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Critiques de Michel Butor (145)
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La modification

Voici l'un des fleurons du mouvement littéraire plutôt francophone d'après guerre qu'on nomme (un peu pompeusement) le Nouveau Roman. Indépendamment de toute notion d'appartenance à telle ou telle école romanesque, à son contexte de publication, toutes choses propres à nous emmener trop loin sur des chemins de traverse, je vais m'efforcer d'émettre un avis actuel et ciblé pour le lecteur d'aujourd'hui désireux de découvrir cette œuvre.



La Modification est un petit roman que je qualifierais de lent, peu captivant mais extrêmement bien construit. Lent et peu captivant car il est presque une allégorie de la lenteur du temps qui passe et du travail de sape que ce temps peut créer.



Un voyage en train, tel qu'on peut se l'imaginer dans l'Europe des années 1950, déroulant sa lenteur et sa pénibilité. Un homme entre deux âges, vous en l'occurrence (c'est ici que siège LA grande trouvaille formelle de Michel Butor qui ne passe pas inaperçue), dans une situation bancale entre une épouse et une maîtresse, entre Paris et Rome, entre la raison grise et le grain de folie coloré, vous en qui va s'opérer une modification au cours de ce long et fastidieux voyage en train (je vous laisse découvrir laquelle).



C'est là toute la prouesse de Michel Butor, faire le portrait de l'œuvre du temps, nécessairement lent et par touches. L'action, inexistante puisque vous êtes assis dans un train à compartiment ancienne école, est remplacée avec maestria par un étonnant voyage dans le temps : présent, futur, passé(s). Les amateurs de Mario Vargas Llosa apprécieront l'illustre instigateur du roman à plusieurs temps.



En résumé, j'admire donc la technique formelle de ce roman, réglée comme un aiguillage SNCF mais je ne peux toutefois pas dire que j'ai particulièrement palpité en lisant cette modification, mais, bien sûr, ce n'est là que mon avis auquel on pourrait apporter de nombreuses modifications, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La modification

ATTENTION, DANGER ! Si vous comptez faire un long voyage en train, méfiez-vous !

En effet, si vous avez un amant/une maitresse (cochez la réponse adéquate), vous risquez de ne plus le/la voir de la même façon...Et votre propre identité va en prendre un coup !

Car les voyages en train sont traitres, ils vous poussent à un « remuement intérieur, à un dangereux brassage et remâchage de souvenirs », quitte à être au supplice, cloué au « pilori de vous-même ».



Léon Delmont rêve, comme tout le monde d'ailleurs, d'avoir une vie extraordinaire, sans le joug de l'habitude, du quotidien qui détruit tout. Marié à une bourgeoise confite en dévotion qui l'a transformé en vieillard et qui lui a fait quatre enfants dont il s'est vite distancié, il rejoint Rome périodiquement pour son travail, et là, il a trouvé LA femme qui lui rend la jeunesse, la vie.

De Paris à Rome, d'une ville à l'autre, d'un monde à l'autre.

Cette fois, il se rend à Rome sans le dire à son aimée car il compte lui offrir un cadeau-surprise : il lui a trouvé un travail à Paris ! Ce qu'ils voulaient depuis longtemps, vivre ensemble, va enfin pouvoir se produire !



Mais, mais, mais....C'est sans compter avec le voyage intérieur auquel le conduisent le balancement du train, les rêveries sur les différents voyageurs partageant son compartiment, les allées et venues, les paysages entrevus par la fenêtre, la difficulté de dormir sur cette banquette de 3e classe, les souvenirs des autres trajets vers Rome, les cauchemars, et même la légende du Grand Veneur hantant la forêt de Fontainebleau, qui lui serine « Qui êtes-vous ? Où allez-vous ? Que cherchez-vous ? Qui aimez-vous ? Que voulez-vous ? Qu'attendez-vous ? Que sentez-vous ?»

Et surtout, surtout, le souvenir du seul voyage à Paris de sa maitresse prendra une importance grandissante, transformant la lézarde de son être en fissure béante.



Ce roman, je l'ai adoré il y a 30 ans, et je l'adore encore ! Je l'ai relu avec réticence parce que j'avais peur de ne plus retrouver son magnétisme, mais heureusement, celui-ci m'a reconquise, je l'ai savouré, encore une fois.

Magnétisme de Rome, notamment, qui est décrite avec moult détails. Rome, la païenne et la catholique, aux rues ombragées et aux placettes accueillantes, aux édifices et aux musées flamboyants, à la gare étincelante.

Magnétisme des autres voyageurs dont la présence s'impose tout au long de ces 21 heures de trajet.

Magnétisme de cette écriture aux phrases longues et ondulantes, serpentant dans le psychisme tourmenté d'un homme ordinaire.

Magnétisme d'un voyage au bout de soi-même...



« Qui êtes-vous ? Où allez-vous ? Que cherchez-vous ? Qui aimez-vous ? Que voulez-vous ? Qu'attendez-vous ? Que sentez-vous ? »

Montez dans le train pour Rome, peut-être pourrez-vous répondre à ces questions. Peut-être votre vie en sera-t-elle modifiée...



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La modification

J'ai d'abord haï ce bouquin (en classe de terminale), et puis en master, un professeur exceptionnel nous a initiés à sa véritable interprétation, et j'ai appris à apprécier, et même à admirer Butor en comprenant ce qui avait coincé. Cette interprétation n'est pas du tout ésotérique, mais ne tombe plus sous le sens à cause de l'abaissement généralisé de l'intelligence (20 points de QI perdus en une génération, ah oui, quand même! Passer de Brel à N. Conrad, de Dumayet à Hanouna et de de Gaulle à un type qui croit que la Guyane est une île et que Villeurbanne est dans la banlieue de Lille, c'est plus qu'un "changement de paradigme"!)



Bref, quel est le problème fondamental? Le "VOUS", bien sûr! La sottise ordinaire est invariablement de soutenir que Butor, à l'instar des auteurs des "livres-dont-on-est-le-héros" pour adolescents, voulait faciliter l'implication du lecteur. Or c'est exactement le contraire. Toute l'entreprise de Butor, que je n'avais pas comprise à la première lecture, gravite autour d'une volonté d'éveiller la conscience du lecteur en rendant justement impossible l'identification qui coule de source dans le roman classique. Car ce "vous", vous savez INTENSEMENT que ce n'est justement pas vous. Et le vouvoiement vous le rappelle tout le temps. C'est un "vous" d'auto-distanciation.



Butor s'inspire de Sartre et cherche à ouvrir une "faille de néant" entre vous et l'apostrophe "Vous", un "entre-deux". Et tout le roman ne fait que ça: ouvrir des entre-deux. "Vous" qui n'est pas "vous" êtes un homme "entre deux âges", "entre deux femmes", "entre deux villes", etc. L'intérêt? Créer ce qu'Emmanuel Legeard (ce professeur dont je parlais plus haut) a génialement appelé "un thermostat imaginaire". Rien d'étonnant, donc, à ce que Butor ait écrit en 1971 un scénario pour un projet de téléfilm, «espèce de variation humoristique de la Modification», qui s'intitulait... L'Entre-deux! Bien sûr, c'était un peu pour se venger de ce que le réalisateur Michel Worms ait pris l'initiative de porter au cinéma une Modification réduite au plus petit dénominateur commun, linéaire et aplatie qui ne tenait aucun compte de l'enjeu d'origine, et n'avait par conséquent... aucun intérêt.
Lien : https://amisdelegeard.wordpr..
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Week-end à Rome, ville ouverte à tous les possibles.



Je descends à l'instant de ce train, tout modifié ; le voyage riche d'une vingtaine d'heures et d'innombrables arrêts fut harassant ; mais pourquoi n'ai-je pas pris Alitalia ? J'aurais lu le livre en un couple d'heures.



Vous est un autre m'assène l'auteur, vous c'est moi, ainsi que nous tous qui achetons un billet en cette classe tous risques nous exposant ce faisant à un bilan d'incompétence de nos existences, de nos lâchetés, de nos arrangements et au "mépris" de l'autre, terme récurrent dans l'histoire, générant de mythologiques cauchemars.



Bref, ce fut un aller pas simple mais une échappatoire est proposée pour palier l'absence, accompagner le retour, les jours qui suivront et leur réel : ouvrir ou entreprendre l'écriture de ce livre intrigant qui ne quitta pas le voyageur mais dont il fit seulement usage de marque place.



Allez-y, ceux qui prendront ce train l'aimeront.
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Le génie du lieu. [1]

Michel Butor voyage et il nous donne ses impressions. Sur des lieux et sur les gens qu'il y a rencontre. Sur l'histoire des lieux et des populations. Et surtout les pensees que lui inspirent ces lieux et ces populations. Des fois sociologiques, des fois ethnologiques, mais surtout culturelles. Il reflechit a sa propre culture, francaise, europeenne, occidentale, judeo-chretienne, aux racines de cette culture, aux differentes influences qui l'ont marquee au fil des ages, il la compare a d'autres cultures qu'il decouvre en ces voyages, la pese et la juge a l'aune de ces nouvelles (pour lui) decouvertes.





En divers lieux il discerne les difficiles rencontres de cultures differentes, les chocs et les combats. C'est ainsi qu'a Cordoue il parle de la cathedrale que les chretiens eleverent en plein milieu de l'ancienne mosquee des Omeyades apres la “reconquista” comme d'un viol: “Il était impossible de la détruire sans que la ville se vidât de son orgueil, de sa substance. Il fallait la christianiser cette construction si évidemment, si profondément musulmane, la transpercer en son cœur d'une croix comme d'un poignard qui la fixe, la marquer, comme un galérien, de ce signe pour la réduire à l'obéissance, l'humilier, cette horizontalité, d'un choro vertical la dominant de toute son élévation”. Mais le pendant de ce viol, sa contrepartie exactement symetrique, il la trouve a Istanbul, ou les Ottomans ont affuble la basilique byzantine Sainte Sophie de quatre minarets pour dominer son dome. Quatre! La nous sommes face a un viol collectif! C'est de bonne guerre? En tous cas cela se fait partout. En Egypte il remarque qu'on s'est abondamment servi de pierres des pyramides et il note: “si de nombreuses mosquées du Caire sont construites avec des blocs de calcaire ou de granit qui proviennent des pyramides, ce n'est pas du tout seulement, comme on a l'habitude de le faire entendre, pour une raison de facilité, mais par une nécessité très directement religieuse. Il s'agissait d'essayer de bien affirmer sa victoire sur ce passé prestigieux, d'essayer de se délivrer de cette puissance que l'on était bien obligé de reconnaître et de subir, ce qui s'exprime admirablement dans le fait que la pierre du seuil du très beau et très sévère Khanqah du sultan Beïbars est une pierre antique gravée aux cartouches de Ramsès X, inscription bien visible que l'on foule donc, que l'on anathémise, chaque fois que l'on entre avant d'enlever ses chaussures”. La guerre des cultures a connu nombre de batailles architecturales, batailles qui ne sont gagnees que dans la tres courte duree. Car c'est toujours la mosquee qu'on visite aujourd'hui a Cordoue, le dome de l'Aya Sophia nargue toujours les minarets qui l'entourent et les pyramides ne se sont meme pas apercues qu'on leur a emprunte quelques pierres.





Il tourne en Mediterranee et s'emballe surtout pour les beautes cachees, pour les villes de deuxieme role. A Athenes il prefere Salonique “la brumeuse, la poussiéreuse, la boueuse, la provinciale”, ou “ce qui attend le voyageur attentif et patient, c'est, à travers tous les délabrements, l'épaisseur d'une ville qui n'a pas cessé d'être ville et ville frontière depuis sa fondation, à mi-chemin entre Athènes et Constantinople”. En Italie il neglige Rome pour s'emouvoir de Mantoue, “de la splendeur et de la désolation de cette ville un peu à l'écart des grandes voies”, et de Ferrare, ou “ce qu'il y a peut-être de plus émouvant dans cette ville, ce qui ne se découvrira qu'à son lecteur attentif et patient: le fait que l'ensemble des monuments anciens qui nous y attire, pour la plupart inachevés, et presque tous signés Biagio Rosetti, ce sont bien les ruines d'une cité, mais ruines d'une cité future qui n'eut jamais lieu, la prospérité de Ferrare la quittant sous la pression des autres états, son audace s'émoussant dans le tournant que prend alors l'esprit de l'Europe entière dans une autre direction que la sienne”. Et partout il cherche a approcher l'habitant, souvent etrange mais aussi souvent hospitalier. Comme au village de Mallia en Crete, ou il passe la Saint-Sylvestre.





Il consacre la plus importante partie du livre a l'Egypte, ou il est arrive comme cooperant, essayant d'enseigner le francais dans une petite ville de l'interieur, Minya (qu'il transcrit, selon la prononciation locale, Minieh). Il est completement desoriente: “j'ai vécu pendant tout mon séjour dans un état de dépaysement croissant se transformant bientôt en émerveillement sur le fond de l'ennui nostalgique, appréciant de mieux en mieux ce qu'il y avait de justesse permanente dans ce passage du deuxième livre d'Hérodote que j'avais traduit quelques années plus tôt en Sorbonne essayant de passer un certificat de grec: «les Egyptiens qui vivent sous un climat singulier, au bord d'un fleuve offrant un caractère différent de celui des autres fleuves, ont adopté aussi presque en toutes choses des mœurs et des coutumes à l'inverse des autres hommes »”. Il essaie au debut de fuir au Caire chaque fois qu'il en a l'occasion, mais bientot cette capitale lui apparait synthetique, abritant un melange non reussi de cultures, et il se laisse impregner par l'environnement ou il enseigne, une Egypte profonde, saturee de traditions pharaoniques accolees a la croyance islamique. A l'Islam, ainsi qu'a la chretienne Copte et meme au Judaisme des quelques juifs de la region “s'ajoutait donc la présence confusément mais très fortement sentie d'une autre religion plus ancienne, comme un fond noir et dangereux, mais hanté d'étranges lumières, et ceci, non seulement parce qu'il est effectivement possible d'établir qu'il y a une continuité entre des croyances et pratiques anciennes et une bonne partie des superstitions actuelles, mais parce que cette continuité était ressentie comme telle à cause de la persistance des monuments, sinon à Minieh même, du moins dans la région, et du rôle qu'ils jouaient dans la sorcellerie ou du moins avaient joué encore il y a quelques années”. Oserai-je dire qu'il subit une “modification"? En tous cas il avoue: “l'Égypte a été pour moi comme une seconde patrie, et c'est presque une seconde naissance qui a eu lieu pour moi dans ce ventre allongé suçant par sa bouche delta la Méditerranée et ses passages de civilisations, thésaurisant celles-ci et les amalgamant dans sa lente fermentation”.





Le livre fourmille d'observations (et peut-etre le terme de meditations convient mieux) sur l'art, sur la notion de culture et sur les differences et les connexions entre diverses cultures, sur l'histoire ou les histoires selon la position geographique du regard qui l'embrasse. Des observations ethnologiques, sociologiques. En fait des observations d'un esprit ouvert, curieux, profond.





Michel Butor n'etait pas qu'un grand romancier. C'etait un touche-a-tout. Un touche-a-tout de genie si je base cette assertion sur ce livre, Le genie du lieu. Le genie de Butor, certainement.

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[Un billet deterre, qui date de 2016. Par paresse je n'y ai rien change.]



J'ai appris sa mort par la television et je me suis dit que son oeuvre valait surement une lecturequiem. J'ai opte pour le livre le plus facile a trouver, qu'on dit etre son –ou un de ses- chef-d'oeuvre.

De prime abord il m'a decontenance avec son vouvoiement, que j'ai pris pour un gimmick, le genre de petite astuce qui ne laisse presager rien de serieux. L'accumulation de details a commence a me fatiguer et je me suis demande si je n'allais pas abandonner cette lecture. Puis je me suis fait prendre aux vas-et-viens de l'histoire, aux balancements saccades du roman, et j'etais dans le train, tout le voyage de Paris a Rome, en troisieme classe. Avec en tete beaucoup d'autres allers et retours, de Paris a Rome, de Rome a Paris. Avec ce petit bourgeois a la quarantaine triste qui est mis en scene par Michel Butor dans La Modification.





Mise en scene est un mot cle de mon impression de lecture. Tout se passe dans un train, et c'est comme si dix cameras differentes etaient braquees a l'interieur, nous donnant tous les details des couloirs, des compartiments, des sieges, des fenetres, et bien sur des voyageurs, leurs habits, leurs attitudes, leurs mouvements. Tous ces personnages secondaires parlent, mais le lecteur ne les entend pas. Leurs portraits (j'allais dire leur image), leurs gestes, sont tres nets, mais leurs raisons de se remuer et d'agir, leurs possibles destinations et destinees ne nous parviennent qu'a travers le philtre du personnage principal, qui s'imagine et invente leur passé, leur futur immediat, leurs possibles vies. Eux aussi ne sont que le décor ou se deroule le drame interieur de ce personnage: un quarantenaire parisien, directeur de la succursale francaise d'une firme italienne, faisant donc des sauts periodiques a Rome, ou il a une amante. Il a decide de rompre avec sa terne vie, c.a.d. avec sa femme qui le meprise (c'est du moins ce qu'il ressent ou s'imagine), ses enfants qu'il ne comprend pas et qui ne le comprennent pas mieux. D'abandonner les facilites falotes de sa grise routine, de ramener son amante a Paris pour vivre avec elle une nouvelle jeunesse. Il prend donc – cette fois ci en maquillant son voyage, en se cachant de ses employeurs – le train de Rome pour la surprendre et lui annoncer sa decision.

Mais voila, le trajet est long.





Pendant ce long trajet vont lui passer par la tete des details, decousus, de ses rencontres avec son amante, de ses deambulations a Rome, de son travail a Paris, de ses habitudes familiales, de ses rapports avec sa femme, melant passé present et futur. Et c'est en ressassant ses souvenirs et sa decision qu'il arrive, en fin de voyage, a la modifier. Je ne devoile rien qui ne soit dans le titre, et si je devoile cela n'a aucune importance. L'interet du livre de Butor, sa grandeur, n'est pas dans le suspense mais dans la reproduction, a l'infinitesimale, du processus mental qui amene la modification.





Je sais bien que ce livre est apparente au "Nouveau Roman". Par contre je ne sais pas tres bien ce qu'a ete, ou ce qu'a voulu faire ce "nouveau roman" si ce n'est abandonner, detruire ou deconstruire tout ce qui a trait a l'intrigue ou au personnage. Mais ici il y a bien une intrigue, il y a bien une action –pas seulement mentale – qui se deroule en un espace-temps determine, il y a bien un personnage, auquel on peut s'attacher bien qu'il soit falot; avec lequel on peut meme arriver a s'identifier (nous ne sommes pas tous des hommes et des femmes forts et surs de nous, et nous avons tous passé, ou nous passerons tous, une sorte de crise de la quarantaine), meme si on ne se sent pas directement concernes par le "vous" qu'emploie Butor en decrivant son personnage.

Si le "nouveau roman" a voulu se differencier des classiques, si La Modification s'est voulue oeuvre de cette ecole, le temps, espiegle et inattendu comme toujours, leur a fait un beau pied de nez. Ce livre est aujourd'hui un classique. Un classique par son ecriture, un classique par son personnage. Et comme tous les classiques, a lire et a relire.

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La modification

Déjà, vous entrez dans ce livre, La modification, avec l'imaginaire qu'il déploie. C'est comme dans un voyage inattendu, c'est comme si on vous disait non pas ce qui vous attend mais le chemin que vous allez prendre. Cela peut être déstabilisant au début et en même temps cela peut s'avérer excitant. En général, j'opte pour la seconde possibilité...

Dès la première phrase, vous entrez dans le livre, ce texte que vous écrivez en quelque sorte en le lisant. C'est cela le propos du roman et l'originalité de la narration. Nous sommes dans ce qui s'est appelé il y a près de soixante-dix ans déjà, le Nouveau Roman... Drôle de genre, souhaitant casser définitivement les codes classiques du roman romanesque.

Le narrateur qui est l'auteur vous voit et vous vouvoie, il vous décrit tel un voyeur et vous devenez acteur de son récit. L'auteur vous parle, il vous décrit tel que vous avancez et agissez dans l'histoire qui devient la vôtre...

Vous entrez en scène, vous n'avez pas le choix, vous êtes happé dans le chemin de ses phrases. C'est un détachement, un pas de côté, qui a plusieurs effets intéressants et ce fut je trouve une idée fort originale, dérangeante un peu aussi...

C'est vrai, il y a une certaine légende autour du Nouveau Roman, dont ce texte écrit par Michel Butor. Je m'en rappelle. Cela faisait longtemps que j'avais entendu parlé de ce livre. Je me souviens qu'au lycée, un professeur de français un peu décalé et passionné par le Nouveau Roman nous en lisait des extraits à foison...

Mais qu'en est-il du roman à proprement dit, du récit, de son sujet, mais surtout, ce qui compte ? Ce qui fait sens ? Ce que j'en ai ressenti ?

Je craignais l'exercice de style, mais j'ai été surpris par le récit, cette fameuse manière narrative, le style, les mots... Contre toute attente, hormis cette originalité de s'adresser au lecteur, le propos narratif est plutôt classique et captivant.

Au fond, c'est une histoire d'amour. Et c'est aussi une histoire d'adultère. Une très belle histoire tout simplement. Une histoire qui naît et se passe dans le train, entre Paris et Rome, mais aussi à Paris et à Rome.

Les trains sont peut-être les derniers vestiges du romantisme, les dernières citadelles de déambulation. Les trains sont des trajectoires qui tracent des rectilignes dans les zigzags de nos vies ; étonnant alors que des histoires parallèles s'inscrivent dans cette géométrie improbable...

Il y a cette rencontre dans le train, cette femme Cécile.

Rome ici m'a invité dans ses dédales et ses rues.

Il y a quelque chose de surprenant dans ce roman dicté par une sorte de formalisme qui se veut par ailleurs rebelle aux codes traditionnels de la narration. Pour autant, le roman pose d'autres codes qui nous surprennent et nous questionnent, nous lecteurs, sur une autre manière très intéressante pour capter un texte, ses mots, ses rivages, ses tangages, ses bastingages.

Le balancement du train est propice au balancement du coeur et des pensées.

Le voyage en train est un voyage en soi. C'est un lieu de transformation. Je voyage souvent en train pour le travail, me déplaçant régulièrement entre Brest et Rennes et parfois jusqu'à Paris. Depuis que j'ai lu La modification, je ne voyage plus de la même manière en train. Il y a eu un temps avant ce livre et un autre temps après ce livre et je ne saurais décrire les détails de cette modification en moi, dans mon regard, dans mes gestes, dans ma façon de monter dans un train, de regarder les passagers leurs visages enfouis derrière un livre ou un écran - davantage des écrans hélas désormais, d'imaginer leurs vies, leurs histoires, je sais que cette modification a eu lieu.

Pour cette raison, ce livre a quelque chose d'un peu envoûtant.

Entre Paris et Rome, ce sont deux versants qui s'opposent et se parlent aussi dans ce train...

Entre Paris et Rome, c'est aussi un voyage intérieur, et comme tous les voyages intérieurs ils mènent bien plus loin que la destination prévue.

Il n'est pas sûr d'ailleurs que ce vouvoiement avec le lecteur crée de l'empathie avec celui-ci. Cela crée un autre univers. Parfois, je me suis demandé si au contraire ce n'est pas une distanciation plus forte encore que l'écrivain a cherché à imposer entre le narrateur et le lecteur...

La puissance d'évocation du livre est grande. Rome devient un rêve presque palpable... Et notre coeur au fond de notre ventre aussi...

Plus tard, ce roman continue de devenir un voyage, peut-être un aller-simple vers nulle part...

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Le chant des villes : D'Aden à Zanzibar

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais il est des voyages immobiles, synonymes d'authentiques émotions et de souvenirs mémorables, qui m'ont emportée parfois plus loin qu'un voyage bien réel.



Je pense bien sûr à ces moments de lecture, où, installée confortablement et emportée au fil des mots, à travers le monde et les époques, j'ai imaginé des villes étrangères aux noms sublimes, Istanbul, Cnossos, Babylone, Samarcande, Persepolis, et tant d'autres, vogué à bord de superbes voiliers, aperçu le lac Baïkal depuis les vitres du Transsibérien...bref, j'ai improvisé de superbes escapades et rassasié mon âme de globe-trotteuse sans quitter mon canapé favori, entraînée par des écrivains ou des poètes, voyageurs ou pas d'ailleurs, qu'importe.

Seuls leur talent de conteur et leur puissance d'évocation comptaient pour m'évader.



Alors, imaginez mon enthousiasme quand j'ai découvert cette anthologie de textes très variés sur le thème des villes du monde, réunis par deux écrivains globe-trotteurs : Le chant des villes !



Un florilège très éclectique : poésie, prose, extrait de carnet de voyage, et même chanson, célébrant une ville dont le choix n'a été guidé que par le pur plaisir sonore de son nom. Et je dois bien avouer que, déjà, cette idée originale me séduit beaucoup, tant de villes ayant des noms évocateurs et poétiques.

De Homère à des auteurs contemporains, de villes antiques aujourd'hui disparues à des cités bien vivantes ou meurtries par des conflits en cours, ce petit recueil est une invitation au voyage et à la découverte de textes et d'auteurs, un guide de voyage inhabituel.



J'ai apprécié de picorer au hasard des pages et de la carte du monde, tout en lisant pour chaque texte un court commentaire sur la ville célébrée et l'auteur choisi. Bien sûr, je mentirai si j'affirmais que tous les textes me plaisent, mais l'ensemble est réussi et atteint son but : inviter au voyage !

Évidemment, rien n'interdit de prolonger le plaisir de lecture par la lecture de l'œuvre citée : c'est toute la magie d'une belle anthologie.



Bon voyage !
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Passage de Milan

Dieu, que c'etait ardu, cette lecture! Pas le long fleuve tranquile, pas du tout, plutot le torrent dechaine, risquant a tout moment de renverser mon kayak et de me catapulter, yeux fermes dans des eaux bouillonnantes, contre un rocher. Rafting en eaux vives. Ca c'est pour le ressenti. Pour le trek du lecteur. Mais le roman est-il vraiment une eau vive? Je n'en suis pas sur. Ou plutot, oui, eau vive.



Butor nous emmene au 15 passage de Milan (a Paris? Oui, on entend le metro). Et nous y enferme pendant toute une soiree et une nuit. Unite de lieu et de temps bien que nous ne soyons pas au theatre. Nous faisons connaissance avec l'immeuble autant qu'avec ses habitants. Une famille par etage et des chambres de bonnes et de jeunes gens au dernier. On se salue dans les escaliers ou l'ascenseur, mais ce soir nombreux sont les voisins invites au bal que donnent les Vertigues pour feter les 20 ans de leur fille. Les plus jeunes.



Un immeuble ou on travaille, on se repose, on se deshabille, on se lave, on s'habille, on mange, on boit, on pense, on parle, on se parle tout seul, on reve, on danse, on regarde, on fait semblant, on aime, on croit aimer, on fait semblant, on est jaloux, on fait semblant, on se morfond, on fait semblant. L'immeuble aussi fait semblant: "Au fur et a mesure que la nuit s'accentue, les murs exterieurs s'epaississent". Plus loin: "Au fur et a mesure que la nuit se continue les cloisons deviennent plus poreuses aux sons qui circulent en meme temps que l'eau dans les conduits, et naissent dans les poutres qui travaillent". Et enfin: "Autour de la maison l'impression de ville vide, la vitre du matin que raient les premiers bicyclistes. Apparais enfin dans ton exterieur, grande pile de veilles et de sommeils, te voila rendu a ta destination diurne, element d'une rue qu'on ne regarde pas". L'immeuble se structure et se destructure, tout comme le roman. Destructure, il l'est ce roman, et on a peine a s'y retrouver. Aux soliloques, au flux de conscience des uns se melent les dialogues des autres et les gestes des troisiemes et le lecteur de s'armer de boussoles et de sextants pour ne pas se perdre: qui reve? qui repond a qui? a quel etage suis-je? C'est comme si Butor voulait rendre hommage a Joyce et a son celebre melange des genres et des styles en ce court volume. N'avait-il pas, beaucoup plus jeune, en 1948, deja publie un article intitule Petite croisiere preliminaire a une reconnaissance de l'archipel Joyce? Sinon hommage, un rapide clin d'oeil. Ou alors c'est moi qui vois double. Parce que je suis desarconne. Un peu desempare.



Je me ramasse. J'attrape un fil qui me sortira du labyrinthe mental ou je me suis enferme. Fil d'Ariane. Fil de Butor. Ce roman est peut-etre une critique de la structure, de toute structure? Peut-etre plus que cela, parce qu'insidieusement nous sont revelees les relations occultes entre les divers voisins, en une vaste orchestration de pensees, de sentiments, de passions. Et en fin de compte il y a oui une intrigue, ou plusieurs, et un denouement, ou plusieurs. Le bal etait une fete. Une fete qui prend fin apres quelques heures. Il y a un point final - irrationnel et peut-etre inevitable - a la joie de la fete: la mort, qui plante sa note dramatique en l'immeuble et dans le roman. On ne la sent pas venir. Comment s'imbrique cette mort? Aucune importance. Il semble que pour Butor le fantastique est ici et maintenant, dans la realite la plus triviale. Il semble avoir une autre facon d'apprehender la realite, une nouvelle facon de l'apprehender. Il semble saisir une nouvelle realite, qui requiert de nouveaux modes d'expression.



Quand ce roman est paru il a ete une nouvelle realite. Agissante. Il le reste. Je peux le conseiller a des lecteurs courageux, armes jusqu'aux dents de sereine endurance.
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La modification

"Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant."p.9, ainsi commence ce voyage.





Le train.

Seul le train.

Pas l'avion réducteur de paysage, encore moins la voiture dans le trafic trop dense, ni même le bateau surtout en pleine mer, oui seul le train, et particulièrement sur un trajet déjà emprunté à diverses reprises mais pas la navette journalière dont le charme s'est estompé depuis longtemps un trajet s'apparentant plutôt à un pèlerinage personnel plusieurs fois entrepris, offre cet état de conscience modifié propre à doubler le voyage d'un cheminement intérieur, plus encore dans les voitures à l'ancienne avec compartiments où six à huit passagers se trouvent embarqués en cette pièce confinée comme une scène de théâtre.

Ou la lecture.





Ce vous majestatif s'est imposé dès le début de votre lecture, sans tambour ni trompette, et d'un coup, d'un seul, il -ce vous- vous embarque dans des pensées qui ne sont pas nécessairement les vôtres, il -ce vous- pose question, car enfin moi, vous peut-être aussi savez bien qu'il n'est pas vous, ce personnage s'installant dans ce direct Paris-Rome avec sa petite valise et sa grande résolution. Néanmoins déjà vous vous laissez bercer par les longues phrases de Michel Butor à cette rythmique typique des roues sur les rails et à ce balancement régulier du wagon, rien dans ce phrasé, qui n'est pas sans vous évoquer celui si poétique de Mirko Kovac pour La ville dans le miroir, cette fois-là c'était Dubrovnic qui était ensorcelante aujourd'hui c'est Rome qui vous attire, ne vous interpelle comme ce vous dont la question ne peut-être que "Qui êtes-vous ?".





Passe Braine-le-Comte. Dans le train pour Bruxelles que vous avez pris tôt le matin à Mons après avoir acheté la veille un billet-expo pour agrémenter cet examen dont vous redoutez le verdict capable de modifier singulièrement le cours de votre vie, vous lisez ce livre pour mieux entrer dans ce train en direction de Rome et déjà vous avez dépassé Dijon, cependant votre récit s'est écarté de celui de Michel Butor car votre "Cécile" est bien plus volage. Ah ces Liaisons dangereuses qui viennent affecter le cours de vos lectures comme les pensées disruptives viennent assaillir tout passager d'un parcours au long cours. Ainsi regrettez-vous cette inscription de jadis "Il est dangereux de se pencher dehors.- E pericoloso sporgesi." petite phrase italienne qui fait ressurgir une autre lecture où Erri de Lucas s'empressait d'y ajouter "Il est néanmoins nécessaire de le faire." nécessaire que votre liberté de lecteur avait immédiatement traduit en vital, plus besoin hélas de ces écriteaux dans les wagons modernes cette dangereuse liberté permettant de respirer n'étant plus qu'un lointain souvenir. Vous approchez de Bruxelles-midi, l'humeur aussi chagrine que le temps, la vue un peu brouillée par la pluie martelant les vitres comme un mauvais présage alors que vous vous étiez déjà fait une joie de cette escapade planifiée sous le soleil.





A Soignies il fait déjà noir, le livre posé sur vos genoux vous repensez à cette exposition au musée des beaux-arts ou le réalisme de Magritte s'affiche fièrement face à la fantasmagorie de Dali. Magritte dont le surréalisme est fait de la juxtaposition de pièces réalistes dans des puzzles qui ne s'assemblent pas et dont le non-assemblage vient à questionner la représentation que vous vous faisiez de la réalité. Alors que chez Butor c'est au contraire la construction complexe d'un puzzle dont toutes les pièces réalistes viennent finalement parfaitement s'assembler pour vous questionner sur cette même réalité. Mons gare terminus n'est plus très loin et durant ce retour quelque chose à changé votre "Cécile", que vous aviez imaginée plus libre, prête à d'autres aventures que l'attente passive d'un directeur commercial sur la France de machines à écrire italiennes, vous êtes prêt à l'oublier et revenir sur les rails du roman.





Vous voilà de retour à Mons qui a en commun avec Bruxelles une magnifique grand-place dont certaines façades présentent quelques similitudes, comme le Panthéon de Paris renvoie à celui de Rome, la ville éternelle aux milles visages et dont le Vatican est aux antipodes de l'antique république à l'instar du réalisme de Butor vis-à-vis de celui de Magritte et pourtant tous deux fissurent cette façade de certitudes qu'il y a peu encore vous habitait, la voilà qui se lézarde prête à tomber en ruine la page d'une jeunesse définitivement tournée, il faudra bien reconstruire car il n'y aura pas de miracle à Rome. Vous avez ressenti que la puissance d'évocation du livre était suffisante pour le finir tranquillement dans le confortable fauteuil de votre salon.





Et c'est de chez vous que vous postez cette chronique à l'image de ce livre qui raconte l'emprisonnement progressif d'un homme très ordinaire dans sa vie de famille se découvrant incapable de tenter la chance ultime de son rêve d'aventure, Rome illuminée par Cécile par trop fantasmée aura été certes approchée mais restera inaccessible à jamais, ce livre puissant est aussi l'histoire de sa propre naissance dans une chambre à Rome pour combler la faille qu'il vient d'ouvrir, complexe mais remarquable.





Rome, oui c'est une idée.
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La modification

Ce livre est hallucinant. Il est tellement complexe au niveau de la composition, que je peux comparer la création d'un tel ouvrage avec la construction d'une immense cathédrale gothique. Quelle conception! Sa réalisation est minutieuse et juste parfaite. Il s'agit là d'une véritable littérature, son essence même et non sa substitution, comme dans la plupart des romans commerciaux modernes.



On suit le trajet du personnage principal de Paris à Rome, on observe non seulement des objets réels qui nous accompagnent dans ce voyage, mais en même temps on se plonge dans les souvenirs du protagoniste, qui deviennent aussi tangibles pour nous que le compartiment du train.



On peut dire qu'à la première approche le sujet est banal: l'adultère, les doutes d'un commerçant quadragénaire qui ne se sent pas vraiment prêt de quitter sa famille, mais qui ne peut plus respirer dans l'atmosphère familiale. Puis après un certain moment le déroulement de l'intrigue devient moins prévisible et le personnage en sort tout neuf. C'est vrai que pour lui va commencer une toute autre vie, certes, mais qui ne sera pas celle à laquelle le lecteur s'attend.



J'ai pas vraiment aimé le caractère du personnage principal et j'ai pas cru, qu'un être si médiocre puisse effectuer un travail si particulière et complexe, que l'auteur du livre lui impose comme une seule issue à sa situation. Mais le style, la manière d'écriture si abondante et scrupuleuse m'a tout à fait convaincue, que je ne lisais pas un livre, mais que je faisais un véritable voyage spirituel à travers ses pages. J'ai découvert un écrivain qui est tout de suite devenu une âme proche. Bel événement dans la vie de tout lecteur, de tout être humain.





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La modification

La modification est le premier livre que je lis de Michel Butor , auteur phare du Nouveau roman, et c'est une vraie découverte.

Tout d'abord, ce livre est écrit à la deuxième personne du pluriel. Cela désarçonne légèrement au début du roman, introduit une certaine distance, interroge sur qui parle, mais très vite l'effet s'estompe et ne gêne en rien la lecture.

Indépendamment de cet effet de style, il m'a fallu un certain temps pour bien entrer dans le livre.

Au départ, la situation paraît simple et les descriptions des détails du voyage en train qu'entreprend Léon Delmont pour rejoindre sa maîtresse Cécile à Rome bien stériles, mais progressivement nous sommes happés par le tangage du train, ses mouvements de balancier, et l'histoire s'avère beaucoup plus complexe que prévu, car il ne s'agit pas d'un simple aller Paris-Rome, des trajets se superposant, dans un sens et dans l'autre, les trains se croisant quelque fois. Léon, dont le travail dans le commerce de machines à écrire italiennes le conduit régulièrement au siège de l'entreprise à Rome, voyage souvent seul dans les trains de nuit qui relient les deux capitales, mais il est parfois accompagné de Cécile, ou d'Henriette sa femme, car nous apprenons qu'il y a fait son voyage de noces.

Léon prend quelques jours de congés, incognito, afin d'annoncer à Cécile qu'il a décidé, bien qu'on puisse s'interroger sur le terme de décision, de quitter Henriette, de vivre avec elle, et de la faire venir à Paris, où il lui a trouvé un travail et une possibilité de logement. Notons au passage, la dépendance des femmes à l'égard du personnage principal.

Voilà pour l'intrigue, bien mince au demeurant.

Et pourtant, pendant le temps du périple entre Paris et Rome, une tempête se lève sous le crâne de Léon, et ce qui lui paraissait parfaitement limpide au moment de monter dans le train, ne le sera plus à l'arrivée à la gare de Termini, d'où le titre La modification. Butor procède à une analyse minutieuse du sentiment amoureux, de ses composantes internes et externes, de son évolution en fonction du contexte.

Le tour de force de Michel Butor est de venir enchâsser la trajectoire de son histoire d'amour dans le voyage en train, sorte d'espace-temps, qui prend lui-même, de par son traitement formel, une dimension cosmique et poétique. Nous sommes encapsulés dans le compartiment où des voyageurs mutiques entrent et sortent, se lèvent pour fumer une cigarette, se renouvellent au gré du trajet. Léon projette sur eux ses rêveries, ses fantasmes, les affuble de prénoms inventés. Les corps sont en mouvement, suivant les soubresauts du wagon, dans un jeu de lumières et de reflets traversant les vitres. Les gares défilent vers l'Italie, puis en sens inverse. Des éléments quasi surnaturels surgissent comme la grille métallique du chauffage au sol dont les composants se déforment progressivement. Bientôt les rêves et les cauchemars de Léon viennent percuter la réalité et perturber la fin du parcours.

Une pointe de nostalgie vient agrémenter la lecture, à l'évocation des voitures de chemin de fer de cette époque, les filets sur lesquels on suspendait les bagages, les photos de sites touristiques en noir et blanc au dessus des sièges, "e pericoloso sporgesi"...

Enfin, je citerais l'un des "personnages" principaux du roman, la ville de Rome, sublimée, idéalisée, que Léon sillonne en long, en large, en visitant tous les sites, les églises, monuments, temples, fontaines, nourrissant à son égard une fascination, la comparant et la mettant en parallèle avec Paris.

Des zigzags dans le temps et l'espace, des circonvolutions dans les strates de la mémoire et de l'Histoire, un roman, déconcertant, subtil, à la composition sophistiquée.







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L'emploi du temps

1er juin

C'est ce jour-là, même si initialement je devais être ailleurs, une invitation que j'ai refusée au dernier moment, malgré à l'extérieur des gouttes de pluie, myriade de pois humides et saccadés, je revois tout cela très clairement, l'instant où je suis arrivé sur la place presque déserte, où je me suis aperçu que la dernière rafale de vent avait achevé de démonter la vieille poignée du parapluie, qu'il me faudrait soigneusement appuyer le pouce à l'endroit déboîté, crisper ma main, doubler d'effort.

En face de moi, au-delà des barrières qui coupaient la circulation, asphalte désormais territoire des piétons, l'horloge de l'église au cadran charbonneux marquait 8 heures. Un peu de vent frôlait le bas de mon visage et mon cou, un vent doux et poisseux, comme les poils d'un animal boueux.

Je me souviens, j'ai été soudain pris de lassitude, de peur (et j'étais perspicace : c'était bien ce genre de folie que j'appréhendais, seul avec moi-même), j'ai été envahi, toute une seconde, de l'absurde envie de renoncer, de fuir, de courir vers ma voiture pour effacer ce court périple dans lequel je m'étais égaré ; mais un immense fossé me séparait désormais des événements de la nuit, un fossé qui s'était démesurément agrandi tandis que je le franchissais, de telle sorte qu'il m'était impossible de capituler.

Ce matin, n'est-ce pas ce ciel si clair après l'orage, ce ciel qui, certes, ne pouvait nous être accordé pour bien longtemps, ce ciel tentateur, qui m'a engagé, à six heures, à me détourner de ma première résolution, oubliant même de laisser un message aux Pinget pour m'excuser.

Mais ne pourrais-je pas compter, pour achever de conjurer le mauvais sort, sur le récit que je vais faire maintenant de ma seconde rencontre avec cet homme qui est comme l'incarnation de ma propre chance, cet homme que je n'avais pas revu depuis qu'il m'avait refusé une vente dans un autre vide-greniers un des premiers jours d'avril, cet homme dont je ne savais pas encore le nom mais dont je n'avais pas oublié le visage (je l'ai reconnu dans l'instant), rencontre dont les conséquences ont été pour moi très heureuses, puisque c'est grâce à lui; dont je n'aurais jamais attendu autant (il vendait surtout du bric-à-brac), que j'ai enfin découvert ce livre envoûtant, ce livre dont je tente d'écrire la critique, ma seconde rencontre avec cet homme un jour de grand vide-greniers où je n'avais pu acheter tous les livres convoités, livres sombres et terribles, ne pouvant nous accorder sur le prix qui me semblait exorbitant, qu'aujourd'hui je reconnais comme raisonnable, mais qui était pour moi une raison fallacieuse de ne pas augmenter dangereusement ma pile à lire.



6 Juin.

C'est maintenant que commence la véritable critique ; puisque je mesure la distance qui me sépare de celui que j'étais en débutant ce livre, non seulement mon appréhension, mon ignorance, mes égarements, mais aussi mon enrichissement, mes progrès dans la connaissance de ce style et de cet auteur, de son flou et de ses moments de beauté ; car il me faut reprendre possession de tous ces événements que je sens fourmiller et s'organiser à travers un nuage de mots qui tentent de les masquer, les évoquer dans leur ordre afin de les sauver avant qu'ils ne sombrent dans cette éruption de lave rougeoyante.

Dès les premiers instants, ce livre m'était apparu étouffant, enlisant, mais c'est au cours de ces pages gloutonnes, quand j'ai peu à peu senti sa lymphe passer dans mon sang, son emprise se resserrer, mon présent perdre ses attaches, l'amnésie gagner, que lentement s'est développée cette communion passionnée à son égard, qui est en partie, je n'en puis douter, un effet de sa flamboyance, ce feu en quelque sorte envahissant, car si je sais bien que Michel Butor n'est pas seul de son espèce, si je sais bien que l'école dite du nouveau roman possède aussi des écrivains non sans intérêt, ou encore, sans doute, ces écrivains d'autres continents, auraient eu sur moi une influence similaire, il me semble que lui, Butor, pousse à l'extrême certaines particularités de ce genre, qu'il est, de tous, celui dont la sorcellerie est la plus mystèrieuse et la plus puissante.

Cinq étoiles.
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Le musée imaginaire de Michel Butor



Proposer une sorte de musée de la peinture occidentale dans un livre, voici le pari osé de ce beau livre. Bien-sûr cela a nécessité un choix drastique et les absents sont nombreux.

Les œuvres sélectionnées sont dites décisives dans le sens de leur impact dans l'Histoire, non seulement l'histoire de la peinture mais l'Histoire tout court.



Chaque oeuvre est accompagnée d'un texte qui s'efforce de faire voir ce que l'on n'aurait pas vu à la première rencontre. Une note historique éclaire le caractère décisif de l'oeuvre puis une exploration de certains détails est proposée.

L'originalité de cet ouvrage ? Sa voix, celle d'un grand écrivain, Michel Butor qui nous accompagne et qui déambule dans ce musée imaginaire comme si nous étions en compagnie d'un ami.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Improvisations sur Michel Butor : L'écriture ..

Un régal! Et pas seulement pour le/la prof de lettres qui se retrouve dans la situation d'une maîtresse de maison à qui une toque étoilée aurait donné son carnet de bord!



Voici les secrets de fabrication du Passage de Milan,de L'emploi du temps, de la Modification, de Degrés, livrés avec une clarté , une précision.. .et une modestie sans pareilles! J'aurais aimé avoir lu ce recueil précieux de conférences du grand écrivain quand j'essayais de faire aimer et comprendre ces oeuvres complexes et les contraintes qui les structurent à mes élèves!



Mais ces improvisations de Michel Butor sur Butor Michel ne se bornent pas à des recettes de "cuisine" interne!



"Il m'est arrivé, note Butor, de voir les gens s'étonner de l'intérêt que je porte à la peinture et à la musique, non seulement du fait qu'étant écrivain je m'intéressais à l'une ou à l'autre, mais surtout de ce que je m'intéressais aux deux. On me traitait presque de " touche à tout."



Ce touche à tout a aussi la passion des lieux: il nous balade dans le monde entier à la recherche de ce qui fait l'essence d'un paysage, d'une ville, d'un pays : le Génie du lieu!



Il joue des correspondances baudelairiennes pour mieux capter les relations secrètes -et privilégiées, "ut pictura poesis", - entre peinture et écriture .



Il analyse finement la faculté de "lire" une oeuvre et celle d'en rendre compte par la critique -plus d'un babeliote en fera son miel!- .



Il interroge les gammes et les notes comme un linguiste, et la langue comme un maître de choeur!



Et s'il avoue quelques sympathies pour la gauche tout en se déclarant piètre militant, il suggère aux gouvernements de tous les pays de laisser les artistes s'ébattre dans une vaste aire de création sans censure, ni contrôle, ce "carnaval permanent" étant la garantie d'une vitalité qui est la manne de toute société !



J'ai lu avec plaisir, intérêt, amusement ces dix-sept conférences jamais sentencieuses, techniques ou pédantes. Et aussi pleines d'humour que de vraie culture. Pétillantes et profondes!



Un type sympa, Michel Butor, en plus d'un grand écrivain, ce qui ne gâte rien...
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Passage de Milan

Une véritable expérience littéraire...



A partir d'un simple remue-ménage de locataires dans un immeuble situé à Paris, apparaissent d'autres aspects beaucoup plus mystérieux que ceux que l'on attend d'un simple récit réaliste.Butor nourrit son texte d'une forte dose d'imagination et de symbolisme. Cette thèse part d'une analyse du récit qui décrit d'abord le réseau compliqué de liens établis dans cette maison parisienne. Il s'agit, dans ce sens, d'une peinture sociale des rapports problématiques qui se tissent entre les personnages dans le livre. L'analyse psychologique nous mène à une analyse des lieux, à une étude de l'espace et du temps et de l'influence de leur interaction sur les personnages de l'immeuble.

Cette équation spatiotemporelle est ensuite dépassée pour jeter sur le récit un autre regard purement mythique. En analysant la dimension mythique qui se cache sous ce récit, à partir des images ambivalentes, voire conflictuelles, un hymne se dégage, chanté par l'écrivain pour l'équilibre vital, l'harmonie universelle et la plénitude humaine.



Passage de Milan est une transition entre le style réaliste et l'art plus audacieux du Nouveau Roman, Passage de Milan peut être lu aisément par un lecteur habitué aux romans réalistes. Mais peu à peu, les divergences se dévoilent et illustrent bien un nouveau roman avec ses propres caractéristiques, dont la plus importante est la manière de présenter la réalité. Ce roman, contrairement aux œuvres réalistes, ne désigne pas une réalité digérée et commentée par l'auteur ; il est plein de symboles et de fragments que le lecteur lui-même doit relier entre eux, pour découvrir et comprendre la complexité de la réalité. L'auteur lui propose seulement des gestes, des paroles et des pensées.
Lien : http://www.senscritique.com/..
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L'emploi du temps

Bon alors voilà :



J'ai commencé ce roman très intimidée, ayant lu auparavant un tas de chroniques sur sa difficulté, son esprit labyrinthique, sa tortuosité, son érudition (bien loin des capacités du pauvre bougre ordinaire).



Je l'ai lu, en trois jours, littéralement happée : non que j'aie tout compris, loin de là, il me faudrait pour cela combler mes lacunes en mythologie et reprendre le roman stylo en main pour tenter de mettre de l'ordre dans les évènements que la mémoire et la mauvaise foi du narrateur, (car il a parfois des oublis bien commodes) brouillent considérablement.



Mais en bref : nous sommes dans les années 60 ; c'est l'histoire d'un jeune français (à vue de nez 23/30 ans, grand max), qui accomplit un stage d'employé de bureau dans la big entreprise d'une grande ville imaginaire (pour ne froisser personne) de la perfide Albion, qu'on nommera Bleston.



Et là, notre héros nous fait, dès son arrivée, une crise de paranoïa aigüe : et que la ville elle est moche, et que les rues elles sont sales, et que l'autochtone il est maussade et peu accueillant, et qu'il ne fait aucun effort pour comprendre son anglais, et que la bouffe elle est dégueu, et que le ciel il est bas, et qu'il pleut toujours, et que l'air il est pollué, et que les usines elles sont sordides, sans parler de la glauque rivière (la "Slee" de son petit nom).



Peu à peu il se convainc que la ville entière lui en veut (car c'est la ville le principal personnage du livre). Non content d'être laide, elle est toxique et malveillante : elle le menace personnellement (et pas uniquement lui...)



Il se renforce dans ses convictions à la lecture d'un roman policier acheté dans la libraire locale, et dont l'assassin et la victime habitent (vous ne le croirez jamais !) ici même. Il forge alors dans sa tête un scénario de dingue, fondé sur la conviction que l'intrigue du polar est véridique, et s'improvise détective amateur : il implique dans son enquête les vitraux des deux cathédrales, une Morris noire (on ne sait pas si les vitres sont teintées), les tapisseries du musée et la plupart des connaissances faites sur place.



Cela se termine dans un redoutable délire logique. Une histoire de (presque) fou : démasquera-t-il un criminel, sera-t-il interné dans un asile, ou parviendra-t-il à reprendre le ferry vers des cieux plus cléments à la fin de son séjour ?



Ce bouquin, rédigé sous forme de journal, avec de nombreux flashbacks, est un travail conséquent sur le récit et la mémoire. Il est aussi une plongée dans les mécanismes intimes de la psyché. Il m'a fait penser à Proust, à Joyce (unité de temps, le séjour doit durer une année), à Beckett, à Sarraute.



Non que j'ai assimilé tous ces auteurs : mais ce roman me renvoie à ce que j'en ai compris. Il est (à mon goût), bien moins, mais alors bien moins ennuyeux que ceux du pape du nouveau roman, Robbe-Grillet (dont je n'ai jamais pu terminer "Les gommes".)



Ça vaut le coup.



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La modification

Vous prenez ce livre, et vous l'ouvrez, vous vous installez confortablement, et vous laissez s'égrener les heures. C'est long, vous le savez, d'ici à Rome, vous l'avez fait souvent, ce trajet, inutile de le nier. On vous a reconnu!!



D'ici l'arrivée en gare de Rome Termini, vous avez le temps de changer d'avis dix fois...



Notez que malgré tout ce qu'on vous a dit sur le nouveau roman, qu'il était fastidieux, snob et rasoir, c'est l'occasion de vérifier: les jolis boogies vous font bouger, ce sont des jolis boogies gais, chantonnerait Souchon. Je déraille, erreur d'aiguillage...



Laissons -nous porter..ou plutôt laissez-vous, n'oubliez pas la deuxième personne, la deuxième personne avant toute chose et pour cela préfère l'impair...d'ailleurs si avez oublié le vôtre, d'imper: ce n'est pas grave, il fait si beau à Rome...



Bref, si vous lisez ce livre, et si vous changez d'avis en cours de route, c'est que le charme a opéré. Un nouveau roman a fait votre conquête. Vous voyez que ce n'était pas si dur que cela, pas si Butor, votre Michel: il a opéré une sérieuse modification en vous, non? Je m'é-gare? Bon, bon, revenez à vos moutons...
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Neuf leçons de littérature

Emprunté à la bibliothèque ce mardi 19 septembre 2023, au gré des prospections dans le fonds Littérature.....



Une lecture des plus intéressantes qui nous offre " Neuf rencontres " avec des écrivains contemporains qui nous font part de leurs parcours, de leurs doutes, de leur exercice et exigeance envers

l' Écriture, de leurs " maitres" et auteurs référents..., de l'origine de leur besoin irrépressible d' ÉCRIRE !



"Cécile Wajsbrot



Traverser les grandes eaux



Il faut un certain courage, une certaine innocence, une part de naïveté, peut-être d'inconscience pour nous mettre à cette table où tant d'autres nous ont précédés...Avant d'écrire le premier mot, tout à coup, nous regardons les livres qui nous entourent et qui, d'ordinaire, nous aident et nous soutiennent, lançant leurs signaux lumineux comme des phares dans la nuit, nous regardons les livres comme autant d'obstacles, autant d'ennemis dont nous serions cernés. "



Ces 9 lecons de Littérature ont été données à la Bibliothèque Nationale, et produites par France Culture, diffusées l'été 2006...



9 écrivains aux univers et styles très différents, ce qui permet un large spectre quant aux motivations poussant chacun à écrire :



- Michel Butor

-Chloé Delaume

- Pierrette Fleutiaux

-Claudine Galea

-Hédi Kaddour

-Richard Millet

- Olivier Rohe

- Antoine Volodine

-Cécile Wasjbrot



Lecture qui m'aura donné envie de lire et de m'immerger dans les univers de Olivier Rohe, Cécile Wasjbrot, Claudine Galea, Heddi Kaddour...que je méconnais...



Juste un petit bémol: parfois un ton trop docte...a gêné ou diminué mon enthousiasme premier !...



Chaque " leçon de Littérature " est présentée avec quelques éléments bibliographiques sur chaque écrivain...



L'ensemble reste très riche et éclectique...et mène joyeusement à d'autres livres, d'autres auteurs ; ce qui est toujours stimulant et précieux !



J'achève ce " billet" avec un de mes passages préférés :



"Pierrette Fleutiaux



La Petite Beckett



La plupart des êtres s'efforcent de devenir adultes, ils s'efforcent tant et plus, et avancent, parfois avec joie parfois avec douleur, vers l'âge adulte.Les écrivains aussi le font

bien sûr, mais en même temps, en même temps, ils avancent vers l'enfance. J'ai bien dit " ils avancent vers l'enfance ", je n'ai pas dit " ils reculent ".Non pas faire l'enfant, non pas raconter son enfance, mais écrire à partir du territoire de l'enfance, là où tout est pour la première fois, et toute chose qui arrive est semblable à une météorite et tout terrain qui la reçoit terrain vierge."











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La modification

Après avoir lu la critique enthousiaste de Latina, j'ai voulu moi aussi partager ce voyage en train avec Michel Butor. Cela commençait bien : je me réjouissais à l'avance en achetant mon livre, comme un enfant devant le sapin de Noël. Ce compartiment 3ème classe m'a rappelé des souvenirs de voyage en train (même si je n'ai connu que les 2ème classes). Les voyageurs qui entrent et sortent, notamment pour fumer ; la porte coulissante bruyante et réfractaire à toute manipulation ; le voisin qui vous jauge en feignant de lire son journal ; l'autre qui étale ses jambes dans le passage ; la fameuse petite tablette près de la fenêtre. Et surtout un voyage lent, si long qu'il vous donne le temps de voyager dans votre tête, de réfléchir à ce que vous avez fait, ce que vous allez faire, avec qui. Voilà où j'en étais après ma deuxième soirée au lit avec Michel Butor lorsque j'ai failli mourir par manque d'air en lisant les pages 72 à 75. Quatre petites pages qui m'ont semblé sans fin. Sachant que notre auteur aligne une phrase par paragraphe, et qu'une page comporte un paragraphe, vous comprendrez aisément mon malaise. J'admets que c'est bien écrit, le vocabulaire est précis et choisi avec soin, ce voyage en train intéressant. Mais probablement pas pour moi. En tout état de cause pas en ce moment en tout cas. J'avais déjà essayé de lire une oeuvre de Nathalie Sarraute - sans succès. Alors je ne sais pas si je n'aime pas le Nouveau Roman, ou alors si le Nouveau Roman ne m'aime pas, mais j'ai dû me résoudre à ranger le livre dans la bibliothèque en me disant que je réessaierai dans quelques temps.
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