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Critiques de Louis Guilloux (143)
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Le Sang noir

Le Sang noir me paraît essentiellement être un roman sur la guerre, dans le contexte de la guerre de 14. C’est ainsi que je l’ai lu. Il y est envisagé d’une part une jeunesse combattante, d’autre part une série de figures restées à l’arrière. Les jeunes gens, portés initialement par les rêves héroïques de leurs pères, s’élèvent contre la guerre et contre tous les discours qui la construisent. Un d’entre eux adhère explicitement au pacifisme de Romain Rolland, un autre se mutine, tous s’interrogent et se dressent contre les certitudes qu’on leur a inculquées. En face, les adultes, en position – équivalente - de parents et de professeurs, se trouvent face à leur responsabilité, perdent peu à peu leur humanité et deviennent tous des « cloportes ». Ils pourrissent, soit dans la folie, soit dans la bêtise, soit dans le chagrin. Cripure lui-même, ce professeur de philosophie qui a été vénéré par les jeunes gens les plus sensibles du lot, est désormais incapable de trouver des réponses à leurs questions, comme il ne parvient plus à correspondre à leurs attentes.

On peut considérer que c’est un roman difficile à lire : il «raconte » une journée en quantité de pages et reste souvent assez peu compréhensible. Je l’ai pourtant lu avec une émotion intense, devant la douleur qu’on y montre, la tragique imbécillité qu’on y voit, l’impuissance permanente, quels que soient les efforts accomplis. J’en ai conçu une très grande tristesse.

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La Maison du peuple

La Maison du peuple, premier roman de Louis Guilloux (1927), est un récit à l'évidence largement autobiographique qui relate en parallèle la vie, "pauvre mais non misérable", de sa famille à Saint-Brieuc, du début du siècle jusqu'à la guerre de 14, c'est-à-dire jusqu'au seuil de son adolescence, et d'autre part les tentatives de son père, François, cordonnier, de fonder une section socialiste dans la ville avec ses camarades, puis de bâtir une Maison du peuple, où se tiendraient des conférences, des pièces de théâtre, des activités culturelles pour les enfants, où il y aurait une bibliothèque. Les difficultés et les dangers de telles initiatives politiques jugées alors très subversives, la rudesse de la vie ouvrière de l'époque, les rivalités et opportunismes de toujours, mais aussi les solidarités parmi les humbles sont décrites dans un style qui relève encore du naturalisme du siècle précédent.



Suit la longue nouvelle Compagnons, une histoire d'amitié entre maçons à l'heure où le protagoniste va mourir de crises cardiaques (non soignées). Publiée en 1931, la nouvelle est aussi un portrait de la classe populaire, mais sa prose est déjà sensiblement plus moderne, notamment par l'usage d'une langue imagée et argotique adaptée aux personnages, ce qui peut nous rendre le texte plus touchant encore car plus proche de nous.



Les louanges d'Albert Camus ne sont pas de circonstance. La promesse du chef-d'oeuvre, Le Sang noir, est là : on ne s'y trompe pas.
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Le Sang noir

N'est pas Dostoïevski ni Céline qui veut.

Le style est malheureusement daté.

Le personnage de Cripure n'a pas attiré ma sympathie, ni les autres personnages non plus.

Aucune ambiance ne se dégage de ces centaines de pages, juste le malheur encore et encore.
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L'Indésirable

J’ai découvert Louis Guilloux au détour d’une note de bas de page dans un autre livre, Besoin de mer, de Hervé Hamon, que je lisais dans ma petite chambre surchauffée alors que je vivais au Burundi, l’essence même du pays enclavé. Un auteur breton dont il est dit tant de bien, ami d’Albert Camus, qui est probablement mon auteur préféré ? Il fallait que je lise cela et, lors de mon passage suivant dans une librairie, j’ai acquis Le Sang noir, son roman le plus célèbre. Ce fut une lecture merveilleuse. Sombre, âpre, mais superbe. Un éblouissement de lectrice, à tel point que je n’ose pas le relire, bien que j’en aies envie depuis un bon moment déjà.

Alors quand je suis passée chez Dialogues, la librairie indépendante de Brest aux dernières vacances et que j’ai vu ce livre sur une table discrète dans un petit renfoncement, je n’ai pas pu m’empêcher de le prendre, et j’en ai commencé la lecture sitôt mon livre en cours terminé.

Car L’Indésirable est en quelque sorte le brouillon du Sang noir. C’est le premier roman écrit par Louis Guilloux, mais il n’a pas trouvé d’éditeur et Guilloux, qui en aurait lui-même reconnu les lacunes, n’y est jamais revenu. C’est donc un écrit de jeunesse, jugé inabouti tant par l’auteur que par un éditeur qui est proposé ici. Et c’est pourquoi il ne serait pas judicieux d’aborder Louis Guilloux avec ce texte, dont, même moi lectrice novice, je peux percevoir les insuffisances même si je n’arrive pas toujours à les nommer.

Pourtant, pour qui a lu et a aimé le Sang noir, c’est une œuvre très intéressante. On y retrouve effectivement les grands thèmes de l’œuvre et les archétypes des personnages. Si Le Sang noir est plus travaillé, plus profond, du moins dans mon souvenir, plus percutant aussi, on retrouve ici, dans un roman écrit dans l’immédiate après-guerre et qui s’inspire d’un fait divers de 1917, toute l’amertume et la désillusion de l’écrivain. Il avait tout juste vingt ans lorsqu’il écrivit L’Indésirable, mais il avait déjà une conscience aigue des bassesses dont l’âme humaine était capable, ces petites mesquineries lourdes de conséquence, ces recherches d’un dérisoire petit pouvoir personnel. A côté de cela, des personnages intègres, simples dans leurs valeurs et dans la façon de les vivre, parce que cela va de soi. Cela semble un peu manichéen lorsque je le dis ainsi, et ce n’est pas faire justice aux talents d’écrivain de Louis Guilloux, mais il faut reconnaître qu’il ne s’attarde guère aux subtilités des motivations de ses personnages. Par contre, il dépeint les états d’esprit et les cas de conscience des personnages qu’il aime avec une plume à la fois belle et précise qui me fait aimer à mon tour ces personnages avec lesquels je me sens toujours une immense empathie. Ses personnages ont les même tourments que moi, que ce soit dans cette œuvre de jeunesse non aboutie mais qui m’a donné envie de me replonger dans son œuvre ou dans des œuvres de sa maturité comme le merveilleux Sang noir ou le très émouvant Coco perdu.
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Le Sang noir

Un chef-d'œuvre absolu.
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Le Sang noir

1ere incursion dans l'oeuvre de L. Guilloux et l'agréable sentiment d'avoir affaire à un auteur qui pratique la modestie en littérature. Ici l'a phrase est simple mais précise et le rythme de l’écriture ne cède en rien à un quelconque emballement. C'est peut être le dispositif du récit qui demeure le point faible de ce livre choral ou l'évocation irrégulière des personnages nous les fait perdre un peu de vue. Demeure cette tension qui irrigue et relie ces personnages en souffrance et donne au livre son centre de gravité et sa beauté douloureuse.

Le Sang Noir , instantané d'une population figée dans la temporalité imposée par la guerre postule un antimilitarisme sans ambiguïté ou la compassion à fleur de peau pour ceux qui font la guerre côtoie, le ressentiment amer envers ceux qui la décident.
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Le Sang noir

Le personnage de Cripure est attachant. Louis Guilloux retrace ici les moeurs de la société française du début du vingtième siècle. La France est meurtrie par la première guerre mondiale. le philosophe Cripure incarne le désespoir et le refus de faire comme tout le monde.



Le début du récit est un peu lent et s'accélère sur la fin. On peut remarquer deux parties dans ce roman. Une qui est plutôt descriptive : présentation des personnages etc. et une deuxième partie où l'action est plus présente.



C'est un roman à lire.
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La Maison du peuple

J’ai beaucoup aimé ce roman qui, contrairement à ce que pourraient faire penser le titre et le résumé, m’est apparu surtout comme un récit d’enfance tendre et chaleureux. Bien sûr les faits sont cruels et rien n’épargne la famille, ni le manque d’argent pour se nourrir ou se vêtir convenablement, ni la maladie et l’hôpital pour les pauvres, ni surtout les humiliations et la nécessité de quémander du travail chez les uns et les autres mais ce qui domine c’est l’amour des enfants pour leur mère, l’admiration pour leur père et la tendresse infinie pour la grand-mère ainsi que l’entraide et la fraternité des compagnons de travail.

Ce que j’aime surtout dans ce récit, c’est le talent de conteur de Louis Guilloux qui ne sombre jamais dans la théorie ou les grands sentiments. Tout est suggéré à partir de courtes scènes prises sur le vif et racontées avec précision et entrain comme si on y était.

Le style est simple et d’un classicisme très efficace. Les phrases sont courtes et vont toujours à l’essentiel L’enfant est là derrière l’auteur et c’est lui qui se souvient si précisément des détails parfois saugrenus.
Lien : http://liratouva2.blogspot.f..
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Le Sang noir

Louis Guilloux (1899-1980) journaliste, natif de Saint-Brieuc, publie son premier roman en 1927 et en 1935 Le sang noir rate de peu le prix Goncourt, raflé par Joseph Peyré avec Sang et Lumière. Ses convictions humanistes le conduiront à devenir secrétaire du 1er Congrès mondial des écrivains antifascistes et responsable du Secours Populaire.

Ce roman – Le sang noir - est considéré comme le chef d’œuvre de Louis Guilloux et s’attire les louanges d’ André Gide et Albert Camus. L’action se déroule dans une petite ville de province sur une seule journée, en 1917. Année emblématique puisque la Grande Guerre, comme on l’appelle, tourne à l’hécatombe, voit surgir les mutineries de poilus et les exécutions pour l’exemple, tandis que les Russes font leur révolution.

Le personnage principal, professeur de philosophie, se nomme Merlin mais tout le monde l’appelle Cripure. Ce sobriquet résulte d’un jeu de mot de potache sur l’ouvrage de Kant Critique de la raison pure qui devient « Cripure de la raison tique » d’où le surnom. Cripure a eu son heure de gloire à une époque grâce à un ouvrage savant mais depuis il végète, écrivant sans jamais le finir un bouquin qui devrait être son apothéose. Il vit en ménage, tant bien que mal, avec une souillon Maïa et sombre lentement dans l’alcoolisme entouré de ses chiens. Moqué de tous ou presque en raison de son infirmité, de trop grands pieds, Cripure fuit tous ces cloportes qui dans cette petite ville continuent de jouer leur rôle alors qu’au loin la guerre gronde et que leurs fils en reviennent amochés – pour les chanceux qui reviennent – avant de repartir au front. La description faite par Guilloux de cette humanité est féroce, riches ou pauvres, bourgeois ou ouvriers, tous ou presque traînent leur mesquinerie, leur bassesse, leur lâcheté, leur méchanceté. « J’ai toujours vécu seul, répliqua Cripure, absolument tout seul. Je ne serais pas plus seul chez les Canaques. »

En ce jour fatidique, la coupe va déborder pour Cripure, qui gifle son ennemi de toujours, Nabucet, un fat prétentieux et arriviste. Le duel devient inévitable et le sort de Cripure paraît scellé puisque l’offensé a choisi l’épée. Les quelques heures qui vont suivre nous entraînent dans des rebondissements, le duel est annulé mais Cripure ne sera pas sauf pour autant, et des révélations hélas ! tardives, Maïa et Cripure qui vivaient comme chien et chat se cachaient à leur insu des sentiments plus tendres.

Un livre remarquable en tout point, à lire toute affaire cessante. Je me demande encore comment j’ai pu vivre jusqu’à ce jour sans l’avoir encore lu. Inutile de vous dire que je vais approfondir ma connaissance de l’œuvre de Louis Guilloux.

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Le Sang noir

Vingt quatre heures de la vie d'une ville de Bretagne pendant la guerre de 14-18.

C'est une galerie de portraits qui défilent au cours de chapitre courts qui constituent presque autant de nouvelles ou, à son tour, un personnage tient le premier rôle. Merlin - surnommé Cripure (comme la Cripure de la Raison Tique), professeur de philosophie batailleur, un peu paranoïaque, hésitant entre la révolte et la soumission traverse en claudiquant les pages du roman comme les rues boueuses de sa ville natale en laissant derrière lui quelques élèves nostalgiques marqués par son enseignement sans doute remarquable. Croulant sous le poids d'un monde qui explose dans la conflagration de la guerre de 14-18, Cripure finira par oser le geste radical et définitif qui lui rendra sa fierté et sa liberté.

Parmi les nombreux personnages du roman - Maïa - bonne fille de ferme pleine de bon sens est d'une présence évidente auprès de Cripure et sa mauvaise humeur chronique.
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Le Sang noir

Si l'horreur humaine est portée à son paroxysme sur la ligne de front lors de la guerre 14-18, à l'arrière celle-ci prend une teinte bien plus sournoise dans les comportements humains. En 1917 dans la tranquillité d'une ville de province (sans doute Saint Brieuc ?), on y retrouve la mesquinerie et la lâcheté le chauvinisme hargneux et la bêtise pure. Ses vices sont incarnés par des personnages qui gravitent autour du anti-héros, professeur de philosophie, Mr Merlin, surnommé ‘Cripure’. Cet homme à la fois différent des autres par son physique et sa pensée, souffre au quotidien de son inadaptation à la vie . Cette souffrance et nourrie par ses multiples introspections, qui lui font apparaître l'échec de sa vie. Cripure est conscient de sa propre déchéance dans laquelle il se complaît, ce qui le différencie des autres, auxquels il ne souhaite en aucun cas ressembler. Cripure reconnaissant lui-même prendre un certain plaisir à cogiter sur les évènements tragiques de sa vie (Amour, Carrière, Famille..), sans pouvoir ni ne vouloir les surmonter. Parfois, la colère le gagne, sans pour autant le délivrer de sa souffrance lancinante. Seul l’amour qu’il a vécu trouve grâce à ses à ses yeux et à son esprit tourmenté : « (..)En se souvenant de son amour il était dans sa vérité comme il avait été dans sa vérité en le découvrant et en l’avouant. Tout le reste n'avait été comme mensonge folie bassesse et contradiction. ».

On ne peut que s'attacher à Cripure, tant le personnage nous semble à la fois humain intègre, imparfait et malheureux. Lui qui ne compte que si peu d'amis (mais en a-t-il réellement ?), et n’a de véritable sentiment que pour ses chiens, les seuls être fidèles et sans calcul dans leur attitude envers lui. Son refuge physique étant son bureau, son refuge psychique étant la solitude et les soliloques.

D'autres personnages hauts en couleur donnent vie à ce roman, aussi différents en statut social qu’en vices et vertus.

Le style de l'auteur, simple et fluide, m’a semblé très moderne bien que ce roman ait été commencé en 1927. Le sens de l'observation de l’auteur est remarquable, donnant vie à ses personnages parfaitement crédibles, et dont les travers sont subtilement dénoncés, malgré leur caractère abject. J’y ai trouvé un certain humour.

Le sang noir est un roman à la fois naturaliste et métaphysique qui fait se rencontrer Balzac et Dostoïevski, une plongée vertigineuse crue et impitoyable dans le tréfonds de l'âme humaine que l'auteur dissèque jamais juger.

J’en retire notamment deux pensées à ce sujet, dont la simplicité ne doit pas masquer la richesse de ce roman :

« La vérité de cette vie ce n'est pas qu'on meurt et qu'on meurt volé »

« il ne s'agit pas de savoir si l'on doit vivre ou mourir aimer où haïr. Il s'agit de savoir au nom de quoi »

Albert Camus dit de ce roman « j'admire et j'aime l'œuvre de Louis Guilloux qui ne flatté ni ne méprise le peuple dont il parle et qui lui restitué la seule grandeur qu'on ne puisse lui arracher celle de la vérité »

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L'Indésirable

Gallimard publie en 2019 l’indésirable, un inédit de l’auteur du Sang noir : L’indésirable est celui qui s’apparente de près ou de loin à l’étranger qu’on a cantonné dans un camp. On est en 1917, la précision est utile, sans doute, mais pas tant que ça. Plus indésirable que l’évident indésirable, le boche en l’espèce, se trouve être celui qui pour une raison ou une autre, probablement mû par des valeurs d’avant-guerre, la compassion, la tolérance, s’attire la sympathie de l’ennemi. Ainsi, M. Lanzer devient l’héritier d’une vieille dame alsacienne qu’il a secourue. La rumeur s’empare du fait, le transforme, fait de Lanzer un profiteur de guerre. Un de ses amis le défend. Il entre dans l’engrenage de la médisance et peu importe qu’il revienne blessé du front. Commence alors le jeu des poupées russes où la grande guerre enserre une plus petite qui en enserre une autre jusqu’au minuscule.



Louis Guilloux n’a pas son pareil pour décrire la bêtise, sans doute. Il aime la marge, les hors cadre, sans doute. Mais enfin, il décrit des mécanismes, la sommation faite à chacun de choisir son camp, par l’usage d’un simple mot le plus souvent prononcé en ce public qui ne se scinde pas, qui refuse de le faire, qui se confine dans la peur, qui se réfugie dans la complaisance. On se pardonne si facilement à soi-même que le miroir de cette lecture est dérangeant.



Christian Vigne

Christian Vigne (Extrait) in DM
Lien : https://doublemarge.com/lind..
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Le pain des rêves

Louis Guilloux (1899-1980) journaliste, natif de Saint-Brieuc, publie son premier roman en 1927 et en 1935 Le Sang noir rate de peu le prix Goncourt (raflé par Joseph Peyré avec Sang et Lumière). Ses convictions humanistes le conduiront à devenir secrétaire du 1er Congrès mondial des écrivains antifascistes et responsable du Secours Populaire. Le Pain des rêves date de 1942.

Peu avant 1914 dans une petite ville de Bretagne. Le narrateur, un jeune enfant d’une dizaine d’années, vit dans une ancienne écurie avec sa mère Mado, son grand-père paternel et ses frères. Le père ayant abandonné femme et enfants, le grand-père fait survivre la maisonnée grâce à son métier de tailleur ou plutôt ravaudeur. Un des frères du narrateur, marin au long cours, n’est jamais là tandis que Pélo, le cadet estropié, végète dans un fauteuil. Dans ce monde de pauvreté, débarque la cousine Zabelle, venue de Toulon avec son mari, son amant, son clebs adoré… et tout va changer… !

En partie autobiographique, le roman est en deux parties. La première retrace les conditions de vie de la famille du narrateur, la seconde voit entrer en scène un personnage exubérant, la cousine Zabelle. De l’ombre à la lumière, mais toujours avec le regard d’un enfant, ce qui nous vaut un roman initiatique.

Dans cette première partie, si le lecteur adulte devine la grande détresse matérielle des protagonistes, celle-ci se trouve adoucie par le regard innocent que porte sur elle l’enfant, d’autant qu’il est un peu rêveur aux dires de son instituteur. Par contre son étonnement est grand : portraits saisissants des gens peuplant son quartier et la rue du Tonneau à la triste réputation locale, comme ce Durtail, le tonnelier qui voudrait être marin. A moins que ce ne soit de l’émerveillement devant la procession religieuse ou plus encore avec la parade du cirque ambulant (seule la parade est gratuite)… Et si l’école apporte ses moments difficiles, engueulades du maître, elle sait aussi offrir des heures enchantées.

La seconde partie, plus solaire, explose d’agitation et de surprises renouvelées avec cette Zabelle, une cousine éloignée et inconnue de l’enfant qui débarque en fanfare dans l’univers morose de nos Bretons. Avec sa petite troupe (mari, amant, chien) docile et entièrement à sa botte, elle va régenter la vie de Mado et de son fils, qui entretemps ont vu leurs conditions de vie s’améliorer un peu grâce aux bonnes œuvres d’une comtesse.

Si le roman s’achève sur une fin un peu abrupte, il n’en reste pas moins magnifique à tout point de vue. L’écriture est superbe sans être datée, ce que certains pourraient craindre au regard de sa date de parution. Mais on en retiendra surtout, l’empathie profonde de l’écrivain pour tous ses personnages, un quasi amour pour ces pauvres gens, sans jamais tomber dans le pathos dégoulinant de mièvrerie. Jamais Guilloux ne cherche à tirer une larme au lecteur, au contraire, par le biais du regard d’un enfant, il réussit à rendre la misère heureuse – si j’ose dire – car elle n’est pour lui que source d’étonnement.

Un très beau roman que j’invite tout le monde à lire.

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Le Sang noir

Lu et relu, ce chef-d’œuvre reste l'un de mes romans-fétiche. Comment l'horreur de la guerre peut rendre une nation tout entière vile et ignoble; comment dans ces conditions, un esprit critique devient un marginal, figure pitoyable et incompréhensible, et n'a d'autre ressource que l'ivresse et la folie; comment celle-ci n'a rien d'héroïque et beaucoup de burlesque.
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Le Sang noir

Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié ce livre. La satyre est pinçante. Les personnages drôles dans leur médiocrité... c'est à mon sens un bon livre. Mais j'ai senti une véritable "lecture en deux temps". Une première partie très axée sur la description et la mise en place des personnages où on se perd un peu. La seconde partie est plus "dans l'action" et la lecture avance plus facilement.

Mais je le répète : dans l'ensemble c'est un livre à recommander.
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L'herbe d'oubli

Mis à part _Le Pain des rêves_ qui relève de l'autofiction, et _Souvenirs sur Georges Palante_, l'ami philosophe qui lui inspira le protagoniste du _Sang noir_, Louis Guilloux a régulièrement pratiqué le genre autobiographique, comme le témoigne notamment la publication en deux volumes de ses _Carnets_ : I. 1921-1944 et II. 1944-1974 (posthume). Néanmoins, dans les années de sa maturité, il préparait les matériaux d'un ouvrage de Mémoires, dont il explique (cit. 1) qu'il s'y adonnait indépendamment d'un projet de publication spécifique. Il apparaît que son dessein était d'entretenir ses souvenirs, d'annoter quelques réflexions distanciées sur son parcours et aussi, dans une moindre mesure, de décrire certaines métamorphoses urbaines, sociales, etc. qu'il observait autour de lui, à Saint-Brieuc et à Paris. Plusieurs fois remanié par ajouts et évictions à partir des années 60, inachevé, le texte de _L'herbe d'oubli_ établi et annoté par Françoise Lambert, se compose de fragments autobiographiques à travers lesquels émerge particulièrement la période de l'adolescence et de la jeunesse de l'auteur, caractérisée par ses mésaventures professionnelles et ses difficultés à vivre de son écriture, jusqu'à la rédaction de son grand œuvre, _Le Sang noir_. Les rencontres de cet âge précoce, les amitiés de la jeunesse, principalement avec M. Beaufort et Jean Grenier ont été déterminantes – et une large part des souvenirs leur est consacrée – avant même celle avec Palante, par rapport auquel il est étrangement question uniquement des toutes dernières années de ce dernier avant son suicide en 1925, durant lesquelles il avait rompu avec Guilloux et était en conflit avec un grand nombre de personnes. Par ailleurs, certains fragments révèlent les interrogations de l'auteur sur les rapports entre écriture autobiographique et fictionnelle, et sur sa propre écriture en particulier. D'autres, notamment les textes rassemblés en annexe, constituent sans doute des exemples des nouvelles telles que Guilloux les faisait paraître dans les périodiques au début de sa carrière. Partout, cependant, on peut observer l'importance de l'engagement politique de l'auteur et son attention aux événements historiques dans la sa vie ainsi que dans son écriture, y compris dans la fiction.
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Douze balles montées en breloques

Il est toujours difficile d’écrire une note de lecture pour une unique nouvelle. Celle-ci est a priori une œuvre de jeunesse de Louis Guilloux, dans laquelle on retrouve son souci pour les gens de peu, ceux que la naissance n’a pas favorisé mais qui ont le même sens de la dignité que les autres, voire même un sens plus aigu. Je ne dévoile pas grand-chose en reprenant les éléments de la quatrième de couverture : pendant la première guerre mondiale, un soldat breton est fusillé à tort, ne pouvant se défendre parce qu’il ne parle pas français. Après la guerre, sa femme et sa fille ne sont pas d’accord sur la façon d’honorer sa mémoire et de savoir s’il faut ou non vouloir que son nom soit inscrit sur le monument aux morts. C’est cet après de la guerre qui constitue l’argument de la nouvelle, et comment la fierté et l’identité s’expriment. Pas seulement une identité bretonne, mais aussi une identité de classe, celle des besogneux, des peu instruits, celle des gens à qui l’on ne demande jamais leur avis.

Nouvelle originale par son thème, par sa réflexion aussi, mais qui, lue ainsi m’a un peu laissée sur ma faim. Heureusement, les éditions Goater, une maison rennaise créée en 2009, qui ont choisi ce titre pour leur centième livre, publié en 2018, en ont fait un bel objet. D’abord en en proposant une édition bilingue, avec une traduction en breton, et des illustrations un peu à la Tardi. Une façon de réhabiliter le soldat Le Bihan que sa fille n’aurait probablement pas dédaigné. J’ai pris plaisir à lire cette nouvelle, même s’il a été de courte durée. Cette nouvelle a été initialement été publiée en 1936 dans le journal Vendredi et elle a été reprise dans un recueil posthume que je crois que je ne vais pas tarder à m’offrir, [Vingt ans ma belle âge].
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L'Indésirable

Cette oeuvre inédite est faible.



Elle me rappelle ce que dit Georg Lukacs à propos de l'accueil d'Ibsen en Europe :

" A une époque où le drame se dissout de plus en plus dans la description d'un milieu, Ibsen construit des intrigues dramatiques concentrées, dont la densité rappelle l'antiquité au lecteur et au spectateur (pensons à la littérature contemporaine sur les Revenants) ; à une époque où le dialogue perd de plus en plus sa tension dramatique et dégénère en un phonogramme du langage quotidien, Ibsen écrit un dialogue où chaque phrase fait en même temps découvrir de nouveaux traits de personnages et progresser l'action d'un pas, qui est authentique au sens le plus profond, et n'est cependant jamais une simple copie du langage quotidien"



Lukacs aurait pu ajouter que dans le dialogue, on n'a pas à perdre le fil et à remonter l'avant-page précédente pour savoir qui s'exprime, et seuls des vrais personnages distincts, vraisemblables, peuvent nous procurer le relief attendu dans un dialogue.



Tout cela fait cruellement défaut dans ce roman inédit de Guilloux et inachevé. Bon, enfin si les éditions Gallimard ont voulu, j'ose leur faire confiance. Sauf avis contraire, il demeure bon gré, mal gré, une ligne éditoriale éclairée par l'aura de son âge d'or.
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Compagnons

Cette longue nouvelle est souvent publiée dans l’ombre d’un texte plus conséquent mais elle mérite d’être lue pour elle-même, et ce d’autant plus qu’elle est ici accompagnée d’une préface d’Albert Camus, contemporain et ami de l’auteur.

Préface, d’ailleurs, qui dit tout ce qu’il y a à dire, ma note de lecture ne rajoutera rien. Il est question de pudeur, de ton juste, « qui ne flatte ni ne méprise le peuple dont il parle et qui lui restitue la seule grandeur qu’on ne puisse lui arracher, celle de la vérité. » (p. 8) mais d’émotion quand même. [Albert Camus] écrit : « Je défie (…) qu’on lise ce récit sans le terminer la gorge serrée. » (p. 9) et j’ai été de ceux qui ont eu la gorge serrée.

Pourtant il n’y a pas grand-chose dans ce livre. Un maçon, Jean Kernevel, vieux garçon d’une cinquantaine d’années, pauvre oui, mais sans excès, la soupe assurée tous les soirs, un petit verre au bistrot à la fin de la semaine, mais guère plus. Rien qu’une chambre meublée d’un lit, d’une table et de deux chaises. Des amis, mais aussi une grande solitude qui ne se dit pas. Mais parfois le corps trahit, et le cœur de Jean Kernevel n’a plus vingt ans. Il ne lui faudra pas plus de quelques jours pour passer, et pas même un soupir pour se plaindre. Une vie simple comme aurait dit un autre écrivain. Une vie simple et digne, vécue sur la pointe des pieds et quittée de même.

Et la superbe plume de Louis Guilloux pour dire cela, sans jamais un mot plus haut que l’autre. Encore une fois, il me faut convoquer Albert Camus pour le dire : « Guilloux ne cesse de se maintenir à la hauteur exacte de son modèle, sans le dégrader et surtout, oui, surtout, sans le majorer. » (p. 9). Une nouvelle comme un petit joyau modeste dans la veine des écrits ouvriers de Louis Guilloux.
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Angélina

Louis Guilloux nous place en spectateur de la classe populaire du XIXème siècle comme un Marcel Proust nous fait découvrir les arcanes de la bourgeoisie. Dans ce roman qui se déroule juste après les évènements de la Commune de Paris, Louis Guilloux met en exergue, de l’intérieur, le microcosme familial de la pauvreté et de sa reproduction d’une génération à l’autre. Le père Esprit et sa famille; la mère Anne-Marie, les deux garçons, Henri et Charles. A ces quatre membres s’ajoute une petite dernière: Angelina.



Cette histoire de "gueux" est une illustration romanesque de la lutte des classes; celle qui possède et l’autre qui n’a pour survivre que sa « force de travail » pour reprendre un expression marxienne. Dans cette mécanique de lutte, l’école a toujours joué un rôle de reproduction des inégalités. C’est encore plus vrai aujourd’hui.



Il faut lire Louis Guilloux pour se rendre compte que, dans le fond, les choses n’ont guère changé pour les gens de peu. Il y a toujours des classes sociales, des injustices, des inégalités, une grande pauvreté, mais les luttes se sont affaiblies, malgré la réaction du mouvement des « gilets jaunes ».

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