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Critiques de Lize Spit (259)
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Débâcle

Trois fils narratifs qui alternent en continu, tissant une trame qui ne révèle son terrible dessin (dessein) que dans les dix dernières pages.

Le premier : une journée dans la vie d'Eva, le 30 décembre 2015, racontée par elle-même, presque minute par minute. Où l'on apprend que cette jeune professeure d'arts plastiques qui vit à Bruxelles s'apprête à retourner, pour la première fois depuis treize ans, dans son village natal de la profonde Campine anversoise, pour y solder quelques comptes, emportant dans le coffre de sa voiture un cube de glace. Lequel va, forcément, commencer à fondre à un certain moment.

Le deuxième : un été dans la vie d'Eva et de ses deux amis d'enfance, Pim et Laurens. L'été 2002, caniculaire, poisseux et moite, dans le village susnommé, raconté par elle-même, presque jour par jour. Où l'on observe le trio d'inséparables traîner son ennui à travers la campagne, comme chaque été. Mais cette année, les « trois mousquetaires » ont quatorze ans, âge critique et violent. Les hormones bouillonnent, les deux garçons imaginent un jeu qui consiste à faire se déshabiller les plus jolies filles du village. Eva y assiste en spectatrice et complice presque malgré elle, juste pour que les deux autres ne la rejettent pas. Parce qu'elle sent bien qu'elle, une fille, est nécessairement le maillon faible et que cette amitié d'enfance va, forcément, commencer à fondre à un moment certain, et se liquéfier définitivement le jour où le jeu pervers dérape dans une cruauté sans nom.

Le troisième, en pointillés, un point en avant, deux points en arrière : quelques anecdotes de la vie familiale d'Eva, racontées par elle-même. Où l'on contemple les parents – pathétiques – qui fuient leur mal-être dans l'alcool et les antidépresseurs, et les enfants – attachants – qui fuient le mal-être de leurs parents, le frère aîné en se passionnant pour les insectes, la petite soeur en développant anorexie et TOC, et Eva en se jetant à corps perdu dans son amitié avec Laurens et Pim. Mauvais pari... Et même si la relation solide et solidaire de la fratrie fait contrepoids avec celle, flottante, entre les trois amis, l'on sent bien que ce cadre familial n'en finit pas de fondre, et ne va pas tarder à se dissoudre définitivement.

Trois fils narratifs qui se tressent sans arrêt, distillent progressivement les pièces du puzzle, font croître le malaise et le sentiment de catastrophe imminente, jusqu'à éclairer la scène finale. Enfin, éclairer... Il vaudrait mieux dire « obscurcir »...



Car ce roman est d'une noirceur...

Mais il est phénoménal. Une claque, un coup de poing, un KO debout, un coup de tonnerre, ..., tout ça tout ça. J'ai rarement été autant secouée par une fiction. La scène cruciale m'a laissée nauséeuse et bouleversée, celle qui suit dans la boucherie, désespérée, et la scène finale me hante encore... Nostalgiques de la douceur de l'enfance, des tendres émois de l'adolescence et des belles promesses de l'âge adulte, veaux, vaches, cochons, abandonnez tout espoir, ici tout est dézingué, parfois au sens propre. C'est glauque, malsain et cruel, mais qu'est-ce que c'est bien rendu ! Une écriture faussement légère au service d'une double intrigue de plomb, une construction et un sens du suspense parfaitement maîtrisés. Dans un style cru et réaliste, à peine ironique, l'auteure décrit avec une grande justesse l'adolescence livrée à elle-même, l'exclusion sociale avec le mélange de compassion et de mépris pour ceux qui en sont victimes,  la vie quotidienne étriquée d'un bled de province où tout le monde se connaît et où tout se colporte sauf la vérité.

Ames sensibles amatrices d'air pur de la campagne, abstenez-vous, les seules odeurs ici sont celles de la fosse à purin et de la viande crue.



Un premier roman dérangeant, mais impeccable et sacrément culotté.

Merci à Renod, dont la critique m'a donné envie de lire ce livre!



PS : s'il y avait des reproches à faire, ce ne serait pas à l'auteure. D'abord, le titre français, qui traduit mal l'original : « Het smelt » (« ça fond ») : débâble évoque un changement brutal, soudain, et ne rend pas compte de la lente progression de l'intrigue. La couverture, ensuite : interpellante avec cette image de gamine sophistiquée, mais trompeuse parce que ne correspondant à rien dans l'histoire, hormis la perte de l'innocence.
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Je ne suis pas là

La psychose découpée finement au scalpel…



Quel point commun partagent René Magritte, Luc Kaisin, Aline Dieudonné, Jacques Brel, Philippe Gelück, Arno, François Damiens, Cécile de France, Marguerite Yourcenar, Henri Michaux, Amélie Nothomb, Delvoye Wim (ah ce dernier je l'aime beaucoup) et l'auteur de cet incroyable livre, Lize Spit ?

Oui, iIs sont belges. Ma petite liste est le simple reflet des premiers noms qui me viennent en tête, elle est ainsi vraiment loin d'être exhaustive, mais elle me fait prendre conscience à quel point je ne cesse de m'émerveiller de la scène artistique belge que je trouve particulièrement foisonnante, audacieuse, fraiche, créative. Décalée aussi, souvent ne se prenant pas au sérieux. Réussissant à mêler le burlesque au tragique à coup d'images étonnantes. Oui, les artistes belges ont un petit quelque chose en plus. Une pétulance je dirais.



C'est vraiment le cas avec ce roman totalement addictif, « Je ne suis pas là », plus abouti que le roman qui avait fait connaitre Lize Spit, le fameux « Débâcle » paru en 2018 aux éditions Actes Sud dont la couverture déjà donnait le ton de son contenu particulièrement oppressant et glauque puisqu'il donnait à voir une petite fille fumant nonchalamment une cigarette. Si j'avais été marquée par ce récit devenu désormais inoubliable, j'ai lu son dernier roman littéralement en apnée, épatée par l'écriture de la jeune femme et sa façon très cinématographique d'y orchestrer le suspense.



Léonie, surnommée Léo, vit avec son petit ami Simon depuis dix ans. Leur couple est totalement fusionnel, tous deux fortement liés par une blessure commune en lien avec le décès prématuré de leur mère respective et une enfance troublée. le couple vit parfaitement heureux, comme peuvent l'être deux trentenaires qui réussissent à inventer leur propre monde régi par des règles et des rituels uniques, base d'une relation à nul autre pareil. Un amour tissé à coup de bouloches dans le nombril, de lavages de dos mutuels, de cave à fromage derrière les oreilles, de fous rires, d'intimité totalement dévoilée. Ils deviennent tout l'un pour l'autre, amants, amis, parents.



« Il était bien plus que mon havre dans la tempête, il était ces milliers de ridules formées dans le sable par la marée ou les courants et qui permettaient de marcher sur la plage pendant des kilomètres sans se mouiller les pieds une seule fois ».



Jusqu'à ce que tout change : Simon rentre chez eux au milieu de la nuit et Leo ne le reconnaît plus, ni dans ses gestes, ni dans ses mots, totalement décousus et mégalomanes. Lentement, l'existence méticuleusement construite de Leo s'effondre, jusqu'à mettre sa vie en danger...Lize Spit décortique au scalpel la folie qui s'invite dans ce couple, elle pèle couche après couche l'oignon écoeurant de la psychose qui gangrène le cerveau de Simon, qui ensevelit le couple, qui détruit à petit feu Léo. La jeune femme, face à la paranoïa délirante de son compagnon, voire parfois sa violence la plus abjecte, répond avec beaucoup de dévotion, qui force l'admiration, et parfois un peu de trahison pour tenter de tenir le coup. En se remettant en cause constamment. C'est à la fois terriblement touchant et très haletant, impossible de lâcher le livre tant nous avons peur, craignant le pire au côté de Léo duquel côté nous nous plaçons tout au long du livre.



« Ce n'était pas seulement la maladie qui le rendait malade, mais aussi mon regard sur lui. Si je l'avais perdu, je m'étais perdue tout autant ».



La structure du roman, l'écriture cinématographique et les images décalées, très modernes, participent à ce côté particulièrement haletant. Là où un autre auteur aurait narré cette histoire de folie de façon classique avec beaucoup de pathos, Spit ose. Elle ose l'humour, ose l'horreur, ose les propos crus sans jamais franchir la frontière de la vulgarité, ose la prise de recul via des plans de caméra, des travelings, des zooms, et des arrêts sur image. Sans jugement, jamais. Elle réussit avec beaucoup de talent et de subtilité à faire éclore des images incongrues dans le suspense intenable qui surprennent, étonnent, font sourire tout en disséquant avec application son objet d'étude. C'est fascinant et vertigineux. Je suis sincèrement impressionnée.



Prenons la structure du livre tout d'abord. Nous alternons, de chapitre en chapitre, entre le présent et la passé. le présent, c'est onze minutes à pédaler pour éviter le pire après que la meilleure amie de Léo, Lotte, lui a envoyé un appel téléphonique terrifiant. Et durant ces onze minutes interminables, le passé ressurgit, un passé à la fois proche à savoir les dix derniers mois de cette vie commune durant lesquels la folie, dont l'engrenage implacable est décortiqué, est devenue un personnage à part entière dans ce couple, mais aussi un passé plus lointain, avant ces dix mois, où nous découvrons leurs moments fondateurs de complicité et d'amour pur. Nous comprenons ainsi, sur le vélo de Léo, avec laquelle nous pédalons à perdre haleine comment ces passés plus ou moins lointains projettent leur lumière sur l'effroi actuel de Léo, son comportement tiraillé entre dévotion, amour et horreur.



Prenons l'écriture cinématographique ensuite. Il faut préciser que Léo a fait des études en scénarisation, elle sait écrire, elle écrit d'ailleurs très bien mais a quelque peu délaissé cette voie. Elle travaille comme vendeuse dans une boutique de vêtements de maternité haut de gamme où elle a rencontré son amie Lotte. de ses études de cinéma lui sont restés quelques réflexes dans sa façon de voir et de relater les choses. Ainsi, dans ses pensées, fait-elle allusion par moment à certaines techniques de mise en valeur de la scène qui se joue ou des personnages que nous voyons littéralement avec elle. Cela donne une dimension supplémentaire au récit, à la fois une mise à distance mais en même temps une véritable immersion en décalant notre point de vue, en vivant les scènes autrement.



Enfin, parlons des images, des métaphores, du ton employé par Lize Spit. Il y a mille et une images surprenantes qui pétillent, explosent parfois en un blop étourdissant offrant de belles respirations dans cette plongée en apnée dans la folie. C'est rafraichissant, touchant, poétique et ce sont des images bien marquantes car surprenantes, novatrices, inattendues.



« Plus tard, pour éviter qu'il ne prenne une double dose, j'ai acheté un pilulier à la pharmacie, une sorte de longue boite à sept tiroirs divisés en quatre compartiments, que je remplissais en début de semaine avec les cachets adéquats. Lorsqu'elle était posée debout sur le plan de travail, elle ressemblait à un minuscule immeuble de sept étages avec, derrière les fenêtres, des petites bouilles blafardes ».



Un roman vertigineux dans lequel Lize Spit nous offre une écriture audacieuse et pétillante, plus aboutie que le déjà incroyable Débâcle, sur un thème tout aussi sombre, celui de la folie. Elle en décortique finement l'engrenage nous entrainant dans un suspense intenable jusqu'à la toute fin. Un gros coup de cœur !





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Débâcle

♫Souvenirs, souvenirs

Vous revenez dans ma vie

Illuminant l'avenir

Lorsque mon ciel est trop gris

On dit que le temps vous emporte

Et pourtant ça, j'en suis certain

Souvenirs, souvenirs

Vous resterez mes copains



Des larmes, des larmes, des larmes, des larmes

Roulent sur tes joues

Tu ne sais pas pourquoi tu pleures

T'as l'impression qu'on t'ignore

Quitter la fête avant la fin

Claquer la porte avec fracas

On ne s'inquiétera pas pour toi

Tu fais ça deux fois sur trois



Dans le courage et pour l'hommage

Je me raccroche aux souvenirs

Le temps qu'on calme, le temps d'un drame

Je me raccroche aux souvenirs

Pas qu'une photo mais un bonheur

Pas qu'une chanson pour laquelle on pleure

Me soutiennent dans mes propos

Et m'entraînent traînent traînent

Toujours plus haut♫

Souvenirs, souvenirs - Johnny - 1960 -

Trop vite - Izia Higelin - 2019 -

Les souvenirs - Joyce Jonathan - 2010 -

-----------------------♫-♪-♫-♫-♪-♫--------------------

Elle se souvient, réminiscenses :

des rendez-vous de ses vacances

quand ils faisaient les fous.

De la graisse plein les tifs

D'un shampoing mayo contre les poux

Trois glandus mais elle seule en soutif.

Elle en savait plus sur les autres, leurs rituels

que tout ce qu'on voudrait jamais connaître d'elle.

L'Europe c'est tout sauf l'Amérique

La mer du Nord touche l'Océan Atlantique

c'est la même eau qui les remplit.

bibine sans tétine vs tututte en plastic

Nique la mer, la moule des filles elle est salée

T'as 14 ans, qu'est ce t'en sais !?

Les génisses en rang brinquebalent leurs pis

suffirait qu'elles pètent à l'envers

pour absorber un mousquetaire...

un peu trop pervers.

Une énigme , un mystère

un pendu, une flaque parterre

Tu nous dis ce qui s'est passé

ou tu dois ...te déshabiller.

Passe la wassingue et retire tes fringues !

Sauve -toi, Je sais ce qui va se passer

Faut que Ces choses arrivent

avant de pouvoir les regretter !?

Compter les crocodiles, les touches du clavier

Pathologie, véritable nécessité

une responsabilité imposée

T.O.C, T.O.C, Il faut rentrer

le plus douloureux à présent

sécher tes larmes, l'ado les sang .

Cherche, pour se punir, se repentir

Délai de désagrégation ...des souvenirs



blacklister c'est harceler

Pour une Cinquième roue du carrosse

Même avec nino_cérosse.













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Débâcle

Une tristesse infinie m'habite après avoir refermé ce livre. Triste, amer, d’une terrible violence latente et toujours l'ombre de cette évidente fatalité...oui une lecture dérangeante. J'ai un penchant certain pour les auteurs américains de romans noirs , ceux qui nous parlent de l'Amérique des paumés, ceux qui savent nous décrire les chemins de la quête sans rédemption et Lize Spit est de ceux là. Un petit village flamand, où l'intimité est difficile à gérer, trois enfants nés la même année et qui penseront être amis pour toujours, les familles dysfonctionnelles et bien sûr tous les non dits. Un village perdu où tout se voit mais rien ne se dit réellement. C'est Eva qui , ressent, voit, enregistre et raconte tout . Sa vie, un peu, aujourd'hui à 27 ans, à Bruxelles, puis elle revient sur l'été de ses 14 ans qui nous fera comprendre pourquoi après plus de 10 ans sans y être retournée, elle revient dans son village. En nous racontant la vie à la maison avec le frère, la soeur et les parents alcooliques, elle remonte le temps. Froidement, sans regrets, crûment, Eva nous raconte la fin de l'enfance, l'adolescence et la rencontre avec la sexualité, les amitiés malsaines, l'emprise perverse de ces amitiés, la maladie mentale, les addictions et LA famille...Malgré une narration qui pourrait être un peu plus ramassée, le pari est gagné car en tant que lectrice, je me suis sentie interpellée et non je ne suis pas sortie parfaitement indemne de cette lecture. Débâcle, un bon premier roman noir malheureusement encore trop vrai .
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Débâcle

Faut-il écrire un roman pour se décharger de toute la part effroyable que l’on porte en soi ?

Faut-il la partager avec des dizaines de milliers de lecteurs ?



Encore une fois, je me demande comment c’est possible qu’une jeune-femme-bien-sous-tous-les-rapports puisse se déchainer ainsi…

Déjà, je m’étais posé la question avec Adeline Dieudonné pour « La vraie vie », mais cette auteure avait présenté son histoire sous une forme originale, vive et poétique et je l’avais acceptée et même grandement appréciée grâce à cela.



En lisant ce roman ou plutôt cette débauche d’horreurs de sa compatriote Lize Spit, consignées d’une écriture « hyperréaliste » (oh ça oui !, mais pour moi, ce n’est pas de l’écriture, c’est juste l’effort d’écrire une phrase après l’autre sans effet de style, en utilisant le vocabulaire le plus cru, en décrivant des choses innommables de la façon la plus directe possible), j’ai repensé à Franck Bouysse et son « Né d’aucune femme » qui a été couronné du prix Babelio.



Alors, franchement, je sais que beaucoup d’entre vous vont me dire que je fais ma chochotte, mais je m’en moque complètement.

Pour moi, ce genre de littérature est une façon d’attirer le public toujours avide de sensations fortes et/ou une libération des fantasmes de l’écrivain.

Je n’aime pas cette littérature trop facile parce qu’elle suit exactement les penchants les plus malsains, inavouables et permis ici, puisqu’uniquement (d)écrits.



Un mot de l’histoire pour ceux qui, j’en suis sûre, s’y précipiteront tête baissée : une jeune flamande provenant d’un village de Campine en Belgique, d’une famille lamentable de parents poivrots et suicidaires, nous livre au compte-gouttes ce qu’elle s’apprête à faire en représailles d’un été caniculaire et désastreux quelques années après…

Un ennui profond durant deux-cents pages suivi d’une nausée de plus en plus vive les deux-cents suivantes vous saisiront peut-être.

Quelle débâcle !

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Je ne suis pas là

To spit en anglais : cracher

Lize Spit nous crache à la figure, tout comme les crachats pouvaient atteindre le petit Simon, huit ans, victime de harcèlement scolaire à cause de ses oreilles décollées.

Spit, cela sonne comme le sifflement du serpent qui vient susurrer à nos oreilles avant de nous infliger son venin.

Le venin dont il s’agit ici est insidieux, celui de la maladie mentale, qui petit à petit, fait son nid, jusqu’à un beau jour où nous découvrons effarés, sous le masque, un autre visage que celui de l’être que nous avons aimé des années durant.

Léo, pour Léonie, a suivi des études de scénariste, mais son absence de contacts ne lui a pas permis de faire carrière dans le cinéma. Alors, en attendant des jours meilleurs, elle joue à la vendeuse dans une boutique de vêtements pour femmes enceintes. La présence de Lotte sa collègue, devenue sa meilleure amie lui facilite la tâche.

Léonie pas encore trentenaire se satisfait de sa vie de couple auprès de Simon, jeune graphiste bourré de talent, une immense complicité est née entre eux au fil des ans, après avoir mutuellement pansé leurs plaies, leurs deux mamans étant toutes deux décédées prématurément.

L’avenir semblait radieux pour Léo et Simon, il devait pouvoir se conjuguer au futur pour toujours. Tout semblait possible jusqu’à un certain point de basculement…

Un soir, Simon rentre trop tard, après avoir bu et en arborant un tatouage à l’arrière de ses oreilles anciennement décollées dans un curieux état d’euphorie et de mégalomanie que Léo ne lui a jamais connu auparavant.

Petit à petit, Simon bascule dans la paranoïa, entrainant inexorablement Léo dans sa chute dévastatrice.

Lize Spit décortique brillamment la maladie mentale, la manière dont elle atteint le couple, dont l’autre regarde le mirage de l’ancienne version de son âme sœur se ratatiner peu à peu au sol, comme une veille mue. Sans juger, elle expose les difficultés pour l’entourage de comprendre réellement ce qui se passe malgré sa bonne volonté ou bienveillance. Les liens se distendent entre Léo et Lotte, le fossé se creuse petit à petit, les incompréhensions se font jour…

J’ai eu peur de m’ennuyer au long de ces 510 pages, craignant les redondances, de me cogner dans la boite crânienne de Léo. Mais non, le rythme est haletant, soutenu, nous réalisons aux côtés de Léo une course contre la montre à vélo, dont l’objet ne nous est révélé que petit à petit dans un compte à rebours oppressant qui ne vient se terminer qu’à la toute fin du livre.

L’analyse psychologique des personnages est fine, la structure du livre époustouflante de maitrise, avec un grand art dans la mise en scène, provoquant des flashs visuels que ne suis près d’oublier. L’humour, le cynisme permettent au lecteur un sourire, de reprendre son souffle entre deux passages lus en apnée.

Je n’avais pas lu Débâcle, la couverture m’ayant rebutée, me voilà prête maintenant à sauter le pas afin de poursuivre ma découverte de cette auteure talentueuse.

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Débâcle

Sur l'étal d'une librairie, la couverture de "Débâcle" retient mon attention. On y voit une petite fille à la moue boudeuse tenant à la main une cigarette*. Accroché par la quatrième de couverture, j'achète le roman ignorant encore qu'il s'agit du dernier phénomène littéraire belge.



Voici l'histoire en quelques mots : Eva de Wolf vit à Bruxelles où elle enseigne les arts plastiques. Un soir, elle trouve dans sa boîte aux lettres une invitation qui lui a été adressée par un ami d'enfance. Pim a repris l'exploitation familiale et réside toujours dans le village où ils ont tous deux grandi. C'est l'occasion pour Eva de revenir à Bovenmeer, une bourgade située à la périphérie d'Anvers. La cérémonie attirera ses anciens voisins parmi lesquels devrait se trouver Laurens, l'acolyte de Pim. Elle décide de s'y rendre en emportant avec elle ses traumatismes et un pain de glace...



Une énigme a été habilement placée au coeur de l'intrigue ; le roman est empreint d'un mystère qui va s'éclaircir chapitre après chapitre. La narratrice détaille le déroulement de la journée de l'inauguration et revient sur une période clef de sa vie, l'été 2012. Pendant ces deux mois de vacances, elle a passé son temps libre aux côtés de Pim et Laurens. Désoeuvrés, le trio d'adolescent va orchestrer des jeux interdits au risque de franchir la ligne rouge. Les flashbacks éclairent les nombreux mystères d'un récit chargé d'une tension dramatique. L'atmosphère s'opacifie, la tension monte et le malaise s'installe.



L'auteure rend parfaitement la vie d'un village isolé, l'ennui des longues journées d'été pour les enfants qui ne partent pas, la cruauté des adolescents, les sentiments de mal-être et de solitude et la lente descente aux enfers d'individus en souffrance.



J'ai été marqué par le réalisme empreint de noirceur du texte. Lize Spit a un sens affiné de l'observation et sait s'arrêter sur du vécu ou des détails du quotidien pour en relever le côté sordide. le ton est tour à tour ironique et grinçant et sombre parfois dans le cynisme.



"Débâcle" est un roman coup de poing qui m'a rappelé "le dîner" d'Herman Koch par sa trame originale et son ton caustique. La littérature néerlandaise contemporaine nous livre une nouvelle oeuvre maîtrisée et... dérangeante.





*photographie de Frieke Janssens : https://www.boumbang.com/frieke-janssens/
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Débâcle

La couverture met déjà mal à l'aise. Pourquoi avoir choisi cette lecture ? Sûrement après avoir vu passer quelques étoiles ....alors j'ai commencé à lire...au début, j'ai eu du mal à accrocher avec le style, ma lecture n'était pas fluide....puis j'ai insisté, curieuse d'en savoir plus sur ce trio pré ado puis ado....le malaise a augmenté, ambiance glauque au fil des pages, descriptions précises, cruauté, fausse naïveté....

A mi-parcours, prise entre l'envie d'en savoir plus et celle de tout arrêter, j'ai opté pour une solution qui ne me rend pas fière : lire en diagonale ....revenir parfois en arrière, puis en terminer tant l'atmosphère m'étouffait....

Je reconnais que la trame est solide et sordide à la fois, tissée avec une efficacité redoutable jusqu'au point final et les protagonistes dérangeants au possible...mais je n'ai pas su apprécier le style trop descriptif.
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L'honorable collectionneur

En sauvant un être humain, on sauve l'humanité entière…



Les deux précédents livres de Lize Spit, auteure flamande, m'ont tellement plu de par leur traitement original de thèmes pourtant classiques, surtout « Je ne suis pas là » sur le processus et les ravages de la folie, qu'elle est rentrée dans mon panthéon littéraire au point de me jeter sur son dernier opus en m'écriant : Génial, le dernier Spit !!



Contrairement à ses deux premiers livres, denses et épais, nous avons là un roman très court, moins de 150 pages. Ce livre est en effet à la base une nouvelle qui lui a été demandée dans le cadre de l'édition 2023 du projet annuel Boekenweekgeschenk. Celui-ci vise à offrir une histoire originale à ceux qui achètent des livres en néerlandais.



S'inspirant d'une histoire vraie vécue par l'auteure durant son enfance, celle d'une famille de réfugiés venue s'installer dans son village de Viersel, elle se place à hauteur d'un garçonnet de onze ans, Jimmy, en Belgique flamande, dans les années 1990, pour relater l'histoire d'amitié entre lui et Tristan. Tristan est un réfugié Kosovar qui a fui avec sa famille la guerre du Kosovo. Cette belle amitié est faite d'apprentissage - Jimmy est un excellent élève et c'est tout naturellement que la maitresse lui a demandé d'épauler Tristan dans l'apprentissage du néerlandais - et de découvertes culturelles – Jimmy est souvent chez Tristan, accueilli à bras ouverts par la famille, et découvre ainsi les mets culinaires, les rituels, la langue et les liens qui unissent les membres de cette famille exilée -.



«Tristan aurait pu échouer n'importe où sur la planète, dans n'importe quel pays, mais il s'était justement retrouvé ici, en Belgique. La probabilité de devenir son ami n'en était que plus faible.»



Cette amitié surtout vient égayer la vie du petit garçon qui, depuis que ses parents ont divorcé et que son père l'a comme rejeté, trompe la tristesse et la solitude en collectionnant de façon méticuleuse et passionnée les flippos, vignettes rondes qu'il trouve dans les paquets de chips à l'effigie des Looney tunes. Il rêve d'avoir la plus belle collection de tout le pays et prépare, avec les flippos en double, une superbe collection également pour Tristan devenu peu à peu son meilleur ami.

Cette collection, c'est tout un art qui va de la recherche de pièces de monnaie dans tous les distributeurs du village, en passant par le choix du paquet, la façon de récupérer les flippos, de les nettoyer, de les archiver et de noter dans un carnet le numéro du flippos, la date et le lieu d'achat…Jimmy est véritablement un collectionneur, un honorable collectionneur, et a hâte de transmettre sa passion à Tristan.



Tout le village, ou presque, a réservé un accueil chaleureux à cette famille nombreuse, touché par l'enfer vécu pour arriver jusqu'ici, traversant mers et montagnes au péril de leur vie, ce qui n'est pas sans leur laisser de lourdes séquelles. Mais, malgré leur intégration et les diverses actions pour leur venir en aide, la famille est menacée d'expulsion. Heureusement, Tristan a un plan pour obtenir le droit d'asile et ce plan met curieusement Jimmy a contribution…



Comme à son habitude, l'auteur excelle à faire monter la tension par petites touches jusqu'à l'explosion finale, employant de-ci, de-là quelques images surprenantes dont elle seule a le secret. Des images qui pétillent et dont la fraicheur est saisissante.

Je me souviens, entre autres, de celle-ci de son précédent livre. Elle m'a marquée au point de penser à cette image désormais à chaque fois que je vois un pilulier : « Plus tard, pour éviter qu'il ne prenne une double dose, j'ai acheté un pilulier à la pharmacie, une sorte de longue boite à sept tiroirs divisés en quatre compartiments, que je remplissais en début de semaine avec les cachets adéquats. Lorsqu'elle était posée debout sur le plan de travail, elle ressemblait à un minuscule immeuble de sept étages avec, derrière les fenêtres, des petites bouilles blafardes ».



De même, quelques images sont désormais associés à ce livre, comme celle-ci, dans la famille de Tristan, famille qui a fui les balles : « Il faisait à présent un temps magnifique, le jour passait en pointillé entre les lames des volets roulants, comme si on tirait sur eux des petits plombs de soleil ».





Le récit à hauteur d'enfant avec ses élans, sa naïveté, son idéalisme permet la survenue de telles images qui nous font sourire et nous attendrissent. le récit à hauteur d'enfant permet surtout d'aborder cette amitié sans limite, amitié pure qui peut abolir les différences, les frontières, les préjugés. Alors que le premier roman de Lize Spit pointait la cruauté des enfants et des adolescents, cruauté pouvant devenir traumatisme même une fois devenu adulte, L'Honorable Collectionneur nous touche par son rêve pur de fraternité. Un livre tendre et délicat, qui n'a certes pas la puissance narrative de « Je ne suis pas là » du fait de son format en longue nouvelle, mais qui permet de retrouver la plume singulière de cette auteure si talentueuse !





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Débâcle

Éva, qui habite Bruxelles, reçoit une invitation de Pim, le frère de Jan, qui aurait fêté son 30ème anniversaire. Elle va retourner dans son village natal pour la première fois depuis neuf ans. Un retour sur l’enfance de ces trois amis inséparables nés en 1988. Intermède : la photo de couverture me dérange tellement que je mets un cache le temps de la lecture. Jeux d’enfants ? Éveil de la sexualité jusqu’à la cruauté ? La petite sœur, avec ses tocs, est attachante. Le comportement des parents ? On a la sensation de vivre à côté d’eux mais impossible de deviner pourquoi Jan est mort. Le suspens est bien présent, on attend à chaque page que ça arrive. Que va faire Éva à cette commémoration ? Pourquoi ne voit-elle pas ses parents, frère et sœur ? Pourquoi transport-elle un énorme bloc de glace, en plein hiver, dans sa voiture ? Douche glacée à la finalisation de ces questions qui pénètre en nous, y laissant un fort malaise. Donc bien pour le suspens, mauvais pour âme sensible.
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Je ne suis pas là

Léo (pour Léonie) et Simon, la trentaine, sont en couple depuis dix ans. Un couple fusionnel, d'une solidité sans failles, qui a pris racine, paradoxalement, dans leurs enfances/adolescences lézardées par le décès prématuré de leurs mères respectives. « Nous étions deux piliers de guingois qui, dès lors qu'on les appuierait l'un contre l'autre, auraient plus de stabilité qu'un seul pilier à la verticale. Tout irait bien tant que nous resterions ensemble ». Chacun est l'univers de l'autre, et le monde extérieur n'a pas grand-chose à y faire.

« Tout irait bien tant que nous resterions ensemble »...

Et donc, quand Simon, ou son cerveau, se fait la malle, rien ne va plus. La descente aux enfers commence une nuit de mai 2018, quand Simon rentre d'une soirée dans un état d'excitation excessive, arborant un tatouage bizarre derrière l'oreille. Au fil des jours et des semaines, il sombre dans une psychose et une paranoïa délirantes qui vont peu à peu détruire le cocon qu'avec Léo ils avaient tissé si patiemment. La maladie met en danger non seulement Simon, de plus en plus isolé et inatteignable dans sa bulle pathologique, mais aussi Léo, qui, au bout de la patience et de la compréhension, s'efforce de cacher l'état de Simon à leur entourage, mais qui s'épuise et s'oublie dans cette spirale infernale.

Au fil de ces 500 pages, on s'enfonce de plus en plus loin dans le calvaire de Simon et Léo, de plus en plus profondément dans les strates de la folie et de la psychose. Lize Spit décrit avec une finesse psychologique remarquable la paranoïa de plus en plus prégnante de Simon, ses délires, sa violence, son autodestruction, et l'attitude de Léo, protectrice et compatissante mais intérieurement rongée par le désespoir et la solitude. Au bord de la rupture mentale, elle finit par comprendre qu'elle doit trouver un exutoire, mais ce à quoi elle se raccroche implique de trahir Simon, d'une certaine façon, et donc un énorme dilemme moral et un sentiment de culpabilité.

Comme dans l'impressionnant « Débâcle », Lize Spit entremêle plusieurs fils narratifs : celui d'un compte à rebours de onze minutes, au cours duquel on suit Léo qui traverse Bruxelles à vélo à toute vitesse pour empêcher une catastrophe. Et celui qui s'étale sur dix mois à partir de mai 2018, lorsque Simon commence à ne plus « être là », jusqu'à la potentielle catastrophe en question. S'y ajoutent quelques flash-back sur leur enfance et leur rencontre.

Comme dans « Débâcle », l'écriture de Lize Spit est très visuelle et cinématographique, méticuleuse et sensorielle, parsemée de métaphores d'autant plus marquantes qu'elles sont décalées ou inattendues. Il y a de l'humour (parfois noir), de l'empathie, un sens aigu de l'observation. C'est parfois cru et totalement impudique, mais jamais vulgaire ou voyeur. Cela pose la question de la folie qui transforme le malade, mais aussi tous ceux qui l'entourent et qui tentent de s'adapter à lui. L'amour peut-il résister quand l'un est « absent » ? Notre identité se réduit-elle à notre cerveau ? Est-on encore soi-même quand on sombre dans la folie ? Est-ce réversible ? Peut-on encore être aimé de la même façon par les mêmes personnes ?

Autant de questions (liste non exhaustive) posées par ce roman qui vous tient jusqu'à sa dernière ligne. C'est poignant, oppressant, totalement maîtrisé, impressionnant.



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Débâcle

C'est une écriture hyper réaliste qui peut par moment être crue.

La noirceur de ce roman  est renforcée par cette écriture qui en devient poisseuse, dérangeante. On a par moment envie de dire stop, de détourner les yeux. Cela n'empêche en rien, je dirais même au contraire , de bien saisir la psychologie des personnages,  adolescents perdus, malmenés parfois cruels.

On suit particulièrement Pim, Laurens et Eva, la narratrice. Ces trois enfants,  devenus de jeunes adolescents vont occuper leur été à des jeux de plus en plus "borderline" jusqu'au moment où inévitablement cela dérape.

L'auteur distille les informations avec parcimonie ce qui renforce la tension de ce roman qui offre un climat d'une très grande noirceur.  Les chapitres se partagent deux époques, celle de l'adolescence de ces trois amis durant un été et 13 ans plus tard, lorsque Eva, revient sur le lieu de son enfance pour se venger. On apprend véritablement les raisons de ce retour que vers la fin qui est extrêmement dure.

J'ai lu quelques critiques qui disent ce roman insupportable, ce n'est pas mon avis. Il y a beaucoup de sensibilité dans ce livre . La violence est certes parfois à la limite du supportable mais ce roman nous amène à  creuser l'âme humaine, ses dérives,  le goût pour le pouvoir et l'asservissement.  J'ai aimé ce roman mais n'aimerais pas le voir en film !...
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Je ne suis pas là

le décor est planté dès les toutes premières pages, et Lize Spit le compare au scénario d'un film : “ Donnez aux spectateurs quelques informations d'avance sur le personnage auquel vous souhaitez qu'ils s'identifient et ils seront tout ouïe, fébriles, dévorés par l'envie de crier des avertissements à son intention.”



le personnage ici est une jeune femme, Léo, elle habite à Bruxelles, vit une relation fusionnelle avec son compagnon Simon. Elle est au travail, son téléphone est loin d'elle, il n'arrête pas de sonner, elle ne l'entend pas, et lorsqu'à la fin elle le prend en mains, nous comprenons qu'elle n'a que onze minutes pour agir, qu'une catastrophe se produit peut-être, mais nous ignorons laquelle…

Léo prend son vélo et fonce à travers Bruxelles. Il faudra plus de cinq cent pages au lecteur pour parcourir ce trajet avec elle.



Léo vit avec Simon une histoire d'amour intense, en vase clos, lorsqu'une nuit tout bascule, Simon n'est plus le même, et de jour en jour, son comportement vire au cauchemar…



Léo nous raconte cela au fil des chapitres, certains égrènent le temps qui lui reste avant d'arriver à destination (« encore neuf minutes et trente secondes, boutique centre-ville », « encore neuf minutes, boutique centre-ville », …), ceux-ci sont entrecoupés de chapitres décrivant les événements antérieurs.

Cette construction fait la grande force du roman, nous suivons avec angoisse la course de Léo, il y a un vrai suspense et beaucoup de souffle. C'est oppressant !



Lise Spit a le souci du détail, elle nous décrit le magasin où Léo travaille avec minutie, y apportant même une touche d'humour, on peut suivre le trajet de Léo sur une carte, Bruxelles n'est pas épargnée quand elle décrit la saleté des rues du centre,

« on pouvait rejoindre n'importe quel quartier de Bruxelles en suivant un chemin de chewing-gums crachés par terre. »,

l'insécurité et les insultes faites aux femmes, et on sent qu'elle s'est bien documentée sur les hôpitaux

« La chambre correspondait exactement à ce que j'en attendais, c'était une variation des différents asiles psychiatriques que j'avais vus dans les films : surfaces lisses, pas de télévision, presque pas de jour, murs pastels », sur les différents traitements et médicaments, sur les rechutes.



J'ai ressenti de l'empathie pour Léo, elle se sent impuissante mais tente à travers tout de garder espoir. le souvenir de la belle histoire qu'elle a vécue avec Simon l'aide à rester à ses côtés. Tout deux ont connu des traumatismes dans le passé et ensemble, les ont surmontés.



Lize Spit a souvent des comparaisons étonnantes :

« Son nez faisait tellement saillie qu'elle aurait pu fumer sous la douche sans aucun problème. »

« Il se déplaçait à travers l'appartement comme un état de coquille dans le blanc d'oeuf : dès que j'essayais de poser mon doigt dessus, il trouvait une façon de me glisser entre les doigts. »

J'ai peu apprécié certaines comparaisons peu ragoûtantes et assez crues.



Y aurait-il une spécificité propres à certaines autrices belges qu'elles soient de langue néerlandaise comme Lize Spit (lisez aussi son roman antérieur, Débacle) ou de langue française comme Aline Dieudonné (La vraie vie) ou Isabelle Wéry (Ponney flottant) ?

Toutes les trois nous livrent des oeuvres originales fortes qui ont le don de me secouer !
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Je ne suis pas là

Dix mois difficiles, éprouvants, violents, bouleversants, racontés par Léo, la narratrice, sur deux plans temporels : onze minutes qui s'égrènent et semblent s'étirer indéfiniment, venant sporadiquement entretenir le suspense généré par l'inéluctable, et le récit des événements qui se déroulent du 5 mai 2018 au 22 février 2019. Très habilement, l'autrice, Lize Spit, nous décrit d'ailleurs brièvement les mécanismes du suspense de manière théorique en résumant un cours de scénario qu'elle a suivi. Ce vendredi 22 février 2019, dans la première de ces onze minutes, on ne sait encore rien de Léo sinon qu'elle se sent moins seule depuis qu'elle travaille dans une chaîne de vêtements pour femmes enceintes. C'est son premier jour chez ce nouvel employeur. Son téléphone sonne, mais il est loin d'elle et elle ne l'entend pas. Rétrospectivement, elle se regarde agir ce matin-là comme si elle tenait une caméra et détaille les plans au bénéfice du lecteur. Après ces deux pages et demie déjà très prenantes, Léo va nous raconter ce qu'il s'est passé… Simon, son compagnon depuis 10 ans, rentre au petit matin sans l'avoir prévenue comme ils en ont convenu, et ce n'était encore jamais arrivé depuis qu'ils vivent ensemble. Il lui montre un tatouage tout frais : derrière son oreille, une ligne pointillée, « sorte de guide pour les petits ciseaux tatoués à côté »… Complexé, Simon a subi une chirurgie esthétique parce qu'il avait les oreilles très décollées, ce qui lui avait valu un sévère harcèlement à l'école et même plus tard. Il est surexcité, fébrile, énervé, suspicieux, bref, il n'est plus lui-même.

***

Dans Je ne suis pas là, Léo éprouve fréquemment le besoin de remonter dans le passé, quand tous les deux avaient une vie « normale » avec ses joies, ses peines, ses coups durs et ses bons moments, leurs divergences et leurs nombreux points communs (mort des mères et absence des pères, par exemple). Plus le temps passe, plus les bizarreries de Simon s'intensifient, plus elles inquiètent Léo et déteignent sur les relations de la jeune femme avec ses amis. Simon est un graphiste talentueux qui travaille pour Koen, le compagnon de Lotte, la meilleure amie de Léo. Leur harmonieuse amitié se délite à cause du comportement de Simon, qui vire à la paranoïa : il soupçonne Koen et ses anciens collègues de lui vouloir du mal. Il faudra qu'il perde complètement pied pour accepter enfin de consulter, et admettre que quelque chose ne va pas chez lui… Mais le diagnostic posé, la situation est loin de s'améliorer... La délicatesse de Léo, son amour pour Simon, son dévouement, son empathie finissent par lui pourrir la vie : elle n'agit plus pour elle, mais en fonction de ce qu'il va penser, de ses possibles réactions, tout entière tournée vers ce nouveau Simon qu'elle ne connaît ni ne comprend et qui est venu phagocyter l'homme qu'elle aimait. La maladie prend toute la place chez lui, c'est logique, mais elle aussi se laisse consumer. Elle réussit à ne pas sombrer grâce à un coup de chance qui lui permet de réaliser un de ses rêves les plus chers, mais là encore, rien ne sera simple. Au cours de ma lecture, je me suis dit deux fois que le récit allait devenir long, qu'on finirait par tourner en rond… mais je me suis passionnée pour ce récit difficile et dérangeant, cette plongée dans la maladie mentale qui réussit à être à la fois un documentaire sans concession et un récit lucide absolument passionnant, sans temps morts ni redites, avec une solide dose d'autodérision, jusqu'à la dernière ligne. Chapeau bas !

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Je ne suis pas là

Je ne suis pas là ou anatomie d'une psychose. Dans tout les cas c'est du grand Lize Spit, autrice belge que j'avais découvert avec le fameux Débâcle.

Léo (Léonie) et Simon sont amoureux fou depuis près de dix ans. Jeunes trentenaires la vie leur sourit dirait-on. Pour Léo, études en cinéma/scénarisation elle écrit merveilleusement bien mais a quelque peu délaissé cette voie et travaille comme vendeuse dans une boutique de vêtements de maternité haut de gamme. Simon est un artiste de talent, dessine trop bien, possède une imagination sans limite et travaille comme graphiste. Ils ont un chat, des bouloches dans le nombril, se lavent mutuellement le dos, se surnomment Loulou et Chouchou, bref un amour fusionnel, en symbiose. Ils sont heureux jusqu'à ce que...

Jusqu'à ce que Simon bascule de l'autre côté, de ce côté plus sombre du cerveau, celui qui développe paranoïa, méfiance, mégalomanie, excès.

Le récit c'est onze minutes dans les dix derniers mois de leur vie commune. Onze minutes à pédaler pour éviter le pire.

De ces derniers moments, surgiront les souvenirs, les morceaux de vie commune, le passé de chacun, les détails de certains troubles observés, puis l'incompréhension.

Lize Spit dissèque tranches de vie sur tranches de vie. Rien n'est laissé dans le flou. Tout est là, observé, consigné, documenté, expliqué. Aucun détail de la vie de ce couple ne lui échappe. Elle raconte tout dans une langue parfaite, parfois crue mais toujours juste. Un brin d'humour parfois de l’ironie pour alléger le propos mais jamais de jugement dans son regard.

Honnêtement, en commençant cette lecture, je me suis sérieusement demandée où Lize Spit voulait en venir. Je me suis accrochée. J'ai bien fait car c'est vertigineux. Cette mise en abîme face à la maladie est brusque et destructrice. Plusieurs fois j'ai cru tomber mais j'ai senti qu'on me tenait la main. Heureusement car ce n'est pas évident de sentir monter ainsi l'inquiétude doublée d'égarement au fil des pages. En tant que lectrice j’ai ressenti tout ça et jusqu'à tard dans la nuit, je n'ai pu lâcher ce livre.

Une intrique hautement crédible, un récit authentique, des personnages complexes et attachants, un titre que je recommande chaudement.



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Débâcle

Une fois n'est pas coutume, le roman "Débâcle " de l'auteur belge flamande Lize Spit attire l'oeil avant même d'attaquer une page.



Il faut dire que le livre-presque une fable d'une noirceur indéniable- frappe par sa couverture surprenante et dérangeante. Une fois qu'on a entamé la lecture, l'on s'aperçoit que le visuel choisit correspond parfaitement à la tonalité d'ensemble du livre.



Conte cruel voire macabre, « Débâcle » évolue sur deux époques conjointes pour un suspense inhérent à chaque période, deux périodes qui se rejoindront à un moment charnière du formidable récit .



A Bovenmeer, sinistre patelin de la campagne belge flamande, où tout le monde se connaît, Laurents, Pim et Eva n’étaient que 3 bébés à naître en 1988. Fusionnels depuis l’enfance, l' été 2002 et sa destinée terriblement cruelle marquera la fin de leur amitié.



Eva va se trouver prise au piège de jeux sexuels orchestrés par ses deux copains de classe. Treize ans plus tard, elle décide de retourner sur les lieux du drame. Dès les premières pages, on accroche au style fort percutant, faussement léger de l'auteur et on va plonger dans les ténébres en suivant Eva, de son été en 2002 à son retour treize ans plus tard assoiffée de vengeance, sur les traces d’un passé qu’elle n’a pas digéré, et d'une débâcle qui suit sa propre destinée.



Roman uppercut sur l’enfermement du milieu rural et sur les contours toxiques de la violence et de la cruauté adolescentes - on pense parfois sur certains côtés à "Il faut en finir avec Eddy Bellegueulle", version hétérosexuelle dans lequel la cruauté et violence de vie sont servies par un style impeccable qui épouse avec une grande puissance qui instille un malaise autant insoutenable que délicieux .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Débâcle

Bovenmeer, un petit village belge perdu au fin fond de la Flandre, ancré dans un décor rural morose où le malheur semble se planquer dans un coin en attendant son heure, voilà le décor est planté. Glauque et déprimant.

Si l'E313 ne passait pas à proximité, ce bled pourrait tout aussi bien être rayé de la carte. Rien de très réjouissant me direz-vous.



Exilée à Bruxelles, Eva revient pour la première fois dans son village natal 13 ans plus tard. Déterminée, la jeune femme a rendez-vous avec son passé, un bloc de glace dans le coffre de sa voiture.



Flash-back : nous découvrons la jeune Eva, 14 ans qui comme à l'instar de beaucoup de foyers ruraux vit au sein d'une famille O combien dysfonctionnelle.

Entre les loufoqueries de sa soeur Tessie, son frère Jolan et ses parents alcooliques à tendance suicidaire, Eva forme un trio inséparable avec Pim et Laurens. Tous les 3 nés la même année, la bande d'amis fait les 400 coups depuis leur plus tendre enfance. Les « Mousquetaires » abordent d'ailleurs ensemble les trépidations de l'adolescence qui mettent leurs hormones en ébullition.

Rien ne semble briser leur amitié car Eva endosse depuis toujours le rôle de trait d'union entre les garçons. Au fil de la narration, on pressent de manière latente qu'une chose bien plus grave que des jeux d'enfants est arrivée durant ce fameux été 2002 qui restera à jamais gravé dans sa mémoire.



L'écriture de Lize Spit ne laisse personne indifférent. Il suffit de regarder la couverture choc du roman pour s'en rendre compte. Dérangeant, froid et violent, le roman reflète sa noirceur dans son titre.

Certaines scènes choquent d'ailleurs par leur réalisme cru et une implacable cruauté mais force est de reconnaître que ce roman atypique interpelle par la force de sa narration d'où se dégage une puissante impression de désolation et de fatalité. Si Débâcle n'est à pas à recommander comme antidote à la morosité ambiante, il restera pour ma part une expérience de lecture inoubliable.



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Débâcle

Débâcle est un livre sujet à débat : soit on l'aime, soit on le déteste, mais il ne peut laisser indifférent. On le décrit cru, extrêmement cru, et noir... J'avais envie de me faire ma propre opinion : cette lecture serait-elle dérangeante pour moi ? Allait-elle me heurter jusqu'à la nausée ? Je m'y préparais... et c'est sans doute ce qui m'a permis - beaucoup plus facilement que si je ne m'y attendais pas - de dépasser ces aspects pour y trouver bien plus que de la provocation malsaine.



J'ai véritablement été happée par cette histoire : plus j'en lisais, plus je voulais en connaitre la suite.

J'ai trouvé qu'il y avait une belle intelligence narrative : deux temporalités qui distillent des détails au travers d'une journée particulière ou d'une anecdote qui nous amènent à considérer un ensemble qui s'éclaire de plus en plus vers la fin. Il y a aussi une puissance d'évocation qui nous transporte dans la même pièce que les protagonistes, nous fait visualiser la scène : poisseuse, ironique, pathétique, parfois drôle,... Et la psychologie des personnages est creusée, travaillée au point de leur donner forme et vie.



Toutes ces qualités donnent une réelle profondeur à cette histoire de sales gosses écœurants qui se transforme en drame et qui n'est qu'un point final à d'autres traumatismes...



A vous de voir où se place le curseur de votre sensibilité personnelle, mais sachez que si l'histoire contient quelques passages choquants, elle n'est heureusement pas faite que de cela et il faut passer un bon trois quart du livre avant que cela devienne par moment difficile.

Pour ma part, la quatrième de couverture évoque "une expérience de lecture inoubliable" et c'est en effet une histoire que je n'oublierai pas de sitôt.



NB : je note au passage une toute petite déception quant à la traduction néerlandais-français : l'auteure étant belge et l'histoire se passant en Belgique j'aurais apprécié que certains mots aient conservé leur belgitude : comme les chicons qui ici deviennent endives, l'essuie qui est traduit par serviette-éponge, la dizaine 70 en soixante-dix, etc. Des détails mais que j'ai remarqués et qui m'ont un peu gênée.
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Débâcle



Eva raconte sa vie d'ado limbourgeoise, années 2000, ses deux inséparables copains, les parents qui finissent par autoriser les nuits à trois dans la tente Aldi...



J'ai bien aimé le monde de la petite sœur Tessie, anorexique, pianotant sur le PC hors service ou parlant avec le calendrier des WC.



Je n'ai pas accroché aux multiples détails et digressions soporifiques, ni adhéré au côté trash de la deuxième partie, viol collectif ensanglanté, suicides suite harcèlements... mais je reconnais que Lize Spit a une excellente imagination et se vendra bien.
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Débâcle

Lize Spit enseigne l'écriture du scénario à Bruxelles. On peut aisément imaginer la qualité de ses cours au vu de son premier roman, Débâcle, qui a débarqué en France tout auréolé de son invraisemblable succès outre-Quiévrain. Sur la couverture de son édition originelle flamande (intitulée Het smelt : tout fond) figure une bêche, "vedette" d'une des scènes centrales du roman, remplacée en France par l'image d'une fillette, une cigarette allumée en main (hors sujet mais dérangeante comme l'est le livre). Débâcle mène de front deux intrigues parallèles, à 13 ans de distance. Dans la première, Eva, 14 ans, participe un été à des jeux interdits avec deux garçons de son village. Dans la seconde, elle revient sur les lieux de son enfance et adolescence, avec un bloc de glace dans le coffre de sa voiture, animée par un fort sentiment de vouloir régler ses comptes. Le livre se situe en marge du thriller avec un art du suspense savamment distillé mais se déroule surtout comme une chronique paysanne qui n'épargne aucun de ses protagonistes. Ce monde rural, digne d'un Goupi mains rouges moderne et vu à hauteur d'adolescents, ne semble héberger que des individus dysfonctionnels, qu'ils soient adultes ou adolescents. La plume de Liz Spit, tranquille et brillante, il faut bien l'avouer, semble parfois faire preuve de complaisance dans le sordide et le morbide. Ce côté dérangeant du livre est assez difficile à supporter dans sa scène-clé, hyperréaliste et d'une crudité totale. Mais en même temps, avec son héroïne prise dans l'étau d'une domination masculine perverse qui la rend aussi bien complice que témoin, victime et bourreau d’agissements cruels, l'auteure rappelle à juste titre la violence de l'adolescence et la nécessité de délivrer un message féministe vibrant. De là à rendre aussi éprouvante la lecture, chacun jugera de la pertinence du choc des propos et du poids des mots.
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