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Critiques de Louis Guilloux (143)
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Labyrinthe

Voici une longue nouvelle ou un court roman de Louis Guilloux qui me fait penser très fort à Dostoïevski. Il s'ouvre, la nuit de Noël, sur la scène de l'évasion de prison du narrateur, agressant le gardien-chef qu'il tient pour mort : un geste violent qui n'incite pas à éveiller l'empathie du lecteur. Pourtant d'emblée, et sur fond des bouleversements éthiques produits pas l'Occupation, on commence à se demander qui, du truand ou du détenteur du pouvoir légitime, est le véritable salaud. Dans sa cavale, le protagoniste fait différentes rencontres : en particulier, pendu à un arbre dans un bois, celle du juge d'instruction qui n'a pas cru à son innocence et a requis sa condamnation. Il lui retire ses chaussures pour continuer sa marche dans la neige. En parallèle avec ce récit, le fugitif fait resurgir de sa mémoire les circonstances du crime qui a provoqué son emprisonnement, le lendemain de la Libération. Bien que cette autre narration soit caractérisée par l'ellipse et la fragmentation de souvenirs évoqués au compte-gouttes au fil d'associations mentales impromptues, elle entretient et développe la problématique du renversement des valeurs morales en temps de guerre : finalement le protagoniste apparaît sous les traits sinon d'un héros, de la victime d'une série de malheureuses coïncidences, d'une intrigue amoureuse et de sentiments complexes, mais très certainement d'un innocent, alors que le procureur suicidé était une authentique crapule et les deux personnages féminins ne ressortent pas grandies d'avoir abandonné le condamné...

Enfin, le point fort du récit de la fugue consiste dans la rencontre avec Grégoire Cantin, personnage très attachant d'un anarchiste poitrinaire, ancien égoutier qui vit en ermite dans un « gourbi » souterrain à la croisée des quatre créneaux transversaux d'une ancienne fortification militaire qui constituent son principal point d'observation du monde extérieur.

La fin ouverte et quelque peu abrupte du récit a fait penser à la postfacière Yvonne Besson que Labyrinthe constituait la première partie d'un grand roman qui aurait dû s'intituler La Délivrance, sur lequel Guilloux aurait travaillé en 1950-51, partie qu'il aurait fait paraître après avoir renoncé à terminer le roman, dont 256 pages auraient cependant été écrites, conservées dans les archives déposées à la bibliothèque de Saint-Brieuc qui ne sont pas encore accessibles. Ces années où l'auteur s'était écarté de l'écriture autobiographiques seraient marquées par une certaine quête spirituelle dans laquelle s'inscrirait donc logiquement cette problématique de la culpabilité et peut-être de l'impossibilité de la foi.
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O.K., Joe !

Été 1944, les Américains libèrent la Bretagne. Louis Guilloux est recruté en tant qu'interprète, et suivra les troupes américaines pendant la campagne de France. A ce titre il participera aux tribunaux militaires chargés de juger les soldats accusés de méfaits contre la population, essentiellement des viols. Il se trouve, question lancinante, que ces accusés sont toujours des Noirs. Pourquoi ?

L'interprète se trouve donc dans une situation inconfortable, ne peut rien faire, sinon témoigner. Un témoignage constitué de petites touches, d'images et de scènes brèves mais marquantes, le tout écrit dans un style fluide et allant.
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Le Sang noir

Un Céline tendre.



"Le Sang noir" est le portrait d'une petite ville française, capté sur le vif le temps d'une seule journée de 1917. Cripure, professeur de philosophie au lycée, est un personnage à l'allure grotesque et à l'esprit acéré. Affublé d'une peau de bique et de pieds gigantesques qui lui donnent la démarche chaloupée d'un danseur de corde, il est la risée des élèves qui sabotent son vélo, vit avec Maïa, une ancienne prostituée analphabète, mais suscite l'admiration de ses pairs pour quelques ouvrages savants qu'il n'a pourtant jamais publiés.

Eloignée du front, cette petite ville est rattrapée par le tumulte de la guerre et de la révolution russe : tandis que quelques notables, sûrs d'échapper à l'appel sous les drapeaux, peuvent succomber sans risque aux sirènes du patriotisme, d'autres assistent impuissants au départ de leur enfant pour le front.

J'ai songé au "Voyage au bout de la nuit" en lisant ce gros livre de 630 pages. Les deux romans s'inscrivent dans un espace-temps très différent : tandis que la geste de Bardamu se déroule sur trois continents et couvre l'entre-deux-guerres, Cripure ne s'aventure pas au-delà des limites de sa ville. Mais tous les personnages décrits par Guilloux sont un mélange de burlesque et de grâce qui n'est pas étranger à ceux de Céline. Le style de Guilloux emprunte beaucoup à l'argot.

Ce roman peut décontenancer par son format et ses digressions. Certains chapitres ne participent pas à la progression de l'intrigue. Mais son style foisonnant et ses dialogues alertes en font un livre agréable à lire.

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Le pain des rêves

L'écriture a un peu vieilli mais reste belle et surtout très soignée...L'histoire de ce garçon perdu dans ses rêves sert de décor à une peinture de la vie dans une petite ville bretonne juste avant la guerre de 14. Un beau roman, un peu long , la fin se présente étrangement: "Dieu puissant! Faut-il donc achever ce livre sur de telles images!"...Mais non, il y aura encore quatre pages après cela.
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Le Sang noir

Très belle lecture. La langue est admirable, l'ambiance historique riche, mais avant tout ce qui m'a frappé c'est la force des personnages. Surtout, ces parallèles entre Cripure et Socrate que j'ai trouvé si nombreux que je n'ai pas pu arrêter de les voir.

Le sage incompris, Socrate/Cripure, en ménage avec une mégère bourrue, Xanthippe/Maïa, condamné à mort en quelque sorte, dans un contexte de guerre où lui sont reprochés entre autres son anticonformisme et son manque de "foi" par des orateurs/flagorneurs comme Lycon/Nabucet. Derrière le pathétique et parfois le ridicule du personnage, perce le message de la supériorité de l'esprit.

Encore une fois, belle lecture.
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L'Indésirable

[Court-circuit personnel : je suis lecteur de Michel Agier, sociologue spécialiste des camps de réfugiés contemporains, qui, je croyais, avait été le premier (en 2008) à introduire la notion « d'indésirables » dans ce contexte spécifique. Le roman Le Sang noir de Louis Guilloux est sans conteste l'une de mes œuvres littéraires préférées. Cette année paraît l'ouvrage posthume de Guilloux que voici, son premier roman (ou plutôt esquisse de roman) inédit, qui porte ce titre-là, traite d'un « camp de concentration » dans une petite ville de province française en 1917, et, toujours d'après la 4e de couverture, parle d'une rumeur, d'une calomnie, d'une fake news, dirait-on aujourd'hui, et de ses effets publiques délétères, autre sujet de grand intérêt récent pour moi... Je découvre donc qu'il existait en France des « camps de concentration » pendant la Grande Guerre, ainsi nommés sans les connotations que nous lueur connaissons aujourd'hui, et que l'on désignait « d'indésirables », sans davantage d'état d'âme, les civils soupçonnés d'intelligence avec l'ennemi ou d'autres possibles actes de trahison qui y étaient reclus sans aucune forme de procès.]



En 1923, en quelques mois, Louis Guillaux, âgée de 24 ans, ébauche cet ouvrage, dont la publication lui est refusée, et il en reçoit sans doute des critiques si circonstanciées qu'il renonce à le remanier, choisissant en revanche d'en utiliser du matériau (une partie importante de l'ambiance provinciale intoxiquée par le patriotisme de la Grande Guerre, quelques personnages et plusieurs fragments narratifs) pour créer son chef-d’œuvre, Le Sang noir, qui paraîtra en 1935. Cette édition critique comprend le tapuscrit inédit, 4 annexes contenant les passages supprimés par l'auteur, pourtant très intéressants – en particulier celui qui comporte la formule « la morale l'emporte sur le négoce » (cf. cit.) qui avait une signification totalement différente à l'origine, ainsi que la chute originaire du roman, beaucoup plus intrigante que celle, abrupte pour ne pas dire bâclée, qui fut retenue. Elle comprend enfin une longue postface par Olivier Macaux, qui, logiquement pour une contextualisation dans l'ensemble de l’œuvre du grand écrivain breton, tend à mettre en évidence surtout les rapports entre cet opus et La Sang noir – approche qui, à mon avis, montre vite ses limites, pour ne pas dire ses contresens...

Je considère que ce roman, qui n'a donc pas un seul héros contrairement à l'autre, aurait pu être divisé en trois parties – et non deux, comme le voit Macaux : la première concerne le camp de la Croix-Perdue et les sévices et autres outrages contre les détenus auxquels se livrent, de l'extérieur, les habitants de la petite ville de Belzec, en famille, le week-end, en guise de divertissement collectif. M. Lanzer, Alsacien, professeur d'allemand au collège de Belzec – que l'on voudrait mais on ne peut comparer à Cripure, le héros du Sang noir ou pis avec Georges Palante, le personnage historique prof de philo et ami de l'auteur dont il s'inspira pour ce dernier – y est détaché en qualité d'interprète. Cette première partie culmine par un passage magistral qui décrit le cauchemar de M. Lanzer avec les prisonniers, où il se voit persécuteur sadique et se retrouve soudain nu et persécuté à son tour. Arrive au camp un nouveau contingent de prisonniers, dont une vieille femme alsacienne, que Lanzer prend sous sa protection, fait libérer et reloge à ses frais dans une chambre en ville jusqu'à son décès.

La deuxième partie a pour personnage principal non plus Lanzer mais son collègue Badoiseau et, progressivement, tous les notables de Belzec. Pour une raison et selon des procédés qui, une fois révélés, ruineraient la lecture, Badoiseau a juré la perte de Lanzer, et il échafaude une machination qui a pour effet de faire passer celui-ci pour un profiteur et un agent allemand, un « Boche » ayant circonvenu la vieille Alsacienne, voire ayant reçu, de concert avec elle, de l'argent des Boches. Lanzer ne se défend pas, et la ville l'ostracise chaque jour davantage. Ici, il est déjà clair que le parallèle avec Cripure ne tient pas, alors que celui entre Badoiseau et Nabucet est tout à fait recevable.

Dans la troisième partie, le personnage principal est Jean-Paul Dupin, le propre fils du Principal du collège, de retour du front pour une blessure au poumon, ancien élève ami de Lanzer et lié à Madeleine, sa fille. Au lieu d'être acclamé comme héros, le jeune sous-lieutenant, de trop belle allure et trop épris de sa liberté payée au prix fort, pour s'être rangé du côté des Lanzer contre ses parents et surtout contre la petite ville qu'il méprise ostensiblement, il sera victime du complot qui aura raison de lui aussi, de façon implacable. Dans cette partie, qui révèle le mieux la critique sociale, pour ne pas dire sociologique, contre la petite bourgeoisie provinciale soumise aux pires instincts du chauvinisme guerrier, aux mécanismes de domination et à la fourberie des ambitions personnelles déguisées en « morale », on peut trouver au choix une mise en littérature des enseignements philosophiques de Georges Palante, qui est encore l'ami de l'auteur au moment de la rédaction de ce livre, ou bien une filiation avec une tradition littéraire que l'on peut faire remonter à Flaubert voire même à Balzac (le clin d’œil au nom de la ville aurait alors un sens). Mais dans les deux cas, il est clair que le roman postérieur se situera en rupture et non en continuité avec celui-ci. Une rupture qui fut aussi celle, personnelle, très douloureuse pour l'auteur, d'avec Georges Palante, qui peu après se suicida sans vouloir se réconcilier avec son jeune disciple.

Ces réserves étant posées, je me trouve d'accord avec le postfacier sur l'importance (sans doute générationnelle) du thème de la Grande Guerre pour l'écrivain, en rapport dialectique avec sa sensibilité politique, sur la figure récurrente de « l'indésirable » dans son œuvre, sur celle des « victimes et des bourreaux » et sur quelques autres convergences spécifiques entre les deux romans cités. Mais ce qu'il me tient le plus à cœur de souligner, c'est l'étonnante modernité de ce quasi-roman. Si l'on part des camps, l'on ne peut assez mettre en relation « l'indésirable », au singulier, avec ce personnage dont l'action dramatique est initié par un « délit de solidarité », mais aussi avec tous les « indésirables » de la société qui sont sanctionnés, exilés, renfermés (« encampés ») et enfin sacrifiés. À ce propos, Macaux cite Giorgio Agamben (cf. cit infra), mais on pourrait aussi se référer à la pensée de Michel Foucault, notamment dans Surveiller et punir, qui est aussi cité. Enfin, comment ne pas faire le parallèle entre la trame de ce roman et, à l'échelle macroscopique actuelle, les effets de la désinformation politique, du bullshit, des fake news, qui peuvent non seulement détruire « la réputation d'un honnête homme » mais subvertir l'ordre public au nom de la « morale » et de la « Majorité Compacte »... Si l'auteur évoluera dans la plus grande subtilité psychologique des personnages que la littérature possède sur la politique, il reste que l'analyse politique ici contenue possède, pour l'époque de la rédaction, les aspects inquiétants de la prophétie...
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Salido (suivi de) O.K., Joe !

11 septembre 1939, cela fait onze jours que la deuxième guerre mondiale a commencé, les trains sont désorganisés, la priorité est donnée aux transports militaires.



Des soldats anglais sont déjà en France, bloqués dans des gares dans l’attente du départ au front. Les nouvelles sont inquiétantes : Varsovie a été bombardée…



Louis Guilloux se souvient d’une rencontre à la fin de la guerre d’Espagne, la rencontre avec Salido, combattant républicain, communiste arrivé de Port-Vendres avec une blessure à la tête. La mère Gautier disait que c’était un salaud…Guilloux était chargé de l’accueil des combattants communistes, de leur trouver une planque, de les accompagner…



Salido fuyait la police, qui l’aurait immanquablement renvoyé dans les camps.

Il voulait partir en Russie afin de poursuivre le combat contre le fascisme et avait demandé à Louis Guilloux de l’aider, mais il fallait attendre l’accord de « la-haut », des camarades du Parti, de Paris…

Souvenir d’une cavale,

Souvenir d’une époque, celle de la fin de la Guerre d’Espagne, atmosphère du début de la Deuxième Guerre mondiale.

O.K., Joe

C’est, grâce à un auteur américain John Edgar Wideman que j’ai découvert dans « Écrire pour sauver une vie », d’une part Louis Guilloux, d’autre part la condition des soldats noirs enrôlés dans l’armée américaine qui débarqua en 1945.

Il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité et trouver « O.K., Joe », dont il faisait mention. Merci à Recyclivre auprès de qui je l’ai trouvé.

Dans cette deuxième nouvelle de ce livre, Louis Guilloux nous raconte son expérience d’interprète au service de l’armée américaine qui venait de débarquer en France. Il officiait au sein des tribunaux militaires saisis par des français à la suite d’exactions de soldats américains, meurtres, viols,etc. « La guerre n’était pas finie. Le débarquement avait réussi, mais de nombreux Allemands résistaient encore, dans Saint-Malo, dans Brest, à Lorient. »

Il travaillait souvent en relation avec deux officiers de cette cour martiale, d’une part le lieutenant Robert Stone, avocat dans le civil devenu procureur dans ce tribunal et d’autre part le lieutenant William Bradford, étudiant en droit avant la guerre, officiant en qualité d’avocat des accusés.

Louis Guilloux, après avoir juré de traduire fidèlement les propos des plaignants leur demandai de prêter serment, traduisait les questions de la cour et les réponses des plaignants….La cour jugeait essentiellement des soldats noirs accusé de meurtre, de viols…Ils emplissaient les prisons militaires :

« Aucun n’avait de veste. Presque tous des hommes de couleur.

– Ce n’est pas une prison spéciale pour les hommes de couleur, dites, Joe ?

– Non. C’est la prison. »

Des soldats vite jugés, vite pendus. L’image de cette armée américaine, de ses GI propres, apportant la liberté en prend un coup. On découvre une armée et un peuple racistes, des tribunaux ayant deux poids, deux mesures, selon la couleur de peau des accusés. Une armée et une nation qui versent aussi des dommages et intérêts dérisoires aux plaignants et quelques paquets de cigarettes

Une armée et un interprète qui assistent aussi, sans intervenir aux exactions diverses commises après le départ des soldats allemands, femmes tondues en place publique, arrestation de collabos.

Bref..une image inconnue jamais lue auparavant, bien loin des images et messages traditionnels
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Le Sang noir

Une ville de province, en Bretagne. Nous sommes en 1917, en pleine Première Guerre mondiale, et les enfants de la ville sont à la guerre. Au lycée, un professeur de philosophie, surnommé Cripure (contraction du fameux Critique de la raison pure de Kant) fait figure d'intellectuel remarquable. Difforme physiquement, il est victime des blagues potaches de ses élèves. Il vit maritalement avec une ancienne prostituée, regrettant un ancien et éternel amour, et travaille à l'oeuvre d'une vie qu'il envisage de publier.

Cripure est aussi concurrencé par Nabucet, homme qui représente à lui seul la culture dans la ville et fondateur de nombreuses associations. Petit bourgeois, il voit en Cripure un rival inaccessible. Leur rivalité ira croissante, jusqu'à la provocation en duel de Nabucet par Cripure, duel qui n'aura pas lieu à cause de la lacheté du premier.

Roman ô combien psychologique, Le sang noir mêle le drame et le tragique en entrant au plus près de la conscience d'un intellectuel formidable, admiré mais incompris et moqué. Dans cette France provinciale, on célèbre la guerre et le sacrifice des enfants tandis qu'on se complait dans une médiocrité qui étouffe autant qu'elle désespère. Une grand roman sur la fin du XIXème siècle et sur l'honneur et la dignité d'un homme.
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Le jeu de patience

debout les damnes de la terre

debout les forçats de la faim

debout les sans grades, les anonymes, les miséreux



il faut redécouvrir louis guilloux et notamment "le sang noir" et ce sublime roman qu'est le "jeu de patience".

Véritable hymne à tous ceux qui n'ont pas droit à la parole et qui constituent pour les dirigeants leur "chaire à canon"

Ce roman couvre les deux "grandes guerres" au travers d'une tentative de chronique du narrateur, grand humaniste, et rapporteur des aspirations, rêves de ceux qui n'ont pas droit à la parole.

Jean Rouaud a sans doute lu Louis guilloux pour écrire "les hommes illustres"

800 pages de grande Littérature que l'on peut comparer au "voyage au bout de la nuit" et comme dans le voyage l'aube n'est pas prête de se lever
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Le Sang noir

Déception. Certes pas mal de qualités et une écriture originale, qui amalgame des argots et des phrases intellectuelles. Je trouve les personnages insuffisamment croqués, pas aussi forts qu'un Mangeclous, qu'un Duc d'Auge, qu'un Jean-Sol Partre, qu'un Bardamu pour n'en citer les quelques-uns qui me viennent là.

Certes ces quatre-là sont postérieurs. Le Sang noir, c'est 1935. Entre guerres.

Ce qui est étonnant, c'est qu'il ne se passe presque rien, on pourrait résumer l'intrigue en deux-trois lignes. Et que Guilloux brode. C'est réussi. Bien sûr. Oui. Rien à redire. C'est comme je le disais original.

Mais, j'ai l'impression d'avoir déjà lu bien plus drôle, bien plus fouillé psychologiquement, encore mieux écrit ou allant plus loin dans un ou des styles...

Pas un chef-d'oeuvre pour moi. Et comme je ne repère pas non plus un point qui m'a estourbi de plaisir ou impressionné, je mets moins que 4 étoiles.
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Le Sang noir

Ce roman que l’on m’a décrit comme le “Voyage au bout de la nuit alternatif” n’a pas pour thème majeur la première guerre mondiale. La nuance est qu'il se déroule pendant la première guerre mondiale.

Mes attentes ont été trompées ; mais il n’est pas dépourvu de fondement de comparer les deux chefs d'œuvre….



La “der des der” n’est qu’un théâtre d’arrière-plan, une ambiance anecdotique par rapport au reste de l’histoire… Cela met en situation quelques scènes de contexte ; mais en réalité, l’histoire aurait tout aussi pu se dérouler au moyen-âge.

Merlin, dit “Cripure”, est le bouffon de toute époque. C’est un personnage dostoïevskien (tristement comique) qui navigue parmi les intrigues des gens de l’arrière.



Pour faire bref : l’intérêt de ce roman réside (au-delà du style savoureux) dans ces descriptions du cynisme du peuple d’arrière-garde — seulement préoccupé de ragots et de badinage sentimentaux — ; ce qui m’a fichtrement fait penser à “Gilles” de Drieu la Rochelle, ceci dit en passant.

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Le Sang noir

Le Sang Noir de Louis Guilloux.M. Merlin, dit Cripure par moquerie, professeur de philosophie dans une ville de province est chahuté par ses élèves.

Admirés, respectés par d' anciens élèves pour son esprit supérieur, il est méprisé, moqué par "les officiels" à cause d'un aspect physique désavantagé et ses propos anti -conformistes.Cripure se heurte à une hypocrisie, une incompréhension insupportable qui le mènera à un invraisemblable duel dont il ne se remettra pas.

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La Maison du peuple

J'ai été très touché par cette chronique qui raconte comment un groupe de militants poursuit le projet de construire un mouvement socialiste dans un bourg de province au début du XXe siècle. A travers les yeux d'un enfant, l'auteur évoque la dureté du quotidien, la condition ouvrière et ses difficultés incessantes mais aussi l'enthousiasme de ceux qui prennent leur sort en main. Il montre aussi les petits moments de bonheur qui jalonnent la vie et nous rendent finalement humain.
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Le Sang noir

Dans une petite ville de province, les personnages haut en couleurs animent la vie locale. S'en détache Cripure, un professeur de philosophie infirme, désabusé, que maintient en vie son projet d'écriture. Trahisons, mesquineries, guerres d'influence, deuils, amours déçues et amitié jalonnent ce récit, relatant la première guerre mondiale, du point de vue de ceux qui ne sont pas dans les tranchées.



Une belle écriture, très sensible, et lucide



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O.K., Joe !

« Ce soir vers les neuf dix heures si je reste pas à regarder la télé, quand j’irai me fourrer dans les étoiles, j’oublierai tout. Je m’endormirai pour ainsi dire tout de suite. Parce que moi j’ai ça de bon, je dors toujours comme un vrai cochon, mais c’est ça qui me sauve. Toute ma nuit, sans rêver » (‘coco perdu’ : Louis Guilloux)







Témoin pendant la 1ère guerre mondiale de la transformation du Lycée de sa ville en hôpital militaire et des annonces aux familles de la mort d’un parent.

Témoin et acteur forcé de la querelle Gide/Aragon après le voyage du premier en URSS et

son livre qui dénonce le stalinisme.

Acteur, à Saint-Brieuc, dans le soutien auprès des chômeurs, des réfugiés espagnols, des paysans.

Acteur dans l’unification des mouvements de résistance communiste, catholique et socialiste des Côtes-du-Nord.

Témoins de scènes de la libération et de l’épuration avec un antisémitisme toujours ambiant

Il passe quelques semaines comme interprète d’officiers américains dans des enquêtes menées auprès de la population bretonne, sur des affaires mettant en cause des viols ou des crimes commis par des soldats américains.

En 1976, il fait paraître ‘OK. Joe’ et l’histoire devient littérature.

Il aura fallu trente années à Louis Guilloux pour l’écrire.

Pour concilier l’enthousiasme de la libération et la prise de conscience de la ségrégation des noirs aux Etats-Unis d’ Amérique, la guerre du Vietnam.

Trente ans pour trouver une approche et le ton qui lui convienne.

Si, en 2022, lors de sa réédition, ce livre a souvent été mentionné pour sa dénonciation du racisme dans l’armée des USA en 1944 (cf. le livre d’Alice Kaplan : L’interprète ; dans les traces d'une cour martiale américaine ; Bretagne, 1944…. /…cf. « OK, Joe ! Ou les Mémoires du soldat Guilloux » Documentaire réalisé par Philippe Baron en 2023), l’inégalité des traitements selon la race, en juxtaposant aux procès des noirs condamnés à mort, le procès d’un officier blanc, acquitté.

Il dépasse largement ce constat. Car cette armée américaine, très décontractée et généreuse avec les populations qu’elle rencontre, cette armée bien équipée, n’est évidemment que le reflet de ce qu’est la société américaine. Et Louis Guilloux de mettre tout ça en évidence, scène après scène, avec beaucoup de subtilité.

Proche du prêche religieux, une idéologie de « libération » remplace une idéologie d’asservissement.

Le soldat américain appartient à une nation qui détient, seule, la vérité et se doit par conséquent de la propager pour le bien de tous, proposant un modèle idéal, simplificateur : confort, nourriture abondante, paternalisme, certitudes.



Et l’on ressent que l’humanisme de Guilloux, bien plus que littéraire, pâlit devant un autre monde dont il redoute l’avènement où la déshumanisation, fille de la technique et de la science, va devenir la caractéristique dominante.

Cordialité superficielle, manifestée dans leur façon de se saluer les uns les autres, avec d’incessants « OK » enthousiastes et leur insoutenable confiance en eux, leur pragmatisme.



Et tout cela d’un ton simple, lucide, maitrisé, sobre, faussement naïf.



« Oui, c’est vrai qu’un homme qui s’endort ferme les yeux sur bien des choses »

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Le Sang noir

Le sang noir fit la renommée de Guilloux. Ne pas confondre Le pain noir et Le sang noir, Clancier et Guilloux, le poète et l'écrivain prolétarien. De ce grand roman surgit l'étrange figure du professeur de philosophie, Cripure, ( pour : cripure de la raison tique), ainsi nommé par dérision potache en référence à Emmanuel Kant. Inspiré d'un philosophe ami de l'auteur Georges Palente, affligé d'acromégalie, Cripure évoque, par son caractère ombrageux, les protagonistes de "La Montagne magique" : Cripure contre Nabucet, comme Settembrini contre Naphta, préférant le duel à la dispute ! Singulier professeur, en vérité, dont l'étrangeté ne remet pas en cause son statut de notable local. Comme le livre de Thomas Mann, celui de Guilloux est un monde en miniature. Loin de la ligne de front, les personnages s'agitent dans leur province épargnée comme les ombres des drames qui surviennent ailleurs. Un théâtre que Guilloux se plaira à mettre en scène, plus tard, avec Marcel Maréchal. Il manquait à la littérature de la Grande Guerre, ce roman de l'arrière, qui est aussi la dissection de l'esprit cocardier. On devrait noter les années des rencontres avec les grands auteurs, ceux qui nous accompagnent pour le reste de notre temps. Louis Guilloux en est, assurément !
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La Maison du peuple

"La maison du peuple" est le premier livre de Guilloux, largement autobiographique. Au début du siècle, dans une petite ville bretonne (Saint-Brieuc), un cordonnier -le père de l’auteur-, perd soudain sa clientèle bourgeoise pour avoir créé une section socialiste. Il a alors l'idée de construire une maison du peuple :

" Chez nous nous serons libres. Nous ne devrons rien à personne.Nous ferons des conférences pour les ouvriers, pour les enfants des ouvriers. Pour combattre la bourgeoisie, il faut être instruit comme elle. C'est par là que nous commencerons la révolution..." (p. 162).

Le texte évoque la pauvreté ouvrière, les manœuvres politiques à l'occasion de l'élection municipale, la fierté ouvrière. Mais la grande guerre interrompt le projet et le père, mobilisé, rejoint à pied son affectation : " Les champs étaient nus ; le chaume craquait sous les pieds. Comme il sortait d'un petit chemin, broyé par les lourdes roues des charrettes, et jonché de paille fraîche, il vit la mer, sur sa main droite. Elle était tranquille, blanche, dans la lumière du matin. Il n'y avait pas une voile, et aux champs , personne encore , ni une bête.Il faisait doux comme à l'automne, mais les buées , traînant au ras de la lande , annonçaient que midi serait chaud ." "J'ai si souvent relu ce livre... J'entretiens un long commerce avec lui." dit Camus dans sa préface.
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Le pain des rêves

Roman social ? Souvenirs d'enfance, romancés notamment par l'éviction de la figure paternelle, remplacée par celle d'un grand-père tailleur ? Pourtant, le véritable père de Guilloux, héros vénéré de La Maison du peuple, cordonnier et militant socialiste émancipé, n'était pas inconnu des lecteurs : cela induit à écarter en grande partie la qualification d'autobiographie de cette œuvre.

Rédigé « au plus noir de l'Occupation », lorsque l'amertume de la vie publique pousse sans doute à l'introspection intimiste son auteur qui a déjà connu la gloire avec Le Sang noir et la reconnaissance politique – comme secrétaire du premier Congrès mondial des écrivains antifascistes, puis responsable du Secours rouge venu en aide aux réfugiés de l'Allemagne nazie ainsi qu'aux Républicains espagnols – ce roman parle de l'enfance d'un petit garçon au sein d'une famille qui survit au seuil de la misère, la veille de la Première Guerre mondiale. Le père les a abandonnés dans des circonstances qui lui sont incompréhensibles mais qui sont sans doute tragiques, le vieux grand-père, jusqu'à son décès, assume le rôle de nourricier. Puis, une autre figure tutélaire fait apparition : une cousine Zabelle fantasque et caractérielle, accompagnée d'un mari soumis et d'un amant maquereau. Le roman-fleuve se divise en deux parties nommées d'après ces deux personnages, scandées par l'unique événement crucial faisant avancer le récit : la mort du grand-père accompagnée par la réalisation de son étrange prémonition d'une mirobolante ascension sociale de ses descendants. La substance du roman, ce sont donc les formidables descriptions des personnages hauts en couleur qui habitent cet univers de pauvreté, de rêves d'émigration par la mer ou a minima par la montée à Paris, de nostalgie et d'inadaptation déprimée lorsqu'on en revient, en bref, de bizarreries telles qu'elles peuvent apparaître aux yeux d'un enfant à l'imagination féconde. Mais si ce monde est peuplé d'êtres excentriques voire fantastiques, ni la langue ni les réflexions ne sont restituées d'après l'expression d'un enfant : nous ne sommes pas en présence d'un ancêtre de La Vie devant soi (1975) d'Emile Ajar-Romain Gary. Au contraire. Le style est délibérément très construit, ampoulé et même carrément désuet – cf. la scène explicitement molièrienne de la « pluie de pièces » (cit. 2 infra.) - comme aurait pu l'être le ton d'un homme déjà vieux commentant en lieu et place de l'enfant narrateur – alors que l'auteur n'était pas âgé à la parution de l'ouvrage. Par contre, insensiblement, on assiste à la maturation du garçon, qui dans l'excipit s'adresse à son grand-père pour lui signifier qu'il est devenu un homme, sans qu'il y ait eu pourtant d'événement décisif ni d'initiation qui pût l'attester. Peut-être habitués désormais à une forme de récit plus contemporaine, avons-nous perdu la sensibilité aux mouvements imperceptibles de l'âme et sommes-nous plus tributaires d'une action éclatante ou d'un symbole explicite qui vienne scander les périodes de la vie...
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Le Sang noir

Oui, c'est un pavé, 600 pages et poussières. Mais chaque poussière compte et vaut le coup. Les lecteurs le rapprochent de Céline, de Dostojevski, et c'est vrai. Mais il y aussi une parenté avec Kafka, celui du "Château" : pessimisme nonchalant, rire grinçant d'Ensor.

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut à tout prix se laisser séduire par les mots, les phrases, les chapitres, le livre, quoi.



Une expérience !
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Le Sang noir

Le sang noir, c'est d'abord celui des Poilus, qui, en cette année 1917, sont mutilés, amputés, défigurés ou tués. La figure noire du maire en redingote annonce la triste nouvelle au famille. Mais le sang est aussi celui des mutins de 17, ces "condamnés et sacrifiés" comme le chante la chanson de Craonne évoquée dans le roman. Le noir est donc complémentaire du rouge, le rouge de la révolution bolchévique en cours dont les idées se diffusent progressivement chez les jeunes de la ville. Le noir renvoie donc au deuil - les pages les plus bouleversantes sont celles qui évoquent le deuil impossible du proviseur et de sa femme, dont le fils sera fusillé le lendemain pour mutinerie, et qui ne peuvent rien faire.

Mais le noir est aussi la couleur du lycée, de la serviette des professeurs et de leurs tenues, du tableau. Quel lycée, avec ses potaches aux blagues meurtrières, son censeur tyrannique, ses professeurs méprisants... Nabucet est une ordure immonde. Cripure fait à la fois sourire, rire, mais aussi un peu pitié. C'est un original, un asocial, à l'écart du monde, un anti-héros, personnage à la fois grotesque et tragique.

Parmi cette galerie de portraits d'hommes et de femmes ayant tous des vices, des ridicules, Simone apparaît comme la plus héroïque. Elle est la seule à vraiment réaliser ses rêves, à s'enfuir de ce milieu étouffant. Dommage qu'on ne la voit pas plus.

Quelques mots enfin sur le style - il y a peut-être une centaine de pages de trop. J'ai néanmoins apprécié la description de la bêtise, à l'image d'un Flaubert, et la modernité de l'écriture à l'image du Voyage au bout de la nuit.
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