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EAN : 9782268036182
48 pages
Les Editions du Rocher (21/03/2001)
3.5/5   2 notes
Résumé :
Editions du Rocher, 16.5*12 cm, 44 pages
Que lire après Dies IraeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Décidément, cette collection de petits formats des éditions du Rocher n'arrête pas de m'étonner et de me ravir. On peut y lire pléthore d'auteurs russes pas forcément très connus sous nos longitudes, bien que majeurs en leurs terres. Leonid Andreïev fait partie de ceux-là.

Ici, avec Dies Iræ, il nous délivre un petit écrit de forme assez peu académique, de la longueur d'une nouvelle mais séparé en deux chants, lesquels chants sont segmentés en chapitre (?) ou strophes (?), je ne sais trop quel terme employer, sachant que certaines de ces sections peuvent n'être constituées que d'un seul mot, voire, pour l'une d'entre-elles, que d'une succession de deux lignes de pointillés, avec un pouvoir suggestif appréciable, mais le plus souvent il s'agit d'un ou plusieurs paragraphes, parfois coupés de dialogues, d'où ma difficulté à catégoriser l'écrit en question.

Mais peu importe la forme, me direz-vous, qu'en est-il du fond ? Andreïev se réapproprie, bien évidemment, le poème apocalyptique des chants grégoriens ou des requiem pour en faire un outil d'édification plus moderne, plus social ou sociétal que mystique. J'aurais tendance à croire qu'il s'agit d'une réflexion à haute voix, sous forme de fiction, sur la liberté et la captivité, d'une part, et sur la vie et la mort d'autre part, plus particulièrement, sur la peur de la mort et/ou la légitimité de la mort et de la vie.

Oui, je sais bien qu'exprimé comme ceci, cela paraît un peu confus, mais j'échoue à le formuler plus intelligiblement. le narrateur, Geronimo Pascagna, est un prisonnier, qu'on soupçonne un peu dérangé mentalement, mais ce n'est pas très clair. Il nous parle de ses codétenus.

D'après les sonorités, on suppose que la scène se déroule en Italie, mais ce n'est jamais précisé formellement, ni surtout OÙ en Italie, car le lieu pourrait avoir de l'importance. En effet, tout ce que le narrateur nous expose, les faits comme la réflexion, semble le fruit de ce que l'on suppose être un vaste tremblement de terre, mais, là encore, ce n'est pas précisé formellement, peut-être parce que le narrateur lui-même n'en a pas pleinement conscience ou parce que l'auteur souhaite désigner un " jour de colère " général, qui puisse être naturel ou fruit d'une révolution humaine.

L'effet de ce " tremblement de terre ", réel ou symbolique, est de faire ployer et s'effondrer tout ce que l'on croyait intangible et inaltérable, comme les murs et les barreaux de la prison, par exemple.

Si bien qu'à l'heure du drame, où la ville est en ruine, à l'heure où la ville dépeuplée compte et pleure ses multiples morts, Geronimo et ses comparses jouissent d'une liberté inespérée.

Le narrateur ne tarde pas à nous dire que tous ses codétenus ont rapidement été fusillés. Mais ils n'ont pas été fusillés au motif qu'ils s'étaient évadés lors de la catastrophe, non, ils sont fusillés au motif que pour survivre et tâcher de se vêtir moindrement, ils ont pris sur les morts. D'où une première réflexion, sur le respect dû aux morts et celui dû aux vivants.

Geronimo, lui, n'est pas fusillé, bien que capturé avec les autres, car on ne perçoit sur lui rien qui indique qu'il se soit servi sur les morts. En revanche, on se dépêche de le remettre derrière les barreaux. de là, une seconde réflexion d'Andreïev, à savoir que, suite à une catastrophe telle qu'un gigantesque séisme, les maisons sont encore toutes à terre, la vie est encore largement désordonnée que déjà, et semble-t-il avant tout autre, un nouveau bâtiment pénitentiaire voit le jour, comme si c'était la priorité des priorités.

Enfin, parmi ces réflexions de Dies Iræ, littéralement en latin " jour de colère ", je vois également une évocation en parallèle de la peur et de la liberté. Les détenus ou condamnés à mort, affranchis de la peur de mourir y sont plus libres que les hommes libres tiraillés par la peur de mourir.

Et finalement, derrière tous ces symboles ou ces allégoriques évocations, que faut-il y lire ? Une crainte de rebâtir quelque chose de totalement nouveau au lendemain d'un effondrement cataclysmique, — comme une révolution par exemple — et qui pousserait les survivants, comme pour se rassurer, à remettre la société sur les rails qu'elle vient de quitter ? Pourquoi rebâtir cette prison, et surtout en premier ? N'est-ce pas l'occasion de passer l'éponge, au moins partiellement, de redonner une chance aux vivants plutôt que d'en faire à nouveau des morts vivants à l'heure où tant sont morts ?

En somme, un texte certes court mais au(x) développement(s) possiblement multiple(s) car particulièrement propice à l'herméneutique. Ce faisant, un texte aux vertus allégoriques et symboliques, voire philosophiques qui, s'il nous dérange un peu car n'offrant pas d'interprétation toute faite ni facile, n'en est sans doute que plus intéressant car, il permet probablement autant d'interprétations et de lectures différentes et diverses qu'il existe de lecteurs. C'est vrai pour tout livre, mais de celui-ci en particulier.

Mais quoi qu'il arrive, ne vous mettez pas en colère en ce jour car ceci n'est qu'un avis, un tout petit avis, confus qui plus est, c'est-à-dire, très peu de chose.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Si alors je suis vivant, je rirai de joie ; si alors je suis mort, mes os danseront dans leur tombe incertaine. Quelle joyeuse tarentelle ce sera ! Or, peux-tu jurer que cela n'arrivera jamais ? Auparavant, la même secousse m'aura renvoyé à terre : mon cercueil pourri, ma viande corrompue, moi entier, mort et enterré pour l'éternité, écrasé. Car c'est ce qui est arrivé lors de ces jours grandioses : la terre s'est installée au cimetière et les cercueils silencieux ont émergé. Les cercueils silencieux, hôtes malvenus du festin.

CHANT PREMIER, 2.
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Cette procession que j'ai observée derrière le mur était extraordinaire et effrayante. Ils portaient les statues de leurs saints, mais ils ne savaient pas s'ils fallait les hausser encore, ou les précipiter à terre et en piétiner les débris. Les uns les maudissaient encore alors que les autres priaient déjà, mais tous avançaient ensemble, enfants du même père et de la même mère : l'Effroi et la Mort.

CHANT SECOND, 17.
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Tu as refermé la porte de ma prison, l'homme. Quand as-tu trouvé le temps de la bâtir ? Ta maison gît encore parmi les ruines, les os de tes enfants ne sont pas encore nus sur leur tombeau et te voilà déjà à taper du marteau, à assembler au ciment les pierres dociles, à étirer devant ta face le fer obéissant. Comme tu es prompt à bâtir les prisons, l'homme !
Tes églises sont encore écroulées, mais la prison est prête.

CHANT SECOND, 24.
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L'oreille du geôlier est pleine de poils, le trou étroit et serré : faite pour les mots mensongers, onduleux, qui rampent sur le ventre comme les créatures viles. Mes mots à moi marchent droit, ils ont la poitrine saine et le dos large. Ah, comme ils ont déchiré l'oreille tendre et pleine de poils du geôlier !

CHANT PREMIER, 1.
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Les soldats les ont fusillés. Rappelle-toi les noms que je t'ai cités, et les autres, ceux qui n'ont pas de nom, dis-toi simplement : on les a fusillés. Mais garde-toi bien de faire sur ton front le signe de la croix, ou pis encore, de commander une messe : ils n'aimaient pas cela. Honore les fusillés du silence de la vérité, et si tu as envie de mentir trouve un mensonge joyeux, mais surtout pas une messe : ils n'aimaient pas cela.

CHANT PREMIER, 4.
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Video de Leonid Andreïev (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Leonid Andreïev
Le Mur, fable symbolique, fait frissonner : un mur inébranlable se dresse avec cruauté devant des lépreux et des affamés se pressant à ses pieds et leur interdit l’accès à une vie heureuse. Ils représentent l’humanité dans sa lutte pour le bonheur et la liberté. Lecture de Judith Beuret.
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