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Citations de Nina Allan (97)


Jennifer Rockleaze est ma meilleure amie ici. Des fois, elle vient me voir dans ma chambre, elle met la bouilloire en marche et me parle de l’affaire d’informatique qu’elle et Paul vont monter une fois qu’ils auront fini d’aider le Dr Leslie à faire ses recherches.
Jennie a dit de ne pas tenir compte de ce qu’a dit le Dr Leslie, et que si je voulais aller au carnaval, je devais y aller, c’est tout. Quand je lui ai dit que j’avais changé d’idée, elle a eu l’air déçue.
« Mais on a besoin de toi, Ba, a-t-elle dit. Pour nous empêcher de nous faire embringuer dans la galerie des monstres. »
Je sais qu’elle ne veut pas dire qu’elle et Paul sont des monstres, mais ça me trouble quand même quand elle dit des trucs comme ça et je suppose que ça a dû se voir sur mon visage parce qu’elle a éclaté de rire.
« Sincèrement, Ba, tu sais bien que c’est ce qu’on aurait probablement fait il y a cent ans, pas vrai ? Danser et faire des pirouettes et puis ramasser la monnaie. » Elle m’a enlacée, les bras autour de ma taille. « Un bon boulot si on peut l’avoir. Je me demande si ça paye bien. »
Une fois, j’ai entendu le facteur dire « les nains » en parlant de Paul et de Jennie. « Nain », j’ai horreur de ce mot. Il y a de la laideur et du handicap là-dedans. Paul est atteint d’achondroplasie. Ses bras et ses jambes sont plus courts que la normale, mais il a un torse large et puissant et de beaux yeux d’un brun de velours. Il fait tous ses vêtements lui-même. Il dit qu’il pourrait acheter des vêtements d’enfant, comme pas mal d’autres personnes de petite taille, mais il n’aime pas vraiment ce qu’on trouve dans les magasins. Les bras et les jambes de Jennie sont parfaits, seulement elle est minuscule, un peu en-dessous de un mètre vingt-cinq. Quand elle boit son thé, elle tient la tasse à deux mains, comme si c’était un bol. Elle rend tout moche autour d’elle – surdimensionné et caricatural. C’est peut-être ça que les gens normaux craignent le plus quand ils voient des gens comme Jennie et Paul : perdre leur place dans la hiérarchie des choses.
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On a beaucoup écrit sur les poupées. Il existe une kyrielle d’ouvrages sur l’histoire des poupées, la provenance des poupées, la valeur des poupées, d’épais catalogues regorgeant d’illustrations somptueuses – images qui accélèrent le rythme cardiaque et stimulent le désir. J’ai lu que la poupée est un substitut, qui remplace les amis ou la famille, ou l’amour. En grandissant, la plupart des enfants finissent par se désintéresser des poupées, mais pas le collectionneur. Le vrai collectionneur, comme le poète ou l’idiot, demeure la proie des sensibilités intensifiées de son enfance jusqu’au jour de sa mort.
Dans l’introduction de son mémoire, Brève Histoire du Pays des Merveilles, Doris Schaefer, collectionneuse réputée de poupées et conservatrice du musée de l’Enfance à Bad Homburg, décrit le moment où elle a vu pour la première fois une poupée « Gabi » d’Ernst Siegler lors d’une vente aux enchères à Francfort. Elle avait trente ans à l’époque, elle était avocate dans un cabinet juridique florissant, mais sa rencontre avec la poupée fut une épiphanie. Elle abandonna le droit l’année suivante pour consacrer sa vie à la création du musée.

Sous la toise, je mesure cent quarante-quatre centimètres. La plupart des adiposités adolescentes avait disparu avec l’âge, mais ma stature réduite me conférait encore une silhouette arrondie. Par-dessus le marché, je portais de lourdes lunettes basiques de la Sécu, qui accentuaient à la fois ma petite taille et mon physique dodu. Pour mon seizième anniversaire, mes parents m’offrirent une paire de lunettes avec des verres teintés rectangulaires et une fine monture noire. Ces nouvelles lunettes atténuaient mon faciès lunaire, du moins un peu, mais ne m’empêchaient pas de ressembler à un petit maître d’école, ce que tout le monde supposait que j’allais devenir.
La plupart des autres élèves m’appelaient le Nain, et d’autres choses encore. Je savais depuis un âge précoce qu’il était inutile ne serait-ce que d’essayer de m’intégrer, qu’aspirer à être comme eux ne ferait, pour une mystérieuse raison, qu’augmenter leur mépris. Au lieu de quoi je considérais mes camarades de classe comme les membres d’une autre tribu, dont les coutumes énigmatiques étaient empreintes de sauvagerie.
Quant à mon intelligence, je la trouvais normale. À l’école, j’aimais toutes les matières, mais mes vraies passions se situaient déjà ailleurs. La bibliothèque n’avait pas grand-chose à m’offrir, au contraire de la bibliothèque municipale de Welton, étonnamment bien fournie. Il y avait aussi Ponchinella, revue mensuelle pour collectionneurs, regorgeant d’articles sur tout ce qui a trait aux poupées. J’économisais mon argent de poche afin de pouvoir l’acheter le jour où elle paraissait. Je lisais chaque nouveau numéro de la première à la dernière page, puis je le relisais.
Même mon père se fit progressivement à l’idée que ma passion pour les poupées n’était pas une lubie qui me passerait avec l’âge. À la fin, il cessa de se faire du souci pour moi. Je crois qu’il avait réussi à s’accommoder de mon obsession en se persuadant que mon violon d’Ingres finirait par être rentable. Toute une vie dans les affaires lui avait enseigné que n’importe quel objet peut acquérir de la valeur, si l’époque et les circonstances y sont favorables, que ce soit des tirelires en forme de petit cochon, des dessous victoriens ou des canettes de bière vides. Lors d’un Noël mémorable, il me fit cadeau du Guide-tarif Merrick des poupées du monde, manuel indispensable qui était jusque-là très au-dessus de mes moyens.
« Parti comme tu es, dit-il, tu finiras par bosser chez Christie’s. » Il me sourit, et c’était un bon sourire, ouvert, amical et détendu. Je ne pense pas avoir jamais été le fils qu’il s’était imaginé, mais nous nous trouvions toujours des tas de sujets de conversation, et de toute façon j’aimais mon père. Je ne voyais pas la moindre raison de semer le trouble dans son esprit en lui expliquant que l’objectif du vrai collectionneur n’est pas l’accumulation des richesses, mais la consommation d’une passion.
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Elle s'appelait Marina Blue et je l'ai aimée au moment où je l'ai vue. dans un monde complexe jusqu'à la confusion et occasionnellement effrayant, elle offrit à mon cœur un point d'aimantation. Dans une boutique pleine de mannequins à la tête en biscuit, c'était elle qui donnait vie aux autres.
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Je me demandais quelle odeur j'avais pour lui, quelle était la note olfactive de ma fragrance personnelle qui déverrouillait sa réserve de souvenirs non verbaux. p 234
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Elle ne se rappelait pas avoir jamais "exigé" quoi que ce soit de Julie - pareilles requêtes étaient devenues impossibles, interdites. Il y avait eu les années de leur coexistence, et puis la fracture - l'éclatante exclusion, comme si leur intimité n'avait été que du vent, n'avait jamais existé.
Pas question de revivre ça une deuxième fois. A aucun prix.
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Les souvenirs coulaient à flots dans l'esprit de Selena : les odeurs du macadam cuit et des pelouses craquelées, le calme particulier de ces soirées, les lambeaux mauves de crépuscule qui se rassemblaient à l'embouchure des ruelles et au seuil des magasins lorsque la nuit commençait à tomber, les relents charbonneux des barbecues des voisins.
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C'étaient presque toujours des jeunes gens qui disparaissaient. Un temps, il y avait un espace où ils existaient, mais au bout d'un moment le monde se refermait et continuait sans eux.
Parce qu'il est obligé, supposa Selena.
(page 55)
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"Où tu vas?" Il l'a dit sur un ton pathétique. La distance entre nous augmentait progressivement, mais il était toujours là, il me suivait toujours. Comme si nous étions attachés l'un à l'autre par une corde en caoutchouc et que c'était à moi de la rompre, mais franchement, sans me laisser renvoyer vers lui, poids mort au bout d'un câble de saut à l'élastique. Je sentais mon haleine sortir de mes poumons comme une substance visible, une poudre argentée. J'avais presque aussi peur qu'à l'intérieur de la camionnette. Il serait tellement facile de commettre une erreur fatale.
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J'aurais bien voulu avoir un frère. Je n'arrive pas à imaginer l'effet que ça fait de savoir que quelqu'un vous est lié par le sang, par les gènes, que vous êtes ensemble dans le monde comme si vous faisiez partie du même organisme, ou presque.
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Le langage, c'est du pouvoir, a dit Caine. Si on sait ce que quelqu'un pense, on a déjà une étape d'avance sur lui.
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J’écoute de la musique quand je travaille, et ce soir, je passe un CD de Paula Komedia, le même CD que j’ai entendu pour la première fois chez Brit et Tash là-bas sur la route des marais : de longues chansons sinueuses racontent la guerre sur les riffs de guitare imbriqués et les rythmes entraînants qu’elle écrivit pour accompagner les paroles de l’Odyssée patagonienne de Saffrane Valparaiso.
Brit et Tash se sont séparées peu après le Delawarr. Del dit qu’elles avaient des problèmes depuis quelque temps.
L’Argentine est à plus de trois mille kilomètres de l’autre côté de l’Atlantique. Je n’y suis jamais allée, et je n’y irai très probablement jamais. J’ai entendu dire qu’il y a là-bas des chevaux sauvages, de grandioses métropoles au milieu d’une plains herbeuse, et qui n’ont jamais été bombardées. Je ferme les yeux un instant et essaie de les imaginer, comprimant mes paupières très fort comme on le fait en sortant d’un rêve.
On essaie d’en retrouver la magie, mais on n’y arrive jamais.
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Elle avait en revanche des yeux adorables, et si insolites avec leurs iris violets que Léila se surprit à regretter de ne pas avoir son nécessaire d'aquarelle sous la main pour tenter de mélanger elle-même la couleur en vue d'un usage ultérieur. La beauté de ces yeux dans ce visage desséché formait un contraste quelque peu indécent, comme s'ils appartenaient à une toute autre personne, une adorable jeune femme emprisonnée dans le corps de l'horrible mégère.
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Les endroits abandonnés peuvent être dangreux, mais ils sont aussi fascinants. L'état d'abandon ajoute à la détresse une aura de mystère (...). p. 180
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Les souvenirs. Ce ne sont que des fantômes, en réalité (...).
p. 395
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Les livres de Stephen ne semblaient pas être rangés dans un ordre particulier : des romans s'empilaient à côté de dictionnaires, des manuels de mathématiques se mélangeaient avec des biographies de Dickens, Einstein, Tchekhov (...).
"Comment faites-vus pour vous rappeler où se trouve chaque livre ?" lui demanda Selena. (...).
"J'y arrive, dit-il. En fait, c'est plus facile. Quand vous rangez des livres par ordre alphabétique sur une étagère, vous cessez de les remarquer." (p. 13)
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Elle se rappela qu'un jour Adrian avait dit que déposséder les pauvres de leurs désirs, c'était commencer à les déposséder de leur humanité. (page 58)
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J’eus du mal à dormir après avoir lu « Coïncidence ». Une fois de plus, je notai d’étranges similitudes entre l’histoire et la réalité – la manière dont Wil dans la nouvelle avait trahi Sonia, par exemple, n’était-elle pas une version plus sombre, plus fantasmée, de la trahison de Bramber par Edwin ? Et ça, c’était encore avant que j’envisage une coïncidence plus prégnante et plus dérangeante : le prénom Wil. Wilson Krajewski le scénariste, Wilson Crosse le collectionneur d’automates, le pédéraste ? J’étais saturé de coïncidences, j’en tremblais même, comme si j’étais d’une façon ou d’une autre manipulé à mon insu. Comme si – et je sais que c’est un cliché – j’étais moi-même un personnage dans l’une des nouvelles d’Ewa Chaplin.
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Mon père ne voulait pas que je l’aie, mais il finit par céder. Ma mère réussit à le persuader que sa réaction était exagérée. Un soir, longtemps après que je fus censé être au lit, je m’assis dans le noir en haut de l’escalier et les écoutai se disputer à son sujet.
« Je ne veux pas avoir ça à la maison, dit mon père. Tu ne veux pas l’encourager, quand même ? C’est exactement comme ça que ce genre de choses commencent.
– Ne sois pas ridicule, répliqua ma mère. Il n’a que sept ans. Il l’aura complètement oubliée au bout d’une semaine. »
Je compris que mon père était en colère, seulement je ne savais pas pourquoi. Je n’avais encore jamais entendu ma mère accuser mon père d’être ridicule, et l’idée que je puisse être la source de ce conflit entre mes parents était à la fois déconcertante et étrangement excitante. Non que je me sois attardé trop longtemps sur ce sujet. Ce qui comptait pour moi n’était pas la querelle, mais qui aurait le dernier mot.
Elle s’appelait Marina Blue et je l’ai aimée au moment où je l’ai vue. Dans un monde complexe jusqu’à la confusion et occasionnellement effrayant, elle offrit à mon cœur un point d’aimantation. Dans une boutique pleine de mannequins à la tête en biscuit, c’était elle qui donnait vie aux autres.
En réalité, elle n’avait rien d’extraordinaire. Des poupées comme Marina Blue déboulent par milliers des chaînes de production et n’ont guère de valeur aux yeux du collectionneur. Il n’empêche qu’elle avait un je-ne-sais-quoi qui la mettait à part de telles généralités. Elle attirait le regard, de même que toutes les choses nées de la créativité intelligente attirent inévitablement le regard. Elle avait de la présence. En plus, elle avait de la dignité. Je sus dès que je posai les yeux sur elle qu’elle allait changer ma vie.
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Il serait facile – et Selena en est bien consciente – de poursuivre cet enchainement d’idées, de continuer à gratter la croute de la normalité jusqu’à ce qu’elle s’effrite. Comme son père l’a fait, et Julie aussi. Regarder le monde en face jusqu’à ce que des objets très ordinaires commencent à devenir des contrefaçons d’eux-mêmes – tout en surface, sans rien derrière.
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Comprendre en permanence ce qui se passe, c’est barbant, tu ne trouves pas ? Je t’entends raconter ton histoire et ça me rappelle comme c’est excitant de penser au monde. Et que le monde est un lieu drôlement mystérieux.
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