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Critiques de Miguel Delibes (24)
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L'hérétique

Une petite deception. Je suis decu parce que j'ai beaucoup aime d'autres livres de l'auteur, dont Les saints innocents qui est un petit chef d'oeuvre, alors que celui-ci est d'une ecriture affectee, qui a force de se vouloir documentee, presque encyclopedique, devient ennuyeuse, voire harassante par endroits.





C'est un roman historique sur le protestantisme et sa repression en Espagne au XVIe siecle. Plus precisement a Valladolid (la ville ou est ne et a toujours vecu l'auteur). Il se concentre sur la vie de Cipriano Salcedo, un commencant de peaux qui, suite aux desarrois de sa jeunesse, tourmente de doutes, finit par se coller au cercle “protestant" du docteur Cazalla et du noble Carlos de Sesso (tous deux personnages historiques reels) et en subira les consequences, comme eux, lors de la chasse aux heretiques declenchee en 1558: l'auto-da-fe de Valladolid de 1559.





Hors le prologue (que j'ai trouve assommant) il y peu de discussions qui eclairciraient les enjeux spirituels de la controverse religieuse, Delibes s'etendant plutot sur les facons de vivre en ville ou dans la campagne environnante, sur les metiers, les habits, les mets, les coutumes ou la medecine de l'epoque. C'est plus interessant que la Wikipaedia, mais beaucoup moins que ce que j'attendais de cet auteur. Il s'en degage quand meme un plaidoyer pour la liberte de pensee, reprouvant toute pensee unique majoritaire et meprisante de ses contestataires, et non seulement l'obscurantisme de l'epoque et du lieu, qui fait predominer l'argument choc: l'auto-da-fe. Et Delibes de terminer son livre par une description detaillee, horripilante, de cet "acte de foi", peut-etre les pages les plus reussies du livre, justement par ce qu'elles provoquent: repugnance, revolte, sensation d'etouffement.





Je garderai de Delibes d'autres livres que celui-ci. Les saints innocents. Les rats. Le chemin. Il faudra que je les relise. Pour une reconciliation.

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Dame en rouge sur fond gris

Lu en v.o. Senora de rojo sobre fondo gris



25 ans apres “Cinq heures avec Mario”, en 1991, Delibes publie un autre portrait de femme. Tres different. le revers de la medaille. La “dame en rouge” est une femme forte, bien que delicate. Une intellectuelle qui a introduit le narrateur, un peintre, a Proust, Musil ou Robbe-Grillet, mais qui se meut avec aisance dans toutes les classes sociales. le coeur dans la main, elle aide et secourt tous ceux qui l'approchent, avec un altruisme serein.





En fait c'est l'hommage de Delibes a sa femme, decedee suite a un cancer en 1974. C'est la mise en pages de son admiration et de son amour, un amour encore vif quand il l'ecrit, une admiration que l'absence amplifie. A peine deguise sous les traits d'un peintre qui a perdu toute inspiration apres la perte, qui s'est mis a boire, qui sombre, Delibes confesse sa propre detresse. Il raconte, a sa fille qui vient de sortir de prison, les annees de maladie de sa mere, son courage, sa serenite face aux epreuves, confortant les autres autour d'elle face a la fatalite.



Dans cette confession Delibes imbrique des details, des trames secondaires, qui ont ete reelles et qu'il ne maquille qu'en changeant des noms ou des lieux. Ainsi la jalousie du narrateur envers un vieux peintre de ses amis qui avait fait le portrait de sa femme, captant, mieux que lui n'aurait jamais reussi a faire, sa sereine feminite, son elegance detendue. Et on sent que Delibes a ete un peu jaloux d'Eduardo Garcia Benito, le vrai peintre devant lequel a pose sa femme, Angeles, pour le tableau dont il a emprunte le titre et qui a toujours pare, eclaire son bureau (j'ai ajoute une photo de lui devant le tableau).



Ainsi les mots qu'il met dans la bouche d'un ami: “una mujer que con su sola presencia aligeraba la pesadumbre de vivir”, “une femme qu'avec sa seule presence allegeait le poids, la morosite de la vie”. Ce sont des mots qu'a vraiment prononce le philosophe et academicien Julian Marias, pere de l'ecrivain Javier Marias, dans son discours de reception de Delibes a l'Academie espagnole, en 1974, juste apres la mort de sa femme .



Ainsi le fait que la fille du narrateur, sortant de prison en 1975, n'aie pu etre temoin des dernieres annees de la maladie de sa mere ni etre presente a ses obseques, ce qui le force a tout raconter, ce qui lui permet de se raconter. L'alibi litteraire de Delibes. En 1972 furent arretes et emprisonnes tous les dirigeants et activistes du syndicat “Comisiones Obreras”, “Commissions Ouvrieres", accuses de collision avec le parti communiste a l'etranger. Ils attendirent un an leur proces, un des derniers grands proces politiques du franquisme, le “Proces 1001”, ou un tribunal d'ordre public les condamna a des peines de 12 a 20 ans de prison. Heureusement pour eux, a la mort de Franco en 1975 le nouveau roi signa immediatement leur amnistie. Delibes joue de ces dates pour faire revenir la fille du narrateur a la maison un an apres la mort de sa mere et il en profite pour claironner tout le mal qu'il pense de ce genre de proces. Chez Delibes cela sonne tres credible: a l'epoque il avait lui-meme ete force de quitter le poste de redacteur en chef du journal “El Norte de Castilla”, suite a des pressions politiques et a des menaces reelles de violence. Et de toutes facons ce n'est qu'une recidive: dans nombreux de ses livres il avait deja denonce les iniquites du systeme franquiste, fulmine contre les bassesses de sa propre societe.





En fin de compte c'est un livre triste. C'est un hymne a sa femme et une celebration des souvenirs d'une vie pleine d'amour, mais aussi une ritournelle de peine, la peine de vivre, la douleur, d'un homme esseule, perdu sans la femme qui l'accompagnait.



Comme toujours chez Delibes, c'est bien ecrit. Tout en douceur. Mais je ne range pas ce livre parmi ses meilleurs. Alors je vais me repeter: si vous n'etes pas comme moi un inconditionnel fan de cet auteur, lisez plutot Les Saints Innocents.

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Cinq heures avec Mario

Lu en v.o. Cinco horas con Mario.



Voila un livre qui a sa sortie en 1966 a ete ressenti comme une bouffee d'air frais et a depuis ete salue comme un petit chef-d'oeuvre. Mais beaucoup d'eau et beaucoup d'encre ont coule sous les ponts depuis que Franco se targuait sur tous les murs d'avoir amene “25 Anos de Paz!”, 25 ans de paix, et que tout le monde savait que c'avaient ete 25 ans de baillonnement, 25 ans d'etouffement, et pour de tres nombreux 25 ans de malheur. Lu aujourd'hui, en plus de ses qualites litteraires j'y vois un document sociologique tres bien cible sur son temps, mais je n'irais pas jusqu'a le qualifier de chef-d'oeuvre.





Et c'est quoi ce livre? Un long monologue. le monologue d'une femme qui vient de perdre son mari, victime d'un infarctus. Une fois la famille et les amis venus presenter leurs condoleances partis, elle va le veiller toute la nuit, le veiller et lui parler, lui faire part, enfin, de ses doleances. Lui egrener tous les reproches qu'elle n'a jamais eu le courage de lui adresser en vie.



Son monologue, ses rancoeurs et ses reproches la devoilent: une petite bourgeoise que “l'ordre” franquiste tranquillise surement. En fait elle developpe un “dictionnaire des idees recues" de l'Espagne traditionnelle. Les femmes doivent aspirer a se bien marier et pas a faire des etudes. Elles doivent evidemment garder leur virginite pour leurs maris, apres une longue periode de fiancailles. Les pauvres doivent se contenter de leur sort. Ils sont necessaires; s'il n'y avait plus de pauvres, comment accomplirait-on le tres chretien commandement de charite? L'immobilite sociale est une volonte divine. Les protestants sont la gangrene de l'Espagne (fort heureusement, il n'y a plus de juifs) et les nouveaux papes, avec leurs conciles conciliants, affaiblissent les vrais chretiens. Les francs-macons, caches, essayent de saper les assises de toute societe saine et de semer partout l'anarchie, a leur seul profit. le bon ordre social c'est que “chacun reste a sa place".



Et c'est la que le bat la blesse et qu'elle se repand en reproches envers son defunt mari, Mario. Prof de lycee, il ecrit des articles qui lui valent des amendes quand ils ne sont pas censures. Il fraternise avec des pauvres et prone leur droit a l'ascension sociale. Il fait campagne pour des amnisties politiques. Pour lui les prostituees sont des victimes et non des pecheresses. Il denonce le nepotisme et la corruption des gens au pouvoir (les gens de sa classe, grands dieux!). Son integrite (pour elle fierte deplacee) lui a toujours interdit des flatteries a ceux qui auraient pu leur octroyer un plus grand appartement. Il n'a jamais accorde de l'importance a l'argent, a la richesse (il roulait a bicyclette, comme un vulgaire ouvrier!), la laissant rever ne serait-ce que d'une Seat 600 que pratiquement tout le monde pouvait se permettre deja. En plus il a toujours montre envers elle une trop grande pudeur, trop de retenue, quand elle a surement ete eduquee a apprecier une “hombria" plus accentuee, un machisme plus cru. Dans la rue elle rougissait (d'aise?) quand on lui lancait “que buena estas!”, “que tu es bonne!”, et dernierement elle a failli, malgre sa pruderie de façade, passer a l'acte avec un vieil ami qui l'avait toujours desiree, mais qui s'est repris au dernier moment. Et ce n'est qu'a la fin de son monologue qu'elle devoile cela et enjoint son defunt mari de croire qu'elle aurait de toutes facons arrete d'elle meme “je le jure par ce que tu as de plus sacre, Mario, crois moi! […] je deviendrai folle si tu ne me crois pas, […] ton pardon est pour moi une question de vie et de mort!” L'aimait-elle malgre tout? Ou simplement essaie-t-elle de rerentrer dans son credo tranquillisant? Cela reste ouvert a l'interpretation du lecteur. Et oui, il est possible qu'il y ait de l'amour, partage, entre deux personnes si dissemblables.





Mais je reviens a l'auteur, a Delibes. C'etait un chretien croyant qui avait lutte pendant la guerre civile dans les rangs des franquistes, mais qui avec le temps s'etait emu des tensions sociales, de la detresse que provoquait le regime. Pas un homme de gauche, surement pas un revolutionnaire, mais un liberal aux profondes inquietudes sociales, un catholique soutenant les changements promis par le concile Vatican II. Avec ce livre il reussit le tour de force de critiquer le regime par les idees de ses supporters, pas en les attaquant de face mais en les ridiculisant un peu, avec une feinte innocence. Cela lui a permis de passer outre la censure et de donner un heros litteraire, Mario, aux espagnols baillonnes. Parce que ce livre, ils ont pu le lire, contrairement a d'autres oeuvres antifranquistes de l'epoque qui n'ont pu etre editees qu'a l'etranger et sont restees donc inconnues en Espagne jusqu'a la mort de Franco, comme La peau de taureau de Salvador Espriu ou Pieces d'identite de Juan Goytisolo. Alors ce livre, ils l'ont plebiscite.





Lu de nos jours il conserve sa valeur litteraire, due surtout au langage utilise, un langage parle mais pas trop bas, pas trop populaire, et il s'adjuge en plus une parure de temoignage sociologique sur son epoque, sur d'anciens courants d'idees et leur conflit avec le devenir.





P.S. Je dois avouer que jusqu'a ce precis instant j'etais gene par le fait que Delibes ait choisi une femme pour exprimer les idees et les croyances d'un conservatisme obtus. Et c'est seulement en ecrivant ces lignes – parce que j'ecris en francais – que je saisis que le prenom de cette femme n'a surement pas ete choisi par hasard. Carmen. Carmen n'est pas le nom avec lequel un illustre francais avait caracterise l'Espagne?

Et au fait, Delibes? Ah! Oui, son grand-pere etait francais.

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Dame en rouge sur fond gris

Dans un long monologue, un peintre célèbre s’adresse à sa fille tout juste libérée des geôles franquistes pour brosser le portrait de sa femme trop tôt disparue. Un portrait oral car il n’a jamais réussi à coucher sur la toile la beauté, l’extravagance, la bonté de la femme aimée. Un autre l’a fait : Dame en rouge sur fond gris. Un tableau dont il a toujours été jaloux. Un autre que lui a su figer les traits de cette femme qui ‘’par sa seule présence soulageait du poids de la vie’’. Pourtant elle était sa source d’inspiration et, sans elle, il n’est plus capable de peindre. Alors il parle. Il raconte la vie, l’amour, la maladie, la mort de celle qui a été sa muse, sa femme, son amie, la mère de ses enfants.



Dame en rouge sur fond gris n’est pas seulement un récit d’amour et de mort. Delibes y parle aussi de peinture, de littérature, de politique, évitant ainsi un livre larmoyant et triste. Au contraire, la défunte illumine par sa gaîté, sa bienveillance, son altruisme, son optimisme, un texte sincère et délicat, véritable ode à la femme aimée et perdue, d’autant plus touchant qu’il est largement autobiographique.

Cette dame, rouge comme le feu qui l’habitait, sur fond gris, comme la triste morosité du franquisme finissant, est une petite pépite, un grand cri d’amour pudique et authentique. A lire.

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Le fou

Il y a les auteurs espagnols que j'adore, ceux que j'aime moins et ceux que je ne connais pas. Delibes appartient à cette troisième catégorie.



Je me suis lancée dès lors dans un court opus. Plus qu'une nouvelle, mais assez court pour être sûre d'arrivée au bout.



Et bien, cela n'a pas été évident, car la première moitié de cette centaine de pages me faisait clairement penser à "Un bourgeois tout petit petit de Cerami, qui m'avait fort ennuyée. Un employé de banque dont la femme est enceinte semble 'disjoncter' en se focalisant, véritable idée fixe, sur un homme à l'apparence vague vu dans un bar un soir.



Mais la fin sauve le début. L'auteur boucle sa boucle et on sort de cette lecture avec l'impression quand même d'un aboutissement. Ceci dit, je réfléchirai à deux fois avant de me relancer dans une autre lecture, sauf s'il est proclamé chef-d'oeuvre par les amis de Babelio.
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Dame en rouge sur fond gris

Avec en trame de fond les derniers jours gris du franquisme, un peintre se confie en un long monologue, dressant un portrait de la femme qu’il a aimé et qui vient de mourir. Ce monologue s’adresse à l’une de ses filles, qui vient d’être libérée après plusieurs années de détention dans les geôles franquistes, car Franco, cet homme, a enfin fini par mourir lui aussi.



«Souviens-toi de ton découragement des premiers jours. Tu disais : Leo va en perdre les cheveux. Tu te souviens ? Ceux de San Julio non plus n’étaient pas optimistes : Trop de charges contre eux ; l’organisation du Front, la photocopieuse de la villa, les cartons de tracts… Pas moins de six ans ! Mon Dieu, six ans ! Dans ces tristes réunions, c’était elle qui apportait un peu d’espoir. Cet homme ne sera pas éternel ; c’est ce qu’elle a dit la première fois, je m’en souviens. Elle l’a dit sereinement, sans animosité. Elle a simplement dit «cet homme». Elle n’a pas haussé le ton mais, inconsciemment, en le dépouillant de ses titres, elle l’a mis à bas de son piédestal, elle a arraché les médailles de sa poitrine, elle l’a déshabillé.»



Publié en 1991, et traduit en 1998 par Dominique Blanc aux éditions Verdier, «Dame en rouge sur fond gris» est ce portrait admirable que le narrateur ne sut pas peindre de la femme qu’il aimait, le portrait d’une mère idéale, d’une femme qui aimait la peinture et les livres, d’une muse inventive, d’une magicienne pour créer des liens avec les autres, d’une étincelle évanouie trop tôt.



«Elle pensait que le vice ou la vertu de la lecture dépendait du premier livre. Celui qui parvenait à s’intéresser à un livre devenait inévitablement esclave de la lecture. Un livre te renvoie à un autre livre, un auteur à un autre auteur car, contrairement à ce qu’on dit, les livres ne résolvent jamais tes problèmes, ils en créent de nouveaux, de sorte que la curiosité du lecteur n’est jamais satisfaite.»



Sans abîmer ce portrait ni le souvenir de son amour, il dit sans l’éluder la maladie de sa femme et son agonie, il dit sa panne d’inspiration, ses mains encombrantes devenues inutiles et ses mouvements mesquins pour masquer la colère et la peur.



Le roman-tableau d’une femme, «qui par sa seule présence, allégeait le poids de la vie.»
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Les rats

Un thème unique domine l'oeuvre littéraire de Miguel Delibes : l'opposition entre souillure et pureté, déclinée selon plusieurs modalités comme ville et campagne, corruption et innocence, enfance et monde adulte...



Dans Les rats, Delibes jette les bases d'un monde au travers de personnages emblématiques. Construit comme une suite d'anecdotes autobiographiques, dans un style d'une très belle sobriété, ce livre dénonce l'âpreté de l'existence des paysans castillans soumis au système latifundiaire.

C'est aussi, plus largement, la menace d'une modernité qui n'offre aux démunis de la province castillane que des mirages et où l'éthique et la métaphysique du quotidien se délitent.
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Vieilles histoires de Castille

près des années d’absence un homme revient au pays.

« Tout était comme je l’avais laissé, la poussière du dernier battage encore accrochée aux murs de pisé des maisons »



Il est parti depuis 48 ans, dans ce temps là il était « l’étudiant », aujourd’hui il est de retour, les hommes ont changé mais « Le village demeure, et il reste quelque chose de chacun, accroché aux collines, aux peupliers et aux champs de blé » toujours figé dans l’immobilité, toujours pauvre, toujours sec et caillouteux.

Les hommes n’ont que peu changé même si le « progrès » a fait son apparition avec la fée électricité. Mais les rites, les superstitions sont toujours présents



« Dans mon village, les saisons n’ont aucune ponctualité; le printemps, l’été, l’automne et l’hiver se croisent et se recroisent sans le moindre égard »

Après tant d’année d’absence quel bonheur de revenir par la mémoire aux temps de l’enfance, le temps où « les familles du village se dispersaient au bord du ruisseau pour pêcher les écrevisses ».



Dans ce temps là le village avait ses secrets, ses péchés inavouables comme ce viol de la jeune Sisinia même si on célèbre aujourd’hui le martyr de la jeune fille pour ne pas avoir à trop s’interroger sur l’auteur du viol.

Les peurs ancestrales ne sont pas éteintes : la foudre, les intempéries, la brûlure du soleil ont toujours la même importance et s’opposent à l’harmonie supposée de la nature

Un récit très court, très dépouillé, comme la Castille. Tout baigne dans un amour de la terre que Miguel Delibes nous communique avec son empathie pour les paysans de sa Castille natale.



Son oeil d’observateur est fin, jamais sévère, mais sans complaisance pour les travers des hommes. Ce n’est pas l’apologie de la vie rurale, Miguel Delibes met dans ses récits suffisamment d’ironie pour qu’on ne fasse pas la confusion entre une nostalgie du passé qui touche tous les hommes et une complaisance pour un passé révolu.


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Cinq heures avec Mario

N°462 - Octobre 2010

Cinq heures avec Mario – Miguel Delibes – Éditions de la découverte.

Mario Diez Collado, petit intellectuel de province et fervent humaniste, opposant au franquisme, intègre et désintéressé, vient de succomber à un infarctus à l'âge de 49 ans. Carmen, sa veuve, procède à sa toilette funéraire, le veille, fait face à la traditionnelle mais douloureuse cérémonie des condoléances. A cette occasion incontournable, elle entend tous les truismes qu'on exprime d'ordinaire en pareilles circonstances. C'est un salmigondis d'hypocrisies, de regrets sincères, entre voyeurisme, désir de consolation, volonté de paraître fort et envie de se laisser aller. Une véritable épreuve!



Quand tout ceci est terminé, Carmen s'installe aux côtés de Mario, en compagnie d'un exemplaire de sa Bible dont il a souligné certains passages et entreprend de régler ses comptes avec lui. Dès lors, tout ce qu'elle ne lui a pas dit de son vivant revient, entre refus d'acheter une voiture et écriture cachée de poèmes qui lui étaient destinés, son parcours un peu difficile d'écrivain incompris, son refus de s'installer confortablement dans une vie bourgeoise... Tout y passe et à travers les reproches que lui adresse, à la première personne, cette femme profondément catholique et à la mentalité de petit bourgeois, le lecteur découvre son véritable portait. C'est une dévote, engluée dans les valeurs de l'Espagne traditionnelle, puritaine et rigide, frustrée d'avoir été toute sa vie cantonnée aux tâches familiales et d'avoir dû vivre dans l'ombre de son mari. De même, à travers ses propos pleins de rancœurs et parfois de fantasmes, entre amour et mépris, apparaît la véritable figure de son époux, petit professeur idéaliste, dénué d'ambition mais épris de justice.



A travers les propos acerbes et parfois mesquins de la jeune veuve on devine le gouffre qui séparaient les deux époux qui ne se ressemblaient pas. On sent que ses aveux couvaient depuis si longtemps qu'ils ne pouvaient pas ne pas être exprimés avant qu'on ne l'ensevelisse et ce d'autant qu'ils sont exprimés avec la Bible pour témoin. Il fallait qu'il soit présent physiquement pour qu'elle lui exprime une dernière fois tout ce qu'elle avait sur le cœur, tout ce que sa vie avait creusé en elle de désillusions et de remords dont il était, bien entendu, responsable. Au cours de cette nuit qui pour Mario annonce celle de l'ensevelissement, elle sent venir vers elle la solitude et le désespoir du veuvage qu'un traditionalisme exacerbé empêchera une nouvelle union avec un autre homme. Elle chérit peut-être encore cet époux mort, mais pendant les quelques heures de cette nuit qui précédera les obsèques elle refait à l'envers le parcours de ce couple dont la vie était vouée à l'échec mais un échec accepté, avec, malgré les apparences sa solitude, ses incompréhensions, les refuges de chacun pour échapper au quotidien. Peut-on dire que ce long monologue devant un mort est apaisant? Peut-être?



Alors, portait d'une société espagnole engluée dans le franquisme, peut-être, celui d'une facette de la condition humaine sans doute aussi, et assurément la remise en cause de cette idée reçue que le mariage réunit deux êtres faits l'un pour l'autre. Ce livre écrit en 1966 est plein du traumatisme de la Guerre Civile qui déchira le pays et de la dictature qui suivit autant que que le désamour qui présida à la vie de ces deux êtres que tout opposait et pour lequel le divorce et l'adultère étaient impossibles. C'est une sorte de roman d'amour à l'envers à travers ce monologue caricatural, une tentative de dépasser par l'écriture les dérives d'une société figée dans le conservatisme et l'immobilisme.











 Hervé GAUTIER – Octobre 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
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L'hérétique

J'avoue ma déception... il est fort possible que je manque de connaissances et sois passée à côté des subtilités du portrait de l'hérétique annoncé dans le titre - parce que luthérien dans l'Espagne du XVIème siècle.

J'ai bien identifié certaines de ses attitudes. Certaines pensées, interrogations ou doutes sont clairement exprimés, mais la première réunion réelle d'hérétiques ne se produit qu'à la page 300, je trouve cela assez tardif.

De plus, les caractéristiques de la pensée luthérienne me semblent par moments présentées de manière rapide, simplifiées à l'extrême et peu orientées vers la spiritualité, à quelques autres rares moments, extrêmement de maière complexe voire obscure, jargonnante, listant des noms, des dates, des faits, sans beaucoup plus d'explications - seuls les connaisseurs comprendront à mon sens.

Par ailleurs, alors que l'auteur dépeint l'histoire de la famille de l'hérétique en partant du mariage de ses parents qui a eu lieu huit ans avant sa naissance, qu'il décrit l'éducation de l'enfant puis le travail d'artisan, de commerçant, de propriétaire terrien, d'agriculteur etc., - portrait économique intéressant, soit -, je n'ai que très peu trouvé trace de l'Inquisition qui régnait. Pas des détails des subterfuges utilisés pour produire des écrits et les transmettre. Il est dit qu'ils existent, que le personnage principal en possède et en produit, mais on ne dit pas comment ils sont fabriqués, comment ils sont gardés pour que les auteurs ne soient pas dénoncés par des oreilles ou des yeux indiscrets, l'atmosphère de méfiance est très poncutelle (lors des réunions secrètes, c'est tout). Son voyage en Allemagne pour s'en procurer, sous couvert de commerce, n'est qu'évoqué. Il me semble qu'il aurait été intéressant de faire une comparaison des deux sociétés par exemple.

Bref, une peinture de l'Espagne au XVIème, oui, une oeuvre orientée sur la religion et l'hérésie, j'ai dû passer à côté.
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Dame en rouge sur fond gris

Le narrateur, peintre de grande renommée, sombre dans l’alcool et la dépression depuis la maladie et, surtout, la mort de sa femme.

Dans un long monologue adressé à une de ses fille nouvellement sortie des geôles de Franco, il raconte sa muse, sa femme, , son amour, eux, leurs vies, le franquisme.

Avec ses mots, Miguel Delibes, prend la place du peintre, à moins que ce ne soit l’inverse, sur fond de famille, de franquisme, de bonheur malgré les malheurs, puis sur le fond gris du deuil, il peint l’aimée, l’adorée, celle qui « par sa seule présence allégeait le poids de la vie ».

Les regrets de ne pas avoir dit combien il l’aimait, combien elle était primordiale pour lui « Mais un jour, elle, elle n’est plus là, il devient impossible de la remercier d’avoir resserré le bouton de la chemise et, subitement, cette attention ne te semble plus superflue ; elle devient quelque chose d’important. ».



Le tableau qui donne le titre au livre n’est pas de lui, mais d’un autre « Alors oui, alors j’ai ressenti de la jalousie pour ce tableau, pour ne pas avoir su le peindre moi-même, parce qu’ c’était un autre qui l’avait saisie dans toute sa splendeur. »

Ce tableau qu’il n’a pas su peindre, ce qu’il n’a pu saisir par le pinceau, le narrateur nous le donne par les mots.

« Puisque la mort est inévitable, n’est-ce pas mieux ainsi ? »

La mort a cueilli son amour avant qu’elle ne se flétrisse, avant que la maladie ne l’ait abimée. C’est tout le thème de son long et beau monologue.



Ce livre est un hommage vibrant. Il côtoie l’intime, l’universel et le sublime. Miguel Delibes dessine le portrait de l’aimée, de l’Espagne, avec son récit. Un plume admirable pour un pinceau tout en douceur. Un chant d’amour, un hymne à la femme aimée

Un superbe livre intime ; une écriture comme je les aime. Dominique Blanc, le traducteur a fait du travail d’orfèvre.

Un coup de cœur.

Une fois de plus, les éditions Verdier m’ont régalée. Dommage que je doive rendre le livre à la bibliothèque.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Cinq heures avec Mario

Mario vient de mourir, sa femme Carmen se receuille devant son corps inerte pendant toute une nuit.

Miguel Delibes parle ici à travers cette jeune veuve chrétienne et enfermée dans tous les à prioris et clichés possibles et inimaginables!

Il nous critique alors l'Espagne du régime Franquiste, ses moeurs et ses croyances.

Carmen critique Mario, il n'était pas comme tout le monde, trop marginal, comme les gens le la classe d'en dessous.



Dans ce récit, l'ironie est minutieusement travaillée, cela en devient révoltant. Carmen étant tellement aveugle sur la société! Elle en vient même à tenir des propos quasiment racistes... Elle parle avec une telle conviction!



Un récit à connecter avec les moeurs de beaucoup de gens d'aujourd'hui...

Malheureusement.

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Le chemin

Voici le livre de 1950 qui a lancé Delibes comme écrivain, livre qui lui permit de trouver son style narratif.

Le roman raconte la dernière nuit de Daniel dans son village, car son père, qui est fromager, l'enverra en ville poursuivre des études afin qu'il devienne quelqu'un. Mais Daniel ne pourra pas dormir cette nuit là, car il est conscient que ce départ va clore une partie de sa vie: son enfance et aussi la perte d'une certaine innocence.

Au cours de cette dernière nuit, les souvenirs remontent à la surface et il se souvient des 400 coups qu'il faisait avec ses meilleurs amis; il se remémore aussi, tous les personnages du village, hauts en couleur et en faconde.

C'est un récit détaillé des usages et pratiques dans un petit village de Castille.

La prose ruisselle de tendresse et de mansuétude envers ces gens de milieu rural. L'ambiance du roman devait rappeler à Delibes les étés de son enfance dans le village de Molledo (Cantabria).

Attention, mon billet dans le blog est en espagnol. Désolée pour les non bilingues.
Lien : http://pasiondelalectura.wor..
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Le chemin

LE CHEMIN de MIGUEL DELIBES

Dans les monts cantabriques, Daniel, surnommé le Hibou, vit sa dernière année d’école au milieu de ses amis et de sa famille. Dans cette Espagne d’après guerre son père a décidé qu’il devait partir étudier en ville, pour « progresser » il ne veut pas que son fils devienne comme lui, fromager. Alors, Daniel le Hibou, va passer sa dernière nuit à la maison à se remémorer sa famille, ses copains, Roque le Monigo, si fort qu’il bat des adultes, German le Teigneux, si fragile, Quino le Manchot, Gerardo l’ Indien, si riche a son retour d’Amérique et bien sûr le Curé, qui veut rendre le village meilleur. Magnifique galerie de portraits d’histoires tour à tour drôles, tristes ou dramatiques, des morts, des suicides, la vie sous toutes ses formes à travers un regard d’enfant.

Miguel Delibes est espagnol, né en 1920 mort en 2010, le Chemin est le roman qui l’a fait connaître. Il a reçu le prix Cervantes en 1993 pour l’ensemble de son œuvre, il est l’auteur d’une dizaine de romans.
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Cinq heures avec Mario

Ouh là , comme le style paraît lourd de prime abord...beaucoup trop de répétitions, ça irrite. mais c'est aussi la traduction qui n'est pas bonne...

En faisant abstraction de ça, on arrive à se plonger dans la vie de ce couple disparate, raconté par la femme dans un monologue, auprès du lit de mort de son mari. On y découvre petit à petit des caractères et des visions du monde que tout oppose, au milieu d'une période trouble.

A travers la vision réactionnaire de Carmen, on voit se dessiner un portrait de son mari, et les incompréhensions grandissantes entre les deux. C'est plutôt bien amené dans l'ensemble.
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Les rats

La Castille et la dureté de la vie paysanne fort bien dépeintes dans cette nouvelle cruelle où la liberté prend une dimension inattendue.
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Dame en rouge sur fond gris

Un livre magnifique. Cela se passe à l'époque franquiste et malgré la dureté des événements on prend un très grand plaisir à lire le livre qui relate de la difficulté d'avoir des proches en prison. Un hymne à l'amour également. À lire !
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L'hérétique

Valladolid, dans les premières années du 16ème siècle, le 'Siècle d'Or' espagnol. La ville est à son apogée, elle est la capitale du royaume de Castille. Le roman nous décrit minutieusement la vie quotidienne à cette époque, vie qui pour la plupart des personnages, va être bouleversée par la révolution déclenchée par Luther. Et cela finira très mal pour certains, dans une longue description hallucinante d'un autodafé, sur un bûcher, organisé comme un spectacle de foire.



Au centre de l'histoire, nous suivons la vie de Cipriano, qui deviendra l'hérétique. Né dans une famille aisée, il sera rejeté par son père, car sa mère est décédée suite à l'accouchement. Il va donc être élevé par une pauvre servante. Éduqué dans un orphelinat. Plus tard, il épousera la fille d'un éleveur de moutons. Mais, ayant hérité des terres de son père, on le voit aussi se préoccuper de les exploiter. Il va ainsi développer le commerce des peaux, et voyager jusqu'aux terres du Nord où il sera confronté au commerce des livres interdits.



Ce n'est pas du tout un essai religieux, ce n'est pas non plus une histoire de la réforme, de l'Inquisition, ou de la contre-réforme. Il s'agit plutôt de la petite histoire, celle des gens simples. Miguel Delibes nous plonge dans les doutes et les pensées tourmentées de Cipriano: les évènements de sa vie le font douter de ce que peut être la foi et la 'bonne' manière de vivre, de se comporter envers les autres.



A ce titre, on se plaît à imaginer ce que l'Espagne aurait pu devenir si comme dans d'autres pays, le protestantisme y avait finalement triomphé. On sait que les pays qui l'ont adopté sont plus riches que les autres. Est-ce se conduire chrétiennement que de s'enrichir? On voit Cipriano - et son père avant lui se poser des questions à ce sujet, et, par exemple, débattre avec leurs fermiers au sujet des salaires et des conditions de vie des paysans et des ouvriers. La guerre civile de 36 aurait-elle eu lieu? Et comment se seraient déroulées les années de dictature qui ont suivi, où l'Église joua un rôle majeur?



Le livre nous offre en prime quelques belles descriptions, des impressions plutôt, des paysages austères de la Castille.
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Diario de un emigrante

Mientras estoy escribiendo estas palabras, me doy cuenta que desde hace mucho tiempo (mas de un mes) que intento llegar al punto final de este cuento. Pero hay que ser masochista para perseguir un tal esfuerzo, la escritura de este libro es tan stupendemente "¡Bárbara!
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L'hérétique

L’auteur emmène ses lecteurs dans le seizième siècle espagnol, en pleine Castille, dans la belle et austère Valladolid, sur son plateau venteux au climat rigoureux. Rigoureuses comme sont les mœurs de ces temps de guerres religieuses et d’inquisition. On brulait les hérétiques sur des buchers devant la populace. De nos jours les buchers sont remplacés par les réseaux “sociaux” et les nouveaux inquisiteurs, les prêtres de la religion écologique assistés des prêtresses psychopathes féministes. Nous vivons une nouvelle époque de chasse aux sorcières !
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