Critiques de Louise L. Lambrichs (21)
Voilà une histoire de maison pas banale. Une histoire que j’avais lue il y a 20 ans et qui m’avait vraiment plu, mais malheureusement, la relecture n’a pas été du même acabit.
Ouh là, que je suis déçue ! Quel style alambiqué, quel arrachage de cheveux, quel embrouillamini dans les relations et les cogitations ! Quel narrateur indécis et mou !
Je viens aux faits : une bande d’amis, qui ne se sont plus revus depuis 20 ans, se retrouve dans la maison de vacances d’enfance du narrateur. Cette « Casa del Monte », sur l’île de Bréhat, retrace dans ses propres murs l’histoire de la famille d’ascendance italienne, par la décoration, les couleurs, et surtout par l’arbre généalogique trônant dans le salon, fresque murale monumentale et fascinante pour tout qui la regarde. Accrochés près de cet arbre, trois tableaux, énigmatiques : un homme et deux femmes.
Curieusement, l’histoire de l’homme et des deux femmes se mêle inextricablement avec le présent, et la bande d’amis en subit directement l’attraction morbide.
« L’histoire de cette maison nous dicte la toile qu’à notre insu nous tissons, comme notre propre piège. Ce ne sont pas les murs, ni même le plan de cette demeure, qui sont responsables de ces catastrophes, mais plutôt l’arbre généalogique dont les rameaux s’entrecroisent jusqu’à former une véritable cage mentale ».
Des drames, il y en a ! Des correspondances entre faits et entre personnages, il y en a ! Le narrateur nous les offre sur un plateau, nous les décortique, nous les explique jusqu’à plus soif. C’est un jeu, assurément, mais moi, j’aime un peu de distance, j’aime les non-dits, le flou qui permet aux rêves de s’épanouir.
Oui, c’est un jeu, le « jeu du roman », roman à multiples facettes dont les personnages tirent les ficelles. Cela m’avait semblé brillant intellectuellement, cela me semble maintenant peu vraisemblable.
Donc, je lui retire 2 étoiles sur les 5 que je lui avais octroyées, malgré son prix Renaudot.
Que voulez-vous, vingt ans ont passé. J’adore encore jouer, pourtant.
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Quoi de plus monstrueux que d’être quasi obligée par son mari d’avorter alors que l’on désirait cet enfant de toute son âme ?
Quoi de plus horrible que d’être l’unique survivante de l’holocauste de sa famille ?
Eh bien Hannah, jeune femme juive très amoureuse de son mari et maman d’une petite Colette a vécu cela en 1943.
« A part ça, tout s’est bien passé. Pour le médecin du moins. La mère est vivante, l’enfant mort, après tout c’est ce qu’on lui demandait. »
Et elle ne s’en sort pas. Non, elle ne parvient pas à s’ôter le sentiment terrible de culpabilité qui la tenaille.
Qu’est-ce donc qui va l’aider à ne pas sombrer ? Ses rêves...Chaque nuit, elle rêve de la petite fille qui aurait dû naitre, mais c’est même plus qu’un simple rêve, car elle voit sa fille grandir au rythme des mois et des années ! C’est davantage qu’un rêve, car cette petite fille est là, dans son cœur et son cerveau, toute la journée ! Au point qu’elle a peur de voir sa raison chanceler...
Ce journal intime retrace donc le cheminement difficile de cette maman bafouée, de cette femme amoureuse malmenée, de cette fille de famille juive amputée.
J’ai beaucoup aimé lire ce condensé de pudeur et de bienveillance, car cette femme qui a peur d’elle-même est remplie de bonté. J’ai eu envie de l’accompagner tout au long de son chemin de croix, qui par moments se muait en fête et en explosion de joie. Car elle aime la vie, Hannah, malgré et contre tout.
Je recommande ce roman poignant d’une femme bouleversante.
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Si l’aventure intérieure vous intéresse et que l’obscurité ne vous rebute pas, alors ce roman est pour vous. Fichtre ! L’obscurité ? Eh bien oui, l’obscurité, celle de l’univers mental et de ses projections, celle de la grotte dans laquelle va être plongé le protagoniste, celle de la nuit italienne où il va être emmené.
Ce roman plein de symboles (freudiens, d’après la 4e de couverture), où les personnages ont tous plus ou moins le même prénom (Aloïs, Héloïse, Louise et Antoine, Anatole) est assez difficile à suivre mais somme toute intéressant. Je m’explique : Antoine, un médecin veuf est obsédé par une espèce de double, Aloïs, un homme dont était amoureuse une de ses patientes maintenant décédée, Héloïse, mais avec qui toute relation physique était interdite. Il décide de partir à Naples pour se débarrasser de cette présence mentale obsédante, et rencontre dans l’avion Anatole, un pianiste russe qui l’emmène en bateau jusqu’à une île et même dans une grotte, comme je l’ai dit plus haut. Cette nuit passée en sa compagnie le mène jusque dans son inconscient par le jeu subtil de questions et de réflexions d’Anatole. Et c’est ça précisément qui m’a intéressée. L’histoire en tant que telle me parait vraiment tirée par les cheveux, mais les pensées sur l’amour, la mort, la solitude m’ont poussée à lire jusqu’au bout.
Et franchement, si vous aimez ce côté obscur de notre psychisme, lancez-vous à la suite d’Antoine, laissez-vous guider par ce mystérieux pianiste, cet homme qui « touche si bien (ses) points sensibles ».
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En 1943, quand Hannah tombe enceinte, son mari ne souhaite pas qu'ils gardent le bébé.
C'est la guerre, lui est résistant, Hannah juive, c'est trop dangereux et incertain.
Et puis ils ont déjà une petite fille.
Mais cette décision, Hannah ne l'acceptera jamais.
Après l'avortement, elle va se mettre à rêver de ce bébé, une petite fille, pendant des années, la regardant grandir dans ses rêves dans une sorte de double vie proche de la folie.
Comment ne pas perdre la raison quand ces images inlassablement la poursuivent ?
Écrit sous forme de journal intime, ce livre nous rend très proches de l'héroïne.
Ce sont ses confidences, ses peurs, sa folie qu'elle nous conte comme elle le ferait à une amie.
L'auteur nous fait entrer dans l'intimité et même dans l'inconscient d'une femme traumatisée après un acte qui a été violent pour elle, et cette violence nous la ressentons pendant tout le livre.
Je l'ai lu d'une traite, un peu par hasard, et j'ai ressenti cette violence psychologique qui est pourtant décrite avec pudeur et sensibilité.
Voilà un magnifique portrait de femme et un beau témoignage sur la difficulté à faire preuve de résilience après un traumatisme.
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C’est un petit livre en forme de journal qui se lit assez vite grâce à la simplicité de son écriture et le choix de son style. Si la forme du journal permet d’ouvrir les portes intérieures d’Hannah sur le personnage de cette enfant qu'elle a perdu en avortant, elle permet moins de voir les autres personnages qui l'entourent interagir, ce qui nous les rend plus mystérieux.
Cette enfant perdue reste vivante dans les pensées d’Hannah qui plonge alors dans un onirisme persistant où elle la verra grandir au fil des ans… Cette présence envahit sa sphère intime et nous sommes aux frontières de la déraison. Hannah garde pourtant la tête bien froide.
J’ai passé un très bon moment avec ce petit livre qui en outre, nous plonge dans l'angoisse de la guerre où tout était hostile. Un suspense psychologique intensément palpitant, d'une tout autre teneur, s'installe dans la deuxième partie. J'ai aimé l'ampleur psychologique où il y avait quelque chose d'authentique.
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Paris, janvier 1943. Hannah, jeune femme juive d'origine belge, a une nouvelle identité et été rebaptisée Anne pour échapper aux arrestations. Ses parents et sa soeur, en revanche, ont été déportés. Son mari lutte dans la Résistance, le couple a une fillette de quatre ans. Un nouveau bébé s'annonce et Hannah est ravie. Mais l'époux trouve inconcevable de mettre un enfant au monde en temps de guerre. L'avortement à quatre mois de grossesse va traumatiser durablement Hannah, qui, nuit après nuit, dans ses rêves, et pendant des années, inventera une vie à la petite fille qui lui a été arrachée...
Avortement, désir d'enfant contrarié, adultère, amitiés féminines, duplicité, versatilité d'un époux, couple, secrets conjugaux, dépression... Voilà les thèmes dont est tissé cet ouvrage délicat, avec la Shoah en filigrane. Un roman très féminin, une histoire belle et tourmentée qui m'avait beaucoup touchée il y a seize ans. J'avoue ne plus vraiment comprendre pourquoi ce fut à ce point un coup de coeur, à une époque où j'étais si éloignée (me semble-t-il aujourd'hui) de la plupart de ces sujets. Un joli récit que je suis contente d'avoir redécouvert, même s'il m'a légèrement déçue...
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Paris 1943 : pour Hannah d’origine juive et son mari résistant l’avenir proche est incertain. Enceinte, elle cède aux arguments de son mari et se fait avorter de cette grossesse pourtant avancée et profondément désirée. C’était une petite fille…
Commence alors pour elle une terrifiante descente dans ce que Freud appelle le « continent noir » de l’inconscient : insomnies puis rêves interférant avec la réalité dans lesquels cette petite fille qu’elle appellera Louise vivra et grandira.
Entre la vie quotidienne qui suit son cours et les rêves qui inondent ses nuits, Hannah se sent basculer vers la folie. C’est la tenue d’un journal intime dans lequel elle fera vivre Louise, année après année qui l’aidera à reprendre pied dans la vie réelle et à panser ses blessures.
Récit pudique, la lecture du « Journal d’Hannah » a pourtant été pour moi un choc d’émotion brute, les thèmes abordés le rendent universel.
Un livre qu’on n’oublie pas.
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Les maisons de famille recèlent parfois des drames, des secrets.
Georges a envie de retourner une dernière fois à Casa del Monte, que son frère et lui sont obligés de vendre. Double pèlerinage puisqu’il part avec des amis perdus de vue depuis des années et avec lesquels il avait séjourné là-bas. Ils ont vieilli, ils ont été meurtris par la vie. Au long d’une semaine, des amours vont se reformer, des amitiés se défaire.
Et puis il va vouloir se pencher sur le lourd secret qui semble peser sur sa famille. Des liens avec le passé vont alors se tisser…
De proche en proche, les histoires s’entremêlent, se répondent : celle de la maison habitée des portraits des ancêtres de Georges et de tous les mystères que recèle un arbre généalogique et celle de ses amis de vingt ans aux chemins différents. Aux dialogues et confidences se mêlent les souvenirs de chacun, comme le récit de l’un d’entre eux ou encore celui qu’une autre personne invente, au cours d’un « jeu du roman » aux règles arbitraires et dont l’argument semble directement inspiré par l’esprit du lieu. Or, derrière les émotions resurgies du passé se cache parfois une sombre vérité…
Ce roman qui a obtenu le prix Renaudot Junior 1995 et le prix des lycéens (Belgique) en 1997 se veut être un roman à suspens ! Je reste sceptique. Cependant malgré quelques lenteurs dans l’action il nous enchante par ses subtils paysages de l’Ile de Bréhat.
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Une réflexion intéressante sur le fantasme du clonage, lire en particulier la préface de l'auteur sur le sujet qui apporte un éclairage réaliste et scientifique. Malgré quelques invraisemblances, le roman se lit avec plaisir mais sans passion. La question de la gémellité ou du double et le trouble de l'inceste sont pertinents mais on a du mal à s'identifier aux deux protagonistes qui poursuivent un désir dont on demeure exclu.
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Hannah écrit dans son journal, à différentes périodes de sa vie et raconte sa relation maritale, sa fille, son amour extra conjugal, sa vie cachée de femme juive, ses parents déportés et ses nombreux rêves. Tout ce journal s'articule en fait par rapport à un évenement qui a totalement transformé la vie d'Hannah.
Pendant la seconde guerre mondiale, Hannah tombe enceinte d'un deuxième enfant. Très heureuse, elle en informe son mari qui l'oblige à avorter. Elle apprend que le bébé aurait été une fille. A partir de ce moment là, cette petite fille prend vie dans sa tête : elle se nommera Louise et peuplera ses rêves.
J'ai éprouvé un grand plaisir de lecture à découvrir cette histoire très touchante à travers la forme du journal littéraire. Une belle découverte !
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Ce livre très prenant est d'une grande densité psychologique, dès le début par la construction du récit qui alterne l'histoire personnelle romancée que nous conte l'auteur d'une part, et d'autre part les échanges qu'il entretient avec son avocate, avant une fin qu'on devine noire dès les premières pages.
Ce livre est original aussi par le thème même du clonage (qui n'est pourtant évoqué qu'à la fin du premier quart du livre) et qui en inquiète plus d'un en ce monde.
Le personnage principal est attachant mais avec une personnalité troublante et ambiguë, et très vite on comprend que ce roman va être noir, très noir.
Les morts se succèdent, et ce livre m'a souvent mis mal à l'aise... je n'ai pas pour autant abandonné la lecture, le style et les idées concises quoique troublantes (voire effrayantes) amenés par l'auteur font que je l'ai lu jusqu'au bout... avec une impression de soulagement après avoir refermé ce livre à la dernière page.
Ce livre prouve - s'il en était besoin - que le monde familial dans lequel on a baigné compte pour beaucoup (si ce n'est l'essentiel) de la construction de la personnalité de l'individu. Il suffit de regarder "La vie est un long fleuve tranquille" ...
Et ce n'est pas parce que 2 personnes sont identiques physiquement qu'elles le sont par leur personnalité, qui va surtout dépendre du milieu dans lequel elles auront évoluées.
C'est un livre noir qui vous fait réfléchir...
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« Le livre que voici est une exception, un petit bijou d’émotion ténue, de ces émotions sobres et intenses qui prennent à la gorge et ligotent l’attention. (…) un roman hors mode, inoubliable. » Jacqueline Rémy, L’express, 7 octobre 1993.
« Un livre proche des larmes comme de la joie. Quand on a fini de le lire, on hésite à l’abandonner… » André Rollin, Le canard enchaîné, 20 octobre 1993.
« … un très beau témoignage sur la transmission, le poids des mots et du silence. » B. Geberowicz, Synapse, octobre 1993.
« Comme tout journal digne de ce nom, celui-ci, tenu par Hannah pendant près de vingt ans mais entrecoupé de longs silences, est tissé de ces secrets qui ressortent des profondeurs les plus intimes des êtres. C’est pourquoi sa lecture, souvent, nous coupe le souffle. » Joshka Schidlow, Télérama, 30 mars 1994.
« Un magnifique récit témoin de la génération issue du génocide. » V.J., L’événement du jeudi, 28 octobre au 3 novembre 1993.
« Louise L. Lambrichs entrouvre la porte de ce ‘continent noir’ qu’était pour Freud l’inconscient féminin. Un récit très pudique et d’une rare sensibilité. » Le grand livre du mois, octobre 1993.
« Écrit comme un authentique journal, ce livre est d’une force et d’une authenticité rares ». Pascale Frey, Lire, février 1995.
« … une manière de se dresser contre toute tentation de démission. » Monique Verdussen, La Libre Belgique, 20-21 novembre 1993.
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Pépite, énorme coup de coeur, à relire.
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Ce roman avait tout pour m’horripiler (Pourquoi diable ce jour-là la boîte à lire route de Seysses ne m'offrait que cette possibilité ...)
Soit une épouse d'une autre époque soumise à la domination totale des mâles, qui avorte d'un bébé voulu juste parce que son mari lui ordonne ! Une femme qui accepte tout, comme d'être trompée sans la moindre esclandre et qui se réfugie alors dans ses rêves où cette fille fantôme grandit, vit une vie parallèle nuit après nuit !
Au delà de l'idée géniale de départ, ce type de littérature, même avec la plus soignée des écritures, ne pourrait être que nombriliste, sans intérêt pour tout autre que l'auteur lui-même... sauf si...
Il existait une infime possibilité de ne pas produire ici une inutilité autocentrée de plus... via une rareté aujourd'hui, le talent. Force est de reconnaître que Louise L. Lambrichs a su créer un lien avec le vieux mâle misogyne et inhospitalier que je suis, qu'elle a su me faire partager son histoire, ses rêves et ses doutes. Bref, faire oeuvre de littérature.
Seul petit bémol qui est resté collé à mon attention tout au long du roman : la narratrice a une autre fille, elle bien vivante bien que moins romanesque ; j'aurais aimé mieux savoir qui elle est, même si l'acte littéraire était dans la vie parallèle de cet enfant irréel qui grandit, passe de bébé à fillette, vit toute une vie...
Le moment de la séparation entre cette mère éternellement en souffrance et son enfant rêvé est l'un de ces moments poignants qui me font encore et encore ouvrir des pages...
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Pas très facile à lire, le style m'a un peu rebutée je l'avoue. La narration est intéressante, puisqu'on lit tour à tour le récit écrit par le narrateur lui-même, où il conte sa propre vie, et les entrevues avec son avocate.
L'histoire est assez monstrueuse,oui j'ai été choquée au moins un peu c'est vrai je l'avoue!!!!! Je regrette simplement que la narration soit aussi "froide" dans l'exposé des faits, on ne ressent pas les sentiments profonds qui animent les personnages, ils ont expliqués certes, mais on manque de "ressenti". Donc nous parcourons avec le narrateur le chemin qui l'a conduit au pire... Médecin marié, très épris de sa femme, ils n'arrivent pas à avoir d'enfant : ils expérimentent donc (à l'insu de son épouse) une tentative de clonage... qui marche.
Au-delà du sujet que je trouve original et intéressant dans le traitement des faits, c'est un livre qui mine de rien fait réfléchir à pas mal de choses (bien entendu, sur l'éthique du clonage en particulier).
Voilà, je regrette donc simplement cette prose un peu figée d'un autre siècle et l'absence de plongée dans le psychisme des protagonistes.
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Une femme parle à son enfant perdue, en l'imaginant grandir au fil du temps...comment une mère fait le deuil de son enfant? comment construite-t-elle sa vie ensuite? Un livre tout en nuances de gris et de grège...des teintes d'après-guerre où le soleil se fait attendre...un peu de Modiano en filigrane
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