Citations de Louise de Vilmorin (123)
L’âge, ça dépend des jours. Hier je n’en avais pas, aujourd’hui j’ai quinze ans et demain nous fêterons peut-être mon centenaire.
La lettre dans un taxi
Je t'enlacerai
Tu t'en lasseras
Choisir n’est pas trahir
Eau-de-vie, au-delà
À l'heure du plaisir
Choisir n'est pas trahir
Je choisis celui-là.
Je choisis celui-là
Qui sait me faire rire
D'un mot par-ci par-là
Comme on fait pour écrire
Comme on fait pour écrire
Il va de-ci de-là
Sans que j'ose lui dire
J'aime bien ce jeu-là
J'aime bien ce jeu-là
Qu'un souffle fait finir.
À l'heure du plaisir
Je choisis celui-là.
Je l’aime un peu, beaucoup, passionnément,
Un peu c’est rare et beaucoup tout le temps.
Passionnément est dans tout mouvement :
Il est caché sous cet : un peu, bien sage
Et dans : beaucoup il bat sous mon corsage.
Passionnément ne dort pas davantage
Que mon amour aux pieds de mon amant
Et que ma lèvre en baisant son visage.
Plus jamais de chambre pour nous,
Ni de baisers à perdre haleine
Et plus jamais de rendez-vous
Ni de saison, d’une heure à peine,
Où reposer à tes genoux.
Pourquoi le temps des souvenirs
Doit-il me causer tant de peine
Et pourquoi le temps du plaisir
M’apporte-t-il si lourdes chaînes
Que je ne puis les soutenir ?
Rivage, oh ! rivage où j’aimais
Aborder le bleu de ton ombre,
Rives de novembre ou de mai
Où l’amour faisait sa pénombre
Je ne vous verrai plus jamais.
Plus jamais. C’est dit. C’est fini
Plus de pas unis, plus de nombre,
Plus de toit secret, plus de nid,
Plus de lèvres où fleurit et sombre
L’instant que l’amour a béni.
Quelle est cette nuit dans le jour ?
Quel est dans le bruit ce silence ?
Mon jour est parti pour toujours,
Ma voix ne charme que l’absence,
Tu ne me diras pas bonjour.
Tu ne diras pas, me voyant,
Que j’illustre les différences,
Tu ne diras pas, le croyant,
Que je suis ta bonne croyance
Et que mon coeur est clairvoyant.
Mon temps ne fut qu’une saison.
Adieu saison vite passée.
Ma langueur et ma déraison
Entre mes mains sont bien placées
Comme l’amour en sa maison.
Adieu plaisirs de ces matins
Où l’heure aux heures enlacée
Veillait un feu jamais éteint.
Adieu. Je ne suis pas lassée
De ce que je n’ai pas atteint.
À Gaston Gallimard: « Je méditerai, tu m’éditeras ».
Fleurs promises, fleurs tenues dans tes bras,
Fleurs sorties des parenthèses d’un pas,
Qui t’apportait ces fleurs l’hiver
Saupoudrées du sable des mers ?
Sable de tes baisers, fleurs des amours fanées
Les beaux yeux sont de cendre et dans la cheminée
Un cœur enrubanné de plaintes
Brûle avec ses images saintes.
Toute personne honnête se contredit.
J’ai le chagrin pour compagnie
Car j’ai le rêve dans mon cœur
Et mon cœur jamais ne renie
Sa peine dont je suis la sœur.
J’ai le chagrin pour compagnie.
Une petite plage où l’on ne rit pas
Où personne ne passe :
C’est l’amour.
L’ombre non plus n’y chasse
De bras en bras
Un autre jour.
Pas de fausses mésanges
Mais au loin
Une petite île
Comme une meule de foin,
Et sous l’aile d’un ange
Deux anges immobiles.
Ma peur bleue, ma groseille,
L’amour est une abeille
Qui me mange le cœur
Et bourdonne à ma bouche
Que tu nourris et touches
Des baisers du malheur.
Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille,
Ne viendras-tu jamais
À l’envers de ma porte ?
Es-tu de cette sorte
Ange sourd et muet ?
Tes mains sans teint, polies
Au jeu de tes folies,
Se mouillent à mes yeux
Et tu ris de ces fleuves
Où naviguent mes vœux
Parmi tes robes neuves.
Ne me donneras-tu
Que ton chapeau pointu
À porter ma sorcière,
Et nul autre baiser
Que ces nids de danger
Et ces ruches entières ?
Ne me permets-tu pas
De t’enlever tes bas
À l’envers de ma porte ?
Je veux voir tes pieds nus
Et les abeilles mortes
Du bonheur revenu.
Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille
Posée sur mes désirs,
Ma chambre est grande ouverte
Que coupe l’allée verte
Par où tu dois venir.
Ma peur bleue, ma groseille,
Viens à fleur de mes veilles
Et que tombe le jour
À l’envers de ma porte.
Et que le vent emporte
Le chemin du retour
Cailloux des souvenirs vous faites trop de bruit
En vous entrechoquant. J’en ai la tête lourde,
Le cœur fou, l’âme folle et quand tombe la nuit
Et que je vous entends, je voudrais être sourde.
Le silence viendrait. Les fleurs me parleraient
De leur vie incessante et de leur pharmacie,
Mon savoir serait autre avec d’autres secrets
Que celui qui m’éveille et dont je me soucie.
Je passerais mon temps à ne pas me revoir
Et je m’écarterais des eaux de mon miroir
Où l’oiseau voyageur s’éprenait des colombes.
Sourde et seule avec moi dans mon lit de pâleur
Ne me parviendrait plus le chant des crève-cœur
Ni le bruit des cailloux qui construisent ma tombe.
Les mots sont dits, les jeux sont faits
Toutes couleurs toutes mesures,
Le danger cueille son bouquet,
Aux falaises de l’aventure
Je ne reviendrai plus jamais.
Adieu chapeau de Capitaine
Adieu gais écheveaux du vent,
Astre du Nord, étoile vaine,
Un baiser est au firmament
Des jardins où je me promène.
Adieu bateaux au jour défaits,
L’heure attendue est bien venue,
L’amour me choisit mes secrets.
À la tour des peines perdues
Je ne monterai plus jamais.
Ta chair d’âme mêlée
Chevelure emmêlée,
Ton pied courant le temps,
Ton ombre qui s’étend
Et murmure à ma tempe
Ton vert regard où trempe
La triste joie de l’univers.
Voilà, c’est ton portrait,
C’est ainsi que tu es
Et je veux te l’écrire
Pour que la nuit venue
Tu puisses croire et dire
Que je t’ai bien connue.
Souvenir et plaisir ne font pas bon ménage,
Vois déferler les pleurs au revers des beaux jours,
Vois au flot du regret la parure baignée,
L’écharpe de minuit de sanglots imprégnée,
Vois le baiser qui cherche à rejoindre l’amour
Et l’amour s’enivrer de nos larmes sauvages.
Couple amoureux aux accents méconnus
Le violon et son joueur me plaisent.
Ah ! j’aime ces gémissements tendus
Sur la corde des malaises.
Aux accords sur les cordes des pendus
À l’heure où les Lois se taisent
Le cœur en forme de fraise
S’offre à l’amour comme un fruit inconnu.
Château des souvenirs
Où l’heure m’est lointaine,
Où l’amour se promène,
Dont j’entends les soupirs
Tout au long des semaines,
Château du « Revois tout »,
Château de ma présence,
L’amour encore y danse
Et me tient par le cou
Car je vivais d’avance.
Je suis une enfant très lointaine
Car j’ai le rêve dans mon cœur.
Mon cœur est l’époux de ma peine
Et ce couple est fait de malheur.
Je suis une enfant très lointaine.
Je vois, je devine et je sais,
J’entends, je donne et je pardonne,
Je connais et je reconnais,
Je suis sévère et je suis bonne.
Je vois, je devine et je sais.
J’ai le chagrin pour compagnie
Car j’ai le rêve dans mon cœur
Et mon cœur jamais ne renie
Sa peine dont je suis la sœur.
J’ai le chagrin pour compagnie.
Mon beau petit oiseau, mon enfant sur ma tombe
Qu’elle est pâle la nuit, qu’il est doux le berceau
De tes bras, de ton cœur, de ton regard d’où tombent
Des larmes sur ma vie, un rire sur mes maux.
Mon enfant sur ma tombe, en regardant la route
Je vois partout l’empreinte et le rythme passé
De ton pas, mon voisin, l’ami de tous mes doutes
Et ton regard empli de l’amour trépassé.
Qu’il fut doux le berceau d’où je sortis vivante,
Humide et fraîche enfant d’un destin déjà mort ;
Tu me fis naître tard sur la route savante
Où cherchant notre paix nous trouvions le remords.
Dans ta voix ce qui m’émerveille
Et me fait rime de ton temps
C’est ton baiser à mon oreille
Et c’est le rêve qui m’attend
Dès les moments où je m’éveille.
Je t’aime d’amour innocent,
Je ne suis rien voulant tout être,
Je suis la pluie et le beau temps,
Je suis le tulle à ta fenêtre,
Je suis-je ne sais pas comment.
Mais si tu voulais me connaître,
Mais si tu voulais m’emmener
Vers tout ce qui peut m’apparaître
Dans notre amour tôt condamné
Par tes ailleurs et tes peut-être,
Je te dirais : « Plutôt finir. »
Dans le présent de tes journées
Vois en moi la fleur à cueillir,
Et vois la fleur abandonnée
Par le destin de tes plaisirs.