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Critiques de Mario Rigoni Stern (136)
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Les Saisons de Giacomo

Mario Rigoni Stern, ou le triomphe de l'authenticité... Car, voyez-vous, ce n'est pas un écrivain à style ; non, il s'efface derrière son histoire, ses anecdotes : à l'inverse d'un Jean Echenoz dans Je m'en vais, il veut qu'on l'oublie. Mais il a ses raisons le Mario, il sait que ses histoires sont épaisses comme les murs d'une forteresse, qu'elles se suffisent à elles-mêmes, sans qu'il soit besoin d'y rien ajouter. Alors, discrètement, il nous les raconte, sachant très bien qu'on sera emportés par elles.



Pas d'artifice, jamais ; du fond, du fond, rien que du fond. Et pourtant, c'est très bien fait, car bien évidemment, tout cela n'est qu'une illusion et il faut être un drôle de conteur pour parvenir à narrer, sans avoir l'air d'y toucher, un pan entier de l'histoire du monde rural italien, en pleine période fasciste de l'entre-deux guerres.



Le tour de force est là ; donner l'illusion que ça coule tout seul, que c'est évident, que c'est aisé comme le cours de la parole. Mais non, mes chers amis, rien n'est simple en ce bas monde, et c'est un fier travail que de faire croire qu'il n'y en a pas. J'y perçois en tout cas un bel hommage à ces habitants d'un monde qui n'existe plus, qu'il nous adresse, tel un legs.



Ainsi, l'auteur nous raconte Giacomo, un enfant né au pied des Alpes, tout au nord de la Vénétie, à deux pas des frontières autrichienne et yougoslave de l'époque. Ce petit bonhomme a dû naître en quelque chose comme 1920 et Rigoni Stern débute sa narration autour de 1928, pour nous la dérouler jusqu'en 1942, en pleine seconde guerre mondiale.



On se rend bien compte de ce que c'était que la vie dans ce rude milieu rural et montagnard, où la brûlante problématique, chaque jour, de savoir quoi manger le soir occupait pas mal les esprits. Lui, Giacomo, qui vit avec sa soeur aînée, sa mère et sa grand-mère, est un brave petit gars, pas mauvais à l'école, qui aide bien sa famille et qui n'a pas trop le temps de penser à faire des bêtises.



C'est lui l'homme de la famille, car son père, pauvreté et famine aidant, a été contraint d'émigrer pour un temps dans les mirifiques mines de Lorraine afin de faire, bien laborieusement, parvenir, de temps en temps, un petit pécule à la famille, lequel pécule se retrouve bien souvent englouti rien que pour régler les dettes et subvenir aux affaires courantes.



Car là-bas, chaque centime a son utilité ; on ne jette rien et on récupère tout, on use, on archi-use tout jusqu'à la corde car on ne sait pas quand on pourra s'en acheter un neuf. le système d doit souvent se mettre à l'ouvrage...



Oui, elle est bien dure cette vie, et les principales joies résident dans la beauté du cadre, la solidité de la famille et la cohésion des villageois du hameau, qui se serrent les coudes, car tous embarqués dans la même galère.



Le gros problème, ici bas, c'est l'emploi, vous comprenez, et finalement, pour améliorer moindrement le quotidien, la principale source de revenus et d'activité dans la région, c'est d'aller récupérer les métaux et la poudre des diverses munitions et obus tombés lors de la grande bataille avec les Autrichiens en 1917. le plomb, le fer, le cuivre, le laiton, chaque villageois récupérateur est devenu un expert en reconnaissance de type de munition, adeptes du recyclage avant l'heure. Ainsi, la poudre est savamment extraite pour être revendue aux chasseurs...



Mais vous vous doutez bien qu'une telle activité n'est pas tout à fait dénuée de risques. Nombreux sont ceux qui ont perdu un bras, un oeil, ou mieux encore, je vous laisse imaginer. La guerre est finie depuis dix ans, quinze ans, mais elle continue encore à tuer...



Sans compter que notre grand ami Benito Mussolini instaure un grand régime de grande tolérance et qu'il fait grand bonheur à ne pas partager ses idées. La délation va bon train et il faut se méfier de chacune de ses propres paroles qui peuvent constituer un chef d'accusation.



Les ruines de la première guerre mondiale, la mise en place du fascisme dans toute sa splendeur et la crise économique, trois bonnes raisons d'avoir le moral en berne dans cette Italie-là. Pas facile de se construire ni de trouver sa place pour le petit Giacomo, qui peu à peu devient un homme, saison après saison, chacune ayant ses bonheurs et ses difficultés propres.



Un livre fort, sans chichi, qui nous fait affectionner ces villageois et compatir à leurs malheurs, sans jamais jouer dans le pathos, sans oublier un final coup de poing, qui ne saurait vous laisser de marbre, du moins c'est mon avis, pas de saison, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Histoire de Tönle

L'histoire d'un homme pris en tenaille entre deux nations guerrières.



Un beau récit de terroir, sans artifice et tout en sensorialité, une histoire de montagnes et de gens simples, et une analyse historique de ce que fait la guerre sur un territoire reculé comme celui-là, voilà l'ambitieux projet de ce livre, « Histoire de Tönle » que nous propose l'auteur italien Mario Rigoni Stern.



Tönle, berger contrebandier du plateau d'Asiago, dans les Dolomites, à la frontière de l'Italie et de l'Empire austro-hongrois, se retrouve en exil forcé après avoir blessé un douanier qui voulait contrôler ce qu'il transportait lors d'une nuit de contrebande. Pour survivre et nourrir sa famille, alors qu'il est recherché, il va se faire tour à tour soldat en Autriche, mineur en Styrie, colporteur d'estampes jusqu'aux Carpates, jardinier à Prague, gardien de chevaux en Hongrie. Il ne cessera au fil de ces années de revenir discrètement sur sa terre natale passer l'hiver auprès des siens, dépassant allègrement ces frontières qu'il ne comprend pas, dont il n'admet pas l'arbitraire et qui, pendant la guerre, ne cessent d'être mouvantes. Homme solitaire, libre et anarchisant, libertaire de nature à l'image de l'auteur, il oppose à l'absurdité de ces règles administratives un bon sens du terroir, une conscience terrienne délicate et sensible de son peuple, de sa région, de sa place dans un monde traversé par une violence inouïe, sur son plateau où l'artillerie lourde a remplacé les moutons.



« Si pour eux il y avait des frontières, à quoi servaient-elles donc, si on pouvait les franchir en avion ? Et s'il n'y avait pas de frontières dans le ciel, alors pourquoi y en avait-il sur la terre ? Et par ce « pour eux », il entendait tous ceux qui considéraient les frontières comme quelque chose de concret ou de sacré ».



Il est vrai que les frontières sont très présentes dans le récit. Il faut dire qu'il y a de quoi être troublé. Tönle est né autrichien de Vénétie et est devenu italien du jour au lendemain. En 1866, en effet, alors que Tönle avait quitté son hameau autrichien pour mener en Europe son activité de contrebande, notre homme se trouvait à son retour sur le sol italien. Nouvelles lois, nouveau souverain, mais même dialecte germanique qui perdura longtemps dans cette province de la toute jeune nation italienne née du Risorgimento. Son hameau ne cessera ainsi de changer de nationalité particulièrement lors du conflit, ce village étant devenu un champ de bataille acharné entre l'armée royale de l'Autriche-Hongrie et l'armée royale italienne. Face à ces aléas, fruits multiples de l'histoire, le peuple oppose son dialecte, ses traditions, ses us et coutumes, superbement décrites sous la plume de l'auteur.



Tönle, qui ne cessera de se cacher avec ses moutons en pleine montagne, les faisant paître à l'écart de toute cette agitation, devenu vieil homme solitaire et errant, est le symbole de l'absurdité des frontières des hommes. Il n'est pas vraiment italien, mais plus tout à fait autrichien, il parle plusieurs langues et plusieurs dialectes d'Europe centrale. Il déconcertera lorsqu'il se fera capturer ne rentrant dans aucune case. Intéressant de voir comment la solitude qui a été la sienne lui aura permis toute sa vie à situer les événements en cours dans un vaste panorama historique qui a du échapper à la majorité des gens plongés dedans…j'ai aimé cet aspect là du récit.



Le texte entremêle avec subtilité la grande Histoire et la petite histoire personnelle, à savoir l'histoire de la région avant, pendant et juste après la Première Guerre Mondiale et l'histoire personnelle de cet homme sur plusieurs décennies depuis sa jeunesse jusqu'à sa vieillesse en mettant au premier plan les perceptions sensorielles de Tönle. le récit alterne ainsi entre faits historiques à la narration assez froide et descriptions d'un monde riche en sensations à la manière lumineuse et simple d'un Jean Giono ou d'un Erri de Luca.



Le récit est empli de petits bonheurs simples qui font la lumière de l'existence, une soupe au lard ou aux tripes, des tranches de polenta dorés sur le feu partagées entre les membres de la famille, une gorgée de grappa à même la bouteille, du bon tabac dans une pipe, les rires des enfants, les paroles essentielles limpides, simples, naturelles serties de silences sereins, telles des méditations sur les saisons, la forêt, les animaux . Place belle est faite aux hommes, à la famille, au temps qui passe, à la route qui tourne, au défilé des générations, ordre naturel et implacable.



« Tönle regardait ce visage et ces mains posées sur la couverture, et il se rendait compte du temps, et de la vie qui avait filé : celle de sa femme, la sienne propre, celle de ses parents, de ses enfants, et celle de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants filerait elle aussi ».



La plume de l'auteur est très belle mais le côté exclusivement narratif instaure une certaine distance avec le lecteur rendant le livre un peu froid notamment lors de l'explication des faits historiques, froideur heureusement contrebalancée par la poésie sensorielle et rude qui émane du regard de Tönle. J'ai aimé parcourir ces montagnes à ses côtés, avec son chien et ses moutons et la fin du livre m'a particulièrement ému.



A noter que c'est en ces lieux que nait et vit l'auteur, Mario Rigoni Stern. Il grandit dans les ruines de l'après-guerre et va se passionner pour les Alpins. Il sera fait prisonnier par les Allemands lors de la Seconde Guerre Mondiale et après s'être évadé, il rentre à pied à Asiago. Vingt ans après il se lance dans l'écriture. Mario Rigoni Sterne est considéré aujourd'hui comme un auteur classique de la littérature contemporaine italienne. L'histoire de Tönle est le premier volet d'une trilogie à la pâte singulière pétrie de souvenirs, de nostalgie, de sensations…



Un grand merci à @Dandine à qui je dois cette découverte !



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Histoire de Tönle

Le plateau d’Asiago, situé sur les Préalpes de Vénétie, entre Vicence et Trente, est un lieu de mémoire un peu particulier. Au Moyen Age vient s’y installer une minorité ethnique d’origine bavaroise, les Cimbres. D'abord reconnue culturellement autonome par la République de Venise, cette communauté est englobée en 1815 dans le royaume lombard-vénitien, vassal de l’Empire d’Autriche, et, considérée à tort comme pro-allemande pendant la première guerre mondiale – cette petite partie des Alpes est en l’occurrence totalement dévastée en 1916 par la plus grande bataille de montagne de l’Histoire –, fait ensuite les frais de la politique d’italianisation menée par les fascistes. Ainsi s’éteint alors quasiment la langue cimbre, un isolat comme l’est le basque dans les Pyrénées.





C’est en ces lieux au passé si singulier que naît et vit Mario Rigoni Stern. Lui qui grandit dans les ruines de la Grande Guerre se passionne pour les Alpins, dans lesquels il s’engage en 1938. Fait prisonnier par les Allemands, il s’évade, rentre à pied à Asiago et, quelque vingt ans plus tard, se lance dans l’écriture de ce qu’il considérera toujours modestement comme une œuvre mémorialiste, mais qui le classera parmi les auteurs classiques de la littérature contemporaine italienne. Premier volet d’une trilogie, Histoire de Tönle se nourrit de souvenirs rapportés ou vécus, faisant avec nostalgie la part belle à sa montagne d’origine, à la vie rude, pauvre, mais libre, des paysans et bergers habitués à n’y connaître ni maîtres ni frontières, jusqu’à ce que, ne laissant qu’une terre ravagée et pour longtemps inhabitable, la guerre ne vienne en sonner définitivement le glas.





Berger, Tönle mène, en cette seconde moitié du XIXe siècle et comme, avant lui, tant de générations, l’existence rythmée par les saisons, par les travaux agricoles et par les traditions de son village. Pour joindre les deux bouts, mais aussi peut-être un peu parce que cette montagne à la frontière du royaume d'Italie et de l'Empire austro-hongrois appelle à l’aventure, il se fait contrebandier, colporteur, et sillonnant à pied toute l’Europe Centrale, exerce les mille métiers – soldat, mineur, jardinier, gardien de chevaux... – que ses boucles itinérantes mettent sur sa route avant de toujours le ramener auprès des siens et de ses moutons, sur ces alpages ailleurs desquels il ne saurait vivre longtemps. Lorsqu'en 1914 la guerre éclate et commence par lui rogner les ailes en le confinant du côté italien, il ne se doute pas encore qu'en plein sur la ligne de front, il ne restera bientôt plus grand chose des villages bombardés du plateau d'Asiago. Refusant de se joindre à la population déplacée, il restera le plus longtemps possible auprès de son troupeau, avant de connaître un sort fortement calqué sur celui de l’auteur lors du conflit suivant, mais à la conclusion immensément plus tragique. La guerre ne se contente pas de tuer et de détruire : elle accélère aussi les mutations de la société, tournant définitivement certaines pages. Sur le plateau d’Asiago si longtemps préservé, c’est le chant du cygne d’un mode de vie et d'une identité culturelle ancestrale qui mène au désespoir le vieux Tönle…





La narration sans fioritures de Mario Rigoni Stern redonne vie à ces hommes et à ces femmes d’un autre siècle avec un réalisme et une authenticité sans défaut. L’on pense à Frison-Roche pour un certain nombre de points communs entre les deux hommes et leur œuvre. Quand, entre deux récits de montagne et d’aventure saharienne, l’écrivain français nous conte la sédentarisation forcée des Lapons, au même moment de l’autre côté des Alpes, l’auteur italien s‘attache à la mémoire du tout petit peuple cimbre, partageant, au fil de son écriture habitée et au travers d’un personnage clairement son alter ego, la nostalgie d’un homme épris de nature et de liberté pour qui la modernité fait figure de prison. Une bien belle redécouverte que nous permettent les éditions Gallmeister avec cette toute nouvelle traduction.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Histoire de Tönle

Il y a des heros litteraires qui incarnent une attitude, une vertu, un travers, le tragique de la vie ou les bonheur qu'elle peut procurer. Le heros de ce livre, Tonle Bintarn, incarne une region, la culture, la langue, l’esprit, les modalites de vie qui y regnaient en un temps passe. C'est la region ou est ne, a vecu et est mort l'auteur. Le sud des Dolomites, les monts de la Venetie, une region frontaliere longtemps disputee. Et ce livre est son chant d'amour pour sa region et ses gens, un chant ou il se place lui-meme volontiers, utilisant beaucoup de fois le “nous". Il chante sa langue, le “cimbre", un dialecte germanique peut-etre deja eteint. Il chante les vieilles coutumes. Les feux de fin fevrier pour appeler le printemps. “Dans les derniers jours de février les gamins appelèrent le printemps comme on avait toujours fait les les autres années, agitant les cloches des vaches et courant pieds nus dans les prés encore enneigés.” La soupe aux tripes qu'on mange a la foire de la Saint-Matthieu. Les tranches de polenta qu'on chauffe sur la braise. Et les gens. Les bergers aux quelques chevres, les contrebandiers, les mineurs et les “eisenponnars”, cheminots qui travaillent dans tout l'empire austro-hongrois.



Le heros,Tonle, est un paysan qui ne connait pas de frontieres, ou plutot qui ne les accepte pas. Il cultive une toute petite parcelle, qui ne suffit pas pour vivre, alors il se fait, comme nombreux d'autres, contrebandier. Menace de prison, il fuit et passe des annees dans differentes regions de l’empire austro-hongrois, acceptant tout metier, mais revenant toujours pour la Noel et l'hiver dans son village, ou il est force de se cacher. L’amnistie viendra quand il sera deja vieux, alors il se fait berger et ses chevres non plus ne connaitront de frontieres. Mais c'est trop tard, pour lui comme pour son village, comme pour sa region. La guerre eclate, la grande, la premiere grande, et son village est evacue puis completement detruit. Lui ne fuira pas cette fois-ci. Il restera cache dans ses montagnes, d’ou il verra les ruines de sa maison, et ou il mourra, sa vieille pipe a la main, adosse a un olivier echappe au feu. Sa vie aura ete intense, dans les chemins d'une bonne partie de l'Europe et dans son village, ou il aimait humer ce singulier arome de forets, de neige, de vent et d'air pur, que l'auteur, Rigoni Stern, sait si bien transmettre dans sa narration. Comme il excelle a faire surgir le printemps: “La neige, avec les pluies de mars, avait vite fondu et il semblait vraiment que, plus encore que les autres années, l’appel du printemps, avec le son des cloches et les feux sur le Spilleche et sur le Moor, avait réveillé en avance la végétation : dès que la neige s’en fut allée en mille ruisseaux, tous les prés se parèrent de blancs crocus, auxquels les abeilles rendirent aussitôt visite, et à la mi-avril, avec le chant du coq de bruyère, les mélèzes avaient fleuri ; aux premiers jours de mai les hêtres aussi mirent leur parure : un beau vert satiné qui tranchait sur le noir des sapins”.



Mais le plus touchant dans ce livre est son exercice de memoire, son effort a faire revive pour le lecteur les vies de ses ancetres. Et surtout le rejet, qu'il fait sien, de toute frontiere et de ce qu'elle engendre souvent, la guerre, comme quand il rapporte les pensees de Tonle: “Et comme « pour eux » il y avait des frontières à quoi servaient-elles si avec les avions ils pouvaient passer par-dessus ? Et s’il n’y avait pas de frontières dans l’air, pourquoi est-ce qu’il devait y en avoir sur la terre ? Et par ce « pour eux » il entendait tous ceux qui estimaient que les frontières étaient quelque chose de concret ou de sacré ; mais pour lui et pour les gens comme lui – ils n’étaient pas si peu que ça, comme on pourrait le croire, mais bien la majorité des hommes – les frontières n’avaient jamais existé si ce n’est sous forme de douaniers à soudoyer ou de gendarmes à éviter. En somme, si l’air était libre, si l’eau était libre, la terre aussi devait l’être. […] Et si sur les chemins du monde quelqu’un mourait là où il travaillait ce n’était pas comme sur un champ de bataille : on travaillait par besoin, pour sa famille, tandis que sur le champ de bataille, maintenant, on mourait pour rien ; c’est pourquoi, quand arrivait la nouvelle d’une mort, apportée par les carabiniers ou par un employé de la mairie, la douleur se teintait d’amertume et de colère.”



Ce livre est le chant d'un homme qui a connu la guerre et la pleure. Comme il pleure la culture disparue de ses ancetres. Un chant saisissant que le vent des monts de Venetie porte jusqu'a nous, ou que nous soyons, qui que nous soyons. Un livre sublime.

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Le Sergent dans la neige

Lu en V.O.



Épouvantable fut, début 1943, cette retraite de l’armée italienne en Russie.

J’en fis un jour un exposé lors de mon cours d’italien.

Le corps italien comptait 230.000 hommes dont seuls 20.000 revinrent au pays...



C’est mon second livre relatant cet épisode tragique après Le Cheval Rouge d’Eugenio Corti dont je dois toujours faire la critique, suivant en cela les conseils de Nadejda, critique que je remets hélas toujours à plus tard car le livre compte plus de mille pages et a fait l’objet d’une excellente critique de Nadejda..



Le livre est autobiographique, comme dans le Cheval Rouge, il est relaté par un témoin direct, Mario Ringano Stern est en effet le principal protagoniste de ce récit.



L’armée italienne et ici plus particulièrement ses chasseurs alpins est installée dans des tranchées au bord du fleuve Don avec pour but d’empêcher l’armée rouge cantonnée sur l’autre rive de le franchir.

Les premiers moments sont calmes , avec peu d’escarmouches, les hommes effectuent leurs tours de garde et leurs patrouilles, nettoient leurs armes, ils vivent dans ces tranchées avec les rats, cherchent de la nourriture, parlent, pensent à leur femme ou fiancée ...



Mais la situation va se dégrader. Les Russes attaquent et font des ravages dans les rangs italiens. L’auteur, simple sergent major, se retrouve chef de bataillon suite à la mort de son officier.

Pour échapper à l’encerclement, la retraite commence.

Retraite pénible, avec sans cesse des embuscades des Soviétiques et surtout le terrible l’hiver russe... la température est de moins 40 degrés Celsius, ils sont mal équipés, les ordres du Q.G. Italien sont contradictoires, ils doivent marcher dans la neige et le gel.



Ringoni Stern se révèle un excellent chef, courageux, attentif à ses hommes et apprécié par eux.

Il voit cependant son bataillon se réduire de jour en jour, surtout après la bataille de Nikolaevka.

Les hommes marchent, marchent, portent un lourd sac à dos, tombent, gèlent, ont faim, sont épuisés, subissent les attaques des partisans.

Ils cherchent des abris chauffés, sont aidés par les paysannes russes qui leur offrent un quignon de pain.

Ils n’aspirent qu’à une chose, rentrer sains et saufs dans leur village et retrouver les leurs. Le sergent est assailli régulièrement de la demande (formulée en dialecte) « Sergent-Major, arriverons-nous à la maison ? »



Il y a un très bel épisode dans ce livre : l’auteur entre dans une isba occupée par des soldats russes en arme, une femme lui apporte à manger, il mange, le temps n’existe plus, les Russes, la femme et les enfants le regardent manger; en sortant il remercie les Russes avec un « spasiba » et reçoit de la paysanne du miel.

Cet épisode est important car il nous montre qu’il reste toujours de l’humanité en l’homme.



Il n’y a aucune animosité contre les Russes chez les Italiens, et ce contrairement à l’armée allemande, ils comprennent que les Russes défendent

leur patrie contre l’envahisseur. ils n’ont pas demandé cette guerre.

Les quelques survivants arriveront finalement à un campement allemand d’où ils pourront rejoindre leur pays.



Le récit nous montre la cruauté de la guerre, qui entraîne malheur et désespoir mais aussi la profonde humanité de l’homme dans cette barbarie, et l’espoir qui les maintient en vie. Très présente également la nostalgie du pays, le désir de retrouver ses proches.



C’est un récit poignant, c’est un livre à lire.
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Histoire de Tönle

Ce livre résonne comme le long gémissement d'un monde agonisant sous les feux de la 1ère guerre mondiale, celui des montagnes nord-italiennes érigées de frontières où vit un berger nommé Tönle, montagnes qui portent la trace des nombreux pas de son histoire.

L'écriture dépouillée renforce la beauté de la nature décrite et l'art de vivre simplement au plus près de cette nature. L'auteur est un magicien qui murmure à l'oreille de son lecteur lequel entend un chant mélancolique, un lamento. Je ressors de cette lecture avec une infinie tristesse, ce livre m'a donné le blues en dépit du charme des paysages, que j'ai contemplés seule, sans bruit, portée par les mots bruts de l'auteur.



Un mot de la couverture que je trouve vraiment très belle et qui illustre à la perfection l'histoire de Tönle, elle est signée Riki Blanco.
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Histoire de Tönle

Italie, Plateau d'Asiago.



Tönle, jeune, est un contrebandier maladroit qui vient d'assommer malencontreusement un carabinier qui le sommait de s'arrêter au passage de la ligne frontalière.

Tönle va donc vivre, plusieurs années durant, en se cachant quand il est de retour, tout le village sait qu'il est là, mais les carabiniers l'ignorent... Un semblant de vie normale s'écrit pour Tönle toujours sur le point de fuir pour se cacher...

Les années passent, les enfants naissent et Tönle reprend régulièrement son bâton pour pérégriner et aller proposer sa force et son courage au delà des frontières et travailler, ramener de quoi faire vivre la famille.

Sa "terre" ne s'arrête pas aux limites des hommes, curieux qu'il est des autres cultures. Possédant plusieurs langues à force de toujours avancer plus loin pour se louer, il peut échanger, rencontrer, apprendre de l'Autre.

Si cette vie s'écrit au rythme des saisons, des éloignements, du retour plein de joie, des retrouvailles et de ce qu'il a à raconter, c'est bien davantage la période de la Première guerre mondiale qui hantera l'esprit du lecteur lorsqu'il aura refermé le livre.



D'une vie difficile mais rythmée, partagée avec ses semblables, voici que la foudre bouleverse tout.



Tönle n'est désormais plus le jeune homme fougueux avide de découvertes mais un berger à l'automne de sa vie, qui de tout, préfère désormais cheminer juste à travers ses montagnes en compagnie de ses brebis et de son chien avec lequel il converse par silences et hochements de tête. Les saisons restent l'horloge de l'existence…

Mais la guerre qui fracasse les hommes, va détruire ses paysages, ses sentiers qu'il connaît par coeur, massacrer ses arbres qu'il vénère.

Toujours poussé par le bruit de la mitraille à réduire le périmètre du pâturage, il s'étiole, se questionne, s'attriste et s'indigne, se révolte pacifiquement. Bien sûr, les années ont passé, certains sont partis d'autres sont morts, encore ces derniers n'ont-ils pas connu l'apocalypse qui frappe ces plateaux italiens. Quand le village doit être abandonné, Tönle reste dans le bois avec ses bêtes, se jugeant transparent, y manifestant à sa manière une forme de résistance placide, un déni de ces heurts entre nations qu'il ne comprend, ni ne cautionne…

Ce n'est que quand il perdra son troupeau et son chien que la guerre aura étendu réellement son ombre sur sa silhouette, le laissant désemparé, silencieux, comme caché au plus profond de lui-même.





Très beau récit qui nous dit et redit l'absurdité des guerres et la douceur du trésor inestimable d'une vie en paix. Magnifique texte qui fait exister l'homme à travers les animaux et les arbres, à travers les saisons et les montagnes, à travers les chemins et les crêtes… Et qu'importe les frontières, tous sont semblables pour travailler ensemble ou s'inventer des existences pas si éloignées, pour juste goûter aux dons de la nature et rester éternellement ébahis de ses largesses.



Par l'entêtement de quelques uns, c'est toute une génération qu'on sacrifie quand le feu prime sur l'olivier, quand le tonnerre parle plus fort que le pipeau…

Tönle, c'est l'incarnation humaniste en harmonie avec la nature de la vérité et de l'innocence sacrifiée sur l'autel des intérêts et du nationalisme.
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Le Sergent dans la neige

Très beau plaidoyer contre la guerre écrit, sans fioritures, par Mario Rigoni Stern un homme intègre.
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Le Sergent dans la neige

Pour Leibniz les différentes perspectives sous lesquelles on regarde le monde forment une infinité d'univers parallèles. le roman de Mario Rigoni Stern ouvre l'un de ces univers parallèles sur le front russe, avec le point de vue improbable et « miraculeux » selon le mot de Primo Levi, d'un chasseur alpin italien rescapé. Dans cet univers, Dieu est devenu fou : il a tout mélangé, entraide et violence, beauté et torture. « On aurait dit que les étoiles venaient vous arracher la peau comme des éperons » . Et le temps ne s'écoule plus : demain est un rêve irréalisable, l'incertitude n'est pas l'apanage de l'avenir, mais de l'immédiat. Rigoni Stern raconte les fragments poétiques d'une débâcle, une colonne infinie de soldats couverts de poux, qui zigzaguent dans la steppe en mangeant des poignées de neige, des épluchures, des chèvres, des poules, de l'antigel, tout ce qu'ils trouvent. Et le vide monochrome qui l'envahit. «Tout est de la même couleur. Les paupières se ferment toutes seules, la gorge est pleine de cailloux qui s'entrechoquent. Nous sommes sans jambes, sans bras, sans tête ». Comme Giono, Rigoni Stern se bat avec un fusil sans munitions et un coeur sans haine. Il raconte des bribes de vie dans l'apocalypse, ses rêves de fiancées, de fleurs et de villages de montagne, les paysans russes qui partagent du lait et du miel, les alliés de l'Axe, hongrois, roumains, blessés, gelés, affamés, désarmés, les allemands qui troquent leurs panzers contre des mules des alpes, les soldats de l'armée rouge dont il croise par erreur le regard bleu effaré. « Où étions nous cette nuit là ? Sur une comète ou un océan? Il n'y avait plus de fin à rien ». Cette longue marche vers l'Ukraine, jusqu'au printemps 43, par moins quarante, fit cinq fois plus de victimes que les combats.
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Requiem pour un alpiniste

« Arriver là-haut un matin d'été après que, la nuit, un orage a lavé le ciel et la terre, s'arrêter en silence pour regarder, et demeurer sous le charme parce que la beauté est telle que le regard ne sait où se poser, et on en a le souffle coupé. Rester ici jusqu'au couchant à écouter en silence la montagne raconter des légendes, des histoires de bergers, d'alpinistes, de guerre. »

Beau programme, non ?



L'auteur italien Mario Rigoni était chasseur alpin. Il participa à de nombreux combats, fut fait prisonnier par les Allemands lors de la seconde guerre mondiale et passa de longs mois en captivité.

Connaissant cet aspect de sa biographie on comprend mieux les thèmes qui prédominent dans l'œuvre de l'écrivain : les guerres et la montagne.



Requiem pour un alpiniste est un recueil de chroniques ayant pour sujet les conflits auxquels l'Italie a pris part au XXe siècle.

Mario Rigoni a le sens de la concision et en une vingtaine de petits textes arrive à faire ressortir le dénominateur commun : quel que soit le lieu, quelle que soit l'époque, la guerre est une horreur dont tous les hommes des deux camps sont victimes, et pas que les morts.



La montagne est belle. Les paysages sont sublimes et dégagent majesté et sérénité.

La guerre est laide.

Tant de beauté, tant de laideur...

Les deux ne sont en principe pas faits pour se rencontrer, mais c'est sans compter sur la folie des hommes.

Oui, la guerre est laide. Tout le temps. Partout. Ça ne se discute pas.

Pour finir sur une note plus gaie, je reprends les mots par lesquels la traductrice termine sa préface : "La nature l'emporte toujours sur l'œuvre de mort qu'est la guerre. Telle est, peut-être, l'espérance ultime que l'on peut retirer de la lecture de ces récits : Mario Rigoni Stern ne la renierait pas."

Un optimisme que j'ai du mal à partager, je l'avoue.



Une lecture qui ne peut pas laisser insensible, surtout en ce moment, hélas.

Je remercie Babelio pour son opération Masse critique ainsi que les éditions Les belles lettres pour l'envoi de cet ouvrage.
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Le Sergent dans la neige

Lu il y a peu « A l’Ouest rien de nouveau ». En lisant les premières pages de « Le sergent dans la neige », j’ai l’impression d’entamer le deuxième tome de la même histoire, la suite du premier ouvrage.

Une autre guerre, à peine trente ans plus tard, dans d’autres lieux. A l’Est, pendant l’hiver 1942-1943, la guerre fait autant souffrir les hommes qu’à l’Ouest pendant les années 1914-1918. Rien de nouveau.

Et pourtant le sentiment de découvrir des ravages inédits. Ceux d’une retraite catastrophique, d’une débandade mortifère, dans l’immense hiver russe.

Avant que l’ordre n’en soit donné, Mario Rigoni Stern, qui raconte ses souvenirs, était en avant-poste avec ses hommes, sur le Don, les troupes russes visibles en face, sur l’autre rive. Par touches rapides, Rigoni évoque les lieux occupés, presque vivables, et les soldats autour de lui, chacun son caractère, d’une humanité qui déborde les pages du livre. Celui qui jurait et blasphémait pour un oui pour un non, celui qui se taisait, le jeunot qui recevait des lettres de sa « moureuse », celui qui demandait dix fois par jour : « Chef, on la reverra-t-y, la maison ?».

Mais qui à eux tous, formaient une formidable équipe de camaraderie, de solidarité et de courage, sous la responsabilité de Rigoni qui s’inquiétait de leur moral et de leur résistance, à en perdre son propre sommeil.

Et puis, les avant-postes étant presque encerclés par Russes, l’ordre du repli a été donné. Rigoni en a pleuré, ses hommes en ont été aussi déchirés que lui.

Cela contrarie un peu ce que j’avais entendu de la piètre réputation des troupes italiennes…



Commence alors une marche (à pied, faut-il le préciser ?) interminable, de jour et de nuit, dans un froid polaire, de la neige, souvent jusqu’aux genoux, avec des escarmouches et des affrontements contre les Russes, qui blessent et qui tuent. Une colonne dont Rigoni parfois ne voit plus la fin sur la neige de la steppe, des hommes qui progressent sans ordre, s’égarent, se retrouvent, cherchent un peu de chaleur et de repos dans les isbas de rencontre, de la nourriture aussi puisque le ravitaillement est devenu sporadique, aléatoire.

Et arrive la journée du 26 janvier 1943 dont la violence va anéantir chez Rigoni toute volonté autre que celle de marcher encore, toujours.



Ils seront peu nombreux, parmi les Alpini engagés sur le front russe, à « revoir la maison ».



Un livre indispensable, pour l’histoire – on nous apprend bien peu ce qu’ont vécu « nos ennemis » pendant les guerres – pour l’humanité dont un homme est capable au milieu des tueries, pour le savoir de ce qu’il peut endurer avant de renoncer à lui-même.



Et j'allais oublier de remercier Florence qui m'a fait découvrir l'auteur et ce titre en particulier.
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Les Saisons de Giacomo

Pureté, simplicité, amour pour la nature. Dans tous ses récits l'on retrouve cette idée directrice qui peut paraître aux yeux du lecteur d'aujourd'hui un manque d'ambition tant notre époque couronne l'esbrouffe.

Est-ce l'explication du peu de notoriété en France de ses livres avant les années 90 ? Il a fallu attendre ces années là pour trouver quelques ouvrages en poche (10/18) et qu'une maison d'édition Lyonnaise publie une bonne partie du reste de son œuvre (douze livres actuellement au catalogue des Éditions La Fosse aux ours).

Mario Rigoni Stern fait partie de ces écrivains, comme Ramuz en suisse et Giono en France, qui ne déçoit jamais le lecteur même si la "petite musique" a un air de déjà entendu. Ceci explique ma note moyenne car je pense avoir eu plus de plaisir en lisant "Retour sur le Don" ou "Histoire de Tönle".

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Le Sergent dans la neige

Dans ce livre, on suit, pas à pas l’auteur tout au long de la retraite des soldats italiens face aux Russes. Il nous raconte les faits comme il les a vécus, le froid, la faim, les stratégies des gradés et leurs lots de bêtises les ordres contradictoires et la fraternité existant entre lui et ses hommes et parfois même avec « l’ennemi ».



L’auteur nous donne des détails sur son ressenti par rapport à l’absurdité de la guerre et aussi la façon dont il se comporte avec ses hommes.



Il ne nous fait pas de révélations fracassantes, mais raconte sa vie et son ressenti au jour le jour. C’est son premier livre, écrit dans un style narratif simple, sans fioritures avec beaucoup de descriptions, mais de façon très émouvante car sincère. « Les doigts n’obéissaient plus au cerveau ; je les regardais comme s’ils ne m’appartenaient plus et j‘avais envie de pleurer sur mes propres mains qui ne voulaient plus être à moi. » P 78



Il parle avec son cœur de sa guerre et il sait nous toucher. « Nous avions l’impression que d’un moment à l’autre, nous allions nous abattre comme de jeunes sapins ployant sous le poids de la neige. » P 73. On marche avec lui dans la neige.



Donc une écriture simple mais belle, on n’est pas dans l’exercice de style car l’auteur est toujours au plus près de la réalité, du quotidien des soldats.



J’ai donc lu ce livre grâce à une amie que je remercie vivement car je ne connaissais absolument pas l’auteur et j’ai passé un bon moment.



Note : 7,3/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Histoire de Tönle

Pour évoquer cette « connerie de guerre » que fut le premier conflit mondial, Mario Rigoni Stern nous fait grâce des scènes de bataille et autres preuves sanguinolentes de la violence des combats. Pas de récit des conséquences tragiques pour les combattants, pour leurs proches. Pas d’envolées indignées, pas de sonores dénonciations de l’absurdité de ces tueries de masse. Pas de héros, ni de salauds non plus… Pas de Français, d’Anglais, de Canadiens d’Anzac ni même de « boches »… Des Italiens, des Austro-Hongrois, en revanche. Un front méconnu, pourtant théâtre de violences inouïes, l’altiplano d’Asiago. C’est par le destin de Tönle, modeste berger, que cette page singulière de l’histoire européenne est abordée. Ce sont par des descriptions minutieuses de la vie quotidienne et de la nature dans cette région que les conflits paraissent stupides. Les frontières humaines semblent incongrues face à la belle idée de liberté qui émane de cette contrée montagneuse. Sans que cela ne remette en cause l‘utilité des plaidoyers circonstanciés en faveur de la paix, cette chronique intimiste d’un tout petit bonhomme entraîné malgré lui dans un funeste tourbillon constitue un magnifique monument érigé à la nécessaire concorde universelle, hélas utopique horizon. La silhouette de ce Tönle, humble ombre chaleureuse, éclipse toutes les statues des généraux et constitue un hommage émouvant à toutes les victimes des turpitudes humaines.

Intrigué par la qualité de ce court livre qui devrait ravir autant les férus d’histoire que les amateurs de littérature régionaliste ou encore les fans de nature writing, j’ai constaté que cet auteur était très connu en Italie. Les éditions Gallmeister ont judicieusement choisi de redonner un coup de projecteur sur Mario Rigoni Stern en proposant cette nouvelle traduction. Pour l’instant, le catalogue de cette formidable maison d’édition ne prévoit pas un nouveau titre… Dommage ! Mais si cette « Histoire de Tönle » est un succès, peut-être que d’autres opus suivront… Si vous voyez ce que je veux dire !
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Le vin de la vie

Ce livre a été traduit par Marie-helene Angelini. C est le 1er livre de cet auteur que je lis. C’est s’ abreuver à la beauté , à

la fraternité, se nourrir de mots doux et loyaux, de ceux qui susurrent le raffut du monde en empruntant les chemins de la poésie. Je suis né à Asiago en Vénétie ou j’ai choisi de résider toute ma vie. C’était un village de montagne.

c’était parce que la guerre en 1916, l’a détruit, l’a rasé. Il était au centre du bourg où le Pach coulait. j’ai aimé le dernier hiver de la guerre. J’aime le Barolo de Bartolo.
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Le Sergent dans la neige

Ce premier roman de Antonio Rigoni Stern raconte la retraite des italiens du Front de l’est, après la bataille du Don en 1943, à laquelle il a survécu.



Même si l’on sait qu’il s’agit de la seconde Guerre mondiale, ce qu’il raconte des tranchées dans la neige et le froid glacial puis la retraite pour sortir de l’encerclement russe ne diffère pas des souffrances endurées dans les guerres précédentes par les hommes en première ligne.



L’Italie est loin et ils vont marcher pendant des semaines, souvent sans nourriture ni même d’abri. Peu s’en sortiront et seront fait prisonniers. Il n’est pas difficile de comprendre que Rigoni Stern est contre la guerre, qu’il n’est même pas fasciste mais comme tant d’autres enrôlés pour servir des puissants avides.



Quand il est fait mention de cet épisode de la guerre il est plutôt question des russes qui ont arrêté l’armée d’Hitler à Stalingrad que de ceux qui ont cherché à survivre et ne pensaient qu’à rentrer chez eux.



Difficile de mettre moins de 5 étoiles, c’est un témoignage humain et tout ce que l’on peut juger c’est la manière de raconter et dans ce cas je l’ai trouvé facile à appréhender tout en décrivant du mieux possible les horreurs traversées !



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L'histoire de Mario

L'histoire de Mario,de Mario Rigoni Stern(1921-2008)(auteur italien) est un entretien peu de temps avant sa mort.



Mario Rigoni Stern retrace la guerre qu'il à vécue sur le front russe.

A noter qu'ensuite il a retrouvé son village qu'il n'a plus jamais quitté.



Il parle ensuite de cinéma,de son éditeur,de la littérature et de sa passion pour la nature.



Un livre exceptionnel !!!
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Les Saisons de Giacomo

Voici une lecture attendue de longue date, car conseillée par Thomas Vinau, Primo Levi et Paolo Cognetti.



C’est un portrait de l’Italie d’après la Grande Guerre, dans la région au nord de Vicenza, une région de montagne très disputée entre les belligérants et qui a longtemps porté les stigmates des combats violents. Rigoni Stern nous dit d’ailleurs que dans ces montagnes « la poudre à canon est plus abondante que les pierres ». La région est abandonnée par l’Etat et les fonctionnaires romains. Les habitants vivent de la terre et sont encore fortement tributaires de la météo. La misère est immense et la famine guette, alors les hommes immigrent dans les mines de Lorraine ou dans les grandes villes des Etats-Unis pour y bâtir les gratte-ciel. Ou alors ils s’enrôlent dans les rangs fascistes en plein essor et construisent les camps de vacances pour les jeunesses mussolinienne ou les mausolées pour célébrer les héros tombés lors de la Première Guerre.



J’attendais un livre poétique. J’attendais des réflexions écologistes. J’attendais des propos humanistes. Mais point de tout ça, ou peut-être trop peu de tout ça, et je ressors déçue de ce premier récit de Mario Rigoni Stern.

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L'Année de la victoire

Il faut lire Rigoni Stern. Ses écrits nous plongent souvent avec douceur, mélancolie et raffinement dans le quotidien après-guerre (1ère ou seconde). On suit ici dans une chronique intimiste le retour progressif à la vie d’une famille après l’armistice de 1918 : déblaiement, reconstruction, labourage des champs pleins de résidus d’obus et autres engins de mort, complications administratives surréalistes. Rien n’est dit ou presque de la guerre mais elle est là en filigrane. Mario Rigoni Stern privilégie dans ce texte la vie à la mort. Malgré la terrible grippe espagnole qui s’abat sur les civils à la fin du conflit.

L’auteur nous décrit avec finesse la reprise de la vie après le déluge de feu qui s’est abattu sur une petite bourgade transalpine, quelque part près de la frontière autrichienne. L’histoire par le menu de la famille Schenal, vue sous l’angle du jeune Matteo, a tout pour être placée sous le signe de l’anecdote. En fait, il n’en est rien. Comme dans bon nombre de ses écrits (voir par exemple Le sergent dans la neige ou le magnifique En attendant l’aube), le grand exploit de l’écrivain italien est de le rendre universel et intemporel en pulvérisant tous les codes de temps et d’espace.

Magnifique livre, à lire sans hésiter.
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Histoire de Tönle

Histoire d’un homme simple, droit, courageux, qui voit disparaître à la fin de sa vie, en trois années de guerre, son monde, celui que ses ancêtres avaient mis des siècles à établir, celui auquel il revenait avec obstination et bonheur quand il avait gagné sa vie et celle de sa famille, au-delà des frontières.

Les frontières pour lesquelles la guerre fait rage, alors que « pour lui et les gens comme lui, et ils n’étaient pas si rares, contrairement à ce qu’on pouvait imaginer, ils représentaient même la majorité des hommes, les frontières n’avaient jamais existé sinon sous forme de douaniers à payer ou de gendarmes à éviter. Bref, si le ciel était libre et si l’eau était libre, la terre aussi devait être libre ».

L’écriture est simple, directe, sans pathos, à l’image du personnage, mais on n’en perçoit pas moins les joies, puis les regrets et l’amertume de Tönle dans ce récit qui raconte qu’il était un bon berger, un contrebandier adroit, un vendeur d’estampes éclairé et, surtout et en tout, un humaniste.

A l’image de l’auteur, sans doute.



PS : merci à la libraire qui a mis le livre dans mes mains, me faisant découvrir du même coup, Mario Rigoni Stern.

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