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Critiques de Mircea Cartarescu (87)
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Comme dans un dessin d'Escher : Huit poètes r..

La poésie est fugace, fugitive et comme dans un dessin de Escher, le sens de la vie comme de l'espace où s'exprime la vie, s'échappe.

Simona Popescu écrit dans le poème qui donne son titre au recueil :

"je suis un dessin de Escher dont je ne sors plus

je me sépare sans cesse de moi-même et me rencontre à nouveau

j'entre dans ma peau je me dépasse je regarde derrière moi".



Ileana Malancioiu invente les "mots au vitriol d'une femme que l'hiver a rendue folle". Virgil Mazilescu parle d'une " vieille quiétude un asticot du présent" et de "la satisfaction cette écharde dans la chair". Ion Muresan "chante la puissance noire de ma tête", une puissance comme le soleil noir de Dürer ou comme la bile noire de la mélancolie, un poème qui me fait penser non plus à Escher mais à la Chute de la Maison Usher. Marta Petreu confesse ses "petits caprices liquéfiés comme un cerveau mort" parce que "je demeure en moi je m'habite avec quelque indifférence".

"Dans cet espace l'imagination se décompose comme une maçonnerie" sous l'effet du " Laudanum Sydenheim". Il y a Mariana Marin qui écrit dans "Thérapie à l'époque de la peste brune" que le sort est de "disparaître un jour dans sa propre ordure, être oubliée et cachée comme une maladie honteuse, mourir dans son propre orgueil". Danuel Banulesco annonce : "Je m'en vais quelque part raconter un peu de sang" (titre d'un poème que j'ai particulièrement apprécié et que je retranscris dans les citations) mais ce recueil m'aura surtout permis d'acquérir quelques morceaux poétiques de Mircea Cartarescu - c'est d'ailleurs " le pohème de l'évier" retranscrit par Tandarica qui m'a donné envie de lire ce recueil de poèmes - mais aussi de découvrir Simona Popescu
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Comme dans un dessin d'Escher : Huit poètes r..

À ma connaissance, le seul livre aujourd’hui qui permet de découvrir en français Mircea Cartarescu comme poète. Le titre de l’anthologie est emprunté à un poème de Simona Popescu (p. 116).
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Dragostea

Qu'on aime ou qu'on n'aime pas M. Mircea Cartarescu (ou bien ses romans déjà traduits), il faut avoir lu CE livre : rien (à part peut-être le titre, [L'Amour]) qui soit bateau, ou alors ”ivre” de magistrale beauté moderne (quoique !), bourré de talent. RAM-tam-tam (j’applaudis vraiment, c'est lui que je choisis). Et puisque dans les années 1980 il se disait prêt à partir à l'ONU pour y rapporter la paix universelle („cri, noi putem astea toate”), dans 35 ans encore j'aurai l'audace de croire qu'il convaincra l'UNESCO. Que la Roumanie cesse donc de craindre ses poètes : „să alinăm nostalgia, frustrația, SIDA/coropișnița, moartea soarelui, infernul, omida...”
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Enciclopedia zmeilor

Comme l'ouvrage n'est pas très bien décrit sur les sites, je précise qu' il s'agit d'un volume de 170 pages d'environ 30 par 24 cm en papier glacé. Malheureusement non traduite à ce jour, cette collaboration franco-roumaine de 2002 associe un texte de Mircea Cărtărescu à des illustrations de Tudor Banuș, fils de Maria Banuș, qui réside en France depuis 1972. C'est une vraie-fausse encyclopédie des "zméous", ces monstres traditionnels roumains, à feuilleter régulièrement. Je dois dire que le résultat est génial, en grande partie du fait de la qualité du graphisme, des illustrations, mi-satiriques mi-modernisées à la limite de la culture geek. Le texte grouille lui aussi d'ingéniosités, qu'apprécient aussi bien les enfants que les adultes, pour les nombreuses références qu'ils sont seuls à percevoir. Ne devine-t-on pas dans la planche de la page 165 "neprețuitul meu colaborator, maestrul Banousch de Nogent” l'autoportrait de l'illustrateur injustement méconnu et, j'en suis presque sûr(e), à la page 7, entouré de ses discrets mais psychédéliques papillons comme une mise en abyme de son œuvre, Cărtărescu l'auteur lui-même : "Azi port cu mîndrie urmele acestor "întîlniri de gradul al treilea" [Je porte aujourd'hui fièrement les traces de ces rencontres du troisième degré]?"

En guise de conclusion, le lecteur est invité à apporter sa propre touche d'imagination et à transmettre ses propres représentations à l'éditeur. Relevons le défi !
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FRUMOASELE STRAINE

On peut lire dans, LE RÊVE, éditions Climats 1992, page 51 : « Quand cela arrivait, ils le payaient en lui offrant une Japonaise rouge ou un pain brûlant que le petit Tsigane mouillait de salive pendant des heures en le retournant dans sa bouche édentée. » (Le Jeu), à comparer avec cet extrait de la page 45 de l'édition de 1993 de « Nostalgia », parue chez Humanitas : « Îi dădeau în schimb cîte o japoneză rumena sau o chiflă fierbinte, pe care ţigănuşul le îmbăla cu gura lui ştirbă şi o oră întreagă » (Mendebilul). Dans Frumoasele străine, Cărtărescu s'insurge page 219 contre sa traductrice (Mme Hélène Lenz) qui aurait vu une Japonaise « socialiste » et un enfant « cannibale », parmi tant d'autres « horreurs ». Le fait est que l'auteur lui-même utilise une synecdoque, puisque selon le DEX (Dictionnaire explicatif de la langue roumaine) Online, une Japonaise est une sorte de petit pain tressé, par ressemblance avec le chignon des femmes japonaises. Un exemple est même cité : « Cina a constat dintr-o japoneză și o cană de lapte. ». La traductrice a donc traduit une synecdoque en langue roumaine (lexicalisée depuis mais c'est un autre problème) par une synecdoque en français. La majuscule à Japonaise provient probablement des offices d'un correcteur. Le « rumen » qui devient rouge, on peut encore en débattre, mais pas de socialiste à l'horizon et une traduction qui tient la route. Et si on se remettait justement à traduire. Le désert guette depuis deux ans déjà.



L'énervement d'un auteur contre des pratiques bien réelles de certains éditeurs a aussi du bon. Car à la page 199, on retrouve, pour les « ultra-pressés » un résumé flash de Orbitor : « où l'on montre comment une ouvrière, Maria, donne naissance à des jumeaux. L'un d'entre eux, Mircea, vit à Bucarest pendant la période communiste, tombe sous l'emprise d'un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps à autre, manque de peu de se faire violer par un collègue et ensuite erre par-ci, par-là jusqu'à la révolution. L'autre jumeau, Victor, est kidnappé pendant son enfance et conduit à Amsterdam, où il est élevé dans une atmosphère de promiscuité, pour qu'au final ils rejoignent la Légion étrangère. Les retrouvailles entre les deux ont lieu à Bucarest, pendant la révolution roumaine et... la fin du monde survient. Comme disait l'autre, less is more. »
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FRUMOASELE STRAINE

Pourquoi nous aimons toujours et malgré tout Cărtărescu ?



p.91 : « Signor Cărtărescu, îmi zise, zâmbind, minusculul doctor, doamna cu pricina nu e asistentă, ci una dintre cele mai vechi paciente de-ale noastre ».
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L'Aile tatouée

Le troisième tome éblouissant d’un phénomène littéraire total.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/06/16/note-de-lecture-laile-tatouee-orbitor-iii-mircea-cartarescu/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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L'Aile tatouée

Orbitor (qui veut dire aveuglant en roumain) est une trilogie qui a été traduite en français et qui comprend, dans l’ordre : Orbitor (titre original Orbitor. Aripa Stîngă), L'Oeil en feu (titre original Orbitor. Corpul), L'Aile tatouée (titre original Orbitor. Aripa dreaptă). Une somme de plus de 1500 pages dans un style très onirique certes, mais pas que.

Pour le résumé j’appelle Mircea Cartarescu lui-même. Dans FRUMOASELE STRAINE (Les belles étrangères) à la page 199, il écrit (dans ma traduction française) : « Je sortirai une fois une édition de seulement 37 pages, réduite à l’histoire initiale, sans aucune sorte d’élucubrations, en plus richement illustrée. […] Ou, mieux encore, une édition de quelques lignes, dans laquelle on montre comment une ouvrière, Maria, met au monde des jumeaux. L’un d’entre eux, Mircea, vit à Bucarest sous le communisme, tombe sous l’emprise d’un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps en temps, manque de peu d’être violé par un collègue et ensuite erre par-ci par-là jusqu’à la révolution [de 1989]. L’autre, Victor est enlevé pendant l’enfance et emmené à Amsterdam où il est élevé dans la promiscuité pour finir dans la Légion étrangère. Les deux se retrouvent à Bucarest pendant la révolution roumaine et... arrive la fin du monde. Comme dit l’autre less is more. »

Pour l’avis je partage celui d’un critique à qui Cartarescu doit beaucoup et que je traduis partiellement ici. Il s’agit de Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române (p. 1347). « Orbitor est le résultat superbe [d’un] projet paranoïaque, unique dans toute notre littérature. La construction de la trilogie est plutôt symbolique que rigoureuse. Le roman est inégal et désarticulé. Le troisième volume est beaucoup en dessous des deux premiers, descendant de manière vertigineuse, jusqu’à un reportage par endroit vulgaire de notre révolution de 1989. [...]



En conclusion, une œuvre hétéroclite, mais fabuleuse dont il faut avoir lu au moins quelques pages, même au hasard.



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L'Aile tatouée

Un roman foisonnant, où Cartarescu devient expérimental par moments, à force de digressions, de vocabulaire vertigineux. Il s'agit de Bucarest après la révolution roumaine de 1989, au moins à la base. Après le récit s'étend tous azimuts. C'est un peu à l'image du célèbre palindrome (cf. Guy Debord), on est à la foi en terrain connu et en pleine énigme. Il s'agit alors de se laisser porter par l'aile en question. Pour moi en tout cas, ça a marché.
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L'Oeil en feu

Orbitor (qui veut dire aveuglant en roumain) est une trilogie qui a été traduite en français et qui comprend, dans l’ordre : Orbitor (titre original Orbitor. Aripa Stîngă), L'Oeil en feu (titre original Orbitor. Corpul), L'Aile tatouée (titre original Orbitor. Aripa dreaptă). Une somme de plus de 1500 pages dans un style très onirique certes, mais pas que.

Pour le résumé j’appelle Mircea Cartarescu lui-même. Dans FRUMOASELE STRAINE (Les belles étrangères) à la page 199, il écrit (dans ma traduction française) : « Je sortirai une fois une édition de seulement 37 pages, réduite à l’histoire initiale, sans aucune sorte d’élucubrations, en plus richement illustrée. […] Ou, mieux encore, une édition de quelques lignes, dans laquelle on montre comment une ouvrière, Maria, met au monde des jumeaux. L’un d’entre eux, Mircea, vit à Bucarest sous le communisme, tombe sous l’emprise d’un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps en temps, manque de peu d’être violé par un collègue et ensuite erre par-ci par-là jusqu’à la révolution [de 1989]. L’autre, Victor est enlevé pendant l’enfance et emmené à Amsterdam où il est élevé dans la promiscuité pour finir dans la Légion étrangère. Les deux se retrouvent à Bucarest pendant la révolution roumaine et... arrive la fin du monde. Comme dit l’autre less is more. »

Pour l’avis je partage celui d’un critique à qui Cartarescu doit beaucoup et que je traduis partiellement ici. Il s’agit de Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române (p. 1347). « Orbitor est le résultat superbe [d’un] projet paranoïaque, unique dans toute notre littérature. La construction de la trilogie est plutôt symbolique que rigoureuse. Le roman est inégal et désarticulé. Le troisième volume est beaucoup en dessous des deux premiers, descendant de manière vertigineuse, jusqu’à un reportage par endroit vulgaire de notre révolution de 1989. [...]



En conclusion, une œuvre hétéroclite, mais fabuleuse dont il faut avoir lu au moins quelques pages, même au hasard.



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L'Oeil en feu

Un texte alliant poésie, fantastique,rêve, cauchemar dans une un Bucarest ogresque. J'ai été imperméable à ce texte vite abandonné, incompréhensible à mon cerveau.
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L'Oeil en feu

Torrent romanesque de la mémoire poétique et onirique, encore plus puissant que le tome 1.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2014/11/21/note-de-lecture-loeil-en-feu-orbitor-ii-mircea-cartarescu/

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La Nostalgie

Un grand livre onirique, très audacieux, tissé de visions telles qu'on en trouve dans les tableaux de Jérôme Bosch, absolument littéraire, cependant. Les différents chapitres de ce roman, parfois décrit erronément comme un recueil de cinq nouvelles, forment un ensemble cohérent, quoique relié par des liens souterrains. Une écriture puissante, qui entraîne le lecteur dans un maelstrom d'images et le fait passer constamment du registre réaliste (on est bien à Bucarest, entre terrains en friche, constructions abandonnées, caves sordides...) au registre fantastique, voire cosmique, le plus souvent conduit par des enfants ou de jeunes marginaux au bord de la folie. C'est très fort. On peut penser à des auteurs comme Laszlo Krasznahorkai, Witold Gombrowicz. Du coup, je vais entreprendre sans hésiter la lecture de "Solénoïde" (2019), son dernier pavé qui, paraît-il, est un chef-d'oeuvre.
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La Nostalgie

Dans la liste des oeuvres du même auteur l'éditeur (très probablement à la demande de l'auteur) a expurgé le titre Le Rêve, traduit par Hélène Lenz, or, il s'agit, peu ou prou du même texte original. Cela dit tout de l'intention sulfureuse de spéculer sur une reprise. La quatrième de couverture de l'édition de 1992 affirme haut et fort : l'édition française peut être considérée comme conforme aux voeux de l'auteur. Les nouvelles sont devenues roman, mais surtout la Japonaise est devenu « gâteux japonais » (p. 64). On tombe donc de Charybde en Scyla.

Je renvoie donc à ce que j'ai écrit il y a longtemps déjà. On peut lire dans LE RÊVE, éditions Climats 1992, page 51 : « Quand cela arrivait, ils le payaient en lui offrant une Japonaise rouge ou un pain brûlant que le petit Tsigane mouillait de salive pendant des heures en le retournant dans sa bouche édentée. » (Le Jeu), à comparer avec cet extrait de la page 45 de l'édition de 1993 de « Nostalgia », parue chez Humanitas : « Îi dădeau în schimb cîte o japoneză rumena sau o chiflă fierbinte, pe care ţigănuşul le îmbăla cu gura lui ştirbă şi o oră întreagă » (Mendebilul). Dans Frumoasele străine, Cărtărescu s'insurge page 219 contre sa traductrice (Mme Hélène Lenz) qui aurait vu une Japonaise « socialiste » et un enfant « cannibale », parmi tant d'autres « horreurs ». Le fait est que l'auteur lui-même utilise une synecdoque, puisque selon le DEX (Dictionnaire explicatif de la langue roumaine) Online, une Japonaise est une sorte de petit pain tressé, par ressemblance avec le chignon des femmes japonaises. Un exemple est même cité : « Cina a constat dintr-o japoneză și o cană de lapte. ». La traductrice a donc traduit une synecdoque en langue roumaine (lexicalisée depuis mais c'est un autre problème) par une synecdoque en français. La majuscule à Japonaise provient probablement des offices d'un correcteur. Le « rumen » qui devient rouge, on peut encore en débattre, mais pas de socialiste à l'horizon et une traduction qui tient la route. Et si on se remettait justement à traduire. Le désert guette depuis deux ans déjà.

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La Nostalgie

"Mélange de fantastique et de réalisme magique, La nostalgie est aussi une réflexion puissante sur le temps et ses représentations, sur l’auteur et l’écriture, sur la création, sur la folie. Un texte qui brise les limites que nous nous laissons assigner par le réel, pour notre malheur, et qui se lit comme un hymne bouleversant à la liberté."



Gabrielle Napoli
Lien : http://www.en-attendant-nade..
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La Nostalgie

Honte à moi, j'ai abandonné ce livre. La première partie en est à la fois inventive et ennuyeuse, tirée par les cheveux tout en contenant des réflexions intéressantes sur les rapports de la littérature et du réel. Dommage que l'auteur n'ait pas écrit un essai au lieu de cette histoire assommante !



Cette partie est centrée sur un monde masculin, ce qui n'est pas un défaut en soi, bien sûr. Mais au fil des livres, je suis un peu saturée de cet univers nombriliste, quand même assez majoritaire, dont émane toujours le même petit refrain rabat-joie. Et las ! voici que la seconde partie débute par des jeux de petits garçons autour de leur immeuble dans un terrain vague, construisant leur virilité à l'aide des sempiternels jeux de rivalité et d'exclusion, comme cela semble inévitable. J'en ai été asphyxiée.



Pourtant je ne suis pas rebelle à la littérature masculine : j'ai lu tout Bukovski ; une grande partie d'Henry-Miller (je l'ai rencontré sur ma route adolescente et en garde le souvenir amusé d'un homme qui n'en est pas revenu d'être pourvu d'une quéquette, sort quand même partagé par énormément de gens) ; tous les livres traduits en français de Patrick deWitt, dont "Ablutions" qui nous plonge dans un univers d'alcoolisme et de bars sordides tout en conservant un regard chaleureux. Ah ! Patrick DeWitt, que je ne saurais trop recommander : "Les frères Sisters" (pas le film, le livre...), "Heurs et malheurs du majordome Minor"... J'apprécie aussi beaucoup Michel Houellebecq. Comme quoi on peut être un homme et avoir de l'ouverture et de la sensibilité.



Car on trouve dans tous ces livres, y compris chez Henry Miller, une dimension humaine, une étoffe, que je n'ai pas respirées ici.



Désolée. Trop d'ennui à errer sans but dans cette uniformité grise.



Peut-être me suis-je privée d'une suite sublime.



Peut-être.



Donc bien entendu, n'ayant pas continué, je ne me permets pas de noter : c'est la moindre des choses.



Quant à lire une littérature d'homme, je reviens à mon Joseph Roth, une splendeur... la métamorphose de la vie par la littérature.
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La Nostalgie

Aussi subversif qu'extravagant et donc logiquement censuré lors de sa parution, écrit d'une plume viscérale, totalement fantasque et parcouru d'araignées, La Nostalgie est la pierre d'achoppement de l'oeuvre du romancier et poète roumain. C'est un livre incroyable, total et exigeant, d'une grande maturité, qui annonçait sans aucun doute la naissance d'un des plus brillants prosateurs de son temps (et futur Prix Nobel de littérature - les paris sont ouverts) !

L'article complet sur Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Le Levant

Le soleil se lève à l’Est comme un deus ex machina

pour combattre la tyrannie et installer au pouvoir la poésie





Bouche-à-bouche avec un fantôme



Peut-on ressusciter l’épopée et ses contraintes formalisantes, ce genre littéraire si désuet, abandonné dans le brouillard des temps ? Et, mieux encore, le faire lire aujourd’hui ?

Oui, quand on sait le transfigurer pour l’apporter au lecteur du XXI-ème siècle sur un plateau plus moderne, le réinventer avec humour de toutes pièces. Oui, quand on a dans le sang le feu de la littérature et l’on s’appelle Mircea Cărtărescu.



Le plus connu, traduit et primé des écrivains roumains n’a cure des modes et des plans de carrière et n’en fait qu’à son instinct, joliment habillé dans le costume toute époque du savoir-faire rhétorique (qu’il enseigne dans diverses universités européennes). L’envergure de son œuvre, son engagement, les risques qu’il prend, en couvrant avec panache moult thèmes, espaces et types d’écriture, font de Cărtărescu un auteur majeur de notre époque, l’écrivain européen le plus nobélisable. Plus nobélisable que le dernier Nobel même, Modiano étant confiné dans l’autofiction, avec ses éternels ingrédients — absence, nostalgie, recherche identitaire, Paris sous l’occupation — au point de paraître écrire le même livre depuis 40 ans. Aussi ce prix tant convoité tombera-t-il inévitablement un jour dans l’escarcelle de l’écrivain roumain : il faut bien rendre à César ce qui lui appartient.



Tout l’univers sur la nappe cirée de la cuisine



«Le Levant» est un globe de cristal aux mille reflets. L’auteur - aède - narrateur jongle avec le temps, les codes et les chefs-d’œuvre de la littérature ; il ne se prend jamais trop au sérieux, son cœur balance entre lyrisme, prose et machinerie théâtrale, il parodie à tous vents écrivains roumains de premier rang, poèmes héroïques, scènes dramatiques, fables, contes et envolées lyriques. En se moquant souvent de soi-même et de la genèse de son récit dans une série de mises en abîme savoureuses, il interpelle le lecteur-lectrice, le prend à témoin, crée des connivences, lui fait des clins d’œil. J’en veux pour preuve le début du «quatrième chant» :

«Lectrice bien-aimée, qui, pour mieux les voir, tiens ces pages dans le châssis d’une fenêtre aux vitraux colorés entre ses verges de plomb, je pense souvent à toi, dans la sombre tristesse qui est la mienne. À tes longs cils timorés penchés sur ces lettres, à ta main gauche aux lourdes bagues translucides, posée sur un genou, et à l’index de ta main droite, qui suit ces lignes. Des volutes de ses boucles, ta scintillante chevelure entoure ton sein... Tu ne cherches pas dans les feuilles des livres quelque philosophagie stérile, ni la politique hargneuse qui enchaîne les exaltés et les téméraires dans d’obscures prisons, mais l’amour éternel, qui ne meurt pas plus que les roses glissées entre les pages. Et tu as raison, belle enfant, car il n’est pas une ligne de tous les écrits du monde qui ne soit mélodrame. Nous tous, nous sommes mélodramatiques, qui grattons et fouillons sous le ricanement de la raison. Le cerveau, cet archange, tout comme la sphère d’humus sur laquelle nous vivons, ne contient qu’une mince pellicule de pensée, le reste n’est que boue, passion impétueuse, haine féroce, amour, cieux aux soleils de sang et continents d’effroi. C’est là que le triste poète porte ses pas, sa plume — en guise d’épée — à la main, tandis que le dernier crépuscule s’éteint. C’est là seulement que l’inspiration fait son nid. C’est là que moi aussi, ma maîtresse, je me nourris.

Tu es impatiente, je le vois bien, de savoir qui est l’officier apparu par surprise sous la table. Ses traits virils ont conquis ton cœur et mouillé d’une larme tes yeux d’agate claire. Douce vierge, je ne te mentirai pas d’une once de cumin : ce fier personnage est né d’un coup de poing donné dans la table. Je n’avais jusqu’alors jamais ouï dire qu’il vécût en Orient un certain Languedoc Brillant, ce zouave, car je ne suis point omniscient. Et si je ne t’ai rien dit dans le troisième chant, c’est que moi-même, le poète, je n’étais pas prêt à comprendre sa présence. Maintenant, encerclé par ton cil, je ne puis plus reculer.»

Cet extrait en dit long sur l’art de Cărtărescu de mélanger, dans un creuset bien littéraire, points de vues, sujets, humour et mélodrame, rapports intimes avec son histoire et ses lecteurs. L’alchimie va par ailleurs plus loin, transgressant tous les niveaux : Cărtărescu interpelle non seulement son lecteur-lectrice (en le suppliant de ne retenir du livre que ce qu’il lui convient), mais aussi la Muse, le critique potentiel et, bonus ultime, il s’interpelle soi-même, tantôt avec amusement, tantôt avec apitoiement, en se réglant des comptes poétiques. Comme un marionnettiste obsédé par son métier, il tire les ficelles de ses personnages, il nous explique comment il procède et il tire ses propres ficelles devant nos yeux ébaubis. Il remet ainsi à sa place l’acte de la création : sur la table de la cuisine. Là, où il a réellement imaginé son livre, sur une nappe cirée.



De Bernard Pivot à «The Grand Budapest Hotel» en passant par Puck



«Le Levant» est une expérience lexicale étonnante. L’incipit — la première douzaine de pages — peut déstabiliser le lecteur pressé qui a vaguement l’impression de se retrouver dans une dictée à pièges de Bernard Pivot car le nombre de mots rares et anciens aux couleurs orientales (surtout turques, grecques et roumaines), ranimés par le téméraire traducteur Nicolas Cavaillès, est légion : «caïque, pallikares, fanaux, mahmudyes, ikosare, chalvar, beyzade, effendi, voïvode, hésychaste, galbeni, sila, kandjar...»



Une fois passée, apprivoisée cette barrière linguistique, le lecteur aura des réjouissances garanties : dépaysement, phrasé au loukoum, farfadets, charme baudelairien, nervalien, byronien de l’Orient, aventures qui ont la folie joyeuse et picaresque de «The Grand Budapest Hotel» (de Wes Anderson) et des personnages tellement pittoresques qu’on les perçoit comme des pastiches en train de refaire le monde : dans l’histoire en douze Chants, comme dans toute épopée qui se respecte, on sonne la révolte d’un peuple contre un tyran. Seulement ici, c’est un tocsin ludique qu’on entend et l’on a envie de danser une «hora» ou un sirtaki sur l’air de patriotisme romantique que le genre impose. La révolution de Manoïl, Zénaïde, Languedoc Brillant, Yaourta, Zotalis et l’Anthropophage est une rébellion culturelle, un questionnement sur la création, un intense désir de liberté, c’est l’histoire du monde dans la lampe d’un génie, réveillé pour cause de tyrannie. Cette révolution de velours (car prise à son énième degré de crédibilité), est une déclaration d’amour à la poésie, un chant habité, hanté par le seul moteur artistique qui ne cale jamais, celui de la passion : «Le savoir tout entier n’est que fausseté, si le cœur reste de pierre», dit l’Anthropophage, tout en invoquant Diderot et D’Alembert, dans une expression qui aurait fait florès au siècle des lumières ; une mise en abîme d’une mise en abîme est un double miroir de sourires.



Baklava pour les lectrices et le lecteur patient



Une fois passée, apprivoisée la barrière linguistique des mots rares et anciens, le lecteur pourrait croire suivre un chemin narratif habituel. Il n’en sera rien : comme dans les contes d’antan, Cărtărescu jette un peigne dans ses pages et une forêt de références culturelles (historiques, littéraires, balkaniques...) pousse sur la route du lecteur comme autant de regards d’intelligence, d’ironies inattendues, de digressions ou d’aveux auctoriels, rendant le voyage protéiforme, haut en couleurs, épices, poncifs et anachronismes.



Le lecteur très pressé aura, hélas, décroché, dépassé par les événements, paumé entre les mots inconnus, les intermezzos lyriques et les morceaux de prose dont l’intrigue n’est qu’un prétexte transparent, comme à l’Opéra, pour faire entendre un refrain doux ou un rire sarcastique, un cymbalum ou une cythère, ou faire voir — en direct — la naissance d’un roman de l’humeur fantaisiste de son géniteur. Déjà qu’il était désemparé par la présentation — «plaidoyer pour la poésie», «épopée roumaine», «voyage au cœur de la création, une œuvre ouverte portée par une métatextualité», «sous l’égide des plus grands poètes roumains, deux siècles de littérature – romantique, symboliste, décadente, expérimentale» (4ème de couverture), le lecteur très pressé aura l’impression d’être dans les tenailles invisibles d’une «private joke».

Nul besoin de connaître les dessous de l’histoire et de la littérature roumaines pour passer un moment de lecture hautement agréable. Le lecteur qui entretient une liaison d’amour avec les livres, sera, tout comme la lectrice convoquée plus haut, choyé, récompensé, gratifié, il n’aura pas fait du gymkhana pour rien, les lignes d’horizon et les plaisirs sucrés sont au rendez-vous. Dans «Le Levant», les délices ne manquent pas : si le sirop coule dans l’écriture, si les traits sont bien cuits, si le parfum des fleurs d’oranger est enivrant, c’est pour que le baklava reste bien collé au palais de l’imaginaire.



L’invraisemblable, ce roi de rechange



«Le Levant» a entièrement été écrit en vers, dans une langue vieillotte avec des archaïsmes et des prosodies anciennes, l’année qui a précédé la chute du dictateur Ceauşescu. Aussi la révolution de Manoïl, Zénaïde, Languedoc Brillant, Yaourta et Zotalis prend-elle une autre dimension. On peut toujours essayer de reconstituer l’arsenal d’astuces des écrivains à ce moment-là pour contourner les fourches caudines de la censure, exorciser la peur et faire publier des ouvrages minés, plus subversifs qu’ils n’en avaient l’air, on sera toujours en deçà de la réalité.

Quand la réalité est hideuse comme une dictature, on ne respecte que les lois libres de la fiction. Il y a de quoi se réfugier sur un nuage ou vivre dans l’invraisemblable.





Cărtărescu et le chat de Cheshire



Des années plus tard, Cărtărescu s’est repenché sur «Le Levant», l’a complètement réécrit, pour le rendre plus accessible et traduisible. Et Nicolas Cavaillès a réussi cette mission impossible, en redonnant vie, dans un français exquis et multicolore, à une armada de mots balkaniques, en reconstituant avec une minutie étonnante un Orient couché sur le flanc, un Orient proche et lettré qui s’avère être notre tasse de thé aux croissants de lune.



Démiurge facétieux, l’écrivain Mircea Cărtărescu s’est approprié la dimension du Levant pour en faire un pays peuplé de personnages fantasques, d’élans épiques, de vers, de typologies orientales et de mots imprégnés d’odeurs, de sons et de narratologie. Un pays qui ressemble à la Roumanie mais va au-delà de la carte : il n’y a pas de frontières pour l’imagination. Un pays où les Mille et Une Nuits côtoient la Commedia dell’Arte, les encyclopédistes — deux siècles de littérature roumaine, le merveilleux — le fantastique. Un pays où les surprises surgissent à chaque page comme des lutins : héros livresques, auteurs anciens et contemporains, même l’œil du narrateur fait une apparition «pour ramener sa fraise» — comme le chat de Cheshire, il apparaît çà et là pour nous éberluer de sa rhétorique débridée. Un pays où le soleil se lève — quand plus personne ne l’attend — pour combattre la tyrannie et installer au pouvoir le rêve.



Radu Bata



Le Levant - Mircea Cărtărescu (P.O.L.)

(parution : décembre 2014, 19,9 euros, 256 pages)
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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Le Levant

Je salue la naissance de cette nouvelle traduction du roumain et j'aimerais bien vous citer ce passage :

"Doamne, să avem iertare,

Da la noi un oarecare

Născocitor nu să știe

În nice-o academie.

Acilea toți naintează

Dupe ani, nu dupe vază,

Doxă ai ori doxă n-ai,

Ești doftor la treij-de ai,

La patruzeci învățat,

La cincizeci om luminat,

Iar d-agiungi la șaptezeci

La nemuritori tu treci."

... mais il me faudra attendre les soldes.
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Le Levant

Il est vrai que cela a l'air attirant à première vue. Selon mes faibles moyens dans la langue originale, j'ai plutôt apprécié les longs vers de Cartarescu et, entre autres, ses rimes riches. Maintenant, cela ne semble pas d'accès facile et le texte date d'il y a presque trente ans. Quelque part, on peut envisager d'attendre les soldes...
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