Citations de Louis-Ferdinand Céline (2885)
La raison est morte en 1914. Novembre 14... après c'est fini, tout déconne.
Maintenant je suis fixé... nous avons au moins deux amies!... Cillie Von Leiden et la bossue... pas mal dans notre condition!... d'abord n'importe où et n'importe quand, paix, calme plat, guerres, convulsions, vagins, estomacs, verges, gueules, braquets, à ne pas savoir où les mettre! à la pelle!... mais les coeurs? infiniment rares! depuis cinq cent millions d'années, les verges, tubes digestifs, se comptent plus, mais les coeurs?... sur les doigts!...
«tirez ! poussez !» il en a de bonnes !... ses portes ouvrent pas !... coincées, gondolées... on s'y met tous !... les murs, les cloisons cèdent très vite !... oh très bien !... tout un mur qui se rabat sur nous !... l'autre cloison décolle... on voit dans cette pièce, on peut même entrer... nous entrons... avec plein de plâtre, papiers peints, briques... oh, deux lits cages!... Lili, moi, Bébert... et La Vigue, où ? la chambre à côté ! pas par la porte, fichtre !... nous savons ! à insister, la défoncer, tout le couloir céderait !... peut-être tout le «Zenith» ? les murs ne demandent qu'à s'ouvrir... mais avec un peu de doigté ! La Vigue est adroit avec son canif, il décolle une brique, une autre... très subtilement... le tout est de ne pas toucher aux portes !...
Faire confiance aux hommes, c'est déjà se faire tuer un peu. p.176
La nègrerie pue sa misère, ses vanités interminables, ses résignations immondes ; en somme tout comme les pauvres de chez nous mais avec plus d'enfants encore et moins de linge et moins de vin rouge autour. p.142
C'est peut-être de la peur qu'on a le plus souvent besoin pour se tirer d'affaire dans la vie. p.121
Par exemple à présent c’est facile de nous raconter des choses à propos de Jésus-Christ. Est-ce Qu’il allait aux cabinets devant tout le monde Jésus-Christ. J’ai l’idée que ça n’aurait pas duré longtemps son truc s’il avait fait caca en public. Très peu de présence tout est là, surtout pour l’amour.
L'âme c'est la vanité et le plaisir du corps tant qu'il est bien portant, mais c'est aussi l'envie de sortir du corps dés qu'il est malade ou que les choses tournent mal.
Il transpirait des si grosses gouttes que c'était comme s'il avait pleuré avec toute sa figure.
À 37° tout devient banal.
Les chats trop menacés par le feu finissent tout de même par aller se jeter dans l'eau.
Avec les mots on ne se méfie jamais suffisamment
Jamais je ne m'étais senti aussi inutile parmi toutes ces balles et les lumières de ce soleil. Une immense, universelle moquerie.
Pour que dans le cerveau d'un couillon la pensee fasse un tour, il faut qu'il lui en arrive beaucoup des choses et des bien cruelles.
Tu finiras sûrement par le trouver le truc qui leur fait si peur, à eux tous, à tous ces salauds là, autant qu'ils sont et qui doit être au bout de la nuit, et c'est pour ça qu'ils n'y vont pas, au bout de la nuit.
D'ailleurs, dans la vie courante, réfléchissons que cent individus au moins dans le cours d'une seule journée bien ordinaire désirent votre pauvre mort, par exemple tous ceux que vous gênez, pressés dans la queue derrière vous au métro, tous ceux encore qui passent devant votre appartement et qui n'en ont pas, tous ceux qui voudraient que vous ayez achevé de faire pipi pour en faire autant, enfin, vos enfants et bien d'autres. C'est incessant. On s'y fait.
" Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste... Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde. "
Dors ou dors pas, titube, trombone, chancelle, dégueule, écume, pustule, fébrile, écrase, trahis, ne te gêne guère, c'est une question de vent qui souffle, tu ne seras jamais aussi atroce et déconneur que le monde entier.
Pour me donner de la garantie, elle se déshabille. C'est la première fois que je la voyais en combinaison. Elle était dans le genre ondoyant comme nu et pas très grande, plutôt menue même, du délicat en somme mais du résistant. Je vois tout de suite ce qui se passe chez elle. En plus des yeux c'est la peau son genre. Le jour sur la peau des rousses c'est terrible pour le bitard. Ça ressemble à rien comme mirage, à rien d'autre. Des différentes gonzesses on arrive à se défendre, on a une petite façon de résister si besoin aux ondes sur la peau des blondes, des brunes les mieux veloutées, c'est-à-dire les pulpeuses, les réussies, c'est tentant à toucher comme la vie même, plein les doigts, qui résiste un peu, qui reste, c'est du fruit du paradis, c'est entendu. Ça a pas de limites, mais quand même on a développé des petites résistances... Tandis que la rousse tire sur l'animal d'emblée. Il sort, il ne demande rien, il a reconnu sa sœur, il est content.
(…) C’est écœurant quand on a vu pendant des mois les convois d’hommes et de tous les uniformes défiler dans les rues comme des banc de saucisses, kakis, réserves, horizons, vert pomme, soutenus par les roulettes qui poussent tout le hachis vers le gros pilon pour con. Ça part tout droit, ça chantonne, ça picole, ça revient en long, ça saigne, ça picole, encore, ça pleurniche, ça hurle, c’est pourri déjà, un coup de pluie, voilà le blé qui pousse, d’autres cons arrivent en bateau, il mugit, il a hâte de tout débarquer, sur l’eau il virevolte le grand souffleur, tourne du cul, le beau navire dans la jetée, le voilà reparti fendant les vagues écumantes en chercher d’autres… Toujours les cons, toujours à la fête. Plus qu’on en écrabouille mieux les fleurs poussent, c’est mon avis. Vive la merde et le bon vin. Tout pour rien!