Citations de Marina Tsvetaieva (457)
"Car la poésie ne se fractionne pas en poètes ni entre poètes, elle est présente et unique, dans toutes ses manifestations - chez chacun, toujours plus, toujours totale, de même qu'en réalité il n'existe pas des poètes, mais un seul et même poète depuis le commencement et jusqu'à la fin du monde, une force se parant de la couleur des temps, des peuples, des pays, des parlers, des personnes, qui traversent cette force, qui la portent, tout comme un fleuve reflète l'une ou l'autre de ces rives, l'un ou l'autre de ces cieux, l'un ou l'autre de ces fonds."
"Pendant douze années entières, Maïakovski homme a cherché à tuer Maïakovski poète, à la treizième le poète s'est levé et a tué l'homme. Si le suicide existe dans cette vie, il n'est pas là où on le voit, et il n'a pas duré le temps de la détente, mais douze années de vie."
Note de marge :
"NB! je travaille à un manuscrit. On dit travailler à quelque chose. Mais on ne peut pas dire : le travail de la vie à nous? Ce sera donc sur nous? Je n'en suis."
"Lire Votre livre, Vous en remercier par des mots vides de moi. Vous revoir de temps en temps "sourire pour qu'on ne vous voie pas sourire", bref - faire comme si Vous n'aviez rien écrit et moi rien lu, comme s'il n'y avait rien eu."
"Maïakovski, lui, a toujours eu un nom, ce n'est pas qu'il l'aurait eu, il l'a toujours eu. Et son nom a existé avant lui peut-on dire, parce que ce nom, , c'était lui."
A nouveau la fenêtre,
Où l'on veille à nouveau.
On boit du vin peut-être,
Peut-être on ne dit mot.
Ou deux mains sans raison
Restent inséparables.
Ami, chaque maison
A fenêtre semblable.
J'aimerais vivre avec vous
Dans une petite ville,
Aux éternels crépuscules, Aux éternels carillons.
Et dans une petite auberge de campagne-
Le tintement grêle
D'une pendule ancienne-goutte à goutte de temps.
Et parfois, le soir, montant de quelque mansarde-
Une flûte,
Et le flûtiste lui-même à la fenêtre.
Et de grandes tulipes sur les fenêtres.
Et peut-être, ne m'aimeriez-vous même pas...
Je suis une page sous ta plume.
J'accepte tout. Je suis une page blanche.
Je garde tout ton bien précieux,
Je le cultive pour te le rendre au centuple.
Je suis le village, je suis la terre noire.
Tu m'es pluie et soleil.
Tu es Maître et Dieu et moi-
Tchernoziom et papier blanc !
Qui est pauvre au gré du vent ?
Chacun sur la grand route-
Est un prince travesti !
Les haillons se déchirent
Partout où le ciel est bleu,
Où le Seigneur est juge.
Dans les ornières-
Les chaînes s'entrechoquent,
Les haillons se mélangent.
La vie n'est pas bruit ni orage,
Elle est ainsi : il neige,
La maison est éclairée,
Quelqu'un s'approche.
Lentement, la sonnerie étincelle,
Il entre. Lève les yeux.
Pas un bruit.
Les icônes flambent.
Que d'ardeur, que de fougue donnée
Pour une ombre soudaine ou un bruit...
Et mon coeur, vainement enflammé,
Dépeuplé, retombant en cendres.
O, les trains s'envolant dans la nuit
Qui emportent nos rêves de gare...
Sauriez-vous tout cela, même alors,
Je le sais, vous ne pourriez savoir
Pourquoi ma parole est si brusque
Dans l'éternelle fumée de cigarette
Et combien de tristesse noire
Gronde sous mes cheveux clairs.
A minuit le soleil m'éclaire
Et l'étoile brille à midi
Sur moi se referme les vagues
De mon superbe malheur
La lettre
On ne guette pas les lettres
Ainsi — mais la lettre.
Un lambeau de chiffon
Autour d’un ruban
De colle. Dedans — un mot.
Et le bonheur. — C’est tout.
On ne guette pas le bonheur
Ainsi : — mais à la fin :
Un salut militaire
Et le plomb dans le sein —
Trois balles. Les yeux sont rouges.
Que cela. — C’est tout.
Pour le bonheur — je suis vieille!
Le vent a chassé les couleurs!
Plus que le carré de la cour
Et le noir des fusils.
(Que le carré de l’enveloppe :
Encre et attraits!)
Pour le sommeil de mort
Personne n’est trop vieux.
Les nuits sans celui qu’on aime — et les nuits
Avec celui qu’on n’aime pas, et les grandes étoiles
Au-dessus de la tête en feu et les mains
Qui se tendent vers Celui —
Qui n’est pas — qui ne sera jamais,
Qui ne peut être — et celui qui le doit…
Et l’enfant qui pleure le héros
Et le héros qui pleure l’enfant,
Et les grandes montagnes de pierre
Sur la poitrine de celui qui doit — en bas…
Je sais tout ce qui fut, tout ce qui sera,
Je connais ce mystère sourd-muet
Que dans la langue menteuse et noire
Des humains — on appelle la vie.
Ma dernière cendre sera plus chaude que leurs vies
Pour vivre - j'ai besoin d'aimer, c'est-à-dire d'être ensemble. J'ai besoin de chacun car je suis insatiable. Mais la plupart du temps, les autres n'ont même pas faim, d'où cette attention éternellement tendue : a-t-on besoin de moi ?
La littérature ? - Non ! - Quel "littérateur" suis-je, si je suis prête à donner tous les livres du monde - ceux des autres et les miens - pour une seule petite flammèche du feu de Jeanne ! Pas de littérature, - l'auto-dévoration par le feu.
Je ne crains qu'une seule chose au monde - ces moments où en moi la vie se fige.
L'odeur - par la porte grande ouverte d'un bistrot - de vanille - de cigares-de biscuits semble-t-il. Vous pensez que j'ai eu envie de rentrer dans ce café, de boire et de manger ? Non - les larmes aux yeux - d'embrasser.
Même ma langue maternelle
Aux sons lactés - je m’en défie.
Il m’est indifférent en quelle
langue être incomprise et de qui !