Citations de Martine Delomme (224)
. La vérité était tout autre. Il se sentait prêt à tomber amoureux d’elle, et il ne pouvait plus vivre dans cette éternelle expectative.
Comment définir la place qu’elle occupait dans sa vie ? Elle l’attirait et il avait l’impression que c’était réciproque. Pourtant, dès qu’il tentait de se rapprocher, d’en apprendre un peu plus sur elle, elle reprenait ses distances. Elle le fascinait et le déroutait. Il avait rassemblé quelques effets dans un sac de sport pour s’installer chez elle jusqu’à la réfection de sa maison.
Elle avait l’impression de tourner stupidement en rond avec une irrésistible envie de pleurer. Mais elle ne verserait pas une larme, elle les avait toutes épuisées bien des années auparavant.
Tu préfères défendre les pintades qui défilent dans ton bureau en poussant leur mari au suicide. Et finalement échouer ici, à assurer un boulot de secrétaire dans cette région de ploucs ! Quelle réussite ! Et quelle honte pour un père d’avouer qu’il éprouve infiniment plus de fierté à l’égard de son gendre que de sa propre fille !
Toi, une tueuse ? Laisse-moi rire, mon éducation aurait pu faire de toi une tueuse, mais regarde ce que tu es devenue : une mauviette ! J’ai toujours su qu’au fond de toi tu étais incapable de réussir, tu n’es qu’une ratée qui fuit devant l’adversité, devant les difficultés.
Il considéra sa fille un instant, et face à ce regard inquisiteur Camille retrouva un sentiment enfoui en elle depuis très longtemps, un certain malaise, l’envie de fuir.
Son âge le rattrapait, il avait pris de l’embonpoint, ses bajoues cachaient presque son menton, sa chevelure blanche se clairsemait et accentuait ses rides. Il paraissait plus vieux que ses soixante-quatre ans.
L’idée de le tromper ne lui avait jamais traversé l’esprit. C’était pourtant ce qu’elle avait fait et elle ne regrettait pas son aventure avec Vincent. Ils s’accordaient si bien, elle ne s’était jamais abandonnée ainsi.
Un homme, une femme, une première fois… Un premier baiser, des gestes pudiques, maladroits. Et le reste se noyait dans un rêve en apesanteur. Comment Camille avait-elle pu ne pas penser à Denis en cet instant ?
Il aimait le parfum de ses cheveux qui sentaient les fruits, et du bout des doigts il esquissait des arabesques sur son corps ; il avait oublié le plaisir de sentir le grain d’une peau sous ses mains. En dépit de cette intimité, il n’avait rien appris d’elle… Souvent il la regardait avec insistance, avec une envie de la connaître, mais il craignait de poser des questions qui pourraient tout compromettre. Elle gardait tellement de mystère !
Chaque aventure… Sans que rien l’ait laissé présager, Camille venait d’entrer dans sa vie et il ne définirait certainement pas cet événement comme une aventure.
Il y a tant de choses, tant de bonheurs qui t’attendent encore dans cette vie… Tu devras tourner la page de notre amour.
Pourquoi ne pas reconnaître qu’elle le troublait ? Quelque chose lui disait qu’elle n’était pas si différente de lui, qu’elle avait une histoire, un passé à accepter, un chemin à parcourir.
Indifférence, égoïsme, un manque total de compassion, du Camille tout craché. Depuis, Ingrid avait multiplié les tentatives pour la ramener à la raison. Elle savait qu’elle devenait pathétique, à supplier ainsi. Elle croulait sous un déluge de dossiers à étudier, de travail en retard à absorber.
Au premier coup d’œil il l’avait trouvée intéressante. Elle n’était pas de ces femmes dont la beauté attire irrésistiblement le regard des hommes. Il y avait dans ses traits quelque chose d’un peu trop dur, un peu trop abrupt. Il lui manquait une infime touche de douceur, de féminité, pour la rendre tout à fait jolie.
Elle était certaine qu’à peine rentrée chez elle, elle s’apercevrait qu’elle avait oublié quelque chose d’indispensable. Elle détestait faire les courses. De tout temps, elle avait considéré cela comme une tâche ennuyeuse et une perte de temps.
Libre ! C’était le mot qui lui venait spontanément à l’esprit. Elle avait l’impression d’être libre. Un sentiment nouveau, troublant. Elle marcha au milieu des fougères, elle aurait voulu en cueillir un bouquet, l’emporter avec elle. Elle s’arrêta, respira.
Jour après jour, elle découvrait le plaisir de se détendre. Elle cédait à l’oisiveté et ce sentiment était nouveau pour elle. Oubliés, les soucis des clientes, la pression des plaidoiries. En quelques jours, son existence avait pris un autre rythme, prévisible et tranquille.
Elle avait ri, elle avait joué en ces lieux. Toute son enfance lui revenait en un flux de souvenirs. Elle était surprise de les découvrir aussi vivants dans sa mémoire.
C’était magnifique et si calme… C’était le temps retrouvé des joies de l’enfance, celui des séjours en Bretagne. Le premier matin des vacances d’été plein d’émotions, quand tout était nouveau et surtout tellement simple ! Quand le bonheur n’était rien d’autre que la voix de sa grand-mère : « Camille, ma chérie, tu es réveillée ? Est-ce que tu as bien dormi ? Viens vite, le petit déjeuner est prêt, je t’ai préparé des crêpes ! »