Ma peur bleue, ma groseille,
L’amour est une abeille
Qui me mange le cœur
Et bourdonne à ma bouche
Que tu nourris et touches
Des baisers du malheur.
Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille,
Ne viendras-tu jamais
À l’envers de ma porte ?
Es-tu de cette sorte
Ange sourd et muet ?
Tes mains sans teint, polies
Au jeu de tes folies,
Se mouillent à mes yeux
Et tu ris de ces fleuves
Où naviguent mes vœux
Parmi tes robes neuves.
Ne me donneras-tu
Que ton chapeau pointu
À porter ma sorcière,
Et nul autre baiser
Que ces nids de danger
Et ces ruches entières ?
Ne me permets-tu pas
De t’enlever tes bas
À l’envers de ma porte ?
Je veux voir tes pieds nus
Et les abeilles mortes
Du bonheur revenu.
Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille
Posée sur mes désirs,
Ma chambre est grande ouverte
Que coupe l’allée verte
Par où tu dois venir.
Ma peur bleue, ma groseille,
Viens à fleur de mes veilles
Et que tombe le jour
À l’envers de ma porte.
Et que le vent emporte
Le chemin du retour
Choisir n’est pas trahir
Eau-de-vie, au-delà
À l'heure du plaisir
Choisir n'est pas trahir
Je choisis celui-là.
Je choisis celui-là
Qui sait me faire rire
D'un mot par-ci par-là
Comme on fait pour écrire
Comme on fait pour écrire
Il va de-ci de-là
Sans que j'ose lui dire
J'aime bien ce jeu-là
J'aime bien ce jeu-là
Qu'un souffle fait finir.
À l'heure du plaisir
Je choisis celui-là.
Assise sur la plaine
Elle tissait le soir
Le châle de mes peines
Du fil de mes espoirs.
Mes mains chaudes et mains moites
Blancs oiseaux passagers
J’aimais ses mains étroites
Sur mon cœur en danger.
J’aimais que son visage
Mît mes jours en péril
Et risquer mon courage
Aux traits de son profil.
La faute originelle
Plantée en son bel œil
Fleurissait sa prunelle :
Couronne de mon deuil.
Et j’aimais sa démarche
Son air d’ange entêté
Quand nous passions sous l’arche
Des ponts d’hiver hantés.
À l’abri des colonnes
Prunelles des amours
Fleurissez de couronnes
Les baisers sans retour.
Elle rendit son ombre
Au grand vent d’un matin
Feuille à peine plus sombre
Que la feuille au jardin.
Mains moites, mains glacées
Oh ! mains de pain béni,
Reposez enlacées
Le long châle est fini.
Salons de l’autre monde
Dans les eaux des miroirs
Aux côtés de ma blonde
Je vais venir m’asseoir.
Mon cadavre est doux comme un gant
Doux comme un gant de peau glacée
Et mes prunelles effacées
Font de mes yeux des cailloux blancs.
Deux cailloux blancs dans mon visage,
Dans le silence deux muets
Ombrés encore d’un secret
Et lourds du poids mort des images.
Mes doigts tant de fois égarés
Sont joints en attitude sainte
Appuyés au creux de mes plaintes
Au nœud de mon cœur arrêté.
Et mes deux pieds sont les montagnes,
Les deux derniers monts que j’ai vus
À la minute où j’ai perdu
La course que les années gagnent.
Mon souvenir est ressemblant,
Enfants emportez-le bien vite,
Allez, allez, ma vie est dite.
Mon cadavre est doux comme un gant.
Fleurs promises, fleurs tenues dans tes bras,
Fleurs sorties des parenthèses d’un pas,
Qui t’apportait ces fleurs l’hiver
Saupoudrées du sable des mers ?
Sable de tes baisers, fleurs des amours fanées
Les beaux yeux sont de cendre et dans la cheminée
Un cœur enrubanné de plaintes
Brûle avec ses images saintes.
Avec Diglee, Sophie Daull, Héloïse Luzzati, Laurianne Corneille & Marielou Jacquard
La poésie est loin de n'être qu'une affaire d'hommes ! Avec son anthologie très personnelle "Je serai le feu", Diglee nous emmène dans ce qui a été pour elle un voyage, une épiphanie : la découverte d'un matrimoine littéraire oublié et méconnu d'oeuvres de poétesses, principalement du 19e et 20e siècles. Cinquante femmes, devenues sa famille, dont elle exhume les écrits pour leur redonner une seconde vie.
À l'image de l'autrice, la violoncelliste Héloïse Luzzati est une « passeuse ». Avec l'association Elles women composers, regroupant un collectif d'artistes, elle travaille à la réhabilitation du matrimoine musical et à la diffusion des répertoires de compositrices invisibilisées, effacées de l'histoire… Il n'y avait donc qu'un pas pour réunir ces deux univers artistiques en une création originale et inédite réalisée pour la clôture du festival Hors limites 2021, qui a pris la forme d'une lecture musicale dessinée, hautement poétique.
Mis en scène, incarnés et incantés par la comédienne Sophie Daull pour lesquels elle prête sa voix, les vers des poétesses Anaïs Nin, Marie Nizet, Marceline Desbordes-Valmore, Louise de Vilmorin ou encore Claude de Burine (re)trouvent leur correspondance musicale.
Alternant entre duo ou trio, la violoncelliste Héloïse Luzzati, la pianiste Laurianne Corneille, et la chanteuse mezzo-soprano Marielou Jacquard jouent ces compositions inconnues de tou·te·s, sous la plume de Diglee qui, quant à elle, dessine en direct et redonne un visage à toutes ces poétesses injustement oubliées.
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Une coproduction de l'Association Bibliothèques en Seine-Saint-Denis, les bibliothèques de Montreuil et Elles women composers
Une création réalisée dans le cadre du festival Hors limites 2022 et enregistrée à la bibliothèque Robert Desnos de Montreuil à partir de l'ouvrage "Je serai le feu" (La Ville brûle, 2021) de Diglee.
Captation vidéo : Wael Sghaier & Thomas Dudan
Production : Association Bibliothèques en Seine-Saint-Denis
Crédit photo d'illustration : Charlène Yves
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