AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Louis-Ferdinand Céline (2885)


La Vie, la vraie maîtresse des véritables hommes.
Commenter  J’apprécie          50
Alors tout devient simple à l’instant, divinement, sans doute, tout ce qui était si compliqué un moment auparavant... Tout se transforme et le monde formidablement hostile s’en vient à l’instant rouler à vos pieds en boule sournoise, docile et veloutée. On la perd alors peut-être du même coup, l’habitude épuisante de rêvasser aux êtres réussis, aux fortunes heureuses puisqu’on peut toucher avec ses doigts à tout cela. La vie des gens sans moyens n’est qu’un long refus dans un long délire et on ne connaît vraiment bien, on ne se délivre aussi que de ce qu’on possède. J’en avais pour mon compte, à force d’en prendre et d’en laisser des rêves, la conscience en courants d’air, toute fissurée de mille lézardes et détraquée de façon répugnante.
Commenter  J’apprécie          50
La façon qu'on avait diné, soupe tiède et heil y avait plus beaucoup à faire.... les demoiselles étaient pas maigres, même assez dodues, sûr elles engraissaient pas de la soupe!... elles devaient se rattraper chez elles, huit clos, à coups de choucroute et de fortes saucisses...à nous les potages transparents !...d'abord ça sentait trop bon, tout le balcon devant leur chambres, sûr elles se mijotaient des petits plats, toutes à fricoter! partout ça sentait appétissant...tiens même ce couloir du sous-sol a une odeur!... on la sentait pas d'abord..."on y va!" fallait pousser une forte porte... deux portes!... y avait quelque chose sur un feu de bois!... un sous-sol quatre fois grand comme un rond de tour!... nous qui croyions cette pièce vide! plein feu au contraire, trois fourneaux et de ces marmites! ... deux femmes et deux gamines nu-pieds sont à ficeler des gigots... lardent !... elles se gênent pas pour nous, on les fait rire.... nous avions trouvé leur cuisine... plus tard j'ai su, ces petites mômes faisaient partie de la troupe qui amusait le vieux.
Commenter  J’apprécie          50
Aussitôt qu’une entreprise prend un petit peu d’envergure, elle se trouve « ipson facto » en buttes à mille menées hostiles, sournoises, subtiles, inlassables… On peut pas dire le contraire !... La fatalité tragique pénètre dans ses fibres mêmes… vulnère doucement la trame, si intimement que, pour échapper au désastre, ne pas finir en carambouille, les plus astucieux capitaines, les conquérants les plus crâneurs ne peuvent et ne doivent compter, en définitive, que sur quelque étrange miracle… Telle est la nature et l’antienne, la conclusion véridique des plus admirables essors… Rien à chiquer dans les cartes !... La génie humain n’a pas la veine… La catastrophe du Panama ?... c’est la leçon universelle ! doit porter à résipiscence les plus énormes culottés !... les faire salement réfléchir sur l’ignominie du sort !... Les troubles prémices de la Poisse ! Ouah ! Les malfaisances contingentes… Le Destin bouffe les prières comme le crapaud bouffe les mouches… Il saute après ! il les écrase ! les bousille ! les gobe ! Il se régale, se les fait revenir en minuscules petites fientes, en boules ex-votives pour la demoiselle à marier.
Commenter  J’apprécie          51

[...] ... Le moment était mal choisi pour la recherche d'un emploi ... C'était plutôt calme le commerce à la veille de la morte-saison. On a tâtonné un petit peu ... on s'est enquis à droite, à gauche ... à des placiers qu'on connaissait ... Ils avaient rien en perspective. Ca ne pourrait guère recommencer qu'à la période des vacances ... même pour les boutiques étrangères.

Dans un sens ça tombait pas mal cette période d'inactivité, puisque j'avais plus de fringues du tout ... et qu'il fallait bien qu'on me retape avant que je reprenne mes démarches ... Mais alors pour cette garde-robe y a eu tout un sacré tirage ! ... C'étaient les fonds qui manquaient le plus ! ... J'attendrais, c'est tout, le mois de septembre pour les chaussures et le pardessus ! ... J'étais bien heureux du sursis ... je pouvais respirer encore un peu avant de leur montrer mon anglais ! ... Ca serait encore un baratin quand ils se rendraient un peu compte ... Enfin c'était pas pour tout de suite ! ... J'avais plus qu'une seule chemise ... J'en ai mis une à papa ... On me commanderait un veston et deux pantalons d'un coup ... Mais seulement pour le mois suivant ... Tout de suite y avait pas moyen ... On avait tout juste pour la croûte et encore c'était ric et rac ... Le terme tombait le huit et le gaz avait du retard ! et les contributions encore ! et la machine à papa ! ... On en sortait vraiment plus ! ... Il restait toujours des "sommations" à la traîne ! ... On en trouvait sur tous les meubles, violettes, rouges ou bleues ! ...

Donc, j'avais encore du répit ! Je pouvais pas aller relancer les patrons en costard limé, rapiécé, frangé, les manches raccourcies à mi-bras ... C'était pas possible ! Surtout dans la nouveauté et dans les comptoirs au détail où ils sont tous un peu gandins.

Mon père, il était tellement pris par ses exercices dactylos et par son angoisse d'être viré à la "Coccinelle" que, même au moment du dîner, il restait dans ses réflexions ! Je l'intéressais plus beaucoup. Il avait son idée formelle bien ancrée au fond du cassis, indélébile à mon sujet que j'étais exactement la nature même de la bassesse ! Le buse crétin pas remédiable ! Voilà tout. Que je collais pas aux soucis, aux anxiétés des natures élevées ... C'était pas moi dans l'existence qu'aurait tenu toute mon horreur plantée dans ma viande comme un vrai couteau ! Et qu'à chaque minute en plus je l'aurais trifouillée davantage ? Ah ! mais non ! mais non ! J'aurais secoué, trifouillé le manche ? Mieux ? Plus profond ? Ah ! plus sensiblement encore ! ... Que j'aurais hurlé des progrès de la souffrance ! Mais non ! Que j'aurais tourné fakir là au Passage ? à côté d'eux ? pour toujours ? ... Et alors ? Devenir un quelque chose d'inouï ? oui ! de miraculeux ? D'adorable ? De bien plus parfait encore ? Ah ! oui ! Et bien plus hanté, tracassé, mineux dix mile fois ! ... Le Saint issu d'économie et d'acharnement familial ! ... Ah ! Eh bien ! Plus cafouillard ! Ah ! oui ainsi ! Cent-dix-mille fois plus économe ! Yop ! Lala ! Comme on aurait jamais vu, ni au Passage, ni ailleurs ! Et dans le monde entier ! ... Nom de Dieu ! Le miracle de tous les enfants ! Des banlieues et des provinces ! Le fils exquis ! Phénoménal ! Mais fallait rien me demander ! J'avais la nature infecte ... J'avais pas d'explications ! ... J'avais pas une bribe, pas un brimborion d'honneur ... Je purulais de partout ! Rebutant dénaturé ! J'avais ni tendresse, ni avenir ... J'étais sec comme cent trente six-mille triques ! J'étais le coriace débauché ! La substance de bouse ... Un corbeau des sombres rancunes ... J'étais la déception de la vie ! J'étais le chagrin soi-même. Et je mangeais là midi et soir et encore le café au lait ... Le Devoir était accompli ! J'étais la croix sur la terre ! J'aurais jamais la conscience ! ... J'étais seulement que des instincts et puis du creux pour tout bouffer la pauvre pitance des sacrifices des familles ... J'étais un vampire dans un sens ... C'était pas la peine de regarder ... [...]
Commenter  J’apprécie          50
[...] ... Moi d'abord, la campagne, faut que je le dise tout de suite, j'ai jamais pu la sentir, je l'ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n'en finissent pas, ses maisons où les gens n'y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c'est à pas y tenir. Le vent s'était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de là-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s'en trouvait comme habillés. Je n'osais plus remuer.

Le colonel, c'était donc un monstre ! A présent, j'en étais assuré, pire qu'un chien, il n'imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu'il devait y en avoir des beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l'armée d'en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment ... Pourquoi s'arrêteraient-ils ? Jamais je n'avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.

Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi ! ... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armées jusqu'aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlant, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et mille fois plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m'étais embarqué dans une croisière apocalyptique.

On est puceau de l'Horreur comme on l'est de la volupté. Comment aurais-je pu me douter moi de cette horreur en quittant la place Clichy ? Qui aurait pu prévoir avant d'entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? A présent, j'étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu ... Ca venait des profondeurs et c'était arrivé.

Le colonel ne bronchait toujours pas, je le regardais recevoir, sur le talus, des petites lettres du général qu'il déchirait ensuite menu, les ayant lues sans hâte, entre les balles. Dans aucune d'elles, il n'y avait donc l'ordre d'arrêter net cette abomination ? On ne lui disait donc pas d'en-haut qu'il y avait méprise ? Abominable erreur ? Maldonne ? Qu'on c'était trompé ? Que c'était des manoeuvres pour rire qu'on avait voulu faire, et pas des assassinats ! Mais non ! "Continuez, colonel, vous êtes dans la bonne voie !" Voilà sans doute ce que lui écrivait le général des Entrayes, de la division, notre chef à tous, dont il recevait une enveloppe chaque cinq minutes, par un agent de la liaison, que la peur rendait chaque fois un peu plus vert et foireux. J'en aurais fait mon frère peureux de ce garçon-là ! Mais on n'avait pas le temps de fraterniser non plus. ... [...]
Commenter  J’apprécie          50
Invoquer sa postérité, c'est faire un discours aux asticots.
Commenter  J’apprécie          50
Ca faisait bien des dollars pensais-je, une foule comme ça, rien qu'en mouchoirs, par exemple, ou en bas de soie! Et même rien qu'en cigarettes ! Et dire que soi-même, on peut se promener au milieu de tout cet argent, ça ne vous en donne pas un seul sou en plus, même pour aller manger ! C'est désespérant quand on y pense.
Commenter  J’apprécie          50
... sitôt qu'ils peuvent c'est bien simple tous les gens vous font perdre des heures, des mois... vous leur servez comme de fronton à faire rebondir leurs conneries...et bla! et bla! et reblabla!... une heure de cette complaisance vous aurez quinze jours à vous remettre... bla! bla!... prenez un pur-sang, mettez-le à la charrue, il en aura pour un mois, deux mois, à reprendre sa foulée... peut-être jamais... aussi vous peut-être, d'avoir voulu être aimable, prêter une oreille...
Commenter  J’apprécie          51
Je me sentais si incapable de tuer quelqu'un, qu'il valait décidément mieux que j'y renonce et que j'en finisse tout de suite. Non que l'expérience m'eût manqué, on avait même fait tout pour me donner le goût, mais le don me faisait défaut.
Commenter  J’apprécie          50
Dans le noir, derrière la tante, derrière son fauteuil, y avait tout ce qui est fini, y avait mon grand-père Léopold qui n'est jamais revenu des Indes, y avait la Vierge Marie, y avait Monsieur de Bergerac, Félix Faure et Lus tu cru l'imparfait du subjonctif. Voilà ...
Commenter  J’apprécie          50
Souvent les personnes délicates c'est des personnes qui peuvent pas jouir.
Commenter  J’apprécie          50
On découvre dans tout son passé ridicule tellement de ridicule, de tromperie, de crédulité qu'on voudrait peut-être s'arrêter tout net d'être jeune, attendre la jeunesse qu'elle se détache, attendre qu'elle vous dépasse, la voir s'en aller, s'éloigner, regarder toute sa vanité, porter la main dans son vide, la voir repasser encore devant soi, et puis soi partir, être sûr qu'elle s'en est bien allée sa jeunesse et tranquillement alors de son côté, bien à soi, repasser tout doucement de l'autre côté du temps pour regarder vraiment comment qu'ils sont les gens et les choses.
Commenter  J’apprécie          50
Passant à fond de train dans les salles, les cinq étages, trois fois par jour, il demandait comment ça allait à la cantonade. Question nez alors ! à pas croire ! un morceau de Polichinelle ! que ça l'entraînait en avant ! Il penchait partout, sur tout, myope comme trente-six taupes, ses gros yeux en boule roulant dessous ses lunettes. dès qu'il se mettait à discuter, tout ça lui tremblait en cadence en même temps que les mots, nerveux de nature, ses oreilles aussi elles bougeaient, décollées, évasées, des ailes à supporter sa tête, mais grises alors, des chauves souris. Il était vraiment bien vilain. Il faisait peur à certains malades... mais un aimable sourire, ah ! il faut reconnaitre
!
Commenter  J’apprécie          50
D'ailleurs, dans la vie courante, réfléchissons que cent individus au moins dans le cours d'une seule journée bien ordinaire désirent votre propre mort, par exemple tous ceux que vous gênez, pressés dans la queue derrière vous au métro, tous ceux encore qui passent devant votre appartement et qui n'en ont pas, tous ceux qui voudraient que vous ayez achevé de faire pipi pour en faire autant, enfin, vos enfants et bien d'autres.
Commenter  J’apprécie          50
A mesure qu'on reste dans un endroit, les choses et les gens se débraillent, pourrissent et se mettent à puer tout exprès pour vous.
Commenter  J’apprécie          50
Sa mère m'entrouvrit la porte du palier avec des précautions d'assassinat.
Elle chuchotait la mère, mais si fortement, si intensément, que c'était pire que des imprécations.
Commenter  J’apprécie          50
C’est triste des gens qui se couchent, on voit bien qu’ils se foutent que les choses aillent comme elles veulent, on voit bien qu’ils ne cherchent pas à comprendre eux, le pourquoi qu’on est là. Ça leur est bien égal. Ils dorment n’importe comment, c’est des gonflés, des huîtres, des pas susceptibles.
Commenter  J’apprécie          50
C’est pas la peine de se débattre, attendre ça suffit, puisque tout doit finir par y passer dans la rue.
(Folio, p. 451)
Commenter  J’apprécie          50
La poésie héroïque possède sans résistance ceux qui ne vont pas à la guerre et mieux encore ceux que la guerre est en train d’enrichir énormément. C’est régulier.
(Folio p. 107)
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de Louis-Ferdinand Céline Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz Voyage au bout de la nuit

Comment s'appelle le héros qui raconte son expérience de la 1ère guerre mondiale

Bardamu
Bardamur
Barudamurad
Barudabadumarad
Rudaba Abarmadabudabar

9 questions
1301 lecteurs ont répondu
Thème : Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand CélineCréer un quiz sur cet auteur

{* *}