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EAN : 9782864322856
125 pages
Verdier (01/11/1998)
4.14/5   11 notes
Résumé :
Dame en rouge sur fond gris est un admirable portrait de la femme aimée que la maladie a trop tôt enlevée à l’affection de l’époux désemparé.
Le narrateur est un peintre célèbre dont le désespoir a tari la créativité. La pudeur de la transposition ne peut faire oublier le drame vécu par l’écrivain confronté à la mort d’Ángeles, la mère de ses sept enfants.
Le récit, à la fois hommage et exorcisme, est mené sur le mode chuchoté de la confidence à l’une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Lu en v.o. Senora de rojo sobre fondo gris

25 ans apres “Cinq heures avec Mario”, en 1991, Delibes publie un autre portrait de femme. Tres different. le revers de la medaille. La “dame en rouge” est une femme forte, bien que delicate. Une intellectuelle qui a introduit le narrateur, un peintre, a Proust, Musil ou Robbe-Grillet, mais qui se meut avec aisance dans toutes les classes sociales. le coeur dans la main, elle aide et secourt tous ceux qui l'approchent, avec un altruisme serein.


En fait c'est l'hommage de Delibes a sa femme, decedee suite a un cancer en 1974. C'est la mise en pages de son admiration et de son amour, un amour encore vif quand il l'ecrit, une admiration que l'absence amplifie. A peine deguise sous les traits d'un peintre qui a perdu toute inspiration apres la perte, qui s'est mis a boire, qui sombre, Delibes confesse sa propre detresse. Il raconte, a sa fille qui vient de sortir de prison, les annees de maladie de sa mere, son courage, sa serenite face aux epreuves, confortant les autres autour d'elle face a la fatalite.

Dans cette confession Delibes imbrique des details, des trames secondaires, qui ont ete reelles et qu'il ne maquille qu'en changeant des noms ou des lieux. Ainsi la jalousie du narrateur envers un vieux peintre de ses amis qui avait fait le portrait de sa femme, captant, mieux que lui n'aurait jamais reussi a faire, sa sereine feminite, son elegance detendue. Et on sent que Delibes a ete un peu jaloux d'Eduardo Garcia Benito, le vrai peintre devant lequel a pose sa femme, Angeles, pour le tableau dont il a emprunte le titre et qui a toujours pare, eclaire son bureau (j'ai ajoute une photo de lui devant le tableau).

Ainsi les mots qu'il met dans la bouche d'un ami: “una mujer que con su sola presencia aligeraba la pesadumbre de vivir”, “une femme qu'avec sa seule presence allegeait le poids, la morosite de la vie”. Ce sont des mots qu'a vraiment prononce le philosophe et academicien Julian Marias, pere de l'ecrivain Javier Marias, dans son discours de reception de Delibes a l'Academie espagnole, en 1974, juste apres la mort de sa femme .

Ainsi le fait que la fille du narrateur, sortant de prison en 1975, n'aie pu etre temoin des dernieres annees de la maladie de sa mere ni etre presente a ses obseques, ce qui le force a tout raconter, ce qui lui permet de se raconter. L'alibi litteraire de Delibes. En 1972 furent arretes et emprisonnes tous les dirigeants et activistes du syndicat “Comisiones Obreras”, “Commissions Ouvrieres", accuses de collision avec le parti communiste a l'etranger. Ils attendirent un an leur proces, un des derniers grands proces politiques du franquisme, le “Proces 1001”, ou un tribunal d'ordre public les condamna a des peines de 12 a 20 ans de prison. Heureusement pour eux, a la mort de Franco en 1975 le nouveau roi signa immediatement leur amnistie. Delibes joue de ces dates pour faire revenir la fille du narrateur a la maison un an apres la mort de sa mere et il en profite pour claironner tout le mal qu'il pense de ce genre de proces. Chez Delibes cela sonne tres credible: a l'epoque il avait lui-meme ete force de quitter le poste de redacteur en chef du journal “El Norte de Castilla”, suite a des pressions politiques et a des menaces reelles de violence. Et de toutes facons ce n'est qu'une recidive: dans nombreux de ses livres il avait deja denonce les iniquites du systeme franquiste, fulmine contre les bassesses de sa propre societe.


En fin de compte c'est un livre triste. C'est un hymne a sa femme et une celebration des souvenirs d'une vie pleine d'amour, mais aussi une ritournelle de peine, la peine de vivre, la douleur, d'un homme esseule, perdu sans la femme qui l'accompagnait.

Comme toujours chez Delibes, c'est bien ecrit. Tout en douceur. Mais je ne range pas ce livre parmi ses meilleurs. Alors je vais me repeter: si vous n'etes pas comme moi un inconditionnel fan de cet auteur, lisez plutot Les Saints Innocents.
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Dans un long monologue, un peintre célèbre s'adresse à sa fille tout juste libérée des geôles franquistes pour brosser le portrait de sa femme trop tôt disparue. Un portrait oral car il n'a jamais réussi à coucher sur la toile la beauté, l'extravagance, la bonté de la femme aimée. Un autre l'a fait : Dame en rouge sur fond gris. Un tableau dont il a toujours été jaloux. Un autre que lui a su figer les traits de cette femme qui ‘'par sa seule présence soulageait du poids de la vie''. Pourtant elle était sa source d'inspiration et, sans elle, il n'est plus capable de peindre. Alors il parle. Il raconte la vie, l'amour, la maladie, la mort de celle qui a été sa muse, sa femme, son amie, la mère de ses enfants.

Dame en rouge sur fond gris n'est pas seulement un récit d'amour et de mort. Delibes y parle aussi de peinture, de littérature, de politique, évitant ainsi un livre larmoyant et triste. Au contraire, la défunte illumine par sa gaîté, sa bienveillance, son altruisme, son optimisme, un texte sincère et délicat, véritable ode à la femme aimée et perdue, d'autant plus touchant qu'il est largement autobiographique.
Cette dame, rouge comme le feu qui l'habitait, sur fond gris, comme la triste morosité du franquisme finissant, est une petite pépite, un grand cri d'amour pudique et authentique. A lire.
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Avec en trame de fond les derniers jours gris du franquisme, un peintre se confie en un long monologue, dressant un portrait de la femme qu'il a aimé et qui vient de mourir. Ce monologue s'adresse à l'une de ses filles, qui vient d'être libérée après plusieurs années de détention dans les geôles franquistes, car Franco, cet homme, a enfin fini par mourir lui aussi.

«Souviens-toi de ton découragement des premiers jours. Tu disais : Leo va en perdre les cheveux. Tu te souviens ? Ceux de San Julio non plus n'étaient pas optimistes : Trop de charges contre eux ; l'organisation du Front, la photocopieuse de la villa, les cartons de tracts… Pas moins de six ans ! Mon Dieu, six ans ! Dans ces tristes réunions, c'était elle qui apportait un peu d'espoir. Cet homme ne sera pas éternel ; c'est ce qu'elle a dit la première fois, je m'en souviens. Elle l'a dit sereinement, sans animosité. Elle a simplement dit «cet homme». Elle n'a pas haussé le ton mais, inconsciemment, en le dépouillant de ses titres, elle l'a mis à bas de son piédestal, elle a arraché les médailles de sa poitrine, elle l'a déshabillé.»

Publié en 1991, et traduit en 1998 par Dominique Blanc aux éditions Verdier, «Dame en rouge sur fond gris» est ce portrait admirable que le narrateur ne sut pas peindre de la femme qu'il aimait, le portrait d'une mère idéale, d'une femme qui aimait la peinture et les livres, d'une muse inventive, d'une magicienne pour créer des liens avec les autres, d'une étincelle évanouie trop tôt.

«Elle pensait que le vice ou la vertu de la lecture dépendait du premier livre. Celui qui parvenait à s'intéresser à un livre devenait inévitablement esclave de la lecture. Un livre te renvoie à un autre livre, un auteur à un autre auteur car, contrairement à ce qu'on dit, les livres ne résolvent jamais tes problèmes, ils en créent de nouveaux, de sorte que la curiosité du lecteur n'est jamais satisfaite.»

Sans abîmer ce portrait ni le souvenir de son amour, il dit sans l'éluder la maladie de sa femme et son agonie, il dit sa panne d'inspiration, ses mains encombrantes devenues inutiles et ses mouvements mesquins pour masquer la colère et la peur.

Le roman-tableau d'une femme, «qui par sa seule présence, allégeait le poids de la vie.»
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Le narrateur, peintre de grande renommée, sombre dans l'alcool et la dépression depuis la maladie et, surtout, la mort de sa femme.
Dans un long monologue adressé à une de ses fille nouvellement sortie des geôles de Franco, il raconte sa muse, sa femme, , son amour, eux, leurs vies, le franquisme.
Avec ses mots, Miguel Delibes, prend la place du peintre, à moins que ce ne soit l'inverse, sur fond de famille, de franquisme, de bonheur malgré les malheurs, puis sur le fond gris du deuil, il peint l'aimée, l'adorée, celle qui « par sa seule présence allégeait le poids de la vie ».
Les regrets de ne pas avoir dit combien il l'aimait, combien elle était primordiale pour lui « Mais un jour, elle, elle n'est plus là, il devient impossible de la remercier d'avoir resserré le bouton de la chemise et, subitement, cette attention ne te semble plus superflue ; elle devient quelque chose d'important. ».

Le tableau qui donne le titre au livre n'est pas de lui, mais d'un autre « Alors oui, alors j'ai ressenti de la jalousie pour ce tableau, pour ne pas avoir su le peindre moi-même, parce qu' c'était un autre qui l'avait saisie dans toute sa splendeur. »
Ce tableau qu'il n'a pas su peindre, ce qu'il n'a pu saisir par le pinceau, le narrateur nous le donne par les mots.
« Puisque la mort est inévitable, n'est-ce pas mieux ainsi ? »
La mort a cueilli son amour avant qu'elle ne se flétrisse, avant que la maladie ne l'ait abimée. C'est tout le thème de son long et beau monologue.

Ce livre est un hommage vibrant. Il côtoie l'intime, l'universel et le sublime. Miguel Delibes dessine le portrait de l'aimée, de l'Espagne, avec son récit. Un plume admirable pour un pinceau tout en douceur. Un chant d'amour, un hymne à la femme aimée
Un superbe livre intime ; une écriture comme je les aime. Dominique Blanc, le traducteur a fait du travail d'orfèvre.
Un coup de coeur.
Une fois de plus, les éditions Verdier m'ont régalée. Dommage que je doive rendre le livre à la bibliothèque.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Un livre magnifique. Cela se passe à l'époque franquiste et malgré la dureté des événements on prend un très grand plaisir à lire le livre qui relate de la difficulté d'avoir des proches en prison. Un hymne à l'amour également. À lire !
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Ses cheveux étaient pour moi une chose tellement essentielle que j’ai retardé leur sacrifice jusqu’au dernier moment. Alicia nous a accompagnés et sa coiffeuse, dont elle m’avait parlé comme d’une fille irresponsable, a pris soin de sa tête avec une sollicitude extrême. Je ne sais si ma présence l’intimidait, mais elle n’osait pas parler. Elle se contentait de répondre à ta mère par monosyllabes et une fois que ta sœur s’est assise près du balcon et a ouvert une revue, elle s’est enfermée dans un mutisme complet. Moi, je la regardais faire, appuyé au montant de la porte, sans me résoudre à entrer. Nous essayions tous de donner un air de geste quotidien à ce rituel, alors qu’à la vérité la tension était telle que l’on aurait cru assister aux préparatifs de sa décapitation. La fille a soulevé timidement les cheveux de la nuque : Je coupe ici. Ses yeux brillaient quand ta mère lui a donné courage : Coupe, ne t’inquiète pas. Elle a donné le premier coup de ciseaux et dans le silence de la petite pièce a résonné le léger impact de la mèche au contact du parquet. Ta mère serrait sur sa poitrine la perruque qu’elle avait achetée la veille. Elle l’avait essayée des douzaines de fois à la maison : les unes sur le front, les autres enfoncée sur la nuque ; comme une calotte, ensuite. À chaque fois, elle accompagnait l’essayage d’un commentaire ironique et elle contrefaisait quelqu’un. Tu veux bien me peigner cette perruque ? Tout à coup, elle a dit : Elle est horrible, d’une seule pièce, comme un casque, je ne peux pas la supporter. La fille séparait les mèches de cheveux et plaçait les ciseaux à leur base. Inopinément, elle a levé une main et interrompu l’opération. Elle m’a dit : Pourquoi tu n’irais pas faire un tour ? On n’a pas besoin de toi ici. Comment pourrais-je te laisser seule ? Je jouais les indispensables, le rôle de l’homme fort. Elle a ajouté : Alicia est là pour me tenir compagnie, ça me suffit. Je me suis empressé de déserter. Je me suis senti excusé et j’ai fui, j’ai descendu les escaliers quatre à quatre, sans me soucier de l’ascenseur.
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Mais un jour, elle, elle n’est plus là, il devient impossible de la remercier d’avoir resserré le bouton de la chemise et, subitement, cette attention ne te semble plus superflue ; elle devient quelque chose d’important.
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