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Critiques de Marina Lewycka (110)
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Deux caravanes

Lu en 2010

Un roman que j'ai croqué comme on croquerait une fraise dans un jardin.

Il est étonnant que ce roman soit qualifié de drôle et burlesque tant ce qu'il dénonce dans le fond, est lourd et triste. Il dénonce la condition des immigrés de l'Est (et d'ailleurs ) en Angleterre (mais finalement dans d'autres pays ) et ce n'est pas reluisant ...

Le voyage commence avec de multiples personnages venant d'horizons divers : Yola, Marta, Tomasz, Vitaly, Irina et Andriy (venant de l'Est), Emmanuel (africain du Malawi) et les deux chinoises (de Chine ...)

Puis plus le récit avance et plus il se focalise sur Irina et Andryi, les deux amoureux potentiels de l'histoire.

Si j'ai eu de la peine de laisser en chemin tous les personnages cette focalisation sur deux principaux personnages a été selon moi judicieuse car j'avoue qu'à un moment je me perdais dans tous les narrateurs de l'histoire, l'auteur ayant pris le parti de faire parler tous ces personnages en se collant en plus à leur niveau de langue... J'ai eu beaucoup de mal à suivre les effets de langage d'Emmanuel et j'avoue n'en avoir pas compris certains... (difficulté de traduire des défauts de l'apprentissage d'une langue ...).

La vie des immigrants n'est pas idyllique, même si leur rêve d'un ailleurs parfois se matérialise un peu au détour d'un paysage ou d'une relation.

Je ne vous ai pas parlé du chien ... Oui il y a aussi un chien dans l'histoire qui vit au côté des immigrés et qui prends la parole dans de courts paragraphes tout au long du récit. Parallèle à la vie de chien que vivent les personnages

Une lecture fluide et sympathique, alors si vous voulez faire un tour en caravane, récolter des fraises, attraper des poulets ou bien pêcher sans filets,

je vous conseille de le lire !
Lien : http://imagimots.blogspot.fr..
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Une brève histoire du tracteur en Ukraine

Arrivera t-on un jour à transformer les épées en socs de charrue ? À convertir une grêle de balles et une pluie d'obus en moissons abondantes et en récoltes nourricières? Bref, à remplacer les tanks par des tracteurs et des moissonneuses?



Une question qui reste en suspens depuis l'Antiquité et qui court en filigrane dans ce roman dont les principaux protagonistes sont tous Ukrainiens.

Ukrainiens rescapés du régime communiste, ou migrants attirés par les miroitements de la vie à l'Ouest.



Le communisme a produit des dissidents, des émigrés, des affamés, des intellectuels, des menteurs et des alcooliques. Sachant qu'on peut être intellectuel et menteur, dissident et alcoolique. Certes tout n'était pas rose chez les Rouges.



Ce qui a résisté à tout, chez les Ukrainiens, c'est le patriotisme et le sens de l'humour. Un sens de l'autodérision qui sauve la situation, même la plus désespérée.



Ces deux qualités font tout le sel de ce roman qui met en scène une lutte farouche opposant deux soeurs réconciliées avec une plantureuse belle mère à la généreuse poitrine et aux ambitions démesurées.



Deux soeurs nées en Ukraine, et parfaitement intégrées dans la société britannique où la famille s'est réfugiée à la fin de la guerre.

L'arrivée de Valentina et de ses deux "ogives nucléaires " donne lieu à des situations à la fois cocasses et dramatiques, où vient s'intercaler le récit des crimes commis par les soldats allemands ou russes sur le sol ukrainien.



Un mélange des genres qui n'est pas sans rappeler celui d'Andreï Kourkov, l'auteur du Pingouin, lui aussi Ukrainien.



Patriotisme et sens de l'humour, un cocktail qui pourrait s'appeler Volodymir, le comédien devenu Président qui tient tête depuis un mois au sinistre autocrate russe et à ses missiles dévastateurs.



Le tracteur, un symbole de paix et de prospérité. On espère voir son retour au plus vite.



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Des adhésifs dans le monde moderne

Georgie Sinclair, une journaliste free lance et romancière en herbe se lie d'amitié avec Naomi Shapiro,une personne âgée fort malodorante qui a tout d'une clocharde mais vit dans une superbe demeure au nord de Londres. Au moment où elles se rencontrent, la pauvre vieille est harcelée par des rapaces qui convoitent son bien, même s'il est totalement décrépit. Georgie mise en émoi par cette situation qui la distrait de ses déboires amoureux et excite son imagination, entre alors en guerre pour défendre la vieille dame et son droit à rester chez elle.

D'une vieille femme que l'on veut faire déguerpir aux Palestiniens chassés de leurs terres en passant par les Juifs que l'on veut rayer de la carte du monde des vivants, Marina Lewycka brode une comédie un peu loufoque sur le thème douloureux de la dépossession. Mais le processus de polymérisation entre les déboires de Naomi, les drames de la Soah et de la Nakba, assaisonnées de théories farfelues sur la fin du monde, n'a pas fonctionné comme il faut. Ce sont les aléas de la chimie, parfois les mélanges ne prennent pas et c'est le bien le cas pour ce roman. Il m'a pas du tout convaincue. Je suis restée totalement sourde à son humour, branchée probablement sur une fréquence qui ne le recevait pas. Pour être tout à fait franche, je l'ai trouvé assez vaseux. Mais bon, des goûts et des couleurs...
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Traders, hippies et hamsters

Serge est trader à Londres, mais il assume mal cette fonction car sa famille le croit toujours en thèse de mathématiques et surtout ses parents Marcus et Doro (pour Dorothy) sont d'anciens babas cools, ils ont connu la vie en communauté et sont toujours critiques sur le milieu de la finance et de la société consumériste. Sa crainte majeure est de révéler sa profession. Sa sœur aînée Clara, est devenue institutrice, c'est elle qui gérait l'ensemble des enfants quand les parents, défaillants, étaient plus absorbés par leurs combats idéologiques, mais elle ne s'épanouit pas spécialement dans sa vie, d'autant plus qu'elle doit gérée régulièrement la troisième de la fratrie Oolie-Anna, jeune trisomique qui veut elle aussi s'émanciper.

Un roman a trois voix, celles de Serge, Clara et Doro que l'on découvre donc à l'occasion du mariage tardif mais réfléchi de Marcus et Doro et de leur volonté de rassembler l'ensemble de la communauté trente ans après qu'elle se soit dissoute. Entre quiproquos, retours en arrière, règlements de comptes, comment la famille va t-elle gérer les retrouvailles de l'ensemble des protagonistes trente ans après ?



Grosse déception après la lecture de Traders, hippies et hamsters, supposé drôle et humoristique et dans lequel je n'ai pas retrouvé l'humour surréaliste et déjanté que j'avais tant aimé avec les deux romans "Une brève histoire du tracteur en Ukraine" et "Des adhésifs dans le monde moderne" qui m’avaient fait rire quelquefois jusqu'au larmes. Si j'ai apprécié la vulgarisation du milieu de la finance et de ses ficelles qui ont plongé le monde dans la crise, j'ai trouvé le sujet paradoxalement daté alors que les évènements ne se sont produits il y a dix ans à peine et les épisodes d'humour étaient tellement prévisibles qu'ils tombaient à plat. Quelques passages restent émouvants notamment ceux relatifs à la petite Oolie-Anna, mais cela n'a pas réussi à mes yeux à sauver le roman.

J'espère que Marina Lewycka retrouvera dans son prochain roman l'esprit loufoque qui est sa marque de fabrique.
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Des adhésifs dans le monde moderne

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Roman de Marina Lewycka. À paraître le 6 avril 2011, titre original We are all made of glue.



Georgie Sinclair est légèrement désemparée quand elle aperçoit la vieille Mrs Naomi Shapiro, fouiller la benne à ordures dans laquelle elle a jeté toutes les affaires de son époux. Quelques jours plus tard, c'est dans la cohue des promotions de fin de journée d'un supermarché londonien que Mrs Shapiro s'impose dans le quotidien morne de Georgie. Quand la vieille dame entre à l'hôpital, Georgie se retrouve avec sept chats et une baraque croulante et malodorante sur les bras. À cela s'ajoutent une paire d'agents immobiliers aux méthodes plus que douteuses, des agents des affaires sociales à la probité incertaine et trois artisans palestiniens qui ne jurent que par le PVC.



"Le durcissement de l'adhésif est le passage de l'état liquide à l'état solide. Quelquefois, la science du collage est d'une évidence accablante." (p. 278) Moins évident que sa quatrième ne le laisse supposer, ce roman n'est pas une simple farce sur les relations humaines. Les aléas sociaux font ici se rencontrer des êtres singuliers et a priori sans point commun. Comme dans beaucoup de romans, me direz-vous. Oui, mais si on y croise des pots de colle, des sangsues, des grappins et du velcro, on ne dit pas que tout ce petit monde vivra en bonne intelligence. "Peut-être que si l'on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails - les lois, les frontières, la Constitution - se régleraient d'eux-mêmes. Il suffirait de trouver l'adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. Le pardon. Si seulement ça existait en tube." (p. 436) Seulement voilà, ça n'existe pas en tube et le mieux est encore de s'accrocher comme on peut les uns aux autres. Parce que vivre seul n'est pas possible. Affronter le temps, le Jugement dernier, les fissures dans le salon et les crottes de chat dans l'entrée, ça demande un peu d'aide. Et c'est avec brio que l'auteure balance de grands seaux d'humour décapant qui ne laissent aucune place aux sentiments sirupeux. Ici ne valent que les affections franches et nourries d'indépendance. Vivre à la colle, oui ! S'encroûter, non !



Georgie, que chatouille le désir d'écrire mais qui ne produit que de minables bluettes aux asphyxiantes odeurs de rose, travaille pour la revue Adhésifs dans le monde moderne. On en douterait, mais la colle et ses déclinaisons ont leurs aficionados. Loin d'être un catalogue ou un précis de chimie, le roman souligne que la méphitique colle de poisson ou la super glu répondent à un même besoin : faites que ça tienne ! Pour se rassurer devant l'échec de la cohésion sociale, on peut toujours sourire devant un carreau qui tient sur le mur.



L'arrière-plan historique évoque sans s'embourber les grèves de mineurs, les déportations nazies et le rêve sioniste. Le conflit israélo-palestinien s'incarne dans quelques personnages, mais il ne s'agit pas de réécrire l'histoire, ni de croire béatement aux lendemains qui chantent. Marina Lewycka ne décrit que des destins particuliers et des aspirations minuscules. Pour commencer une chaîne, il ne faut que deux maillons et chacun est appelé à être polymère dans un monde en construction, à la condition expresse de ranger l'optimisme niais au placard. On peut tendre la main à la vieille folle du bas de la rue sans verser dans le lacrymo-social.



Ici, la famille éclatée voire atomisée et on se demande quel est le ciment qui en redressera les murs. L'époux et le père se dissimulent derrière des façades éclatantes mais branlantes. Les enfants, chacun à leur manière, sont des étoiles filantes que rien ne retient mais qui laissent des traînées persistantes. Les femmes, notamment Georgie en mère paumée et épouse larguée, sont impuissantes devant la ruine du foyer familial. Mais la conclusion est optimiste : plutôt que d'acheter du neuf, il vaut mieux réparer ce que l'on a déjà. Recoller les morceaux, comme on dit.



Des adhésifs dans le monde moderne se lit avec fascination. Marina Lewycka louvoie à merveille dans les eaux troubles du romantique et du bien-pensant. Le roman emprunte à la comédie de moeurs, à la satire et au vaudeville. Sans être inutilement truculent, le langage est drôle et précis et c'est sans ambages qu'on appelle un chat... un chat !



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Deux caravanes

C’est l’actualité en Ukraine qui m’a fait sortir ce deuxième roman de Marina Lewycka de la PAL. D’elle j’ai lu il y a longtemps (et adoré son humour) Une brève histoire du tracteur en Ukraine. La romancière est née en 1946 dans un camp de réfugiés ukrainiens en Allemagne. Ses parents ont émigré en Angleterre, elle vit, a travaillé à Sheffield et écrit en anglais.



Ce roman commence au milieu des champs de fraises, dans le Kent, autour de deux caravanes (les hommes d’un côté, les femmes de l’autre) dans lesquels vivent des émigrés de diverses origines : deux Chinoises, des Polonais (citoyens européens), un Malawite et des Ukrainiens. C’est là que débarque la jeune et belle Irina, dix-neuf ans, fille d’un universitaire de Kiev, bien décidée à rencontrer en Angleterre le « Mr Brown » des livres d’anglais qui la rendra parfaitement heureuse. En fait de prince charmant, elle tombe sur un trafiquant d’êtres humains bien décidé à tirer d’elle un maximum de plaisir et de fric. Quand il l’enlève quelques jours après son arrivée, la troupe se lance à sa recherche en caravane tirée par une vieille Land Rover. Une folle équipée au cours de laquelle ils rencontreront un autre émigré « consultant » qui a bien compris tout le profit qu’il pourrait tirer de ses compatriotes en détresse, un élevage de volailles qui risque de vous dégoûter du poulet, une famille bobo londonienne un peu à l’ouest, des « zadistes » anglais et bien d’autres. Peu à peu, l’action va se resserrer, plusieurs personnages du début vont s’éloigner et on suivra surtout Irina, heureusement retrouvée et sauvée des griffes de Vulk, et Andriy, un autre Ukrainien, amoureux d’Irina depuis le début. Sans oublier le Chien, un véritable personnage dont le rôle sera vital



L’intérêt de ce roman, c’est bien sûr de nous raconter une bonne histoire pleine de rebondissements et d’humour, mais c’est surtout de mettre en scène des travailleurs précaires, toute une économie parallèle qui emploie des immigrés, la plupart du temps non déclarés, payés avec des salaires de misère, logés dans des conditions indignes. Et pourtant ils restent pleins de vie et d’espoir dans ce roman. Andriy rêve de rejoindre Sheffield, où il pense trouver le paradis communiste parce que la ville s’est montrée solidaire des mineurs du Donbass. Le troisième point intéressant, c’est de dépeindre, à travers les caractères opposés d’Irina et d’Andriy – elle, fille d’universitaire, cultivée, ouverte sur l’Occident, lui fils de mineur du Donbass, pro-russe – les antagonismes de l’Ukraine, criants aujourd’hui avec l’invasion de la Russie mais présents depuis longtemps (le roman date de 2007). On appréciera évidemment le talent de romancière de Marina Lewycka, qui ne juge jamais ses personnages et sait passer du sérieux au vaudeville avec un art consommé. Et tant d’autres choses qui font le sel de ce roman mais que je ne peux toutes révéler ici…
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Une brève histoire du tracteur en Ukraine

Voilà un titre étonnant qui a suscité ma curiosité : "Une brève histoire du tracteur en Ukraine" de Marina Lewycka.



Nadezhda et Vera sont sœurs. Elles ne s'entendent absolument pas, mais vont être forcées de s'allier pour tenter de sauver leur père de sa nouvelle folie. En effet, ce dernier, Nikolaï, âgé de 84 ans et veuf depuis deux ans, s'est mis en tête d'épouser une ukrainienne de 36 ans. Valentina débarque alors avec son fils, ses "ogives nucléaires en guise de poitrine et un penchant effréné pour le luxe à l'occidental". Une histoire qui m'a fait sourire, très plaisante à lire. J'avais envie d'une lecture distrayante, je ne me suis pas trompée. Je n'ai pas vu les pages défiler sous mes doigts.



J'ai apprécié les personnages. J'ai eu parfois pitié de ce pauvre Nikolaï, ancien ingénieur, qui travaille à l'écriture de son histoire du tracteur en Ukraine. Les retours fréquents sur le passé de cette famille ukrainienne installée en Angleterre depuis plusieurs décennies, traversent l'histoire de l'Ukraine des années 1930-1940 sans perdre le lecteur (des évènements terribles tels que la famine de 1932, les kolkhozes, la guerre...).



Je suis ravie d'avoir découvert ce livre à la fois drôle et touchant qui m'a permis de passer un bon moment tout en nourrissant mon goût pour l'Histoire avec des sujets plus sérieux en fond.

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Une brève histoire du tracteur en Ukraine

Ce roman évoque la complexité des relations familiales. Le portrait de famille dont il sera question rayonnera autour de l'histoire d'amour risible et invraisemblable d'un homme de 84 ans, père de famille, avec une jeune ukrainienne de 50 ans sa cadette. Elle a des goûts de luxe, une tenue vestimentaire provocatrice, des seins comme des «ogives nucléaires» et une pensée... limitée. Et tout cela, au grand désespoir de ses filles. C'est ainsi que, craignant pour la santé mentale de leur père, l'amour naissant sera le prétexte d'une longue suite de réconciliations entre les membres de la famille.



Les différents personnages évoqueront également leurs ancêtres et ceux qui les ont quittés. C'est d'ailleurs avec beaucoup d'émotion que l'auteure nous parle, telle une ritournelle, de la vie et de la mort, comme d'un traumatisme profondément enfoui en elle. Dans une scène de mise à mort d'un poulet, voici ce qu'elle nous livre: «Après un dernier spasme, le poulet s'était immobilisé. Tu vois Nadezhda, c'est comme ça que nous mourrons»... Les personnages se questionnent également sur l'amour que se sont portés leurs parents, sur leurs origines, sur le pourquoi de leurs actes et pensées: «L'histoire personnelle ça définit, ça nous aide à comprendre, à apprendre...». Également: «Je croyais que l'histoire de mes parents se résumait à une histoire heureuse, une histoire de triomphe sur la tragédie, mais je me rends compte à présent que le bonheur n'est fait que d'instants fugitifs qu'il faut saisir avant qu'ils ne s'échappent.»



Ce roman s'inscrit avant tout sur un fond historique et politique. Il est question de la guerre civile, du conflit opposant les communistes de Moscou et les partis communistes nationaux. Il est question également de Staline, du goulag, de l'Armée rouge, de l'invasion de la Pologne et de la grande famine qui tua 10 millions de personnes en 1932-1933. Puis, inévitablement, il est question des traumatismes qui en résultent pour chacun des personnages. Et ces relations de cause à effet, en plongeant le lecteur dans l'âme de chacun, font la richesse de ce roman.



«Une brève histoire du tracteur en Ukraine» est ce roman dans le roman que notre octogénaire s'est donné la mission d'écrire. C'est lui qui tissera les liens entre l'histoire de l'Ukraine et le présent. Il sera l'élément rassembleur.



Ce beau livre, aux accents de l'Ukraine (car les personnages se sont bel et bien fait attribuer des accents spécifiques à chacun), a une richesse et une profondeur de dialogues sans égal. Autre point auquel je ne m'attendais pas du tout: sous des dessous de guerre et de traumatismes, ce roman est à mourir de rire! Et si parfois l'on sourit tristement, c'est sans doute davantage par compassion. Parce que cette guerre a bel et bien existé et que ceux qui l'ont vécue ne l'oublieront jamais... Marina Lewycka, originaire de l'Ukraine et née dans un camp de réfugiés allemand, pourrait nous en dire long...


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Une brève histoire du tracteur en Ukraine

Un homme, d’origine ukrainienne, veuf, octogénaire, se remarie avec une très belle immigrée ukrainienne qui va faire de sa vie un enfer. Ses deux filles vont essayer de le dépatouiller de ce mariage qu’il a choisi pour de mauvaises raisons. Dit ainsi, cela ressemble à un vaudeville, si ce n’est que l’entente n’est pas au beau fixe entre les deux soeurs depuis la mort de leur mère et le partage de son héritage. L’une des soeurs (la plus jeune) a une fille, l’aînée en a deux, et ceci explique cela – même si les cousines s’entendent très bien !



Nikolaï a beau être maltraité par Valentina, et pas qu’un peu, le ton n’est pourtant pas tragique puisqu’il accepte de cette femme, de son fils, des choses qu’il n’aurait pas accepté, et n’a pas accepté du tout d’ailleurs, de sa première femme et de leurs filles.



Puis, le roman se fait poignant quand nous découvrons la jeunesse de cette homme, ce que lui, sa première femme et sa fille aînée ont vécu en Ukraine, ce que la cadette, née après, n’a pas connu. Il se dessine alors une autre histoire, entre l’Ukraine du passé, et l’Ukraine contemporaine, qui n’est pas vraiment une terre joyeuse et tranquille. Et l’on peut se demander aussi quelle vision nous donnons de l’Europe, puisque Valentina ne voit le bonheur que dans la (sur)consommation et la facilité. J’ai vraiment du mal à ressentir ne serait-ce qu’un peu de compassion pour elle : elle n’a pas réellement été dupée, elle profite de tous les avantages de sa situation, n’est pas à un mensonge ou un mépris près. Oui, elle a vécu des événements durs, elle souhaite le meilleur pour son fils mais elle ne sait pas profiter de ce qu’elle possède – puisque posséder est la seule chose qui l’intéresse.



Quant à Vera et Nadezhda, elles feront la paix, d’une certaine façon. Et Nadezhda comprendra la signification de son prénom, et la chance que cette « enfant de la paix » a eu.



Publié le 2 juin 2017, dans littérature d'Europe de l'Est. Bookmarquez ce permalien.
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Des adhésifs dans le monde moderne

Ce livre m'a été envoyé via Babelio dans le cadre de l'opération Masse critique : je les en remercie ! Car ce livre m'a beaucoup amusée. Je voulais lire depuis un moment le roman précédent de l'auteur : Deux caravanes, et c'est finalement par celui-là que je commence. C'est une histoire de vie, avec des personnages et un univers qui m'ont souvent fait penser - à tort ou à raison - à l'héroïne des romans pour ados de Louise Rennison, à savoir Georgia Nicolson. En effet, notre personnage principal a ici un prénom semblable - Georgie -, elle est entourée de chats siphonnés, donne facilement des surnoms improbables - le hamster, les incapables - et reste finalement d'un flegme à toute épreuve compte tenu de tout ce qui lui tombe dessus en peu de temps. Comme le titre du roman l'indique, la mission de Georgie est de recoller les morceaux. Dans sa vie privée, mais aussi dans celle, plus complexe, de Mrs Shapiro. J'ai beaucoup ri, et j'ai rapidement été intriguée par Mrs Shapiro dont le passé est peu clair... Les métaphores sur la glu sont plutôt bien trouvées et ponctuent régulièrement le roman : "J'ai pensé aux bivalves, aux parois courbes et nacrées qui tapissaient l'intérieur de leurs coquilles, la lumière glauque que laissait filtrer l'eau de mer ; je ne sais pas au juste quelle colle prodigieuse leur permettait de tenir bon dans le tourbillon des tempêtes, mais c'était précisément ce dont j'avais besoin."



Le roman est bourré de vrais "personnages", tous atypiques et inoubliables...ce qui explique pourquoi ces personnages produisent eux-mêmes des situations atypiques et inoubliables... L'auteur ne manque pas d'humour et nous régale de petits phrases bien senties, comme par exemple : "En bas du réfrigérateur, j'ai trouvé trois doigts noirs ratatinés. J'ai mis un moment à comprendre que c'étaient des carottes." Marina Lewycka sait raconter une histoire, elle sait rendre ses personnages réels et évidemment, elle se débrouiller pour nous faire "adhérer" à son roman... Une découverte intéressante et amusante, qui confirme mon envie de lire Deux caravanes !
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Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires

Quelle déception ! J’ai lu et beaucoup aimé tous les livres de l’auteur mais ce dernier opus ne tient pas ses promesses, en tout cas il ne m’a pas du tout emportée. Je l’ai trouvé long, ennuyeux, brouillon et fade sans retrouver la pointe de loufoquerie qui fait le sel des romans de Marina Lewycka.
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Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires

Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires, c'est ce qu'aurait affirmé l'architecte renommé Berthold Lubetkin pour qualifier les logements sociaux et les modestes maisons qu'il s'apprêtait à ériger au cours des années 1930 dans certains quartiers de Londres. Marina Lewycka a donc imaginé une intrigue socio-culturelle autour de locataires bigarrés habitant encore aujourd'hui ces appartements HLM, dont la distribution et les règles sont administrées par la mairie locale. C'est Berthold Sidebottom, quinquagénaire retourné vivre avec sa mère, qui donne le coup d'envoi à cette satire ou l'humour british côtoie trop souvent les situations burlesques. En revanche, le ton employé par l'auteure pour décrire les misères subies par les immigrants et son analyse réjouissante de la société britannique m'ont plutôt plu dans l'ensemble. Pour une incursion dans l'univers de Marina Lewycka, il faut, à mon avis, privilégier ses premiers romans.
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Deux caravanes

Nous sommes en Angleterre dans le milieu des travailleurs immigrés, essentiellement des pays de l'Est, mais pas que .. Deux caravanes à côté de champs de fraises, une pour les hommes, une pour les femmes. Irina vient d'arriver d'Ukraine, des rêves de fortune plein la tête. Sa mère l'a bien mise en garde contre ses illusions, mais elle se croit plus maligne que la moyenne et saura s'en sortir.



Nous suivons le quotidien de cette petite communauté, exploitée au maximum, obligée de cohabiter dans des conditions d'espace et d'hygiène indignes. Il y a la chef d'équipe Yola, une Polonaise, Marta, sa nièce, Tomasz, Vitaly, Irina et Andryi, tous de l'Est. S'y ajoutent deux Chinoises et Emmanuel, originaire du Malawi. Nous passons d'un narrateur à l'autre, dans un mélange approximatif de langues et d'anglais péniblement acquis.



Irina n'est pas très douée pour cueillir les fraises et tenir le rythme. Par contre, elle plaît beaucoup à l'homme qui l'a amenée là. Sans surprise, les femmes sont des proies encore plus fragiles dans ce trafic de main d'oeuvre à bas prix. Irina et les autres veulent encore croire que la chance va tourner et qu'ils trouveront tôt ou tard une solution pour rencontrer enfin des Anglais et connaître la belle vie. Les frictions ne manquent pas entre eux, mais lorsque la situation va dégénérer ils vont se serrer les coudes et entamer un périple rocambolesque.



C'est un roman drôle, à cause du côté burlesque de la narration, de l'énergie des personnages, de leur habitude de prendre les problèmes à bras-le-corps et de ne pas se décourager. Pourtant il m'a laissé un goût assez amer, tellement la réalité décrite derrière cette drôlerie est épouvantable. Le tableau de nos sociétés néo-libérales qui fonctionnent sur le dos des plus faibles est insupportable. La description du travail dans un élevage de poulets fait dresser les cheveux sur la tête, autant pour les animaux que pour ce que l'on oblige les hommes à faire.



Dans ce désastre général, l'amour trouvera quand même sa place entre Irina et Andryi, deux entêtés qui vont jouer à cache-cache avec leurs sentiments jusqu'au bout pour notre plus grand plaisir.



Une lecture en demi-teinte donc, pas à cause du roman lui-même, plein de fantaisie, mais du sujet traité et dont on sait très bien qu'il est loin d'être réglé.
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Une brève histoire du tracteur en Ukraine

Lu en anglais.



Quand j'ai vu la couverture, je me suis demandée pourquoi on m'offrait ce livre. Ma famille est d'origine russe mais ça remonte un peu et bon... on n'est pas spécialement traditionaliste dans la famille.

Quoi qu'il en soit, allons y dans la joie et la bonne humeur.



Ce qui m'a d'abord frappée dans ce livre, c'est la mélancolie typique de l'Est. Il y a une certaine nostalgie douce, un ton qui me rappelle la saveur des mûres à la fin de l'été : acidulée et sucrée, gorgée de jus sirupeux alors que le soleil indolent hâle les épaules.

Ca se passe dans un monde moderne avec des situations modernes... mais avec un tonalité sépia, chaude, agréable.

Ce n'est pas l'histoire en elle-même qui m'a marquée car elle est, somme toute, assez banale. C'est la qualité de l'auteur, son talent narratif, sa façon de partager ses sentiments.

Et surtout, c'est le chemin parcouru qui est délectable.



Lorsque j'ai fini le livre, j'étais en larmes. C'était beau, c'était émouvant, c'était fini, c'était bien... Le monde autour de moi, d'un coup, devenait auréolé d'une poussière dorée et c'était bien.

Même si l'Ukraine et la Russie ne sont pas exactement le même pays, j'ai senti vibrer mes gènes de l'Est en harmonie avec cette lecture. Malgré ça, je suis sûre que d'origine russe ou non, j'aurais quand même adoré.



Je le conseille vivement pour ce qu'il apporte : un agréable moment.

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Des adhésifs dans le monde moderne

Ça y est, vous le trouvez désormais un peu partout sur la blogosphère littéraire, cet ouvrage étant l’objet d’une opération masse critique spéciale organisée par Babelio. Ca peut en agacer certain, je conçois.



Mais ne vous en détournez pas pour autant, il vaut vraiment le coup d’œil, et sans ce système je ne l’aurais jamais découvert. Le lecture de ce livre m’a entrainée dans une nuit presque blanche, tant l’histoire m’a absorbée.



On y retrouve Georgie, a.k.a Georgine, Georgia, Mrs George … C’est une mère de famille sujette à quelques crises de nerfs, écrivain contrariée de roman à l'eau de rose, auteur d’articles dédiés faute de mieux à des colles et glues en tous genre, qui paraissent dans une revue spécialisée.



Mais comme elle le dit à un moment, on s’habitue.



Son fils Ben est un ado qui a l’air gentil mais paumé, à cette période obsédé par la fin du monde et le retour de l’Antéchrist. Il a une sœur qui fait sa vie, ailleurs. Les enfants sont grands et n’ont plus vraiment besoin d’elle, ce qui lui rappelle de façon assez cruelle son age.



Vient s’ajouter au tableau la séparation de Georgie d’avec son Mari , Rip, cette séparation étant issue d’une discussion assez cocasse (une sombre histoire de "chenilles" à fixer dans le mur pour installer un porte brosse à dents) qui dégénère en bataille de mousse de lait.



Donc Rip fuit l’hystérique de service et file s’installer chez des amis, un couple dont l’union va être mise à rude épreuve par cette arrivée.



Moralement ruinée et désespérée, Georgine finit par mettre à la benne les affaires de Rip. Les disques, les vêtements, les paperasses … Cet aspect du récit n’est d’ailleurs pas sans rappeler les confessions d’une célèbre trentenaire poissarde avec les hommes, fan de bouquins de développement personnel, et dont le journal a inspiré un film, Bridget pour ne pas la nommer.



C’est qui introduit une autre facette de l’histoire : la rencontre avec une vieille excentrique, qui se présente comme Mrs Noémie Shapiro. Cette dame, à la fois mystérieuse et très extravertie, ressemble à une clocharde, sent le fromage et le pipi de chat, fréquente les discounts alimentaire (tout comme Georgine, d’ailleurs, qui exprime ici les séquelles d’une éducation ouvrière et des manies maternelles) et pourtant possède une superbe maison qui va attirer bien des convoitises (3eme facette de l’histoire, on y arrive). On va découvrir plus tard des accointances mystérieuses avec Israël, un premier amour interné en Allemagne pendant la guerre, un mari musicien virtuose mort d’un cancer, un fils caché qui n’est pas son fils, etc, bref, de quoi nourrir l’appétence naturelle de Georgie pour la Romance et attiser sa curiosité.



Les convoitises sur la maison se font jour lorsque suite à une chute (puis deux) de Noémie. Un ténébreux complots entre services sociaux et agences immobilières vient s’ajouter au roman, lui donnant une fragrance d’intrigue simili policière, et rendant d’ailleurs Georgie complètement parano. (Et accessoirement lui offrant une nouvelle aventure de nature à lui faire oublier



La galerie de portraits se complète au fur et à mesure de personnages hauts en couleurs: des agents immobilier au sex-appeal troublant et à la poésie hasardeuse, des palestiniens qui s’installent dans la maison moyennant travaux (mal) réalisé, un fils de retour d’Israël qui n’est pas celui de Noémie mais celui de la « vraie » madame Shapiro et qui revendique la propriété de la maison, la dite maison devenant une reproduction miniature du conflit israélo-palestinien.



Mais finalement tout sera bien qui finira bien, quoique de façon surprenante.



C’est un livre qui ne manque pas de sel, frais, coloré et remuant, même si parfois on sent le fil brouillonner. C’est très souvent drôle, parfois nettement moins, et le message, une vraie tendresse. Tous humains, avant toute chose, et soumis aux mêmes tourments. Et cette quête d’affection , d’attaches, symbolisée par l’adhésif tout au long des chapitres (qui ont d’ailleurs pour la plupart comme titres des noms d’adhésifs) est vraiment touchante.



Un très agréable moment, donc.
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Deux caravanes

Deux caravanes, (encore un titre bien mystérieux) est l’histoire de travailleurs de l’Europe de l’Est décider à faire fortune en Angleterre. Mais les choses ne vont pas se passez comme ils l’avaient prévu. Dans cette histoire, on suit le destin de deux personnages ukrainiens mais pas seulement. Leur route va croiser celles d’immigrés polonais, bulgares, malawis et même anglais.







Un peu comme dans son précédent roman, Marina Lewycka retrace le parcourt de personnages atypiques qui recherchent une vie meilleure et acceptent tout sans jamais faillir. Ils n’hésitent pas ainsi à se transformer en cueilleurs de fraises, en employés d’usine de poulets alors que dans leur pays d’origine, ils occupaient des postes à responsabilités. L’auteur leur fait d’ailleurs vraiment tout subir et en profite ainsi pour lever le voile sur le système qui se cache derrière ces immigrés et les conditions dans lesquelles ils vivent.



Il est intéressant de voir moment le thème des travailleurs immigrés est ici traité avec toujours une petite pointe d’humour. C’est d’autant plus intéressant que l’auteur elle-même est issue de la communauté ukrainienne. Toutefois, il ne faut pas oublier que Deux caravanes est avant tout un roman plein de légèreté, d’humour et de finesse. Il y a même un petit clin d’œil à son premier roman avec l’apparition du grand-père d’Une brève histoire du tracteur en Ukraine, fidèle à lui-même dans la maison de retraite ou ses filles l’ont placé.



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Des adhésifs dans le monde moderne

L'auteur, par sa force littéraire, nous démontre que l'amitié peut réparer les coeurs malmenés par les évènements. Un livre bien agréable à lire.
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Des adhésifs dans le monde moderne

Le moins qu'on puisse dire du roman "Des adhésifs dans le monde moderne", c'est qu'il porte un titre intrigant. Dernier opus de Marina Lewycka, paru ce mois-ci aux éditions des 2 terres dans une traduction française signée Sabine Porte, c'est un ouvrage d'une pertinence certaine qui, si l'on veut bien passer par-dessus quelques longueurs, saura littéralement scotcher son lectorat grâce à une démarche où l'originalité se trouve à tous les étages.







Exploiter, comme narratrice, une journaliste spécialisée dans les adhésifs, il fallait en effet y penser. Georgia rédige en freelance des articles sur toutes sortes d'adhésifs, papiers collants et autres céments. Il est d'ailleurs assez paradoxal de découvrir qu'une journaliste, dont on pourrait s'attendre à ce qu'elle dispose d'une certaine culture générale, se trouve aussi dépourvue qu'elle dès qu'il s'agit d'histoire ou de géographie. Est-ce le fruit du système anglais d'éducation des couches populaires, dont elle est issue? Peu crédible, on l'admettra. Heureusement, ce travers est compensé par d'autres éléments.







La colle comme métaphore des relations interpersonnelles



La colle peut évidemment être comprise au sens littéral du terme. Mais le lecteur est rapidement invité à comprendre qu'il y a autre chose, ce que suggère sans équivoque le titre original anglais, "We are all made of glue", plus parlant que sa traduction française de ce point de vue. Les adhésifs, dans ce livre, sont donc une vaste métaphore filée des relations humaines et interpersonnelles - sans compter la question qui tue: "est-ce que ça va coller avec le lecteur?". De ce point de vue, l'auteur place la barre très haut en mettant en scène, face à Georgia, la personnalité de Naomi Shapiro, vieille dame originale et puante aux moeurs de freegan, vivant avec ses sept chats immondes dans une maison déglinguée... un repoussoir? En creusant la personnalité de Naomi et en lui donnant une histoire solide et dramatique, l'auteur sait comment faire en sorte que l'adhésif finisse par fonctionner.







Ainsi naît un regard sur les relations de toutes sortes entre humains, présentés comme autant de collages. Georgia est en instance de séparation au début du roman; on a donc envie de se dire que là, l'adhésif n'était pas optimal. Il y a aussi les attraits malgré soi (avec la figure de Mark Diabello - une sorte de diable, ce que suggère son nom), et des pulsions de rejet - comme si deux matières ne pouvaient strictement pas être collées ensemble. Et naturellement les innombrables liens intergénérationnels: mère-ado, mais aussi quadra-troisième âge, etc. Seuls les jeunes enfants sont un peu tenus à distance.







Les ressorts du loufoque



Il y a une part de loufoque dans le côté audacieux du choix de cette métaphore filée. L'humour est du reste présent à tous les niveaux de ce roman, avec une préférence pour l'humour à répétition. Ainsi se retrouve-t-on à plusieurs reprises face à des noms mal compris (Bad Eel, Nightmare House), révélateurs de sens cachés qui enrichissent la manière orthodoxe de les dire et de les écrire. Il y a aussi le caca de chat récurrent, se trouvant régulièrement dans le hall d'entrée de la demeure de Naomi Shapiro. Dès lors, le lecteur se demande systématiquement si tel ou tel personnage va marcher dedans... et qui est le mystérieux crotteur. D'un goût douteux? Oui, mais le caca, à sa manière, est aussi un adhésif...







Le personnage de Georgia lui-même est source d'esprit, tant il est vrai que sa manière de s'enfiler dans des situations incongrues et ses réactions face à celles-ci rappellent une certaine Bridget Jones, facilement désemparée face aux situations inattendues du quotidien. Georgia est cependant placée face à des situations autrement complexes, par exemple la crise mystique de son fils adolescent, Ben.







L'esprit se développe aussi dans des parallélismes narratifs inattendus. Ainsi, alors que Georgia rêve de coller son mari sur la lunette des toilettes au moyen d'une super-glu au cyanoacrylate, c'est elle qui se retrouve attachée au lit par les simples velcros de rubans destinés à des pratiques sadomasochistes proposées par Mark Diabello (et acceptées de bon coeur, hé hé...).







Canaan House, une modélisation du conflit israélo-palestinien



Et puis, la maison de Naomi Shapiro, avec ses secrets et ses coins sombres, constitue un personnage à soi toute seule. Dès l'arrivée de Mr. Ali et de ses fils, tous artisans et as de la bricole et Palestiniens bon teint, on se demande ce que cela va donner avec Naomi Shapiro, Juive et mère d'un sioniste convaincu prénommé Chaïm (comme Chaïm Weitzmann, l'un des premiers chefs d'Etat d'Israël).







La cohabitation semble envisageable, et l'auteur le suggère dans quelques pages qui, de prime abord, rappellent Anna Gavalda dans leur naïveté (fin de la cinquième partie, un peu "bisounours" dans son genre); mais ici, le propos est plus sérieux, et le personnage de Chaïm le rappelle dès son entrée en scène. La suspicion s'installe, pour ne pas parler du conflit ouvert, amorcé à coups d'argumentsassenés de part et d'autre; et les disputes autour de l'eau et de la répartition des pièces au sein de la maison font assez rapidement penser à certains enjeux qui caractérisent le véritable conflit israélo-palestinien.







Le nom même de la demeure londonienne de Naomi Shapiro, Canaan House, suggère qu'il s'agit d'une terre promise (celle évoquée par la Bible) - et donc fort convoitée. A ce titre, elle constitue une métaphore, un modèle réduit d'un conflit pour lequel il est difficile de trouver un adhésif adapté. On pourrait aller jusqu'à voir là, en filigrane, une observation des forces et limites du système de coexistence des cultures au sein de la population du Royaume-Uni.







Ce roman a donc ses longueurs, on l'admettra; mais il a aussi ses richesses, que constituent des personnages finement ciselés, dotés d'une profondeur suffisante pour que le lecteur s'y attache et s'en souvienne. Chaque lecteur sera par ailleurs sensible à un certain esprit, à quelques outrances savamment calculées pour faire naître des sourires au coin de telle ou telle page. Ce qui n'empêche pas la profondeur, pour rappeler que, comme le dit le titre original de ce roman, nous sommes tous faits de colle.




Lien : http://fattorius.over-blog.c..
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Des adhésifs dans le monde moderne

Georgie fait la rencontre qui va changer sa vie en jetant les affaires de son mari qui vient de la quitter dans une grande benne. Mrs Shapiro, une charmante vieille dame, qui passait par là, se propose de récupérer certaines affaires. A partir de là, une belle et étrange amitié va unir ses deux femmes que pourtant tout sépare. L’une est une anglaise typique, longtemps coincée dans un mariage qui a perdu toute sa saveur. Et l’autre est une dame âgée très atypique et pleine de fougue.

A cela va s’ajouter une assistante sociale pas très honnête, des agents immobiliers quelques peu véreux, des artisans incapables et un ado très perturbé. Tous n’ont qu’une idée en tête faire main basse sur la maison de la vieille dame, qui pourrait valoir une petite fortune, en la plaçant dans une maison de retraite. Mais elle ne se laissera pas faire et épauler par son amie Georgine, elle va leur en faire voir de toutes les couleurs.



Ce joyeux mélange donne vie à un roman plein d’humour et de justesse. Parce que ce roman ne parle pas seulement de l’amitié entre deux femmes que tout oppose mais il va beaucoup plus loin en rassemblant sous le même toit des peuples que tout opposent.



Marina Lewycka découpe finement son roman en le parsemant de détails sur la vie des personnages et notamment sur le passé bien mystérieux de Mrs Shapiro. A cela, elle ajouter des passages du roman que Georgie écrit, très fortement inspiré par sa vie, et par des allusions aux propriétés de la colle qui collent justement très bien aux différentes situations présentées.



Tout comme dans ses deux précédents romans, Marina Lewycka donne vie à des personnages hors du commun. Une fois encore, on retrouve une petite mention du charmant grand-père d’Une brève histoire du tracteur en Ukraine.



Une fois encore, je me suis régalée à tel point qu’arrivée au milieu du roman j’ai ralentit le rythme afin de faire durer le plaisir et de rester encore un peu dans cet univers quasi magique.



Même si elle a quitté le thème ukrainien Marina Lewycka maitrise toujours son texte de par en part.



Merci à Babelio pour l'envoi de ce livre.


Lien : http://mespetiteslectures.bl..
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Une brève histoire du tracteur en Ukraine

Bon titre, intrigue originale.

Nikolaï, le père de Vera et Nadezhda est arrivé en Angletere après la seconde guerre mondiale ; après 60 ans de mariage et deux ans de veuvage, il veut se remarier avec Valentina. Celle-ci, munie d'un visa provisoire, arrive d'Ukraine avec son fils Stanislav, .

Le fiancé a 84 ans et consacre son temps libre à écrire une histoire du tracteur, la fiancée en a 36 et n'est pas tout à fait divorcée de son mari resté en Ukraine. Vera et Nadezhda ne se sont plus parlé depuis deux ans mais s'unissent pour empêcher ce mariage, accusant Valentina de n'en vouloir qu'à l'argent de leur père, et au passage obtenir la nationalité anglaise.

Première rencontre entre Valentina et Nadezhda :

"C'est alors que je la vois - une plantureuse blonde qui traverse nonchalamment le jardin perchée sur des mules à hauts talons découvrant le bout des orteils. (...) Une minijupe en jean lui remonte bien au-dessus du genou ; un haut sans manche rose (...) Ses cheveux ébourriffés sont décolorés et les racines sont noires."

Las ! Le mariage a lieu. Valentina découvre que son mari n'est pas millionnaire ... Elle se révèle une effroyable cuisinière et ménagère.

Vera et Nadezhda essaient d'obtenir le divorce - ou l'expulsion de Valentina.

suite :http://en-lisant-en-voyageant.over-blog.com/article-22336741.html
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