un pays sous terreur !... le deuxième , prémonitoire, s'adresse de façon véhémente et ironique au "Grand Lénine", qui méprise son peuple !!...



Le troisième texte écrit en 1919 est un appel au secours international, adressé à tous les pays... pour faire prendre conscience à tous de la situation désastreuse de la Russie et de la fausseté de cette Révolution qui continue à terroriser et à écraser le peuple !...



"S.O.S

"Viens juste voir, et je t'assure que tu seras horrifié, tu maudiras les imposteurs et les menteurs qui ont fait passer cette épouvantable tyrannie pour un élan de tout le peuple russe vers la liberté. Et toi, l'Italien, et vous, le Japonais, le Suédois, l'Indien, qui que vous soyez ! Il y a dans tous les peuples des gens généreux, et j'en appelle à chaque homme, à chaque homme personnellement. Car le temps est venu où tous les hommes du monde entier doivent se battre, non pour un morceau de terre, non pour le pouvoir et l'argent, mais pour l'être humain , pour sa victoire sur la bête sauvage. Comprenez que ce n'est pas une révolution ce qui se passe en Russie, ce qui a déjà commencé en Allemagne et qui va se répandre plus

loin encore ! "(p. 54)



Le 4ème écrit, "L'Europe en danger" est inachevé; Andreiev, est mort avant de l'avoir terminé....



Ces 4 articles qui s'étalent sur seulement deux années de l'histoire russe, entre 1917 et 1919; temps de bouleversements terribles et de l'arrivée des bolcheviks au pouvoir ! Les textes sont incroyablement prémonitoires , troublants et visionnaires !

Le style est lyrique, violent, passionné ...pris dans le feu des événements !!....
Commenter  J’apprécie          420
La Pensée

La pensée «Мысль» est une nouvelle qui a été écrite et publiée en 1902 par Leonid Andreïev (1871-1919). J'ai lu une traduction de T. de Wyzewa et S. Persky des éditions Marabout (1960).



C'est le premier texte que je lis de l'auteur et je l'ai trouvé vraiment excellent. Un gros coup de coeur.



Le docteur Anton Kerjentzef a décidé d'assassiner son ami Alexis Saviélof. Pour éviter d'être condamné, il a l'intention de simuler la folie.



Kerjentzef raconte son histoire alors qu'il attend son procès dans un hôpital psychiatrique. Il tente de répondre à cette question : a-t-il feint la folie pour tuer ou a-t-il tué car il était fou ?



Un texte qui vaut vraiment le détour.









Challenge ABC 2021-2022

Challenge littérature slave orientale





Commenter  J’apprécie          383
Le Rire rouge

Ce récit fut édité en 1904 il est constitué de dix-neuf fragments tirés d'un manuscrit trouvé.

Andréïev a une jeunesse difficile, il perd son père et sa famille rencontre alors des difficultés financières, il va beaucoup en souffrir. Ses écrits sont le reflet d'une sensibilité exacerbée et d'une personnalité angoissée avec un gout prononcé pour le morbide. Il faut lire « le mur » et « les sept pendus ». Jeune, il fit deux tentatives de suicide et toute sa vie il sera guidé par une soif de l'absolu et cherchera un sens à la vie.



Dans le rire rouge il s'interroge sur la cruauté et l'absurdité de la guerre, ici il s'agit de la guerre de Mandchourie mais son récit de « l'horreur et de l'effroi » est terriblement universel. le rire rouge est d'une écriture hyperréaliste et d'une force inouïe, Andreïev n'écrit-il pas lui-même : « je voudrais que l'homme pâlisse de terreur en lisant mon livre, que celui-ci soit pour lui comme une drogue, comme un cauchemar, terrifiant, qu'il perde la raison, qu'il me maudisse … »

A la sortie de cette lecture il m'est difficile d'écrire des mots qui ne soient pas fades et inutiles, tant l'écriture d'Andreïev touche au sublime. Il décrit cette mécanique de guerre où tuer sans état d'âme mène à la folie : « C'est le rire rouge. Quand la terre devient folle, elle se met à rire de cette façon. Tu le sais bien que la terre est devenue folie. Elle n'a plus de fleurs ni de chansons. Elle est devenue ronde, lisse et rouge, comme un tête que l'on a dépecée. »



Je vous engage vivement à découvrir cet écrivain il est assurément parmi les grands et Sophie Benech en est l'excellente traductrice.

Belle découverte !



Commenter  J’apprécie          380
La Pensée

Le médecin Anton Kerjentzef a assassiné son ami intime, Alexis Constantinovitch Saviétof.

Assassinat car le meurtre a été dûment prémédité, Anton a, pour ce faire, simulé la folie.

De l’hôpital psychiatrique où il est interné et soumis à l’examen de plusieurs spécialistes, il adresse à ceux-ci huit feuillets où il explique ce qui s’est passé…

Ces feuillets dans lesquels Anton se livre représentent une véritable introspection profonde de sa personnalité, un exposé de ses motifs, du cheminement de sa pensée, de la méticuleuse préparation de son crime, de son accomplissement et du terrible dilemme qui en suivit : a-t-il simulé la folie pour tuer ou a-t-il tué parce qu’il était fou ?

Leonid Andreïev réussit ici un tour de force dans l’étude du caractère d’Anton, au moyen de l’examen fait par celui-ci, bien des aspects sont relatés, c’est manifestement un Homer inteligent, brillant même, il a une profonde confiance en lui, il est solitaire et méprisé les autres, il est athée - la vie n’a aucun sens…



Lorsque le dilemme se présente à lui, j’ai trouvé cette relation absolument extraordinaire.

Et en fin de compte, ce dilemme, je ne puis le trancher …



C’est une nouvelle, le texte est donc court mais que c’est dense !

Quelle force dans ces pages !

Commenter  J’apprécie          370
La vie de l'homme

J’ai découvert cette pièce de théâtre en cinq actes grâce à une chronique d’André Markowicz où il parlait de la traduction et réédition de cette pièce rare, même en Russie. L’article a piqué ma curiosité car j’apprécie cet écrivain.

Joué en 1907, cette pièce « la vie de l’homme » marquera le théâtre russe. La mise en scène originale et innovatrice de Meyerhold bouscule alors les règles classiques. Une série de tableaux traite des différentes étapes de « la vie de l’homme » Andreïev nous parle de la toute puissance du destin. Il semble fataliste. Il faut à ce titre évoquer la nature révoltée et tourmentée Andreïev, et de façon suicidaire il a joué avec son destin. André MarKowicz écrit : « Il a fait une première tentative de suicide en se jetant entre les rails d’une voie ferrée, au passage d’un train, après avoir noté dans son journal : « Si je reste en vie, c’est que la vie a un sens ; si le train m’écrase, eh bien, ce sera la volonté de la providence. » par la suite il fit deux autres tentatives.

Ces tableaux : naissance et souffrance de la mère, amour et pauvreté, le malheur de l'homme et bien sûr sa mort... sont dressés dans un clair obscur où la lumière d’une bougie se consumant, constitue le symbole de cette vie. Tout le décor : les tentures noires, les acteurs drapés, l’ombre, la lumière, la musique participent à créer une ambiance lugubre. Il n’est pas facile de transcrire les affres de l’âme humaine. Evidemment lire une pièce de théâtre ne donne qu’une vague idée du décor et de la mise en scène où les symboles tiennent une place prépondérante. C’est tellement nouveau qu’il faut lire et relire, heureusement le texte est court.

Andreïev excelle dans l’écriture des drames de la vie et des souffrances de l’âme humaine, Gorki disait être rempli « d’effroi » par la lecture d’Andreïev. Son écriture est hyperéaliste et noire et c’est le cas dans cette œuvre qui constitue le drame symbolique de la vie de l’homme où tout concourt vers la déchéance et la mort. Dieu ! Que la vie est triste et sombre selon la vision D’Andreïev !

Andreïev explore la relation de l’homme à Dieu il est la puissance d’un ultime recours dans son désespoir, il le maudit et implore son aide. « L’homme » vient de perdre son fils, il est triste, et miséreux, il s’écrie alors en interpelant Dieu : « Quant à toi, je ne sais pas qui tu es, dieu, diable, destin ou vie, mais je te maudis ! ». Il crie sa détresse : « Réponds inconnu… Réponds tout-puissant et miséricordieux »



Le public a accueilli la première représentation avec enthousiasme ! Cette œuvre est importante car Andreïev a écrit de nombreuses pièces de théâtres dont beaucoup sont perdues. Les éditions Mesures viennent de rééditer cet ouvrage André Markowicz en est le traducteur. Dans sa postface il parle du « sanglot du désespoir c’est le nom dit-il qu’avait trouvé Andréï Bély pour qualifier ce dont cette pièce était pénétrée ».

Je déconseille la lecture à ceux qui broient du noir !!!





Commenter  J’apprécie          354
La mordeuse

Voici un beau conte ou une fable plutôt de Andreïev : l’homme et la bête.

La mordeuse, c’est une chienne errante et galeuse, rouée de coups, maltraitée par la population d’un village. Elle est devenue craintive, elle fuit l’homme et elle n’a plus confiance en lui.

Ce récit peut se révéler à double sens, le premier plus littéral et simple s’intéresse au comportement cruel et brut de l’homme envers l’animal celui-ci se rebiffe et attaque mais reste dans les parages en quête de nourriture et de caresses.

Le second plus symbolique où le chien représente la part animale de l’homme, sa brutalité, mais aussi son besoin fondamental de compagnie, de confiance et d’amour.

Andreïev comme souvent dans ses écrits s’intéresse au bien et au mal, à la haine et l’amour. J’ai lu un Andreïev beaucoup plus sombre et terrible faisant trembler de peur ses lecteurs.

Commenter  J’apprécie          320
Le mur

« (…) et le mur se dressait en une masse invincible »



Tout est dit. On espère toujours mais il y a ce mur. Une nouvelle magnifique et pourtant si courte, les mots sont très puissants. On est embarqué dans cet univers de désolation, subjugué par le rire satanique de la nuit. Ici même les montagnes sont chauves ! Le vent souffle et l’homme a peur, terrifié en écoutant « quelque chose d’énorme se mouvoir dans les profondeurs de la terre et gronder sourdement en demandant la liberté. »



« plus terrible que la colère de la nuit et que le rire cruel du mur »



J’ai tout particulièrement apprécié le style de l’auteur. Quand il donne vie aux éléments « la nuit pleurait des larmes de repentir et soupirait péniblement », quand l’inébranlable prend corps et devient mouvant, quand l’immobilité sous la force des mots se fait violente, accentuant d’autant le contraste avec les êtres humains « ces dos étaient immobiles et sourds », qui perdaient toutes leurs caractéristiques vitales.



« Et la nuit s’indignait de notre manque de courage et de notre lâcheté ; elle se mettait à rire d’une manière menaçante, secouant son ventre gris tacheté, tandis que les vieilles montagnes chauves accompagnaient de leur écho ce rire satanique. Tout égayé, le mur lui répondait d’une voix retentissante et folâtre, il laissait tomber sur nous des pierres qui nous meurtrissaient la tête et nous déchiraient le corps. Ainsi s’amusaient ces géants, et ils s’appelaient entre eux. »

Commenter  J’apprécie          312
Les sept pendus

Dans cette nouvelle écrite en 1908 Andreiev nous décrit "un couloir de la mort" les derniers jours de sept condamnés, des terroristes responsables d'un attentat avorté contre un dignitaire. Un fermier Yansson qui a tué son maître et Tsigane meurtrier qui arrive d'Orel, ville natale de Andreiev, et ne pense qu'à sa liberté. Dans une écriture hyperréaliste nous descendons dans les tréfonds de l'âme de ces condamnés. Devant l'insoutenable attente, la raison de Vassali bascule, Ivan conjure incessamment le sort en martelant : "il ne faut pas me pendre" . Moussia, la belle illuminée, oublie sa condamnation et, dans la compassion aide ceux qui angoissent et vacillent devant la mort. Werner veut mourrir dignement, il est enveloppé par une vague de tendresse et d'amour comme sublimé devant la mort. Serge Golovine tourne son regard vers un ciel printanier porteur de renaissance et d'espoir. Dans ces couloirs silencieux et froids où le temps s'écoule rythmé par le son de l'horloge, Andreiev ne nous parle pas de regrets ni de remords, mais d'une attente qui devient terrifiante. C'est un génie dont les sombres écrits sèment l 'effroi, c'est un écorché vif, un coeur en souffrance, un déçu de la révolution et je reste éblouie devant cette écriture réaliste qui fouille si justement l'âme.
Commenter  J’apprécie          300
La victoire des ténèbres

Lorsqu’il écrit cette nouvelle, publiée en 1907, Andreïev vit une période douloureuse de sa vie il vient de perdre son épouse et la révolution de 1905 à échoué. Le titre est évocateur : « La Victoire des ténèbres ».

Notre héros qu’il faut appeler Pierre, est un terroriste révolutionnaire : « En homme dont la jeune existence ressemblait à un coup de dés, il connaissait ces brusques variations du sort et, toujours, il méditait les secrets enseignements. L’enjeu qu’il risquait quotidiennement, c’était la vie elle-même, la sienne et celle d’autrui. » Depuis 48 heures, recherché par la police, l’étau se resserre, et notre chaste héros (« il ignorait les caresses féminines. Sa continence était parfaite ») est contraint de se réfugier dans une maison close auprès de Liouba une prostituée, c’est là qu’il va pour la première fois connaître l’amour.

Pierre, gêné et honteux tente de se mettre à l’aise, et tous deux entament un étrange tête à tête, Pierre troublé par « le froufrou de la soie et le bruit d’un busc décroché » et Liouba étonnée par ce regard doux et rougissant. Mais, Liouba va-t-elle trahir ce terroriste qu’elle a reconnu, et Pierre pourra-t-il exécuter l’attentat, car dans ce monde il semblerait que son âme de révolutionnaire chancèle ?

Andreïev est un écrivain d’une grande sensibilité, obnubilé par la question essentielle du sens et du but de la vie. Les ténèbres, c’est la révolution dans laquelle il lutte, à laquelle il a consacré sa vie, mais l’échec est cuisant.

Ici, Andreïev décrit la situation avec justesse, sensualité et pudeur, il sonde les âmes à merveille, il y a ce très beau dialogue :

- « et pourquoi es-tu si bon ? demanda la fille avec ironie.

Il répondit gravement : Je n’en sais rien. Je suis né ainsi, probablement.

- Et moi, je suis née mauvaise ! Pourtant nous sommes venus au monde de la même manière, la tête la première… ».

Cette nouvelle et moins sombre que les Sept pendus ou le « Mur » et j’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir cet auteur.

Commenter  J’apprécie          290
Dans le sous-sol

Surprenantes et glaciales ces quelques pages de Leonid Andreïev. Il y règne un froid austère et inamical, l’hiver est terrible.



Dans une sombre maison cohabitent trois individus, deux hommes et une femme, aidés d’une servante. Le solitaire, Kijnakof, est le personnage principal, entouré d’un voleur et d’une prostituée. Kijnakof vit dans la pauvreté et ne quitte presque jamais son lit quand bien même le froid s’immisce dans sa chambre. Il est terrifié par ces cauchemars qui prennent vie dès que la nuit tombe et l’usent, au point de n’en plus vouloir vivre. Mais « il fallait vivre. » C’est un tourment pour lui que de voir le jour poindre car il sait qu’alors « se dressait devant lui cette chose affreuse : la conscience impitoyable et lucide qu’un jour nouveau était venu, que lui Kijnakof devrait bientôt se lever et reprendre sa lutte contre la vie sans espoir de vaincre. »



L’auteur nous livre une vision terrifiante de la vie qui ressemble tant à la mort. Paradoxe étonnant, il utilise une prose qui donne vie aux éléments naturels en les rendant encore plus inquiétants et féroces, telle une flaque d’eau qui semble regarder une jeune fille « comme un œil noir et terne, très profond, et ce regard était énigmatique et terrible », la nuit qui « vint, noire et méchante » ou encore le vent qui « enfonça ses griffes d’acier dans ses joues froides. »



Le seul moment où j’ai ressenti un peu de chaleur lors de cette lecture fut la venue d’un nourrisson dans cette maison.

« Alors, le cou tendu, le visage inconsciemment illuminé par un sourire de bonheur singulier, le voleur, la prostituée, l’homme solitaire et perdu restèrent là, autour de cette petite vie, chétive comme un feu dans la plaine, qui les appelait vaguement pour les mener on ne sait où, promettant quelque chose de beau, de lumineux, d’immortel. »



Mais hélas, rien ne dure bien longtemps et « la mort avide s’était déjà assise, sans bruit, et elle attendait, calme, patiente et obstinée. »
Commenter  J’apprécie          272
La Pensée

Médecin, Anton Ignatiévich Kerjentsev commet un assassinat, il tue son ami Alexéi Constantinovitch en simulant la folie, ainsi, il ne pourra être déclaré responsable. le crime accompli, il est arrêté et interné. Pour son procès, il livre son journal : « La Pensée » dans lequel il explique son geste pour guider l'enquête.

Dans ce récit le Dr Kerjentsev explique ce qui l'a poussé à tuer, nous fait découvrir une homme froid, cruel, inhumain, simulateur, se décrivant intelligent avec un pensée « claire lucide, brillante ». Cette pensée méprise les mesquineries, les terreurs et les croyances des hommes : « et je voyais tout en bas, grouiller les hommes, avec leurs passions animales, et mesquines, leur terreur éternelle de la vie et de la mort, avec leurs églises, leurs messes et leurs Te Deum ». Cet homme donc, imbu de lui-même, lucide, calme, témoigne sur son crime, guide et éclaire l'enquête. Au passage, il écorche les tribunaux, les bouscule, se moque, et leur pose cette question, cette énigme : « Ai-je feint la folie pour tuer, ou bien ai-je tué parce que j'étais fou ? » Ce coupable confesse comment il a appris à simuler la folie pour tuer en toute impunité. Mais, à force de simuler le fou ne risquait-il pas de tomber dans la folie ou n'était-il pas déjà fou pour tuer ?

Dans ces 90 pages Léonide Andréiev explore les bas-fonds de l'âme humaine dans un espace entre raison et folie. Léonide Andréiev nous interroge aussi sur la liberté, la lâcheté, la solitude et finalement sur la vie dans ce monde : « Monde fou, heureux dans ta folie, ton réveil sera terrible ! »

Ce petit livre est dense, noir, il faut prendre le temps de le lire et "peser" les phrases qu'il nous livre telle : « Car personne n'est plus fort que moi, et c'est moi, moi, qui suis l'ennemi unique de mon « moi » ! »

Assurément, je vais continuer à découvrir cet auteur qui m'interpelle !

Commenter  J’apprécie          271
Les sept pendus

Une nouvelle qui présente les derniers jours de sept condamnés. Les idéalistes qui projetaient un attentat, l’ouvrier agricole qui a tué mais ne veut pas qu’on le pende, et le Tzigane.

Chacun vit ses derniers moments selon son passé et son degré de réflexion.



Un auteur à découvrir pour moi.



Challenge 19ème siècle 2017

Commenter  J’apprécie          261
Dans le sous-sol

Un récit bouleversant d'une effroyable poésie

Kijmanov est venu se terrer dans un sous-sol en compagnie de voleurs et de prostituées. Son corps est usé, ravagé par la souffrance et l'alcool. La mort le guette comme un oiseau de proie. La nuit, elle s'assoit à son chevet, obstinée, persévérante, tranquille. Aux premières lueurs du jour, il voit onduler des formes grises, informes, effrayantes. Et puis peu à peu, il prend conscience de sa profonde solitude et sa propre lucidité l'effraie plus que la mort. Mais, ce jour-là, une fragile petite allumette d'humanité va venir éclairer le sous-sol...

Lu sur le site de la bibliothèque russe et slave ( 20 pages)
Commenter  J’apprécie          250
À la fenêtre

Editée en 1899 cette nouvelle est tirée du recueil de nouvelles intitulées « le Gouffre et autres nouvelles".

Un homme, André Nicolaiévitch, rivé à sa fenêtre, regarde tomber une fine pluie d’automne, il accroche son regard aux paysages tristes, écoute le volet de la maison d’à coté claquer lugubrement. Derrière les cloisons fines lui parviennent, les bruits d’un voisin ivre et de sa femme qui gémit et le houspille. L’ambiance est maussade et miséreuse. Mais rien ne trouble la rêverie d’André Nicolaiévitch, il contemple la riche et lumineuse maison d’en face et imagine la vie de ses habitants. Il observe les allées et venues, et son imagination l’entraine dans ce monde riche, douillet, riant et inaccessible. Les jours fériés il aime observer la vie des autres. Cet homme est faible et médiocre, il aime sa petite vie bien réglée, ses habitudes, car il est terrorisé par les changemenst, son appartement constitue une prison rassurante dans laquelle « il oublie le Gouffre qui l’épouvante toujours ». Ainsi, cet homme vit par procuration, une phobie des autres et du monde le paralyse. Au travail il aime être dirigé il exècre et redoute l’initiative personnelle, il aime « la sécurité absolu » Mais, il ne peut contrôler ses pensées, ses ennemis, qui deviennent source de peur et d’angoisse : « Elles arrivent, écartent les murs, enlèvent le plafond, jettent André Nicolaiévitch sous le ciel sombre, au milieu de cette place sans limites, ouverte à tous vents, où il semble devenir le centre de la création et où il se sent mal à l’aise ». Seul peut-être son amour pour Natacha sera libérateur. Sa peur et ses angoisses semblent disparaître, mais ses pensées ne vont-elles pas l’assaillir et le faire faiblir ?

Une vie absurde, un monde menaçant, la solitude, l’angoisse, autant de thèmes que Andréiev aborde dans cette nouvelle, et il sonde à merveille l’âme humaine.

Son écriture est fluide les descriptions sont magnifiques, c’est sombre… mais agréable à lire

Commenter  J’apprécie          240




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Leonid Andreïev (187)Voir plus

Quiz Voir plus

Stefan Zweig ou Thomas Mann

La Confusion des sentiments ?

Stefan Zweig
Thomas Mann

10 questions
22 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}