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Critiques de Manuel Vilas (90)
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Ordesa

°°° Rentrée littéraire 2019 #24 °°°



Comment puis-je autant aimer un livre qui semble tout faire pour se rendre mal aimable ? Un chaos narratif assumé où les digressions semblent divaguer erratiquement en faisant fi de toute chronologie ... Un narrateur dépressif, embourbé dans sa solitude, quinqua bourré d'alcool et de cachetons, au désespoir si profond que toute empathie immédiate est impossible alors qu'il pleure la mort de ses vieux parents dont il ne se remet pas.



Ce texte très singulier ne se laisse pas facilement apprivoiser, il exige dès les premières pages une lecture concentrée et surtout un lâcher prise total. Très rapidement, j'ai été happée par le flot des mots qui construisent une cathédrale élégiaque dans laquelle l'auteur déverse toute sa rage intranquille et la douleur dévorante de son deuil, comme si j'étais directement plongée dans cet esprit en pleine tempête.



Son impudeur est saisissante : «  Mon coeur ressemble à un arbre noir couvert d'oiseaux jaunes qui piaillent et me perforent la chair dans une sorte de martyre. Je comprends le martyre qui consiste à s'arracher sa chair pour être plus nu ; le martyre est un désir de nudité catastrophique. »



Ici aucun désir de polissage ou de retenue. Manuel Vilas s'abandonne totalement au sentiment de désastre. Il livre ses tripes en offrandes au lecteur sans se soucier de l'image qu'il renvoie, ruminant le drame en toute anarchie dans l'espoir d'une catharsis apaisante qui n'arrive jamais. le moindre détail, la moindre photographie, un lieu, un simple objet peuvent faire surgir un souvenir à la fois banal et poignant sur ses parents et sa famille : l'odeur de l'huile d'olive, une cigarettes blondes fumée jusqu'au filtre, la vallée pyrénéenne d'Ordesa. Il sait trouver les mots, entre amertume exaltée et humour féroce, sans que la lecture ne soit plombée de désespérance, magie de l'écriture.. Certaines pages sont absolument splendides et sondent dans nos coeurs notre propre histoire.



«  Je suis dans la salle de bains, je me brosse les dents et sens derrière moi un être qui marche dans mes pas. Ce sont les restes de mon père et de ma mère défunts, ils s'accrochent à ma solitude, s'incrustent dans mes cheveux, leurs minuscules molécules fantomatiques suivent le parcours de mes mains et de mes pieds dans la salle de bains, tiennent à mes côtés la brosse à dents, me regardent en faire usage, lisent la marque du dentifrice, observent la serviette, touchent mon reflet dans le miroir ; quand je me mets au lit ils 'allongent près de moi, quand j'éteins la lumière, je les entends murmurer. Ce ne sont pas toujours eux ; ils sont parfois accompagnés de fantômes malades, de fantômes sales, horribles, furieux, malins ou bénins, peu importe, la condition de fantôme transcende le bien et le mal. Des fantômes de l'histoire de l'Espagne, qui est elle aussi un fantôme. Ils me caressent les cheveux pendant que je dors. »





Mais si ce récit est devenu un best-seller en Espagne, s'il y a été sacré Meilleur roman 2018, c'est aussi qu'à travers cette intimité rageusement dévoilée, c'est toute une époque qui revit, celle d'une province espagnole ( Huesca ) dans les années 1960 – 1970, à l'heure du franquisme déclinant, celle d'une famille de «  classe moyenne basse » , de parents nés après la Guerre d'Espagne, hantés par la peur du déclassement. Celle des oubliés, des invisibles, des aliénés au système, de ceux dont on ne parle pas : «  l'Espagne n'a rien donné à mes parents. Ni l'Espagne franquiste, ni l'Espagne monarchique. Au moins sous le franquisme, ils étaient jeunes, c'était au moins ça.  »



Se dessine ainsi une oeuvre inclassable, profonde, d'une sincérité totale, un hommage bouleversant à des parents qui deviennent au fil de la lecture les tiens. Un livre difficile d'accès, qui ne plaira pas à tous, mais qui moi m'a profondément plu.



Lu dans le cadre du jury Grand Prix des Lectrices Elle 2020 ( n°9 )
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Irene



Je tiens tout d’abord à remercier les Éditions du sous-sol et Babelio pour l’envoi de cet ouvrage dans le cadre d’une opération masse critique privilégiée.



L’auteur, Manuel Vilas, qui avec son "Ordesa" avait remporté en 2018 le Prix Femina étranger, tombe avec ce roman à nouveau dans les prix : notamment le "Premio Nadal de Novela" 2023 ou le plus ancien prix littéraire espagnol, pour la première fois décerné en 1944 à Carmen Laforet pour son magnifique roman "Nada".



À mon avis, ce prix est bien mérité pour la beauté de la langue et du style, mais l’histoire elle-même m’a dans le fond déçu.



En effet, la langue de Manuel Vilas est riche et précise, tout en étant fort poétique et l’auteur a, en plus, le don de saisir une réalité complexe par une formulation succincte qui fait penser à la maestria d’un Oscar Wilde dans cet art spécifique. Une caractéristique littéraire qui permet de distiller de jolies citations. Telle celle que j’ai envoyée à notre site de lecteurs hier à propos de l’amour qui "rend la laideur et la méchanceté du monde invisibles".



La version française a, en outre, bénéficié de l’élégante traduction par Isabelle Gugnon, la grande spécialiste de la littérature argentine.



Le thème central du livre est le deuil et la solitude qui suivent le décès de l’être adoré et comment reprendre goût à la vie.



Ainsi, Irene, l’héroïne du récit, perd au bout de vingt ans d’une relation très heureuse son époux bien-aimé, Marcelo ou Marce, au cancer. Arrivée à la cinquantaine, cette perte la laisse, bien entendu, totalement désemparé.

Dans son désarroi, elle vend son bel appartement au centre de Madrid, liquide le florissant commerce de meubles de son mari et, à la tête d’une solide fortune, part à Malaga, où elle loue une super BMW 840 décapotable pour faire le tour de la Méditerranée.



À Malaga, Irene a une brève relation sexuelle avec le beau Julio, rencontré par hasard, et c’est à partir de ses considérations à la suite de cette courte affaire et surtout sa comparaison entre ses sentiments pour cet homme et le grand amour pour feu Marcelo que l’histoire a commencé à me paraître moins convaincante et donc à me décevoir.



Il se trouve qu’en avril 2003, j’ai vécu un drame similaire avec la mort de mon épouse d’un cancer du sang à l’âge de 46 ans, et que mon expérience personnelle a probablement influencé négativement mon jugement du roman.



Les multiples renvois littéraires et poétiques donnent à ce livre cependant un charme particulier et certain.

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Irene

"Femme fatale" chantait Nico.

Irène, la cinquantaine conquérante, vient de perdre son époux Marcelo des suites d'une longue maladie. Persuadée de le revoir au moment d'atteindre l'orgasme ( ! ), elle multiplie les liaisons dans des hôtels luxueux au gré d'une virée le long de la Méditerranée, de l'Espagne à l'Italie. Et tous, amants et amantes, succombent aussitôt à sa beauté et tombent fébrilement amoureux. Mais elle n'en a cure, et entre deux rencontres, elle se remémore l'amour exclusif et fusionnel qui la liait à Marcelo. Toutefois, quelque chose finit par clocher dans ses souvenirs excessifs.



Histoire tordue, amour vicié, c'est un roman qui met mal à l'aise. Dès le début, j'ai détesté Irène, cette femme exigeante, sûre de son pouvoir de séduction, férue de poésie, et usant de ses parfums comme de poisons pour ensorceler ses proies. J'ai détesté son goût ostentatoire du luxe, son mépris arrogant du commun, et sa conviction d'avoir vécu un amour unique au monde. D'ailleurs, sa description de cet amour outrancier fait plutôt froid dans le dos, dès lors qu'elle y intègre des éléments très dérangeants qui le font glisser peu à peu dans le sordide ; au point que j'ai songé à abandonner ma lecture -mais bien m'en a pris de la poursuivre, car la fin éclaire admirablement cette étrange histoire.

J'ai également été bousculée par le style de Manuel Vilas, très racé, passant avec une confusion maîtrisée du "je" au "elle". Cette écriture nécessite une attention accrue, mais l'exercice finit par devenir agréable. En outre, le récit est impeccablement structuré.



C'est donc un roman perturbant, tant dans la forme que sur le fond, imprégné de folie contrôlée, et qui ne peut laisser indifférent.

Un grand merci à Babelio et aux Editions du sous-sol pour son envoi.
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Ordesa

«  Ma mère était infinie, ma mère était le présent » .

«  Mon père était un artiste . Il avait du style. »

«  le passé est porteur de joie. le passé est un ouragan » .

Trois courts extraits de cet autoportrait brut sans fard, ni tabou, pétri d'humour et d'ironie d'un écrivain confronté à la douleur de la disparition de ses parents : véritable LETTRE D'AMOUR .

Un ouvrage difficile d'accès quelque part : un chaos narratif marquant pour le lecteur obligé de se concentrer, chaos aux souvenirs multiples , ravivés par une tendresse intense doublée d'une terrible culpabilité d'avoir fait incinérer son père le 19 décembre 2005.

«  À la mort de mes parents ,ma mémoire est devenue un fantôme irritable , effrayé , enragé » .

L'auteur a hérité de quelques rares photos jaunies de ses défunts parents.

Souvenirs anciens , enchanteurs de l'eau de Cologne de sa mère , «  Une femme drame » , des volutes formées en coeur par les cigarettes de ses géniteurs , des originaux pour l'époque , ils n'allaient jamais à la messe ….ce qui ne convenait guère , il faut l'avouer , en Espagne dans les années 60 et 70.

Souvenir ému de la Siat 600 : «Motif d'espoir athée et matériel » , des costumes de représentant de son père , de la silhouette paternelle au cours de l'été 69 : Ordesa, Ordesa, la couleur jaune , d'une vallée des Pyrénées où l'auteur passait enfant , ses vacances .

En 2015 , assailli par la nostalgie ,la culpabilité l'auteur décide de passer un scanner cérébral, et sans résultats , tout était normal, entame donc la rédaction de ces pages ,magnifiques , tantôt désespérées, tantôt amères , impudiques parfois, déchirantes , prenant aux tripes , incroyablement poétiques , une magie de mots qui peuvent désarmer , bien sûr .

«  Puisque j'ai fait brûler le corps de mon père, je n'ai pas d'endroit où le retrouver , si bien que j'en ai inventé un ; l'écran de cet ordinateur » .

De réminiscences en odeurs différentes , multiples contextes , de notes , de degrés , de sensations nombreuses, le lecteur remonte le temps jusqu'aux années 60 , de l'Espagne franquiste à la monarchie actuelle , partage le vécu d'une famille de « classe moyenne basse » profondément marquée par la guerre civile , tentant bien sûr d'aspirer à un confort évident , souvent oubliée par la prospérité .

Une Espagne cachée , enfouie ,à l'image de la vie de ses parents que l'auteur convoque au fil des pages , comme un tout petit enfant lâcherait la main des êtres qui l'ont vraiment aimé !



Cri de détresse. , archives encombrées de la mémoire ou des mémoires d'un homme assailli par ses souvenirs , ses regrets , son passé, ses perceptions sincères .



Cet ouvrage trouble , désarme par sa dignité , sa vérité , sa profondeur à l'aide d'une prose débridée , un chaos narratif , une langue acide mêlant colère , amour , intime et universel à travers le destin de toute une génération sacrifiée .



Un livre «  LETTRE D'AMOUR » , archives , mémoire, lumineux , foisonnant , riche , très complexe bouleversant , touchant par sa vérité ,et sa détresse , à la beauté mélancolique .

Assez difficile à lire mais passionnant de bout en bout ….



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Irene

Merci à Nathan, à Babelio et aux éditions du Sous-Sol (Seuil) pour l’envoi de ce roman dans le cadre d’une masse critique.



Qualifiée « d’ange » dans un très bref prologue, Irene, 50 ans, vient de perdre son mari, Marcelo (Marce), emporté par un cancer. Manuel Vilas nous présente son personnage féminin comme une irrésistible beauté qui tente de retrouver son grand amour. Irene bénéficie d’une situation matérielle plus que confortable : en plus de la « somme colossale » que Marcelo lui a laissée, elle a vendu leur magasin de meubles aux employés et s’est aussi débarrassée du plus grand de leurs deux appartements. Elle possède donc une petite fortune qui ne la satisfait évidemment pas : à quoi bon tout cet argent si Marcelo n’est plus là. Irene collectionne les aventures avec des hommes et des femmes, mais en revient toujours à son mariage idéal, à l’amour fou qu’elle et Marcelo se portaient, un amour sans limite et sans nuages, assurément idéalisés, comprend le lecteur, par une Irene inconsolable de son deuil et écrasée sous le poids de la solitude et de l’absence. Étrangement, Irene « voit » Marcelo quand elle jouit, vision ou apparition campée dans un décor très particulier…

***

Je me suis sentie décontenancée par ce roman. L’écriture m’a semblé très irrégulière : par moment, l’auteur gratifie son lecteur d’un style original, d’aphorismes poétiques, magnifiques, d’un vocabulaire riche et recherché, alors que dans certains passages, on tombe dans la banalité, le lieu commun, voire la pauvreté. J’avoue avoir été exaspérée par la prééminence de l’apparence physique, l’insistance sur le luxe, la profusion de marques plus nombreuses que chez une influenceuse. Irene fait une fixation sur les montres, au point de juger les gens sur le prix de celle qu’ils portent, sur les hôtels de luxe, les repas de luxe, les voitures de luxe, les parfums de luxe, etc. Les allers-retours entre présent et passé, sans Marcelo et avec Marcelo, m’ont vite lassée, ainsi que les passages érotiques, au point d’avoir lu, vers le milieu du roman, une cinquantaine de pages en diagonale. Les retours vers l’enfance se révèlent plus puissants à mon avis. J’ai trouvé la fin du roman habile, mais assez attendue : de nombreux thrillers emploient de semblables artifices. Un vrai régal pourtant par moments, entre autres les passages sur la Méditerranée, sur Fellini, sur la poésie de Quevedo, ainsi que quelques moments partagés avec Marcelo, fantasmés ou non, peu importe. Ce roman a reçu le prestigieux prix Nadal en Espagne.

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Irene



Estimado señor Vilas,



Comment vous décrire toute ma déception en tant que lecteur ?

Car après avoir été touché par la grâce d'un de vos précédents ouvrages, parfois jusqu'aux larmes – votre «Ordesa», petit bijou d'intelligence émotionnelle, empreint de poésie naturelle, spontanée, exercice d'une grande délicatesse qui tout en évitant le piège d'un rayon qui personnellement m'insupporte au plus haut point, celui de «l'auto-support», élève, sans mièvrerie, comme en un écho à l'épigraphe que vous lui aviez choisie (extraite de la magnifique chanson de Violeta Parra, «Gracias à la Vida»), une ode à la vie et une invitation à pratiquer une forme de «mystique» païenne imprégnée de gratitude et d'amour inconditionnels- , comment concevoir, donc, en refermant votre dernier opus, «Irene», à mes yeux, pardonnez-moi, sans aucun intérêt, d'une grande vacuité, d'une facture littéraire globalement, comment dire…pas du tout à niveau, ou en tout cas pas de votre niveau à vous, comment imaginer qu'il puisse s'agir du même auteur ??

Je suis peut-être très, trop sévère, je le sais. «Qui aime bien , châtie bien», dit-on en français ! (Il doit certainement exister une formule équivalente en espagnol).

Je n'y peux rien, estimado señor, malgré toute ma bonne volonté, à aucun moment votre roman ne m'aura emporté nulle part ailleurs que dans une profonde incompréhension. Et la lecture, plus qu'ennuyeuse, m'aura été, jusqu'au bout, pénible.

Et pourtant, ça promettait : la photo de la plus-que-sublime Anouk Aimée – inoubliable Lola, de Jacques Demy ; la «Femme» chez Lelouch ; sulfureuse Maddalenna de «La Dolce Vita»… - sur la couverture de la traduction française, offrant d'entrée de jeu au lecteur que je suis à la fois une magnifique imagerie fantasmatique et une enveloppe corporelle taillée sur mesure à votre personnage central, Irene, et puis votre note d'introduction la présentant comme une incarnation (qui me ferait immédiatement penser aussi au chef-d'oeuvre de Wim Wenders, «Les Ailes du Désir») de «ces anges qui existent peut-être discrètement», «hommes et femmes qui traverseraient notre monde sans d'autres objectifs que l'amour».

O Caritas ! Nobis semper sit amor !



Hélas, Irene se révèlerait rapidement n'être qu'un personnage «de papier», dépourvu de toute épaisseur, factice, qui ne me suscitera rien, aucun sentiment de ma part, ni empathie, ni séduction, ni compassion, ni quoi que ce soit d'autre...!



Et pourquoi pas, avais-je pourtant essayé de me rassurer dans un tout premier temps de ma lecture, persuadé que je suis qu'on peut transformer n'importe quel matériau, une liste de courses, un rapport de réunion de copropriété ou tout autre chose, en un texte beau, ou original, ou intéressant, et qu'à défaut d'une suspension naturelle de l'incrédulité, un guide chevronné, un pilote à bord du récit, un marionnettiste visible et habile comme dans le bunkaru japonais peuvent parfois très bien faire l'affaire !!

Je me suis alors mis à vous chercher, señor Vilas.. En vain !

Bien que vous y ayez ajouté un narrateur à la troisième personne et que, dès lors, ce soit légitime, n'est-ce pas, qu'on s'attende à un minimum d'omniscience, ou d'un recul plus ou moins implicite par rapport aux évènements, ce dernier a cependant l'air de ne jamais décoller d'un pouce du plancher des vaches, semble adhérer systématiquement et surtout prendre très au sérieux toutes les frasques et sornettes que votre personnage enchaîne dans une surenchère de plus en plus flagrante..,À un tel point que, désorienté, ne sachant plus à quel saint me vouer, ni à partir de quel degré prendre les choses (sérieux ? pas sérieux ?), l'idée absurde traverserait un moment mon esprit (déjà bien entamé lui aussi) que peut-être le «x» résiderait justement dans une éventuelle «mise en abyme», une confusion volontaire que vous chercheriez à provoquer chez le lecteur, entre la place et le rôle de chacun, et que, grâce à un retournement des choses que vous réserviez pour plus tard, tout finirait par rentrer dans l'ordre…

Bref, que vous auriez peut-être concocté une parodie qui ni dit pas, tout de suite, son nom, une vraie fausse-satire de la perte de repères, de la déréliction et de la vacuité qui nous menace aujourd'hui, et de l'inutilité de la littérature aussi, etc., etc…Sornettes!



En attendant, pendant plus de deux tiers de votre livre, mis à part, je reconnais, quelques rares perles faisant toujours foi de votre potentiel poétique, mais que j'aurais personnellement du mal à isoler au milieu du redoutable vivarium d'inepties débitées par Irene, je devrais me faire violence et avaler donc une quantité phénoménale de couleuvres lâchées au bord de la Méditerranée, au cours de ce qui se présente comme une sorte de «road-trip» (ou plutôt «road-strip» d'ailleurs, vu le nombre de fois où la coquine se fout à poil !!) de veuve inconsolée, fuyant un deuil impossible. D'hôtel de luxe en palace cinq étoiles, de la côte espagnole jusqu'en Italie, en passant par Sète ou Nice, le même schéma se répète à chaque fois : Irene drague, pas la mer, non, mais des hommes et des femmes qu'elle croise au hasard et qu'elle va consommer sur le pouce, exclusivement afin de pouvoir faire apparaître quelques instants, pendant l'acte et au moment même de son orgasme, l'image de son mari défunt «en haut d'une échelle et entouré de flammes»!!! Voyons, tout de même..!



Une chose au moins on ne peut pas vous refusez : vous prouvez d'une fois pour toutes que les anges ont bien un sexe et savent, en plus, parfaitement s'en servir !



En revanche, pour ce qui est d'une cervelle, il faudra peut-être repasser…Votre Irene, j'avoue, m'a profondément énervé avec sa superficialité et ses caprices de femme-enfant, avec son goût de produits de luxe, de voitures de haut standing, son obsession pour les montres en or et les grands parfums, cités à tout-va. Diable, me dis-je, elle aurait mieux fait de tenir un de ces blogs qui font sensation en ce moment, au lieu de nous embêter avec tout ça pendant deux cents pages : «Irene Situations » !



Et puis, sincèrement, comment s'émouvoir d'autre part des souvenirs qu'elle égrène au fur et à mesure de ce bonheur conjugal perdu qu'elle veut à tout prix rattraper, parfaitement bébête et égoïste, aussi peu consistant et superficiel que tout le reste, surdimensionné et étalé surtout en larges couches de mots vides et galvaudés, au point de vous en donner la nausée ?



D'une station balnéaire à l'autre, donc, d'Espagne jusqu'en Italie, en passant par le midi de la France, d'homme en homme, parfois des femmes, on finit par se douter bien que ce n'est pas possible, qu'il faudra bien arrêter tout ça à un moment ou à un autre, que vous ne voudrez tout de même pas faire éternellement durer cette ritournelle, en boucle, telle la chanson de Brel, «Les Remparts de Varsovie» : « Madame promène son c… etc.,etc.» !!



Et boum, voilà que subitement tombe le rideau !

Mais alors, señor Vilas, quelle déception encore plus importante, celle de vous voir vous en sortir par l'un des clichés les plus rabâchés de toute l'histoire de la littérature !

Un dénouement, soi-disant inattendu (mais qu'on aura revu des centaines de fois depuis le temps !), dépourvu toujours de toute mise en perspective et ne répondant, en ce qui me concerne, à absolument aucune de mes interrogations précédentes. Et qui plus est, sincèrement, ne changeant rien sur le fond à cette histoire absolument farfelue et inintéressante, ni pour moi, ni d'ailleurs pour Irene..!

Je ne pourrai malheureusement pas vous en parler plus en détail de ce que je pense de cette fin, dans la mesure où, je dois vous l'avouer – tout en espérant que vous n'allez pas trop m'en vouloir - , je m'étais en même temps engagé à publier cette lettre ouverte sur un site de lecteurs en France, et que, par respect à d'autres potentiels lecteurs de votre livre, je ne souhaite surtout pas «divulgâcher» l'histoire…



Avant de terminer cette lettre, sachez néanmoins, estimado señor, que je garde malgré tout «Alegria», la suite que vous aviez donné à «Ordesa », dans ma liste de lectures à venir !

Et que de toute façon, ma déception et cet avis personnel, très négatif, n'auront sans doute aucune incidence importante, n'est-ce pas, sur l'avenir et le succès de votre livre, qui par ailleurs vous a déjà valu un prix, le prix Nadal de « meilleur roman espagnol » de l'année !!



Ça, c'est de la réalité..!!



Je vous laisse, sinon, et je vais essayer de me calmer. D'ailleurs, j'entends frapper à la porte de ma chambre. C'est certainement l'infirmière.



Bien à vous !



……



(Je tiens malgré tout à remercier vivement Babelio et les Éditions du Sous-Sol pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une opération «Masse critique privilégiée», même si, comme il sera aisé de le constater, malheureusement pour moi, cela se terminerait en un désagréable «coup de massue» !)





….

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Ordesa

Ordesa est un roman désarmant, plein d'humour et d'une tonifiante ironie, dont on n'en sort pas indemne. Manuel Vilas convoque ses souvenirs. ‘Le souvenir allume une lampe', écrivait Borges, le souvenir est exigeant. Il raconte son histoire. Son récit dense, serré, loin d'être un lamento inlassable, un mea culpa plombant et improductif, est un appel d'air bienfaisant. Il y a des passages à mourir de rire, d'autres, d'une irrémissible désolation; des envolées inattendues à vous couper le souffle avec des situations cocasses et insolites. Un mélange bien assemblé de registres et de genres, dans une langue souple et coulante, très agréable à lire.

Il refuse le dualisme et discourt sur tout sans complexes ou fausses hontes. Il nous parle de la mort, du sentiment de déracinement dans un monde mondialisé, de la perte de repères de la personne vieillissante. C'est en quelque sorte un exutoire qui lui permet de suppurer la douleur d'un impossible deuil.

Pour Vilas, ce récit est une lettre d'amour et de reconnaissance à ses parents disparus. En vérité c'est beaucoup plus que ça.

Une voix unique et tonitruante. Un récit d'une sincérité implacable. Intrépide et transgresseur. J'ai souvent pensé en lisant ce livre, à ce que disait Genet à propos de la lecture :"si je n'écris pas Les Frères Karamazov en même temps que je lis, je ne fais rien."Je lisais quelques pages, puis je m'arrêtais pour méditer, soupeser, en attendant que ça fasse son effet. C'est une lecture qui m'a apportée, qui m'a pris du temps, le temps qu'il faut, son histoire c'est aussi la nôtre, qu'il raconte d'une manière bouleversante, libératoire et vigoureuse.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un ouvrage de cette carrure, qui nous brise le coeur et nous soulage à la fois.

Si la vérité, dont nous parle ce livre nous tient en haleine du début jusqu'à la fin, c'est parce que, comme dirait Joan Manuel Serrat « nunca es triste la verdad, lo que no tiene es remedio. »









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Les baisers

A la façon d’un journal de bord, Manuel Vilas raconte la rencontre d’un homme au crépuscule de sa vie et d’une femme à la croisée des chemins dans un petit village espagnol, alors que le monde est paralysé par une pandémie.

« Les baisers » est une promenade poétique au milieu de cette relation amoureuse et sans concession. C’est aussi l’autopsie d’une relation qui donne son sens à la vie.

L’auteur intellectualise parfois les rapports amoureux en dévoilant les secrets de cette illusion qui transcende les relations charnelles. Le roman de Manuel Vilas est plus proche de l’étude scientifique du phénomène amoureux que d’une bluette.

Traduction d’Isabelle Gugnon.

Editions du sous-sol, Points, 454 pages.

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Irene

Tout d'abord tous mes remerciements à Masse Critique pour l'envoi de « Irene ».

Cette femme est veuve. Elle a vécu vingt années d'amour avec Marcelo, celui qui était son patron dans un magasin de meubles de Madrid, et avec qui elle a connu un coup de foudre réciproque.



Depuis Irene a décidé de ressusciter l'image de « Marce » dans les bras d'hommes (ou de femmes) qu'elle rencontre dans les chambres d'hôtel qui jalonnent son périple : Julio, Horacio, Sanfeliu, Duval, Guido.... Et au moment de l'orgasme, le charme opère : elle aperçoit le fantôme de son mari disparu qui lui fait signe.



Un compte en banque bien rempli grâce à l'activité de vente de meubles, un intérêt manifeste pour les montres portées par ses amants d'un jour, en souvenir des montres offertes à Marcelo, et un sonnet De Quevedo comme fil conducteur de ses aventures, tels sont les ingrédients du roman de Manuel Vilas.



L'auteur espagnol nous conte la passion amoureuse d'Irene et de Marcel, un amour absolu et unique pensent-ils comme tous ces amoureux qui se croient seuls au monde. Mais le final, après une ultime nuit d'amour avec une femme, laissera le lecteur au mieux surpris, au pire perplexe face à un rebondissement inattendu.



Je suis désolée mais je suis restée totalement en dehors de l'histoire d'Irene la belle veuve madrilène.



On songe un instant à « Les Amants du Lutetia » pour cette passion dévorante qui unie le couple richissime en excluant les autres, mais avec une fille en moins par rapport à l'histoire d'Emilie Frêche. Mais cette même passion pour le luxe, les parfums, les montres et l'apparence m'a profondément ennuyée pour être honnête.



Un style fait de petites phrases courtes, des paragraphes répétitifs et un surcroit de questions, censément en provenance du cerveau d'Irene ne m'ont pas convaincu et donné envie d'en savoir plus.



Je continuerai à lire Javier Cercas, Juan Marsé, Rosa Montero, et bien sûr Javier Marias et Antonio Munoz Molina par goût pour ces auteurs espagnols qui me séduisent tant, mais je ne pense poursuivre au-delà la découverte de Manuel Vilas – le thème du couple restant un infini mystère que la littérature n'est pas près d'épuiser.

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Irene

Irene, qui formait avec son mari Marce un couple inséparable depuis une vingtaine d'années, vient de le perdre et traverse une intense période de deuil. Elle vend ses biens immobiliers, ainsi que le magasin de meubles de son époux et dotée ainsi d'une importante somme d'argent, elle quitte, désoeuvrée, le centre ville de Madrid, loue une luxueuse voiture et entreprend un voyage sur la côte méditerranéenne, en faisant des étapes dans des paradors et des hôtels prestigieux.

Lors de ces séjours, elle se met en quête d'hommes et de femmes à qui elle propose des rapports sexuels dont l'aboutissement lui permet d'entrer en communion avec son défunt mari, visualisé subrepticement en haut d'un escalier avant de disparaître dans les flammes. Elle lui offre ses amants sur l'échafaud de son corps afin qu'il lui rende visite.

Irene fait des retours sur sa vie avec Marce. Elle se souvient qu'ils entretenaient une relation totalement fusionnelle et exclusive, ne vivant que l'un pour l'autre, et excluant tout contact familial ou social. Ils se vouaient une passion réciproque hors norme et n'envisageaient pas d'avoir des enfants.

Elle admet qu'elle s'aimait à travers Marce, au point que cela pouvait se retourner contre elle.

Elle poursuit des réflexions sur le temps, sur le passé, est obnubilée par les montres, les montres hors de prix qu'elle porte et celles, moins onéreuses, de ses amants.

Elle dit révérer les morts, non pour eux-mêmes, mais pour elle, pour la part d'identité qu'ils contiennent.

Le passé est le temps de l'invention et Irene reconnait qu'elle s'invente un passé, qu'elle se construit une vie mentale parallèle qui n'est pas réelle. "Irene et la réalité".

Petit à petit le monde d'Irene s'effrite, des indices sont glissés çà et là, des failles surgissent dans le récit, et sa déambulation prend des allures de thriller.

Que cache cette poursuite effrénée ? Quels sont les secrets d'Irene ? Sur quoi repose le délire cosmique qui s'empare d'elle face à la Méditerranée ?

Comment expliquer cet amour éperdu et une telle déconnexion, aux autres, à la civilisation qui est perçue comme une chimère ?

Livre étrange, savamment construit, Irene laisse une sensation de malaise, à la hauteur de celui de son héroïne. Manuel Vilas a voulu y mettre beaucoup de choses, peut-être trop. Il me faudra un peu de temps pour savoir si je lui donne quatre étoiles.

Je n'ai pas retrouvé la vive émotion qui m'avait serré le coeur à la lecture de ses deux autofictions, Ordesa et Alegria, mélanges d'humanité, d'honnêteté et d'humour. Ici, plus de distance, de construction intellectuelle et de désarroi.

Je remercie vivement Babelio et les Editions du sous-sol pour cette masse critique privilégiée.





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Ordesa

Vous aimez les chroniques méchantes ? Vous allez être servis ! Je viens de sacrer Ordesa, livre de l'année dans la catégorie lectrice en colère. Il y en a toujours un ou deux chaque année pour me faire sortir de mes gonds, cette fois, pas de chance, ça tombe sur un livre de la sélection de novembre du Grand prix des lectrices Elle, catégorie Document.



Débuté sans aucun a priori négatif, bien au contraire, il ne m'a fallu qu'une vingtaine de pages pour déchanter complètement. J'ai eu l'impression de lire du Jaenada à la sauce Angot : c'est déprimant, mégalo, décousu car digressif avec un souci du détail qui tourne à l'absurde. Jugez plutôt :

"Je ne sais même pas en quelle année est morte ma grand-mère. Peut-être en 1992 ou en 1993, en 1999 ou en 2001, ou alors en 1996 ou en 2000, dans ces eaux-là." Ai-je le droit de lui dire que très sincèrement on s'en fout ?



Et quand ce ne sont pas des considérations de dates ou de vocable (ma grand-mère est-elle plutôt la mère de mon père ou ma grand-mère ? Vous avez 2 heures !) qui me font bouillir, c'est l'usage de la troisième personne du singulier par l'auteur pour parler de lui-même qui me fait définitivement péter une durite.



Je ne vais pas vous résumer le sujet de ce livre car très sincèrement je n'en ai pas la moindre idée, je me suis tellement énervée sur le style ampoulé, prétentieux, pseudo intello, enfin tout ce que je déteste en littérature, que tout le reste m'a échappé. J'ai eu l'impression de lire du vide complété de vide écrit par un auteur sous anxiolytiques à la recherche d'un public pour effectuer sa psychanalyse à moindres frais. Et par moments je peux vous garantir que j'en aurais bien pris moi aussi des petites pilules pour faire redescendre ma tension car là, elle a atteint des sommets ! Je n'ai même pas réussi à aller au bout de ce livre, j'en étais tout bonnement incapable, sous peine de me le traîner pendant des lustres et de sombrer dans une panne de lecture à la sortie, ce que je ne peux absolument pas me permettre en ce moment.



Evidemment, cet avis brut de décoffrage va complètement à l'encontre de l'avis général puisque Ordesa est salué par la critique (la vraie, celle qui sait apprécier la littérature, la vraie) et fait partie entre autres de la sélection du Prix Médicis Etranger. Mais ça n'est pas une nouveauté que de reconnaître que je n'ai pas bon goût en matière de livres "époustouflants".
Lien : https://www.lettres-et-carac..
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Ordesa

Vrai phénomène éditorial en Espagne, en France prix Femina du meilleur roman étranger en 2019, ORDESA est un récit autobiographique dont la simplicité et la portée poétique sont de mon point de vue tout à fait exceptionnelles et m’ont tout particulièrement touché.

Dans un genre littéraire qu’on a pris l’habitude depuis quelques décennies déjà de qualifier d’ «autofiction», toujours très à la mode de nos jours, mais que d’habitude je n’apprécie pas spécialement, j’ai pourtant éprouvé en lisant ORDESA un sentiment rare que peu de lectures ont le pouvoir de susciter. Amis lecteurs, je ne parle pas tout à fait de ce sentiment très agréable d’être tombé sur un livre dont on dit qu'il est ou sera «inoubliable», même si on sait qu’en fin de compte tout s’oublie avec le temps, n’est-ce pas, les histoires, les intrigues elles-mêmes s’effacent peu à peu de notre mémoire encombrée, ce qui reste pour nous en vérité, c'est la trace, le souvenir du plaisir particulier qu’on avait éprouvé pendant cette lecture qui nous avait transportés, émus, ouverts à des zones nouvelles de pensée et de sensation, inouïes et surprenantes, non, je parle ici plutôt d'un sentiment d’avoir littéralement «incorporé» un livre, j’évoque ici ce pouvoir exceptionnel d'une lecture plutôt de nature -excusez-moi l’expression barbare- anthropobibliophagique, sorte de cannibalisme littéraire qui vous fait métaboliser un récit à un niveau concret, intime, quasi organique. On ne peut donc plus juste le qualifier d’«inoubliable»; on ne dirait pas par rapport à un mécanisme interne qu’il s’oublie ou pas : une fois mis au point, ce dernier se déclenche automatiquement à l’occasion et au besoin!

En lisant ORDESA, je me suis mis moi-même, spontanément, à «ordeser». (Aïe! Je suis conscient du fait que là vous risquez de ne plus me suivre tout à fait..!). Au-delà des impressions qu’une lecture peut susciter habituellement, au-delà des remarques qu’on se fait tous silencieusement en lisant, qui nous conduisent à apprécier ou pas le livre qu’on est de train de lire, de nous dire au bout d’un moment « j’adore », ou bien « je n’aime pas », ou encore «j’aime ceci, mais pas cela» (...), comment en l’occurrence, décrire exactement le fait qu’une lecture vous imprime une sorte de reflexe nouveau, une manière inédite d’approcher votre propre histoire : en lisant, en quelque sorte on se mettrait à "se relire" soi-même.

Peut-être vous dites-vous à ce stade : «OK, ce Creisifiction doit être en pleine «crazyfication», il n’a rien compris, le pauvre, il vient de lire une autofiction doublée d’un ouvrage de développement personnel, et il s’imagine être tombé sur «la révélation», «the Book»! ». Non ! Faites-moi confiance, s’il vous plaît, ce n’est pas ça : je n’aime pas beaucoup les autofictions, je ne supporte pas les ouvrages dits de développement personnel, le « feel-good » me fait en général l’effet inverse escompté...

Non, ORDESA est loin d’être tout rose et gentillet. ORDESA est à vrai dire jaune : «amarillo», ce joli mot espagnol pour une couleur à la fois amère («amaro») et solaire : couleur faite d’amertume et de lumière. Quand il est éclatant, le jaune c’est la couleur des dieux. Quand il est mat, c’est l’enfer, la perfidie. Rire jaune, étoile jaune. «Le jaune est la couleur qui parle du passé, de la désagrégation des familles, de la pénurie». ORDESA est ainsi dosé à la fois de chagrin et de désolation, d’espoir et de poésie, le tout conjugué en nuances de jaune. «Un endroit très montagneux appelé Ordesa, un souvenir jaune, la couleur jaune envahissait le nom d’Ordesa, et derrière Ordesa se dessinait la silhouette de mon père au cours d’un été, en 1969. Un état mental qui est un lieu : Ordesa. Et aussi une couleur : le jaune».

Issu d’une famille de «classe moyenne-basse» espagnole qu’on pourrait aisément identifier, selon les mots de l’auteur lui-même, comme étant « dysfonctionnelle», Manuel Vilas égrène dans ORDESA les souvenirs de ses parents morts et de son enfance à Barbastro, petite ville de l’Aragon, alors qu’il vient lui-même de divorcer et qu’il livre seul un douloureux combat contre la dépression et l’alcoolisme.

Par l’évocation de souvenirs en apparence tout à fait banals, souvent reliés au quotidien et d’une simplicité à toute épreuve, tant sur le fond que sur la forme, Manuel Vilas se sert de toute sa palette de jaunes au fil de petits chapitres empreints d’une poésie et d’un lyrisme d’autant plus percutants qu’ils s’appuient justement sur ce qu’il y a de plus ordinaire et universel, nous renvoyant en même temps directement à notre propre famille et à notre enfance.

Face au déroulement de l’existence humaine, vouée par principe au même néant d’où elle provient et vers lequel elle s’achemine, s’en affranchissant grâce à un langage purement intuitif et poétique, libre du carcan où nous risquons sans cesse de nous enserrer avec nos manques, nos blessures, nos récriminations, dépassant les limitations, qu’elles soient temporelles, entre passé, présent et avenir, ou bien existentielles, entre vivants et morts, Manuel Vilas nous invite nous aussi à «ordeser», c'est-à-dire à adopter un point de vue extrapolé et océanique de notre existence que seules l’imagination associée à la mémoire, l’intuition et la poésie peuvent nous révéler dans sa dimension d'épopée unique et singulière. Toute vie, même la plus ordinaire, nous glisse furtivement l’auteur, «réclame un destin légendaire».

Quand Manuel Vilas évoque par exemple le fait que sa mère ne cultivait absolument aucune forme de mémoire, qu’elle oubliait rapidement les morts, ne prenait jamais de photos de ses proches, jetait tout ce qui n’était pas utile (y compris ses livres à lui, puisque comme elle lui expliquait «il les avait déjà lus »), il conclut : «Ma mère n’a été que nature, si bien qu’elle n’avait pas de mémoire, elle vivait uniquement dans le présent, comme la nature (...) Ma mère était le présent. La force de ses instincts la conduit vers ma présence. Sa présence au travers de la mienne se change en présence dans mes fils présents, et en cela elle prévient de sa présence les fils de mes fils quand ceux-ci s’installeront dans le présent».

A voir les choses de la sorte, il y a sans doute une forme de «mystique», qui n’est absolument pas de nature religieuse, mais ancrée dans un sentiment vivant de gratitude et d’amour inconditionnel. Ceci pourra sans doute, je peux tout à fait le concevoir, déplaire à certains lecteurs. Moi, j’avoue, j’en ai été, à ma grande surprise, complètement subjugué.

En exergue d’ORDESA, Manuel Vilas cite ces vers merveilleux de Violeta Parra :

« Merci à la vie, qui m’a tellement donné

Elle m’a donné le rire, elle m’a donné les pleurs

Ainsi je distingue le bonheur du malheur,

Les deux matériaux qui constituent mon chant,

Et votre chant à vous, qui est le même chant,

Et le chant de nous tous, qui est mon propre chant. »

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Ordesa

Manuel Vilas est né en 1962. Il n’est donc plus tout à fait un jeune homme. Il en est même à l’heure des bilans en cette année 2014, durant laquelle sa mère meurt. Son père était décédé d’un cancer quelques années plus tôt. Sa vie privée est un échec. Il boit beaucoup trop d’alcool et se met en danger.



Ce livre impressionnant et touffu est proprement inclassable. Si j’écris qu’il est un éloge puissant de ses parents, ce n’est pas tout à fait vrai car s’il dit les avoir vraiment aimés, il ne passe pas pour autant sous silence leurs défauts et leurs manières si peu aimantes justement. De la même façon il n’a pas été un fils très présent pour eux dans leurs dernières années. Et il semble reproduire le même schéma avec ses deux fils…



Ce texte est composé de 157 courts chapitres, de quelques photographies et d’un épilogue, sous la forme d’un recueil de poésies. L’histoire de l’Espagne des années 1960 à nos jours s’y déploie sans que jamais les réminiscences y paraissent forcées. L’arrière-plan sociétal est très présent, souvent un peu rageur.



Manuel Vilas entretient une sorte de dialogue permanent avec ses morts, principalement ses parents mais aussi d’autres membres de la famille, plus éloignés, sur lesquels il sait finalement peu de choses. Mais c’est pour mieux affirmer la force implacable de la vie, pourtant si fragile en apparence

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Irene

De Manuel Vilas, qui m’avait impressionné avec « Ordesa », je pressentais que cet « Irene », qui m’a été proposé dans le cadre d’une Masse Critique, ne serait pas non plus ordinaire. Et, malgré des difficultés de lecture indéniables, je ne peux que reconnaître une fois encore son grand talent.



Un roman qui tourne autour d’un sonnet de Francisco de Quevedo, « Amor constante más allá de la muerte » (Constance de l’amour au-delà de la mort), voilà qui n’est pas banal… Ce poème, dont la traduction de Claude Esteban est incluse en intégralité, est particulièrement difficile à cerner du fait de sa construction extrêmement alambiquée.



Ces doutes sur la signification de ces vers, ses favoris, résonnent dans l’esprit d’Irene, qui ne peut faire le deuil de son grand amour Marce(elo). Elle mène une vie oisive, suffisamment riche pour aller de paradores en hôtels de luxe à travers le littoral méditerranéen. Elle y séduit de parfaits inconnus, hommes et femmes, pour une unique nuit de sexe en mémoire de son mari.



Si on en croit ses pensées, et ses dialogues mentaux avec Marce, leur merveilleuse vie de couple a duré vingt ans de pur bonheur. Devant ces tableaux, souvent dignes d’une publicité pour des produits de luxe, qui sont abondamment (trop) cités, j’ai éprouvé pourtant un doute de plus en plus envahissant sur la réalité de ces pensées, d’autant plus que des indices donnent à supposer qu’Irene ne dit pas tout…



De mon point de vue ce n’est pas roman plaisant à lire. De nombreuses redites ou bifurcations rendent son abord labyrinthique. Et le personnage d’Irene n’est pas de ceux auxquels on peut s’identifier. Restent des citations abondantes, qui font mouche, et un merveilleux sens des paysages méditerranéens.



Je remercie les éditions du sous-sol et Babelio qui m’ont fait parvenir ce livre.

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Alegria

Après Ordesa, Manuel Vilas poursuit, dans Alegria, son récit introspectif. Sa situation personnelle a évolué depuis le premier ouvrage. Celui-ci, traduit en plusieurs langues, a connu un succès international et l'a amené à voyager dans de nombreux pays. Il s'est marié avec une universitaire espagnole enseignant aux Etats-Unis.

Il ne traverse plus la dépression faisant suite à la mort de ses deux parents, à son divorce, ne boit plus une goutte d'alcool, sans pour autant être complètement sorti d'affaire et c'est ce qu'il nous raconte ici de manière décousue.

Au gré de ses séjours dans des chambres d'hôtel aux quatre coins du monde, chambres d'hôtel dont il nous décrit avec détails, les caractéristiques, la taille, le confort, les nuisances sonores, et dans lesquelles il se réfugie, dans un processus de régression, et au fil de ses rencontres épisodiques avec ses fils, il se remémore les instants partagés avec ses parents adorés, les souvenirs d'enfance, les bribes de son passé au sein d'une famille modeste dans l'Espagne de Franco.

Il a touché le fond de la désespérance, de la solitude et de la mésestime de soi, estimant ne rien mériter dans la vie, même pas l'achat de chaussures neuves, et malgré une sourde angoisse qui l'envahit, le tétanise parfois, et contre laquelle il lutte avec force anxiolytiques et somnifères, il paraît entrevoir une lueur au bout du tunnel et ressentir parfois un sentiment proche de la joie, l'alegria.

Vous me direz, ce n'est pas réjouissant tout cela ! Et pourtant si, car Manuel Vilas se livre avec une telle sincérité, une telle authenticité, que nous suivons avec émotion ses pérégrinations, que nous partageons l'immense amour qu'il voue à ses parents, que nous comprenons le lien qu'il entretient avec son pays qu'il souhaiterait voir plus développé et que nous vibrons lors des retrouvailles et des entretiens téléphoniques avec ses enfants.

La solution qu'il imagine pour mettre fin à son malheur est de reporter l'affection qu'il portait à des parents idéalisés sur ses fils et de créer de cette manière une boucle temporelle qui lui permet d'envisager l'avenir.

Comme il le faisait dans Ordesa , pour narrer ses réminiscences et ses anecdotes familiales, Manuel Vilas affuble les membres de sa famille de noms de compositeurs, Mozart, Vivaldi. Son angoisse est dénommée Arnold (Schönberg).

Dans la dernière partie du livre, il abandonne ces surnoms au profit de noms de grands acteurs hollywoodiens, comme si une projection sur la toile pouvait alors avoir lieu.

Le livre émouvant d'un auteur tourmenté qui sait nous entrainer avec lui dans l'intimité de son travail de mémoire et de reconstruction. Il m'est difficile de dire comment il parvient à déclencher cette impression de fusionner avec ce qu'il écrit mais le résultat est bien là. Un mélange de poésie, de réflexion métaphysique, et d'intensité des sentiments qui m'a touchée au coeur.

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Irene

Irene fuit Madrid et la perte de Marcello, son seul amour, terrassé par la maladie. Forte de l'argent issu de diverses ventes de biens leur appartenant, d'hôtel en hôtel, en bord de Méditerranée, d'amant.e éploré.e en amant.e éploré.e d'un soir, aux montres et parfums comme seuls attraits, dont elle espère un orgasme, seule façon pour elle de voir apparaître, dans un escalier de lumière, son Marce, Irene cherche à redonner un sens à son existence, en courant après son amour brutalement perdu, éperdument, inlassablement, au point de mener son lecteur avec elle dans un tourbillon de monotonie qui la tient, quant à elle, en vie, jusqu'à ce que...



Certes, la monotonie est prégnante dans ce roman, et elle nous gagne, effectivement, progressivement, jusqu'au retournement qui nous attrape dans les cent dernières pages et donne lieu à un autre dénouement que celui attendu. Certes, ce retournement n'est pas des plus originaux, mais il fonctionne plutôt bien, et permet, par lecture rétroactive, de comprendre au mieux Irene, ses obsessions, ses routines, ses réflexions et pensées, les retours en arrière sur son passé, de plus en plus omniprésents.



Malgré tout, même si je comprends bien les raisons pour lesquelles Manuel Vilas a construit son roman de cette manière, je n'y ai pas pleinement adhéré, ayant eu du mal à entrer dans l'intrigue et à m'intéresser à l'histoire d'Irene, bien que cet intérêt soit venu plus tardivement, en réalisant justement que ce désintérêt était narrativement rendu délibéré pour donner plus de poids au retournement de l'intrigue.



Je remercie les Editions du Sous-Sol et Babelio pour la découverte et de ce roman, et de son auteur.
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Ordesa

De la littérature espagnole mise à l’honneur en France, je ne vois pas ça souvent ! Le changement est toujours le bienvenu, et c’est avec gourmandise que je me suis jeté sur ce roman.



Je ne m’attendais clairement pas à avoir une indigestion vingt pages plus tard. Généralement bon public, même pour les best-sellers souvent peu considérés, j’ai du me rendre à l’évidence : je m’ennuie ferme avant même d’avoir terminé le premier chapitre. Tout sonne faux, j’ai l’impression de lire une compilation de lieux communs et de phrases toutes faites. L’auteur me présente des perles de sagesse acquises avec l’expérience de l’âge, mais je les vois surtout très bien encadrée sur un joli décors de cascade dans une publication quotidienne sur Facebook (ce n’est pas un compliment).



Peut-être que les références me manquent. C’est parfois le problème avec la littérature étrangère, je connais très peu l’Espagne et son histoire moderne, donc il n’est pas impossible que je sois passé à côté de passages marquants. L’auteur a bien éveillé mon intérêt à quelques rares occasions en parlant de son expérience de prof par exemple, mais il abandonne bien vite ces anecdotes pour retourner dans ses histoires de famille.



Et c’est le second problème : je ne connais pas l’auteur non plus. Or, il dévoile toute sa vie familiale et une partie de sa vie intime, ce qui fait de moi un voyeur bien involontaire, et pas très heureux de l’être. Ce qui peut être des confidences importantes pour un de ses lecteurs assidus est pour moi assez gênant à lire. Quand on découvre un auteur pour la première fois, on n’a pas spécialement envie d’assister à une séance de psychanalyse.



Cette première rencontre n’est donc pas une franche réussite. Je ne pense pas retenter l’expérience, car l’écriture m’a parue également très ampoulée, et les secrets dévoilés plus exhibitionnistes que sincères…
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Irene

Merci à Babelio pour l’envoi de ce livre en Masse critique, que j’ai malheureusement fini par abandonner après une centaine de pages…



Une fois n’est donc pas coutume, l’inspiration me manque pour en rédiger un avis quelque peu recherché.



L’auteur est a priori connu et reconnu (récompensé du prix Femina du meilleur roman étranger 2019, avec Ordesa).



L’histoire d’Irène aurait du être celle d’un présent intense, d’un beau et mélancolique voyage dans le passé - à célébrer la mémoire de son amour perdu - ou dans le futur - à s’abreuver d’amants de passage et à rêver à une jeunesse qui n’est plu, quelques pas amoureux sur un tango lancinant à mener une dolce vita aux quatre coins de l’Europe…



Mais la sauce n’aura pas pris sur moi, le Campari soda que je m’apprêtais à siroter tout au long de ce périple méditerranéen d’une femme amoureuse m’aura laissé une amertume trop persistante en bouche…

Trop de répétitions, l’impression d’écouter cette femme ressasser ses souvenirs de jeunesse auprès de l’homme de sa vie.

Se rendre finalement compte, après une centaine de pages, qu’il ne se passe rien, que l’Alfa Romeo qui devait nous emporter cheveux au vent affiche toujours zéro au compteur, couper alors le moteur, un peu déçu. Faire ensuite le constat que beaucoup d’autres critiques se rejoignent et se dire qu’on a sans doute bien fait de passer à autre chose…

Dommage…
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Irene

Merci à Masse critique privilégiée et aux éditions du Sous-sol pour l'envoi de ce roman qui a provoqué chez moi des ressentis contradictoires entre ce que j'ai aimé et ce qui m'a rebutée.



Irène , la cinquantaine séduisante, vient de perdre Marcelo son mari victime d'un cancer. Le deuil est terrible tant le couple s'était enfermé dans un amour hiératique, élevé au rang de mythe. Il y a quelque chose de Belle du Seigneur dans cette histoire de passion amoureuse, un peu d'Ariane chez Irène.

Après vingt ans de vie commune, le désir ne s'est jamais émoussé ni chez l'un ni chez l'autre et le couple jouissait d'un bonheur absolu.

"Sans lui, elle est perdue. Ils se sont tant aimés. Il n’y avait pas d’équivalent. Ils ne voyaient plus personne. Leur union leur suffisait."



Sur les traces de leur passé commun, elle quitte Madrid dans un cabriolet BMW pour rencontrer des partenaires sexuels dans des hôtels de luxe au bord de la Méditerranée. En effet, à chaque fois qu'elle atteint l'orgasme, elle voit apparaître Marce en haut d'un escalier qui lui sourit avant de s'évanouir dans les flammes. C'est donc pour le retrouver qu'elle collectionne amants et amantes de passage, sans jamais s'attacher.



En opposition avec l'univers du luxe et l'exigence de beauté qui anime l'héroïne, l'esprit kitsch de cette résurrection m'a beaucoup amusée, tout comme le décalage entre la vie d'esthéte décrite par Irène et la profession du couple. Tous deux possèdent un magasin de meubles, ironiquement appelé "Meubles pour tous" et se montrent passionnés par ce commerce, surtout Marcelo qui dans sa haine d'Ikea, exhortait ses clients à choisir ses meubles " pour faire en sorte que l'amour d'autrui se change en matière, en bois si possible des essences nobles et non des succédanés inhospitaliers, plastifiés, ignobles."



Si j'ai aimé ces dissonnances, j'ai aussi apprécié la construction du récit qui révèle des contradictions de plus en plus flagrantes dans le récit d'Irène à mesure que se déroule la narration. Peu à peu la perfection se fissure, des abîmes de noirceur se découvrent et le récit de l'amour jusqu'à la mort vacille. Même s'il est sans grande surprise, le coup de théâtre final va obliger le lecteur à reconsidérer tout ce qu'il a appris d'elle.



Certains romans semblent trop courts et on aurait aimé que l'auteur en dise davantage. D'autres naissent d'une idée intéressante et tournent en boucle sur cette seule idée. Le roman de Manuel Vilas aurait pu être une excellente nouvelle mais se révèle un roman décevant, monotone et répétitif.

Ainsi l'usage de la répétition, lorsqu'elle est stylistique, peut donner une poésie certaine à l'écriture. Mais lorsqu'elle est narrative, elle devient rapidement lourde et gratuite. La tendance de l'auteur à utiliser cette technique donne au récit une pesanteur et un manque d'authenticité qui nuit à la fluidité du monologue d'Irène.



Par ailleurs le langage qui se veut poétique et qui multiplie les références et les citations de poètes, m'a souvent semblé plat et vaguement mièvre ( " Si le bâteau avait transporté des fleurs et non de l'artillerie, il n'aurait pas coulé." ).

Les comparaisons entre les vers cités et le style de Vilas penchent plutôt en sa défaveur tant ses phrases sont généralement courtes et saccadées.



Enfin, l'éloge de la richesse est totalement insupportable et ne peut se justifier uniquement dans le personnage d'Irène. On perçoit chez l'auteur une célébration infantile des hôtels de luxe, des lits queen size et des grosses cylindrées.

Ses personnages justifient ainsi leurs modes de vie : "Le luxe symbolise avant tout le désir d'une vie plus intense, ce qui lui semblait légitime."

Les clichés se multiplient, diffusant l'idée que la beauté, la passion et les grands sentiments ne peuvent se vivre que dans l'opulence.

L'attachement aux biens matériels, symbolisé par l'amour des montres de marque, se décline dans un placement de produits qui n'a rien à voir avec la démarche parodique de Bret Easton Ellis.

L'auteur va jusqu'à prêter une intention politique héroïque à celle qui se révolte contre un ordre établi bien trop populaire par son refus d'emprunter un taxi bas de gamme. Et son premier amant qui lui conseille de suivre l'exemple d'Aristote Onassis et autres puissants de ce monde pour atteindre l'excellence, signifie également que la beauté est réservée à ceux qui ont de l'argent.

Avec cette même naïveté bourgeoise, il semble suggérer que le plaisir et la joie nécessitent un environnement luxueux pour se développer.



En condensant l'histoire d'Irène sous forme de nouvelle, l'auteur aurait peut-être pu éviter répétitions et clichés fâcheux pour donner plus de sens à l'histoire d'une femme qui réinvente sa vie.



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Irene

Quand je me suis vu proposer ce roman lors d'une masse critique, la couverture magnifique et la mention d'un auteur espagnol en plein essor ont attisé ma curiosité.

Malheureusement, le personnage d'Irène - initialement présentée en comme un ange dont le seul objectif est l'amour - s'avère totalement inconstant.

Sous couvert de parvenir à apercevoir son mari lors de ses orgasmes, elle passe rapidement de veuve éplorée à amante exigeante.



Son goût pour le luxe n'ayant d'égal que sa condescendance pour ceux qui ne le partage pas, elle s'asperge de différents parfums (de marque) à longueur de journée et juge les gens sur leur montre (au sujet de son premier amant : "Les montres en or quantifient le temps des dieux, celles en plastique le temps des serviteurs. [...] Et cet homme est venu me servir avec sa montre en plastique.")



En finissant par sauter des pages, j'ai compris qu'Irène fantasmait sa vie et que le roman se voulait plus réflexif qu'il ne le paraissait au premier abord. Malheureusement, le personnage principal m'a trop agacée pour que j'aie envie de comprendre ses motivations. Sur l'impossibilité du deuil de l'être aimé, "Clair de Femme" (Romain Gary) était peut-être encore trop présent dans mes souvenirs de lecture.

Reste de jolies formules sur le couple, la mer méditerranée et cette couverture magnifique.



J'ai pour habitude de toujours terminer les romans reçus dans le cadre d'une masse critique. Mais, incapable de m'intéresser au destin d'Irène, je l'ai abandonnée en cours de route.

Toutes mes excuses à Babelio et aux éditions du Sous-sol qui m'ont gentiment envoyé ce roman.
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