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Critiques de Louis Guilloux (143)
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O.K., Joe !

Louis Guilloux dépeint bien son rôle d’interprète dans le cadre de la libération de la Bretagne par les Américains.

Le contexte est bien décrit (épuration, procès des GI…) et la controverse historique autour des procès assez interessante.

En revanche, j’ai trouvé qu’il avait pas mal de répétitions et que l’histoire globale manquait de liant, de matière et d’interêt.
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Parpagnacco ou la conjuration

Un écrivain socialiste engagé, souvent qualifié de ‘’prolétarien’’, se fendit un jour d’un petit bijou mettant en scène un vieux capitaine promenant ses rêveries par les canaux de Venise, à la recherche du souvenir de vieilles et fugaces rencontres et d’une jeune fille mystérieuse… Voilà comment on pourrait résumer en une phrase ‘’Parpagnaco ou la conjuration’’.



Pour le reste, l’auteur semble s’être donné pour mission de happer son lecteur et de l’égarer comme son héros se laisse happer par Venise et s’égare dans ses ruelles. Dans sa cabine, au-dessus de son étroite couchette, il a accroché de petites marionnettes anciennes achetées dans une boutique qu’il n’a jamais pu retrouver dans le dédale de ruelles et de canaux. Or dans cette boutique il y avait aussi une jeune fille…



Un jour, une adolescente monte sur son bateau, l’enjoint de l’emmener avec eux, leur tient un discours des plus étrange au sujet de son ennemi, un certain Parpagnaco. Quelques jours plus tard, elle disparait du bateau. En la cherchant, elle, la boutique de marionnette et la jeune fille, le capitaine découvre par hasard une librairie tenue par un respectable vieil érudit. Première surprise : l’adolescente y travaille comme vendeuse. Deuxième surprise : Parpagnaco est là également. Et c’est… Un chat.



Egarez-vous par les rues et les canaux de la fiancée de l’Adriatique. Plongez dans l’ambiance unique, qui l’habitait du temps où elle était encore une véritable ville, et non un Airbnb géant. Peut-être est-ce quand l’on n’y cherche rien que l’on y trouve ce qui en fait le prix.
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Le Sang noir

Cripure, anti-héros. Inoubliable.



Vieux professeur de philosophie qui a enthousiasmé certains de ses élèves, auteur qui a émerveillé et qui pense à une nouvelle œuvre. Mais atteint d’une infirmité qui le rend grotesque, amer et chahuté. Mais aussi blessé sans fin par un amour trompé, vingt ans auparavant. Plein de rancœur orgueilleuse à l’égard de beaucoup et se méprisant lui-même impitoyablement. Balançant au fil du roman, entre la misanthropie la plus absolue – « l’homme n’était pas nécessaire » - et l’envie de croire, sinon en Dieu, du moins en un peu de bonté humaine.

Autour de lui, tout ce que Louis Guilloux a pu observer, ou inventer avec une magnifique vraisemblance, de la vie d’une ville de province, d’une ville de l’arrière, pendant une journée de 1917.



Le livre se mérite, les cinquante premières pages sont en fil de fer barbelé. Mais ensuite... un roman immense, qui n’oublie aucune facette de la « comédie humaine », et qui, sans avoir l’air d’y toucher, bouleverse en racontant la « tragédie humaine ».



Comment n’avais-je jamais entendu parler de ce chef-d’œuvre ?

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O.K., Joe !

Voici un livre court (142 pages) mais dérangeant. Il ose aborder une période sombre de l'histoire. L'auteur a mis trente ans pour l'écrire afin de restituer au mieux et avec tact des souvenirs ancrés dans sa mémoire depuis l'été 1944.



La Bretagne vient d'être en grande partie libérée, à Saint-Brieuc, Louis Guilloux, tout comme la population locale, voit défiler avec soulagement, l'armée américaine libératrice. Les soldats au sourire sympathique sont accueillis en héros. Pourtant la guerre est loin d'être terminée et l'on traverse une période complexe, pleine de contradictions : liesse populaire, bals de campagne au son de l'accordéon et en même temps, règlements de comptes et épuration. Certaines femmes sont humiliées et tondues en public. Louis, qui parle anglais, est engagé, presque par hasard, comme interprète par deux officiers américains. Sa mission consistera à traduire en anglais les témoignages de français convoqués devant les Cours Martiales qui jugeaient des GI's accusés de meurtre et viol de civils français. Les procès se terminent pratiquement tous par une condamnation à mort par pendaison. Une position difficile et inconfortable pour Louis, qui en tant qu'interprète, se doit d'être neutre et effacé, sans réaction, juste un intermédiaire entre juges, victimes et accusés. Il se sent mal à l'aise, à la fois spectateur et complice des jugements, qui envoient des hommes à la mort, pour la plupart des hommes noirs, des afro-américains.

Une question le taraude "Mais pourquoi toujours des noirs ? " Ce n'est pas un tribunal spécial pour les noirs ?



L'auteur, dans un style simple et factuel, raconte avec un certain tact des événements historiques sordides que certains auraient préférés oublier. Il évoque la complexité des situations et des mentalités. Les soldats américains sont sympathiques, enthousiastes et décontractés, un peu naïfs mais sûrs d'eux-mêmes et de la puissance de leur pays à apporter la liberté et à changer le monde. le racisme basique est une évidence dans l'armée et dans le pays.



Un témoignage simple tel un reportage au jour le jour, une écriture fluide avec beaucoup de non-dits, des dialogues banals, et des échanges superficiels juste cordiaux, cet ouvrage longuement muri par Louis Guilloux est puissant et riche d'enseignement.



#Challenge Riquiqui 2024
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Le Sang noir

"Le Sang noir", dont l’action se concentre sur une journée, raconte les dernières vingt-quatre heures de François Merlin, professeur de philosophie brillant mais pathétique, raillé par ses élèves qui le surnomment Cripure.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Angélina

Bonjour, aujourd’hui, nous retournons dans les années 30, chez Esprit et sa famille ; ils vivent pauvrement, mais ils sont braves et n’hésiteront pas à nous accueillir.



Esprit, sa femme et leur deux garçons, auxquels viendra bientôt s’ajouter la petite Angélina !



Brave Esprit, qui travaille du soir au matin sur son rouet pour nourrir sa famille ; la paie n’est pas bien grosse, mais il travaille chez lui, à son compte. Esprit prépare du fil pour les tisserands, mais son métier est en voie de disparition avec les filatures, et la demande s’amoindrit.



Les garçons vont aller à l’école, un espoir pour tenter de fuir la misère ; mais que comprendre quand le maître parle d’égalité ? Même un gamin, se rend bien compte que côté train de vie, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Alors bien sûr, un jour, il y aura de la rébellion.



Et la petite Angélina ? Pourra-t-elle prétendre un jour à un avenir meilleur ?



Dans ce livre, les choses sont souvent évoquées, on a l’impression qu’il y a assez peu d’action ; et pourtant, l’auteur donne tellement à voir.



Cette misère qui leur colle à la peau se transmet de génération en génération ; la vie est difficile et l’horizon semble tellement gris…



Un livre magnifique ; j’oserai presque dire du Zola !



Certains thèmes sont toujours d’actualité, malheureusement, même s’ils sont moins visibles aujourd’hui.



Bref un livre sur les miséreux et la lutte des classes ; magnifiquement écrit par un Louis GUILLOUX qui semble être un peu tombé dans l’oubli...



À lire près d’un rouet, les pieds dans des sabots près d’un feu de cheminée, en dégustant des crêpes aromatisées à la fleur d’oranger avec une bolée de cidre. Bonne lecture !





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La confrontation

Heureux de découvrir Louis Guilloux dont je n'avais pas encore abordé l'oeuvre.

Grande épure du style, récit toute en introspection.

Pas de regret donc quant à cette lecture. Mais j'avoue être resté un peu en dehors du récit et en avoir manqué la finesse, la subtilité...

Livre à garder toutefois car il y a bien un "quelque chose" qui s'il m'a un peu échappé ne l'a peut-être été que par un mauvais timing (je suis convaincu qu'il y a des moments plutôt que d'autres pour rencontrer un auteur).

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O.K., Joe !

« Ce soir vers les neuf dix heures si je reste pas à regarder la télé, quand j’irai me fourrer dans les étoiles, j’oublierai tout. Je m’endormirai pour ainsi dire tout de suite. Parce que moi j’ai ça de bon, je dors toujours comme un vrai cochon, mais c’est ça qui me sauve. Toute ma nuit, sans rêver » (‘coco perdu’ : Louis Guilloux)







Témoin pendant la 1ère guerre mondiale de la transformation du Lycée de sa ville en hôpital militaire et des annonces aux familles de la mort d’un parent.

Témoin et acteur forcé de la querelle Gide/Aragon après le voyage du premier en URSS et

son livre qui dénonce le stalinisme.

Acteur, à Saint-Brieuc, dans le soutien auprès des chômeurs, des réfugiés espagnols, des paysans.

Acteur dans l’unification des mouvements de résistance communiste, catholique et socialiste des Côtes-du-Nord.

Témoins de scènes de la libération et de l’épuration avec un antisémitisme toujours ambiant

Il passe quelques semaines comme interprète d’officiers américains dans des enquêtes menées auprès de la population bretonne, sur des affaires mettant en cause des viols ou des crimes commis par des soldats américains.

En 1976, il fait paraître ‘OK. Joe’ et l’histoire devient littérature.

Il aura fallu trente années à Louis Guilloux pour l’écrire.

Pour concilier l’enthousiasme de la libération et la prise de conscience de la ségrégation des noirs aux Etats-Unis d’ Amérique, la guerre du Vietnam.

Trente ans pour trouver une approche et le ton qui lui convienne.

Si, en 2022, lors de sa réédition, ce livre a souvent été mentionné pour sa dénonciation du racisme dans l’armée des USA en 1944 (cf. le livre d’Alice Kaplan : L’interprète ; dans les traces d'une cour martiale américaine ; Bretagne, 1944…. /…cf. « OK, Joe ! Ou les Mémoires du soldat Guilloux » Documentaire réalisé par Philippe Baron en 2023), l’inégalité des traitements selon la race, en juxtaposant aux procès des noirs condamnés à mort, le procès d’un officier blanc, acquitté.

Il dépasse largement ce constat. Car cette armée américaine, très décontractée et généreuse avec les populations qu’elle rencontre, cette armée bien équipée, n’est évidemment que le reflet de ce qu’est la société américaine. Et Louis Guilloux de mettre tout ça en évidence, scène après scène, avec beaucoup de subtilité.

Proche du prêche religieux, une idéologie de « libération » remplace une idéologie d’asservissement.

Le soldat américain appartient à une nation qui détient, seule, la vérité et se doit par conséquent de la propager pour le bien de tous, proposant un modèle idéal, simplificateur : confort, nourriture abondante, paternalisme, certitudes.



Et l’on ressent que l’humanisme de Guilloux, bien plus que littéraire, pâlit devant un autre monde dont il redoute l’avènement où la déshumanisation, fille de la technique et de la science, va devenir la caractéristique dominante.

Cordialité superficielle, manifestée dans leur façon de se saluer les uns les autres, avec d’incessants « OK » enthousiastes et leur insoutenable confiance en eux, leur pragmatisme.



Et tout cela d’un ton simple, lucide, maitrisé, sobre, faussement naïf.



« Oui, c’est vrai qu’un homme qui s’endort ferme les yeux sur bien des choses »

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La Maison du peuple (suivi de) Compagnons

C’est le premier roman publie par Guilloux. Il y ecrit le “petit peuple” d’avant la guerre de 14-18. Il ecrit les ouvriers, les petits artisans. Le petit peuple d’ou il est issu. Il ecrit leurs vies, leurs travaux, leurs fiertes, leurs joies, leurs peines, leurs espoirs, leurs combats. Sans nostalgie, mais sans s’apitoyer non plus, il romance la vie quíl a connu enfant. Il ecrit simplement, sans trop d’effets, sans fioritures stylistiques, et ca sonne juste, et ca touche.



“La maison du peuple” c’est le combat mene par des ouvriers pour creer une section socialiste dans une petite ville endormie, puis pour construire (de leurs propres mains) une maison de reunion et de culture pour tous. “Compagnons” c’est la fierte d’un ouvrier a mettre et laisser ses comptes en regle avant sa mort. Deux petits textes, simples et forts.



Dans les reeditions qu’on peut trouver aujourd’hui l’editeur ecrit: “Les grands russes mis a part, il nest guere de romanciers, et surtout de romanciers francais, qui aient eu plus que lui le don de la compassion. Ses personnages en sont mysterieusement eclaires.”

Dans l’avant-propos qu’il lui a consacre en 1953 Albert Camus ecrit: “Quelques hommes au moins, avec Valles et Dabit, ont su trouver le seul langage qui convenait. Voila pourquoi j’admire et j’aime l’oeuvre de Louis Guilloux, qui ne flatte ni ne meprise le peuple dont il parle et qui lui restitue la seule grandeur qu’on ne puisse lui arracher, celle de la verite”. Camus ecrivait cela en connaissance de cause: lui aussi etait fils de pauvres.



Que pourrais-je ajouter? Simplement que moi aussi, cette lecture m’a un peu remue. Que je l’ai appreciee. Que j’ai aime ce livre, que je ne l’oublierai pas.

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Le Sang noir

Le sang noir fit la renommée de Guilloux. Ne pas confondre Le pain noir et Le sang noir, Clancier et Guilloux, le poète et l'écrivain prolétarien. De ce grand roman surgit l'étrange figure du professeur de philosophie, Cripure, ( pour : cripure de la raison tique), ainsi nommé par dérision potache en référence à Emmanuel Kant. Inspiré d'un philosophe ami de l'auteur Georges Palente, affligé d'acromégalie, Cripure évoque, par son caractère ombrageux, les protagonistes de "La Montagne magique" : Cripure contre Nabucet, comme Settembrini contre Naphta, préférant le duel à la dispute ! Singulier professeur, en vérité, dont l'étrangeté ne remet pas en cause son statut de notable local. Comme le livre de Thomas Mann, celui de Guilloux est un monde en miniature. Loin de la ligne de front, les personnages s'agitent dans leur province épargnée comme les ombres des drames qui surviennent ailleurs. Un théâtre que Guilloux se plaira à mettre en scène, plus tard, avec Marcel Maréchal. Il manquait à la littérature de la Grande Guerre, ce roman de l'arrière, qui est aussi la dissection de l'esprit cocardier. On devrait noter les années des rencontres avec les grands auteurs, ceux qui nous accompagnent pour le reste de notre temps. Louis Guilloux en est, assurément !
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La Maison du peuple

"La maison du peuple" est le premier livre de Guilloux, largement autobiographique. Au début du siècle, dans une petite ville bretonne (Saint-Brieuc), un cordonnier -le père de l’auteur-, perd soudain sa clientèle bourgeoise pour avoir créé une section socialiste. Il a alors l'idée de construire une maison du peuple :

" Chez nous nous serons libres. Nous ne devrons rien à personne.Nous ferons des conférences pour les ouvriers, pour les enfants des ouvriers. Pour combattre la bourgeoisie, il faut être instruit comme elle. C'est par là que nous commencerons la révolution..." (p. 162).

Le texte évoque la pauvreté ouvrière, les manœuvres politiques à l'occasion de l'élection municipale, la fierté ouvrière. Mais la grande guerre interrompt le projet et le père, mobilisé, rejoint à pied son affectation : " Les champs étaient nus ; le chaume craquait sous les pieds. Comme il sortait d'un petit chemin, broyé par les lourdes roues des charrettes, et jonché de paille fraîche, il vit la mer, sur sa main droite. Elle était tranquille, blanche, dans la lumière du matin. Il n'y avait pas une voile, et aux champs , personne encore , ni une bête.Il faisait doux comme à l'automne, mais les buées , traînant au ras de la lande , annonçaient que midi serait chaud ." "J'ai si souvent relu ce livre... J'entretiens un long commerce avec lui." dit Camus dans sa préface.
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Compagnons

"Je défie (…) qu'on lise ce récit sans le terminer la gorge serrée" écrit Albert Camus de "Compagnons", du même Guilloux, son ami. Texte de jeunesse, 1931, en forme de nouvelle, qui raconte le quotidien d'un groupe de trois ouvriers associés dans un petite entreprise de bâtiment. le patron tombe malade, et ne peut, malgré ses efforts poursuivre sa tâche. Les temps sont ceux du travail artisanal, sans sécurité sociale, d'avant la société industrielle. La solidarité virile, le goût du travail bien fait, le courage et la fraternité des compagnons du devoir sont célébrés dans l'économie des mots et des sentiments. Dans un style qui évoque le Flaubert d'Un coeur simple, Guilloux dit avec simplicité et émotion la peine des hommes, privés de leur travail par la maladie de leur patron, Jean Kernevel, qui a le temps de léguer sa truelle fine et sa bicyclette à chacun de ses compagnons, avant de mourir au Incurables où on l'a transporté. Camus ajoute, dans sa préface, que "Jean Kernevel semble mourir heureux". A la manière de Sisyphe ?
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O.K., Joe !

Une novella, qui dit l'histoire, autobiographique, d'un employé de mairie parlant l'anglais, recruté comme interprète par les troupes américaines du débarquement en 1944. Des cours martiales jugent les auteurs de viols et crimes contre des femmes françaises. Elles ont besoin que les débats soient traduits pour les victimes. Le texte de O.K., Joe !, est écrit en la forme journalistique, dans le style de la génération perdue des auteurs américains, avec sa facture sans effets, dialoguée. En réalité très recomposée, plus de trente ans après les faits, puisqu'il la publication date de 1976. "Pourquoi Bill,... pourquoi ne juge-t-on ici que des noirs ?" demande l’interprète au magistrat militaire américain qu'il assiste (p. 98). Et cette simple question lancinante donne toute la mesure du récit. Une universitaire américaine, enquêtant sur le livre de Guillou, fait toute la lumière sur le racisme persistant dans l'armée américaine. Un documentaire très complet interroge les descendants des victimes. Dans la récente publication en poche du texte, une introduction de la plume aigüe d'Éric Vuillard fait subtilement le recadrage historique.
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L'herbe d'oubli

Mis à part _Le Pain des rêves_ qui relève de l'autofiction, et _Souvenirs sur Georges Palante_, l'ami philosophe qui lui inspira le protagoniste du _Sang noir_, Louis Guilloux a régulièrement pratiqué le genre autobiographique, comme le témoigne notamment la publication en deux volumes de ses _Carnets_ : I. 1921-1944 et II. 1944-1974 (posthume). Néanmoins, dans les années de sa maturité, il préparait les matériaux d'un ouvrage de Mémoires, dont il explique (cit. 1) qu'il s'y adonnait indépendamment d'un projet de publication spécifique. Il apparaît que son dessein était d'entretenir ses souvenirs, d'annoter quelques réflexions distanciées sur son parcours et aussi, dans une moindre mesure, de décrire certaines métamorphoses urbaines, sociales, etc. qu'il observait autour de lui, à Saint-Brieuc et à Paris. Plusieurs fois remanié par ajouts et évictions à partir des années 60, inachevé, le texte de _L'herbe d'oubli_ établi et annoté par Françoise Lambert, se compose de fragments autobiographiques à travers lesquels émerge particulièrement la période de l'adolescence et de la jeunesse de l'auteur, caractérisée par ses mésaventures professionnelles et ses difficultés à vivre de son écriture, jusqu'à la rédaction de son grand œuvre, _Le Sang noir_. Les rencontres de cet âge précoce, les amitiés de la jeunesse, principalement avec M. Beaufort et Jean Grenier ont été déterminantes – et une large part des souvenirs leur est consacrée – avant même celle avec Palante, par rapport auquel il est étrangement question uniquement des toutes dernières années de ce dernier avant son suicide en 1925, durant lesquelles il avait rompu avec Guilloux et était en conflit avec un grand nombre de personnes. Par ailleurs, certains fragments révèlent les interrogations de l'auteur sur les rapports entre écriture autobiographique et fictionnelle, et sur sa propre écriture en particulier. D'autres, notamment les textes rassemblés en annexe, constituent sans doute des exemples des nouvelles telles que Guilloux les faisait paraître dans les périodiques au début de sa carrière. Partout, cependant, on peut observer l'importance de l'engagement politique de l'auteur et son attention aux événements historiques dans la sa vie ainsi que dans son écriture, y compris dans la fiction.
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Compagnons

C'est un récit d'une cinquantaine de pages, sec, sans fioritures et pétri dans l'humanité des travailleurs de l'entre-deux guerre, comme les quelques personnages qu'il contient : un "petit" patron plâtrier, qui travaille avec 2 compagnons (dans tous les sens du terme) - dont l'un l'est depuis l'enfance - est usé, usé certes par le travail (10h/jour, 6 j sur 7) mais plus inexorablement par la vie, celle qui oblige le frère à partir du pays, celle qui enferme la soeur devenue folle, celle qui envoie les hommes faire la guerre de 14.. Les lieux ne sont pas nommés mais il s'agit d'une ville non loin de la mer, qui ne joue d'ailleurs aucun rôle ici, comme si elle n'existait pas pour eux (pas le temps). St-Brieuc, la ville de Louis Guilloux ? Peu importe car ce n'est pas l'important. L'important ce sont ces gens - hommes et femmes - avec leurs paroles d'un français d'une autre époque , ces gens simples, directs, francs, généreux, logiques, lucides, avec leur sens du devoir et la nécessité de travailler pour manger et se mettre à l'abri dans de biens modestes logis où le superflu d'aujourd'hui n'existe pas. Mais on mange à l'auberge le midi quand c'est possible, un bref passage au café le samedi soir, le jeu de boules (bretonnes sans doute) le dimanche et un ciné la veille. Ce n'est pas une vie "pauvre" dans le sens de misérable. Les "loisirs" sont chiches mais on devine la vie sociale peut-être plus riche qu'aujourd'hui. On mesure quand même l'évolution de la vie matérielle par rapport à il y a 1 siècle (je parle pour la plupart des gens).

Le début de la préface d'Albert Camus, remarquable dun bout à l'autre : "Presque tous les écrivains français qui prétendent aujourd'hui [ début des années 50] parler au nom du prolétariat sont nés de parents aisés ou fortunés. Ce n'est pas une tare, il y a du hasard dans la naissance, et je ne trouve cela ni bien ni mal. Je me borne à signaler au sociologue une anomalie et un objet d'études" etc etc.

Cette préface est un très grand texte, cinglant, intelligent, droit, intègre, sincère, humaniste, très efficacement et habilement écrit, bref, à la hauteur de l'écrivain et apporte une autre dimension, plus grande, à la nouvelle de Guilloux.

Mais est-ce une "nouvelle" . Ou un récit documentaire sur un destin particulier mais néanmoins largement répandu ?

Comme Camus l'écrit en préface, on lit ce récit, à hauteur d'homme, en ayant, à la fin, la gorge très serrée d'émotion et - j'ajoute une précision personnelle - aussi de colère.
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Le Sang noir

Déception. Certes pas mal de qualités et une écriture originale, qui amalgame des argots et des phrases intellectuelles. Je trouve les personnages insuffisamment croqués, pas aussi forts qu'un Mangeclous, qu'un Duc d'Auge, qu'un Jean-Sol Partre, qu'un Bardamu pour n'en citer les quelques-uns qui me viennent là.

Certes ces quatre-là sont postérieurs. Le Sang noir, c'est 1935. Entre guerres.

Ce qui est étonnant, c'est qu'il ne se passe presque rien, on pourrait résumer l'intrigue en deux-trois lignes. Et que Guilloux brode. C'est réussi. Bien sûr. Oui. Rien à redire. C'est comme je le disais original.

Mais, j'ai l'impression d'avoir déjà lu bien plus drôle, bien plus fouillé psychologiquement, encore mieux écrit ou allant plus loin dans un ou des styles...

Pas un chef-d'oeuvre pour moi. Et comme je ne repère pas non plus un point qui m'a estourbi de plaisir ou impressionné, je mets moins que 4 étoiles.
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Le Sang noir

Voici un livre qui s'est imposé à moi après avoir vu le dernier long métrage de Chad Chenouga : le Principal. Roschdy Zem incarne à la perfection un principal adjoint de collège se préparant à succéder à sa supérieure qui va prendre sa retraite (étonnant duo Roschdy Zem – Yolande Moreau, fonctionnant à plein). Après la projection, pour cette avant première, a eu lieu une rencontre avec le réalisateur. Il y fut aussi question de littérature puisque dans le film, la principale est une lectrice passionnée, approvisionnant son adjoint en romans. Deux livres ont été cités : « Seventies » de Kenzaburo Oé et « Le Sang noir » de Louis Guilloux. Quelques mains se sont levées quand le réalisateur a demandé qui avait lu le récit de Louis Guilloux. Quant à moi, je n'avais même pas entendu parler de cet auteur... J'ai voulu réparer cela en le lisant dans la foulée. Bien m'en a pris, l'oeuvre est riche !



Le Sang noir est un titre fort. Vingt-quatre heure d'une ville de province, certainement Saint-Brieuc qu'il ne nomme pas, la ville de l'auteur… Beaucoup de personnages sont des professeurs, des notables de la ville et des militaires. On est en pleine guerre 14-18, en pleine hécatombe, mot d'origine grecque désignant alors le sacrifice de cent boeufs... Là ce sont les jeunes hommes qui meurent par centaines au combat ou encore fusillés pour l'exemple lors des mutineries. Mais pas de scène de guerre ici. On part au front, on reçoit des lettres informant que tel ou tel est mort. Il s'agit d'un grand roman sur le sujet de la bassesse humaine, celle des patriotes exaltés de l'arrière, sans théoriser, en montrant des situations, en rapportant des dialogues marquants, ce qui m'a fait penser à du théâtre, façon comédie humaine.



M. Merlin dit Cripure est un savant, professeur de philosophie, un observateur de la vie sociale, désabusé et amer, constatant que tout se désagrège et qu'il a raté sa vie. Cripure vit avec le souvenir d'Antoinette qu'il a aimée et a été marié avant qu'elle ne le trahisse pour un beau capitaine. Il vit maintenant avec Maïa, une femme vulgaire, ancienne prostituée, une goton comme il l'appelle. Les mots vieillis et expressions anciennes sont nombreuses donnant une couleur d'époque.



Il a été surnommé Cripure par des élèves (qu'il traite de Salauds de potaches, eux qui sont ses bourreaux). Il leur parle souvent de la Critique de la Raison pure d'Emmanuel Kant, que certains ont transformé en Cripure de la Raison tique d'où Cripure. C'est un homme à part, original sous tous les aspects, aussi génial que dingo, portant un regard acide sur le monde qui l'entoure, surtout sur cette guerre si coûteuse en vies. Ce n'est pas pour rien que Kant, l'auteur de Projet de paix perpétuelle, est convoqué à travers ce surnom ! Gogol, Ubu aussi sont cités ainsi que Spinoza évoqué dans une répartie ignoble de Nabucet s'adressant à Georges, jeune mutilé n'ayant pas très bon moral.



Au fil des pages, d'une noirceur évoquant Dostoïevski, pointe, quand tout menace de s'effondrer, un peu d'amour entre Cripure et Maïa, comme une vertu ultime et salvatrice s'il n'était trop tard. Louis Guilloux va chercher profondément les racines du mal en créant ce personnage de Cripure, dont les idées et le mode de vie, trop en décalage avec la guerre qui fait rage et l'hypocrisie ambiante, provoquent incompréhension, méfiance, rejet et même tentative d'élimination physique.



Le style et la construction narrative rappellent les feuilletons en vogue à l'époque comme l'a repris avec bonheur Pierre Lemaître. Il laisse parler ses personnages et à travers leurs paroles on découvre ce qu'ils sont. Maïa, illettrée, est la compagne malheureuse d'un intellectuel brisé, elle parle l'argot direct et imagé du peuple, sans calcul, en toute sincérité. Les professeurs et les notables s'expriment avec détours, cherchant à tirer leur épingle du jeu. Heureusement dans ce roman excessivement sombre, l'ironie mordante amène de temps à autre au rire salvateur. le chapitre où Mme de Villaplane, vieille noble déchue, accueille un nouveau locataire, Otto Kaminsky, dont elle tombe éperdument amoureuse, est vraiment très drôle et exprime tout le talent de conteur de l'auteur.



Louix Guilloux est né en 1899. Il meurt en 1980. Pour écrire le Sang noir, il s'est inspiré d'un de ses professeurs, Georges Palante. A l'instar d'Annie Ernaux, il est fils de commerçant : son père était cordonnier et sa mère modiste, il a l'expérience d'une certaine pauvreté et de la difficulté de s'élever socialement. Humaniste actif, il sera secrétaire du premier Congrès mondial des écrivains antifascistes et responsable du Secours populaire français. Il a été très ami avec Albert Camus qu'il a même conseillé pour écrire La Peste – attesté dans leur correspondance… Louis Aragon, a la sortie du roman, a dit tout le bien qu'il en pensait : « J'affirme que Cripure est nécessaire à la pleine compréhension de l'homme de ce temps-ci comme Don Quichotte à celui de jadis. » Aucun doute pour moi, on est en présence d'un grand classique qu'il est passionnant de lire ou relire. Merci à Roschdy Zem, à Yolande Moreau et à Chad Chenouga à qui je dois cette lecture. Je parlerai bientôt de Kenzaburo Oé également évoqué dans le principal…



Avez-vous déjà vécu cette expérience de découverte littéraire suite à un livre évoqué dans un film ?
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Le Sang noir

Comment ai-je pu passer à côté de ce chef d'œuvre ? Probablement parce que, curieusement cet ouvrage ne figure pas dans les prêts de mes bibliothèques publiques favorites et qu'aucun de mes proches ne me l'avait recommandé jusqu'alors, certainement par ignorance. Particulièrement intéressé par les ouvrages qui se rapportent à la Grande Guerre, le Sang Noir ne pouvait échapper longtemps à ma sagacité. Mais, voilà! en fait la guerre y est omniprésente mais en arrière plan, car, on n'en voit (seulement... si je puis dire!) les ravages que dans un village loin du front, en Bretagne, probablement. Alors, Genevoix, Barbusse et d'autres l'ont en quelque sorte supplanté en tant qu' ouvrage-phare sur la Première Guerre. Et pourtant, il y a dans ce roman une évocation à mon avis inégalée des conséquences morales et sociales de la guerre, mais aussi tellement d'autres choses comme l'alternance de l'espoir et du désespoir, la force et la difficulté de l'amour, la rencontre du sublime et de la médiocrité. Quant au style, il est flamboyant, apte à exprimer le malheur qui rôde (ce livre est effectivement très noir!) mais aussi à magnifier les rares instants de bonheur , d'amour et d'émotion. C'est Cripure (l'anti-héros de ce drame) qui réunit en sa personne toute cette diversité. On suit en direct et sur 24 heures la complexité de sa pensée, ses moments d'exaltation, de dépression et de révolte. On a parlé, à propos du Sang Noir, d'un roman "dostoievskien".... en tant que modeste inconditionnel du grand Fiodor, je le confirme. Lisez d'urgence et faites lire cette œuvre exceptionnelle!
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Le pain des rêves

Il est merveilleux pour évoquer les gens humbles, mais ces premiers livres sont plus "vrais" que celui-là, très classique. Il n'en reste pas moins un magnifique portrait de famille avec des figures fortes comme on n'en croise plus. Le contraire d'un monde policé !
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O.K., Joe !

Premières semaines de la Libération dans la région de St Brieuc. Les Américains tiennent désormais le secteur, même si les grandes villes environnantes ne sont pas encore libérées, et que des troupes allemandes résistent, par endroits localisés, à proximité de la ville.

Période où la loi se cherche. Celle des Français, libérés d'un seul coup du joug allemand et qui improvisent avec les FFI, quelques notables bien vus d'eux, ou aussi les justiciers de la vingt-cinquième heure, une organisation administrative et des règlements de compte plus ou moins expéditifs.

Celle de l'armée américaine, pleine de bonne volonté et de bons sentiments, révoltée par le sort fait aux Juifs, mais implacable avec ses délinquants.



O.K., Joe ! Trouvé dans la collection Folio2€.

2 € pour être transformée en punching ball !



Après la préface d'une admiration ardente d'Eric Vuillard, qui explore avec obsession la longue et mystérieuse genèse de ce texte, le livre lui-même déboule, au plus nu de l'expression. Et le plus nu est le plus rudement efficace. Au fur et à mesure de ma lecture, j'en viens à appréhender les pages suivantes.



Louis, le narrateur, qui assumait des fonctions vagues et indéfinies à la mairie, est recruté par l'armée américaine comme interprète. Louis accepte ce poste, plutôt à contrecoeur, semble-t-il. Dans cette fonction, il va assister à l'interrogatoire des victimes françaises de soldats américains, et aux procès qui s'en suivent.



Des phrases courtes, factuelles, pour rapporter aussi bien l'ambiance dans la ville récemment libérée que les allées et venues, les rencontres, la chambre partagée avec cinq soldats, les repas au mess. Les dialogues sont d'une grande banalité. Les échanges cordiaux avec les officiers et soldats américains que Louis est amené à fréquenter quotidiennement, restent d'une superficialité confondante. Car, jour après jour, les procès se suivent, les condamnations se succèdent et les officiers que Louis accompagne dans leurs enquêtes et les audiences, sont aussi ceux qui requièrent contre les accusés ou les défendent à la barre du tribunal militaire.



Et Louis constate que tous les accusés sont noirs.



Les seuls sentiments que le narrateur exprime, ce sont un peu d'ennui, une incertitude sur son avenir après la Libération, et par ses questions aux Américains, son étonnement prudent sur le fait que tous les soldats jugés et condamnés sont des Noirs. Mais la distance que cette froideur devrait imposer au texte, est pulvérisée par tout ce qui n'est pas écrit, ce qui est sous les mots, qui est pourtant une évidence et une évidence qui dévaste.



Certains auteurs ont ce talent fascinant : celui de susciter, faire naître chez le lecteur, une foule d'émotions, violentes parfois, sans jamais en exprimer une seule. Louis Guilloux, dans ce texte, use de ce procédé de façon magistrale.



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— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

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