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Critiques de Nina Allan (164)
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Conquest

°°° Rentrée littéraire # 18 °°°



Royaume-Uni. Une jeune femme embauche une détective privée pour retrouver son compagnon qui a disparu après un voyage à Paris. Point de départ qui semble bien paresseux pour un polar. Sauf que Conquest est un roman de haute volée qui propose une expérience ( c'est vraiment le mot juste ) audacieuse, très éloignée du mainstream littéraire, tour à tour ludique, lucide, cérébrale, inquiétante.



L'intrigue centrale est donc une enquête, à la fois catalyseur qui propulse le lecteur dans des directions inattendues, et ossature à un structure fragmentée parsemée de nombreux textes interstitiels ( notamment des essais sur le cinéma ou la musique ), et tout particulièrement une nouvelle de SF ( totalement inventée par l'autrice ) qui aurait été écrite dans les années 1950 et obsède le disparu, Franck. La Tour raconte comment la Terre a vaincu la planète Gliese. Pour célébrer la victoire et commémorer les nombreux soldats morts, une tour résidentielle est construite à partir d'une roche extra-terrestre prélevée sur Gliese, une roche qui semble vivante et menace l'écosystème terrestre.



On découvre la personnalité de Franck à travers le portrait qu'en dresse sa compagne à Robin, la détective : « C'est comme s'il était au bord d'un précipice et qu'il risquait à chaque instant de tomber parce qu'il est trop occupé à contempler le ciel, les étoiles, les montagnes au loin. » Franck est un génie des mathématiques et du codage informatique, sujet à la maladie mentale, obsédé par Bach ; il fréquente un forum complotiste ufologique qui considère La Tour comme une prophétie codée qui est en train de se réaliser, une guerre interstellaire et l'invasion extra-terrestre ayant commencé, évidemment caché par les gouvernements.



Conquest renvoie une image inquiétante de notre monde avec une sous-couche qui presque être lue comme une allégorie de la crise COVID. C'est le grand roman de l'anxiété, ici représenté par l'obsession complotiste



« La réalité fait peur, surtout avec le changement climatique, surtout depuis la pandémie. Croire aux extraterrestres, c'est comme croire en Dieu : soudain il y a une explication pour tout ce qui va mal dans le monde. Soudain il y a une cause en laquelle vous pouvez croire, une famille toute faite (...) Le déclin de la spiritualité et l'essor de la société laïque ont conduit à la fragmentation des systèmes de croyance établis en une multitude de micro-religions.(...) Les théories complotistes sont la nouvelle religion : un systèmes de croyance postmodernes fondés sur un mysticisme ésotérique. »



La proposition est complexe, exigeante du point de vue intellectuel mais terriblement stimulante, conservant le lecteur engagé même dans les moments où il n'y voit pas clair. Nina Allan est parvenue à induire une lecture paranoïaque, en tout cas très proche de la vision du monde de Franck et ses amis complotistes. Même la voix rationnelle du récit, celle de l'enquêtrice, est ébranlée par ce qu'elle découvre sur la disparition de Franck et sa propre histoire personnelle. L'incertitude est permanente, jusqu'au dénouement, proposant un double scénario d'élucidation. Le lecteur est sur ses gardes, avançant dans le labyrinthe des vérités cachées du complotisme et du récit.



Ce roman est captivant, assurément brillant. Il mériterait une deuxième lecture de ma part car je ne suis pas sûre d'avoir saisi toute sa richesse.







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La fracture

C’est avec la disparition brutale d’une adolescente de dix sept ans que débute le roman. Julie s’est littéralement volatilisée, et malgré les recherches intensives , aucune trace de la jeune fille. La famille est effondrée Le père poursuivra beaucoup plus longtemps que la police son enquête personnelle, y compris sur les pistes les plus excentriques, telles que les extra-terrestres. Et dix ans plus tard, Selena sa soeur, est contactée par une femme qui prétend être Julie et qui lui raconte une bien curieuse histoire …



L’intrigue éveiller la curiosité, et on finit par se laisser prendre au jeu des théories un peu abracadabrantesques qui émergent.



Un certain nombre de questions autour de l’identité, des liens familiaux, de la disparition sans corps pour Faure le deuil, et sans doute beaucoup d’autres, mais , et c’est la limite de ce roman, fort long, car entrelardé de nombreux éléments ayant un rapport plus ou moins net avec l’intrigue. On finit par s’y perdre, et perdre l’intérêt de voir se résoudre l’énigme.



Cent pages de moins et une enquête plus focalisée, auraient permis de soutenir l’intérêt du lecteur, qui en l’occurence, a trouvé que les pages ne défilaient pas bien vite.



Merci à Netgalley et aux éditions 10 x 18
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La fracture

16 juillet 1994… une date qui marquera à tout jamais la famille Rouane. Leur fille, Julie, disparait. Elle devait aller voir une copine mais cette dernière ne l’a jamais vue. Que s’est-il donc passé ? Fugue, enlèvement, pire ? Solène, sa soeur, aimerait le savoir. D’autant plus que tout ceci a fait mourir son père à petit feu. 2014… coup de théâtre, Julie réapparait ! Est-ce bien elle ? N’est-ce pas un de ces nombreux canulars auxquels la famille doit faire face depuis deux décennies ?



Je suis mitigée concernant mon avis sur ce roman. J’ai tourné frénétiquement les pages pour savoir si la disparue de retour au bercail était bien Julie, savoir ce qui lui était arrivé. On peut dire que Nina Allan ménage bien le suspense ! Mais ça, c’était jusqu’à la moitié du livre environ. Lorsque la romancière a commencé à introduire des textes sur une planète imaginaire, j’ai commencé à être sceptique. Même chose sur les fiches techniques de différents poissons… Ou alors, elles jouaient un rôle que je n’ai pas su déterminer. Le dénouement me laisse plutôt sur ma faim. C’est dommage, la première partie était prometteuse ! Ou peut-être est-ce moi qui n’ai pas compris ? Quoi qu’il en soit, j’ai un petit goût d’inachevé.
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La fracture

Je ne m'attendais absolument pas à ce genre de roman lorsque je l'ai pris à ma médiathèque. Je ne suis pas une fan de fantastique mais je m'aperçois qu'à plusieurs reprises je me suis laissé emporter avec plaisir dans cet univers hors du commun. Mais ici, je suis très peu enthousiaste, l'écriture est alambiquée, à mon avis inutilement, les pensées alternent avec des faits, des paroles, on ne sait donc jamais ce qui est véritablement dit.

Écrire sur la façon très différente dont chacun s'arrange pour faire face à une disparition est toujours très intéressant, mais ici l'aspect fantastique dessert le roman. Je suis sans doute sévère mais c'est aussi parce que je suis allée jusqu'au bout en espérant que la fin vienne rattraper le côté "brouillon" et cela n'a pas été le cas. Je regrette que le dernier livre de mes vacances ait un goût de déception :-(
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La fracture

Julie Rouane quitte la maison en claironnant qu’elle va chez une copine et on ne la revoit plus. Meurtre, fugue ? la police a fini par arrêter d’enquêter.



Cette disparition a, comme il se doit, fait exploser la famille, le père, Raymond refusant cela, se met à chercher sa fille, parcourant des centaines de km pour suivre toutes les pistes imaginables, ce qui lui coûtera son emploi et le rendra fragile sur le plan mental et il finira par y laisser la vie, le cœur brisé. Son couple pourtant très soudé volera en éclats, sa femme préférant se faire une raison. Quant à la jeune sœur de Julie, Selena, elle aura du mal à trouver sa place.



Évidemment, Julie refait surface, une vingtaine d’années plus tard, reprenant contact avec Selena… et à partir de là, on part dans des invraisemblances, des délires sans fin. On comprend très vite le sens du titre : fracture, faille spatio-temporelle, ou fracture de la famille ?



Le récit s’étire, entrecoupé de coupures de journaux ou d’enquêtes sur les extraterrestres ou autres ou de choses qui n’ont rien à voir avec l’intrigue, telle Stephen Dent, et son poisson orange qui est harcelé et finit par suicider…



Je l’ai terminé par curiosité, pour savoir comment cela pouvait finir et le moins qu’on puisse dire c’est que cela ne finit pas (ou presque), j’étais tellement déstabilisée par le récit que j’ai eu l’impression de tourne en rond, en me demandant si c’était moi qui débloquais ou l’auteure, et pourtant j’ai l’esprit très ouvert, j’étais une assidue de la série « X Files » à l’époque.



J’ai cédé à la tentation car on me promettait, entre autres, un récit perturbant et brillant (Le Figaro) et d’autre part, les critiques que j’avais lues, çà et là, étaient très partagées ; il semblerait que, soit on adore, soit on apprécie peu…



Quant à l’écriture, je ne retiens que la confusion, les répétitions, les détails superflus, la numérotation bizarre des pages mais c’est peut-être dû au livre électronique…



Côté perturbant j’ai été servie, tant cette intrigue est capillotractée, mais réjouissant ou brillant, non, d’où une frustration intense … je lis rarement des dystopies, ou des livres étiquetés « Science-Fiction » ou « fantastique » et cette expérience ne va me pousser à m’y aventurer ; la curiosité joue parfois des tours.



C’est le premier livre de Nina Allan que je lis et je n’ai pas du tout envie de continuer. Comme je le dis toujours, la lecture doit toujours être un plaisir, quand cela devient un pensum, il vaut mieux s’abstenir.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions 10/18 qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure…



#LaFracture #NetGalleyFrance
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Le créateur de poupées

Le roman relate l'histoire d'un collectionneur et créateur de poupées, Andrew, et de Bramber tout simplement amatrice de poupées et admirative d'Ewa Chaplin, créatrice de poupées de collection et écrivain.

Les deux personnages partagent leur passion à travers des échanges épistolaires, ils se sont connus par l'intermédiaire d'une petite annonce passée par la jeune femme dans un journal de collectionneur que lisait Andrew, il vit à Londres tandis qu'elle vit en Cornouailles.

Au fil de leurs échanges, Andrew en tombe amoureux et décide alors d'aller à sa rencontre pour lui faire une surprise.

Il s'agit du récit principal dans lequel ils se révèlent l'un à l'autre, à travers ces lettres, Bramber se dévoile amplement. Elle fait découvrir à Andrew le livre de contes écrit par Ewa Chaplin dont elle admire le travail.

Dans cet ouvrage figurent des histoires enchâssées dans le récit principal.

On découvre ces récits en même temps qu'Andrew lors du long voyage qu'il effectue pour rejoindre Bramber.

Ce sont des contes fantastiques, assez noirs, oppressants, dans lesquels l'auteure nous livre des histoires d'amour tragiques, de nains au destin fatal, amoureux d'une reine, de meurtres, de personnes solitaires ayant un handicap, mis au ban de la société, des personnages hors norme, d'autres superstitieux.

L'art, notamment la musique et le théâtre y tiennent une place importante.

Ces contes à la fois tragiques et fantastiques semblent être une mise en abyme de ce que sont les deux personnages principaux, eux-mêmes, différents, Andrew d'abord, personne de petite taille rejetée d'abord par ses camarades d'école dans son enfance puis adulte solitaire, et de Bramber, personnage agoraphobe, ayant subi des drames et vivant depuis 20 ans, cloîtrée dans un hôpital psychiatrique. D'ailleurs Andrew se demande si Ewa Chaplin n'a pas lu dans ses pensées, il s'identifie fortement aux personnages des contes, il met aussi le comportement de Bramber en symétrie avec les personnages de certaines histoires du livre d'Ewa Chaplin.

Ces récits encadrés interrogent fortement la frontière entre la fiction et la réel, la part de vérité des êtres que révèle la fiction.

C'est un peu comme les poupées réalistes, uniques, auxquelles Andrew donne vie. Elles sont symboliques et représentatives d'êtres réels mais gardent une part de rêve et de mystère.

Un livre sur la différence dans lequel des êtres hors norme hantent le récit de manière obsessionnelle et morbide.

Un livre dont la lecture m'a tout de même donné une forte sensation de bizarrerie tant dans les thèmes et les personnages récurrents que dans la construction du récit, on se perd quelquefois dans les dédales de l'histoire, du point de vue des personnages aussi qui varie inopinément.







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Conquest

[Critique parue sur le forum du prix du Roman FNAC le 26/06/2023]



Dans Conquest, on rencontre d’abord Frank Landau. Il se passionne pour le codage informatique et la musique de Bach et il possède de multiples interprétations des Variations Goldberg.

Rachel, sa petite amie, préfère Bowie... Dès le début, il est question d’Eddie dont on ne sait presque rien, mais on comprend qu’il influence fortement Frank. Ils ont fait connaissance sur un forum, LAvventura, dont les membres se préoccupent essentiellement d’une probable invasion extraterrestre en cours ou sur le point d’advenir. Selon eux, un « truc » est peut-être enfoui dans le sol en Écosse ou ailleurs, et des substances toxiques s’en échappent, contaminant tous les organismes vivants. Rachel s’inquiète beaucoup de la fragilité psychologique de Frank et de sa perméabilité aux diverses théories du complot. Elle doute évidemment du bien-fondé des craintes de Frank. Celui-ci décide un jour de rejoindre ses amis du forum à Paris, et Rachel n’aura plus de nouvelles : Frank disparaît complètement. Elle fait alors appel à Robin, une ex-flique devenue détective privée, pour qu’elle enquête et tente de le retrouver. Robin partage avec Frank une passion pour Bach, mais le lecteur découvrira au fil du récit qu’ils ont d’autres points communs et que plusieurs personnages sont liés par leur passé respectif…

***

Si le début du roman paraît un peu déroutant, c’est parce que les liens entre les personnages et leur histoire ne sont pas clairs, pensais-je au début. Mais non, c’est plus que ça. L’autrice réussit à diffuser une incertitude et à provoquer des interrogations tout au long de ce récit passionnant. Le lecteur est confronté à un texte, La Tour, de John C. Sylvester, présenté comme un court roman de science-fiction de 1958, dans lequel un architecte construit un formidable édifice avec un matériau possédant d’incroyables propriétés thermiques : la masonite, originaire d’une planète vaincue par les Terriens. Ce texte s'avère capital, car Frank est ses amis sont persuadés qu'il raconte ce qui est en train d’arriver ou qu’il annonce l’avenir. Plus loin, on trouvera un essai sur le cinéma écrit par Edmund De Groote (Eddie) et un compte rendu de concert écrit par Jeanne-Marie Vanderlien, son amie, (JeanneDark sur le forum !). Tous deux parlent de cinéma ou de musique, et imbrique dans la narration des souvenirs personnels qui permettent de mieux les connaître. Mais le complotisme n’est jamais loin, JeanneDark appelant même Stephen Hawking à la rescousse... Dans les chapitres dévolus à l’enquête de Robin comme dans les autres, les références culturelles abondent (musique, SF, peinture, cinéma), et je me suis parfois surprise à rechercher si elles étaient réelles ou fictives. Nina Allan sème nombre de références allusives, et je suis certaine de ne pas les avoir toutes vues. Il est bien difficile de dire quel est le personnage principal de ce roman. Paradoxalement, l’absence de Frank le rend présent à l’esprit de Rachel et de Robin et, partant, à celui du lecteur. Les imbrications entre les histoires de chacun, leurs liens avec les théories du complot, les doutes omniprésents ont rendu pour moi ce roman addictif. De plus, il recèle de vrais moments de poésie et l’écriture de Nina Allan m’a enchantée. Bref, je me suis sentie manipulée et transportée, et j’ai beaucoup aimé… jusqu’à la toute fin.

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La fracture

C'est une journée banale, ordinaire. Un samedi de juillet, pour tout dire.

Mais ce samedi va virer au cauchemar pour Selena, quatorze ans, lorsque sa soeur aînée, Julie alors âgée de dix-sept ans, reste introuvable.

Vingt ans plus tard, Selena, devenue employée dans une boutique de bijoux, reçoit un appel qui va tout remettre en question. À l'autre bout du fil, sa soeur disparue revenue d'entre les morts : Julie.

Bouleversée, Selena accepte finalement de rencontrer Julie pour lui poser cette question qui la hante depuis des années : Que s'est-il vraiment passé ?

Il est délicat, à ce stade, d'aller plus loin. Nina Allan, autrice britannique déjà remarquée en France pour son recueil de nouvelles Complications couronnée par le Grand Prix de L'imaginaire en 2014, s'engouffre dans une faille inattendue quelque part entre la littérature blanche, le roman policier et le récit de science-fiction.

La Fracture, unanimement salué par la critique, n'est pas un roman facile, bien au contraire. On pourrait même dire, si on l'ose encore, qu'il se mérite.

Employons-nous maintenant à expliquer pourquoi vous devez aller au bout des 430 pages de ce roman inclassable…



Remonter la piste

Pour comprendre la profondeur et la roublardise de la Fracture, essayons-nous au jeu des comparaisons en disant que le labyrinthe narratif construit par Nina Allan ressemble à un hybride sournois de la Chose en soi d'Adam Roberts et Une Douce Lueur de Malveillance de Dan Chaon.

Pourtant, comment mieux décrire ce récit qu'en employant le terme d'OLNI pour Objet Littéraire Non Identifié. Pendant un temps, La Fracture ressemble à un roman policier lambda. Une disparition, une famille brisée, une enquête.

On retrouve instantanément le goût de l'incertitude qu'affectionne particulièrement l'autrice, cette façon d'aborder des choses ordinaires et à priori parfaitement connues pour en faire quelque chose d'inquiétant, d'étrange, de nouveau. de l'histoire de Julie et Selena, et plus largement de la famille Rouane, Nina Allan va tirer à la fois un drame intime bouleversant et un récit de doubles et d'échos que n'aurait pas renié un certain Christopher Priest ! Curieusement, l'histoire ne débute pas par la disparition elle-même, ni même par les retrouvailles entre Julie et Séléna, mais par une banale histoire d'amitié entre Séléna et Stephen Dent, un amoureux des livres et des carpes japonaises au destin tragique. Pourquoi cette digression ? Pourquoi cette entrée en matière ? Certainement parce que Nina Allan aime les chemins de traverses et a construit son récit comme une pyramide finement ciselée dont les fondations cachent d'étonnants secrets.

Viennent ensuite les choses sérieuses, celles pour lesquelles Nina Allan nous a attiré ici. Une disparition, une réapparition, une enquête. Une énigme.

Mais au contraire de ces innombrables récits policiers censés résoudre le mystère du meurtre, La Fracture, elle, va nous emmener en terrain inconnu, là où l'on ne s'attend absolument pas à aller…



Choisir son réel

La Fracture, avec sa révélation centrale, prend un tournant inattendu, un tournant science-fictif. Abrupt, celui-ci a de quoi désarçonner le lecteur jusqu'ici embarquer dans une version réaliste de l'histoire de Julie. Mais petit à petit, les jointures de l'histoire montrent des failles. Cette histoire, Nina Allan ne la veut pas définitive, elle veut vous la laisser, elle veut l'offrir au lecteur, comme un cadeau empoisonné et le mettre dans la même position que Séléna qui apprend l'incroyable. Julie dit-elle la vérité ? Existe-t-il seulement une seule vérité ?

En pensant son récit comme les conséquences d'un évènement traumatiques, la disparition de Julie, et en y ajoutant une révélation fracassante et brutale, l'autrice britannique fracture bel et bien sa narration.

Elle utilise tous les mediums, de l'article de journal à la lettre en passant par la liste d'objets trouvés, pour creuser son intrigue et fournir du matériel à l'enquêteur-lecteur qui doit, comme Julie, assembler la version en laquelle il choisit de croire. La Fracture est un roman de l'incertain, un roman du doute. Il porte en lui quelque chose de sinistre et de terrifiant : l'impossibilité de saisir le réel, si le réel est une chose certaine, s'il l'a jamais été.

Nina Allan époustoufle dans la façon qu'elle a de penser son récit, d'agencer ses éléments et de semer des miettes qui seront ou non repérées par le lecteur.

Pour les plus attentifs et les plus méticuleux, La Fracture est un chef d'oeuvre aux interprétations multiples où l'on relève toutes les mentions, aussi anodines semblent-elles être, à des films, à des affaires, à des mythes.

Car le roman de Nina Allan est traversé par tout ça de bout en bout, par la possibilité d'un ailleurs et d'un autrement. D'où viennent les légendes urbaines, des poissons-chats capables de vous briser un os aux serial-killers qui rodent près de chez vous dans une camionnette blanche trop banale pour être honnête ? N'existe-t-il pas, en réalité, quelque chose de fondamentalement vrai là-dessous ? Une vérité que même la science, parfois, ne peut pas expliquer. le fameux cas sur des milliards. Les 2% d'erreur dans l'identification d'ossements retrouvés par hasard ? le trou noir qui pourrait vous happer ? le satellite d'origine inconnue que personne n'a jamais formellement identifié ?

La Fracture, c'est le roman du « Et si ? »



Au-delà de la perte

Il serait cependant faux de croire que Nina Allan n'est là que pour échafauder hypothèses fumeuses sur hypothèses fumeuses. Elle habite aussi ses personnages avec une élégance et une grâce qui force le respect. Les deux soeurs, Julie et Séléna, constitue un exemple brillant de cette finesse descriptive, ou comment le passage du temps finit par rendre les gens distants, presque étranger. Malgré tout, il reste toujours quelque chose d'intime, d'indescriptible, un lien qui dit ce que le reste, le rationnel n'est pas capable de dire. C'est le drame aussi qui est au coeur de ce roman-monstre, le drame de la perte et comment ceux qui survivent choisissent de faire face.

Pour le père de Julie, c'est en refusant d'abandonner et en plongeant dans l'UFOlogie et autres théories farfelues jusqu'à ce que mort s'ensuive. Pour la mère, ce sera le renoncement, se faire à l'idée de la fin et s'y tenir, jusqu'au bout pour poursuivre. Et pour Séléna… l'histoire est plus compliquée, forcément, elle devra composer non seulement avec l'avant, mais aussi avec l'après, et ce que Julie lui soumet comme question : « Es-tu capable de me croire envers et contre tout ? ». La Fracture, c'est un roman de femmes, fortes et indépendantes de préférence, qui se font leur place après la tempête et qui combattent. de femmes qui n'ont pas besoin d'hommes bruyants pour exister. C'est l'histoire finalement du miracle d'être.

Dans ce cocon intimiste, joué sur plusieurs plans et sur plusieurs dimensions, Nina Allan dissémine ses références et joue avec le lecteur. Les deux soeurs aiment X-Files et s'amusent à dénicher les aliens cachés autour d'elles, Anastasia et Pique-nique à Hanging Rock oscille entre réalité et fiction et l'on cite même l'épilogue du film d'horreur The Descent comme une épiphanie pour l'enquêteur-lecteur qui y voit la fracture du réel face à l'intolérable désespoir de la situation.

Au fond, La Fracture parle de l'effet d'un évènement traumatique sur notre perception du réel et comment, d'une façon insidieuse et quasi-inexplicable, la réalité peut se casser en deux pour emprunter deux chemins parallèles capable de cohabiter ensemble.



Le monstre dans le placard

Il reste une dernière chose à préciser sur cet extraordinaire roman écrit par Nina Allan, c'est non seulement qu'il est tout sauf reposant, mais qu'il est aussi, au fond, tout à fait terrifiant. Mais pas de cette horreur frontale et gore dans laquelle des jeunes femmes trucident des hominidés albinos au fin fond d'une grotte encore non cartographiée. Non.

C'est avec le sentiment discret et insistant, comme à l'orée de votre champ de vision, comme une bougie qui s'éteint lentement pour laisser place aux ténèbres, que des choses inconcevables qui bouleversent notre sens du réel sont capables de survenir à tout moment. Que votre vie peut basculer dans l'inexplicable et que vous puissiez rester seul sur votre propre planète.

Le jeu de miroir opéré avec L'Invasion des Profanateurs de Sépultures n'a, à ce titre, rien d'innocent. Il synthétise toute l'angoisse existentielle de ne pas voir que quelque chose a changé en face de nous, de ne pouvoir comprendre l'étrange qu'en fixant notre attention sur des détails à priori insignifiants.

Dès lors, Amsterdam pourrait même vous sembler venir d'ailleurs. Sans parler de votre propre soeur…ou de vous-même.

La Fracture ne se limite donc pas au récit policier et au drame intimiste, il distille une terreur cosmique, presque métaphysique, la sensation que demain, un trou noir peut s'ouvrir au-dessus de votre tête et qu'en regardant de trop près l'être aimé, il pourrait ne plus être le même.

D'ailleurs, est-on la même personne en tournant l'ultime page de ce roman que celle qui l'a entamé d'un air innocent et détendu quelques heures auparavant ?



Peu de choses sont certaines dans l'univers connu, mais s'il faut s'accorder sur le talent de Nina Allan en tant qu'autrice, alors La Fracture vous offre tout ce que vous devez savoir à ce sujet.

Un chef d'oeuvre de fiction dérangeante et obsédante qui veut faire douter et qui finalement laissera l'univers à sa place, dans le champ des possibles. Tous les possibles. Voire au-delà.
Lien : https://justaword.fr/la-frac..
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La fracture

'Happant', les Inrocks

'Haletant', Lire

'Perturbant et brillant', le F!g

'Ensorcelant et vertigineux', Voici

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On dirait que ce roman ratisse large, séduit un public varié.

Hop, j'achète.

J'ai adoré le début, malgré un sujet rebattu : Julie, la soeur de Selena, disparue à 17 ans, se manifeste une vingtaine d'années plus tard. Mais elle ne reprend contact qu'avec elle, refuse que leur mère soit informée de son retour.

Questions habituelles : est-ce bien elle ou une usurpatrice ? que lui est-il arrivé ?

.

En voyant que la copine Diablo était mitigée, j'ai eu peur : deux étoiles et cette phrase "Je ne m'attendais absolument pas à ce genre de roman lorsque je l'ai pris à ma médiathèque."

Je viens de comprendre, après un virage en épingle à cheveux (on n'aime pas ça du tout, toutes les deux, hein !? 😉).

Alors les surprises, d'accord, c'est en partie ce que j'attends d'un bon thriller/polar, mais là, la teneur fantastique, SF aurait dû être signalée. Un petit bandeau mauve ou un rangement sur le bon rayonnage et les allergiques au genre passent leur route.

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Tromperie sur la marchandise ! Remboursez !

J'abandonne doublement

1/ ma lecture, p. 160/438 parce que je suis perdue, je n'adhère pas, même en prenant cet environnement comme une métaphore (de séquestration, de troubles mentaux ou tout simplement de crise identitaire à l'adolescence)

2/ l'objet, dans une boîte à livres, avec cette mention : 'Attention, + SFFF que polar-thriller'.
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Conquest

Tout ça pour ça !

Pourtant ça commençait bien : Frank, un garçon un peu différent des autres, aimant Bach, avec sa petite amie Rachel, pense qu'on est en guerre car des "extraterrestres" seraient déjà là. Puis d'un coup, il disparait et une détective nommée Robin prend l'enquête en main (je résume très vite, oui).

Ensuite cela part dans tous les sens d'histoires en histoires, de digressions en digressions interminables.

C'est voulu ? Bon...

Puis quand Robin retrouve enfin Frank cela redevient attrayant.

Mais que de temps perdus à pas grand chose.

Bref, j'ai failli laissé ce livre en plein milieu.

Deux points sont positifs néanmoins :

- l'intrigue en elle-même et l'obstination de Robin.

- le style littéraire de Nina Allan qui nous offre de temps en temps de grands morceaux d'écriture.

Mais je trouve ce livre sans intérêt malgré quelques idées séduisantes.

Dommage, pour moi c'est raté, je n'ai pas aimé.


Lien : https://laniakea-sf.fr/
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La fracture

Je remercie les éditions 10/18 et NetGalley pour l’envoi de ce livre, à l’occasion de la sortie en version poche de ce roman.



Comment le décrire ? Étonnant mariage de littérature introspective, de policier, de science-fiction, voire d’un brin d’ambiance fantastique, ce récit éclaté dans le temps et dans l’espace est avant tout une expérience de lecture.



1994, à Manchester, la jeune Julie disparaît et la police ne la retrouve pas. La vie de ses parents et de sa sœur Selena sera profondément marquée par ce vide. Pourtant, 20 ans après, Julie contacte Selena et demande à la rencontrer. Ce que raconte Julie de son vécu est énigmatique et intrigant. Où est la vérité ?



La narration s’aventure dans le passé et le présent, prend le temps de découvrir le quotidien de personnages dont le destin est bouleversé et s’attarde sur les souvenirs de Julie. Les pièces éparses du puzzle se dévoilent, tantôt elles éclairent le mystère et tantôt elles le renforcent. Tout comme sa sœur Selena, nous doutons tout en souhaitant y croire.



Histoire à la fois ancrée dans la réalité, et troublante par les multiples possibilités de réponses, sa lecture encourage à se laisser emporter par un univers qui, parfois, effleure la folie.


Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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La fracture

J'ai choisi par hasard, comme souvent. Parfois on a des surprises, les choix nous portent vers des lectures qui se relient les unes aux autres. C'est étrange. Le bandeau du livre était très prometteur. Effectivement, le début du roman m’a plu. Les personnages me plaisaient, même si les événements étaient difficiles à relier les uns aux autres. Cependant, il semblait y avoir un certain suspense, et une bonne narration.



Le roman raconte ici une relation de sororité, dans la région de Manchester. A 17ans, Julie disparaît, en plongeant sa famille dans la déroute, et puis réapparaît 20 ans plus tard.



Mais mon bien-être lecture a disparu lui aussi aux alentours de la page 160. Je crois que si le roman avait été construit différemment, j’aurais pu peut-être mieux m’y intéresser à ce roman.

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La fracture

Pour être sincère, je n'ai pas compris grand chose à ce livre mais finalement je l'ai beaucoup aimé.

Cela débute comme un thriller (la 4ème de couverture explique bien le début de l'intrigue) et, subitement, ça bascule dans un roman fantastique, science-fictionnel, ésotérique, avec des animaux imaginaires, des métaux inconnus, des planètes jumelles, une fracture du monde réel accédant à l'extraordinaire.

S'il y a fracture, c'est bien dans la lecture que cela se passe et je ne m'attendais pas du tout à cette distorsion de genre. J'ai même failli décrocher, un peu déçue et déstabilisée puis, je me suis laissée embarquer, curieuse de voir où m'amènait l'auteure. Intriguée, je me suis documentée sur Nina Allan et j'ai découvert qu'elle écrit essentiellement sur les traumatismes de perte, de mort, de séparation et que cette phobique de la finitude des choses est passionnée par les voyages dans le temps, les monstres et animaux fantastiques, les trous noirs et les distorsions temporelles. Tout cela donne un univers littéraire intéressant et très personnel, qui semble aller dans tous les sens mais qui est, au contraire, très construit.

Ce livre va décevoir forcément le lecteur qui attend un thriller classique, de même qu'il décevra celui qui espère un roman de science-fiction pure car il est à la frontière de ces deux genres et inclassable. C'est aussi un roman perturbant qui peut mettre mal à l'aise, et qui nous laisse seuls face à une fin qui ne résoud rien, c'est au lecteur de l'interpréter et de trouver des explications. Intéressant.







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La fracture

Je termine ce livre avec un sentiment étrange, je ne saurai dire si je l'ai vraiment aimé où si ma persévérance a lui trouver un quelconque intérêt à fini par me donner l'impression que j'avais vécu une expérience littéraire singulière.

Difficile de rester concentrée dans ces incessants aller retour dans un monde parallèle, tous les codes semblent cassés, des extraits de journaux, un livre venu lui aussi de cette planète qui gravite autour de cette soeur retrouvée.

Ce n'est que sur la fin que mon intérêt a été piqué au vif et finalement je me demande encore ce que j'ai lu !

Une invitation a voir le monde imaginaire comme une réalité propre à une personne ? Une façon d'effacer l'indicible douleur d'un drame personnel que nul ne peut comprendre en se transposant dans une autre sphère ? A moins que ce ne soit qu'un livre qui invite a lâcher prise et qui au final est un sacré bouquin culotté.

Je partage au moins une chose avec cette fracture : l'incertitude !

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Le créateur de poupées

Je découvre Nina Allan avec The Dollmaker (Le Créateur de poupées en VF) et, au-delà de l'évidente qualité de la plume de son auteure et de l'inventivité des univers qu'elle y déploie, je suis époustouflée par la finesse et l'originalité de la structure de ce récit, par son audace également. Se plonger dans ce roman est une expérience étonnante, qui nécessite d'avoir constamment à l'esprit plusieurs niveaux de lecture.





Les éditions Tristram ont choisi pour titre le Créateur de poupées. Cette traduction, qui perd la neutralité de l'anglais – le terme dollmaker pouvant faire référence aussi bien à un homme qu'à une femme –, trop réductrice, laisse malheureusement de côté la créatrice de poupées et auteure d'origine polonaise autour de laquelle est construite l'histoire : Ewa Chaplin, et fait perdre au titre la richesse de son sens.





Le roman alterne entre des passages narratifs à la première personne écrits du point de vue d'Andrew Garvie, un créateur de poupées reconnu, les lettres lui ayant été envoyées par Bramber Winters, avec laquelle il a démarré une correspondance suite à une annonce postée par la jeune femme dans une revue spécialisée et visant à rassembler des informations sur Ewa Chaplin, et les contes cruels et uchroniques de cette dernière lus par Andrew au cours de son périple.





L'histoire commence par la décision d'Andrew d'aller rendre visite à Bramber à Westedge House, l'établissement où elle vit depuis de longues années, autant maison de repos qu'hôpital psychiatrique. le trajet depuis Londres est lent, touristique, fait de sauts de puce de petite ville en petite ville. Andrew qui, sur la base de ses seules lettres, est tombé amoureux de Bramber, est partagé entre son désir non seulement de la voir, mais aussi de la délivrer de ce lieu, et sa crainte d'être rejeté en raison de sa petite taille – le terme péjoratif dwarf (« nain ») revient à de multiples reprises dans le texte. le voyage d'Andrew est parsemé de récits d'épisodes de son passé, tout comme les lettres de Bramber évoquent à la fois son quotidien et les raisons qui l'ont conduite à Westedge House, ainsi que des épisodes de la vie d'Ewa Chaplin, dont elle voudrait rédiger une biographie, faisant écho à sa propre histoire.





Le choix de l'auteure de ne pas montrer les deux côtés de cette correspondance, de ne pas présenter au lecteur un dialogue, matérialise dans le texte le fossé qui sépare les personnages, ce que renforce encore le fait que les lettres de Bramber soient antérieures au récit du voyage d'Andrew. Chacun des personnages ne connaît de l'autre que l'image qu'il s'en est faite, et l'un des objets du texte va être pour eux de parvenir à combler ce fossé et à se découvrir mutuellement : leur rencontre physique, qui demeure jusqu'à la fin du roman incertaine, est l'objectif du voyage, ce vers quoi tend l'histoire.





Les contes cruels d'Ewa Chaplin, teintés d'étrangeté, distillant à petites touches ou plus franchement des univers relevant de la fantasy ou de la dystopie, s'ils pourraient être lus pour eux-mêmes en dehors du roman, servent ici le récit-cadre en le mettant en abyme. Comme si cela ne suffisait pas, les nouvelles de Chaplin comprennent elles-mêmes des récits enchâssés. L'auteure, en multipliant ainsi les mises en abyme, les effets d'échos, met en place des réseaux de sens qui interconnectent les différents niveaux de la narration.





Impossible de ne pas remarquer, à la lecture, ces détails issus du récit d'Andrew ou des lettres de Bramber : un geste, un objet, une situation, qui réapparaissent presque à l'identique quelques pages plus loin dans l'un des contes, clins d'oeil appuyés au lecteur brisant de façon audacieuse l'illusion référentielle et mettant en évidence l'artificialité du roman. Nina Allan agit ici à la manière d'un marionnettiste qui, non content de laisser visibles les fils de ses pantins, ferait tout pour les mettre en valeur. Aux parallèles entre récit-cadre et récits enchâssés facilement décelés par le lecteur, s'ajoutent ceux que ne peuvent voir que les personnages et qu'ils expliquent, intrigués par la façon dont les contes résonnent étrangement avec leur propre expérience. Andrew, perturbé par la manière dont les nouvelles de Chaplin évoquent de façon détournée des épisodes parfois douloureux de son existence, finit par s'interroger sur la possibilité qu'il soit en réalité lui-même un personnage.





Les contes produisent des effets d'attente vis-à-vis du récit-cadre dont ils constituent une série de reflets déformés. L'on en vient à tenter de déduire la suite des histoires d'Andrew et de Bramber à partir des nouvelles d'Ewa Chaplin. L'auteure utilise avec beaucoup de talent cette structure complexe. Les parallélismes entre les nouvelles et les vies des protagonistes, qui justifient dans le récit-cadre la narration de moments-clefs de leur passé, lui servent à faire découvrir un aspect et un épisode après l'autre ses personnages, qui gagnent ainsi graduellement en épaisseur. Elles permettent également à l'auteure de constamment susciter et déjouer les attentes de son lecteur, dans un roman dans lequel l'un des enjeux, pour Andrew et Bramber, va être précisément d'échapper à la destinée vers laquelle leur apparence ou leur passé semble inexorablement les pousser, afin de tracer leur propre voie.





Les symboles, les échos sont légion dans ces pages. J'imagine qu'une seconde lecture permettrait d'en déceler plus encore car il faut un temps d'adaptation pour saisir la manière dont le livre fonctionne. le plus évident est peut-être que les poupées d'Andrew, ses troll dolls, qu'il conçoit à partir de poupées anciennes en piteux état et qu'il élabore de façon, non pas tant à camoufler leurs défauts qu'à les mettre en valeur, fonctionnent comme des métaphores des protagonistes, que le récit met face à leur passé, à leurs cicatrices et qu'ils vont devoir accepter afin de se reconstruire et d'avancer.



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La fracture

Avec ce titre j'ai vraiment été surprise ! D'habitude je déteste les quatrième de couverture qui en disent trop....Et celle-ci ne m'avait pas du tout laissé envisager l'histoire...

Selena est une jeune femme qui n'a jamais pu réellement vivre sa vie, entravée dans son passé, notamment pr la disparition de sa soeur quand elle était adolescente. Comment s'accomplir quand on doit porter la culpabilité du survivant ? Et puis un jour, vingt ans plus tard, Selena voit revenir dans sa vie Julie, sa soeur.

Julie au départ ne veut rien dire sur sa disparition...Le pire est à imaginer...Mais son explication va être plus que surprenante....Cette disparition relève du domaine de la science fiction...Une nouvelle porte s'ouvre alors pour le lecteur, reste désormais à lui de savoir s'il veut la franchir ou non....

J'ai bien aimé ce livre, mais je pense que je l'aurais aimé d'avantage si je n'avais pas eu cette surprise. Il m'a fallu un moment pour me faire à l'idée et me laisser embarquer. En tout cas j'ai beaucoup apprécié le personnage de Selena.

Merci à Netgalley et 10-18 pour cette lecture.
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Stardust

Nina Allan invite le lecteur dans sa machine à explorer la fiction.



«Pour moi, Stardust est plus un roman fracturé qu’un recueil – songez à une coupe en terre cuite qui s’est fracassée sur le sol et qu’on reconstitue, tesson par tesson. Il faut examiner tous les morceaux pour voir lequel va avec l’autre, et il y a toujours un minuscule fragment qui manque, un espace qui ne peut être comblé que par l’imagination.» (La genèse de Stardust par Nina Allan, en postface)



Les six nouvelles et le poème qui composent «Stardust, Légendes de Ruby Castle» (2013), traduit de l’anglais par Bernard Sigaud pour Tristram (2015) peuvent effectivement se lire de façon indépendante et liée, comme dans «Complications», et Nina Allan, impressionnante, couvre ici des registres et territoires beaucoup plus vastes que dans son précédent recueil.



Trait d’union annoncé, Ruby Castle, actrice de cinéma mystérieuse ayant joué dans des films d’épouvante, est un fil ténu, apparaissant dans les éclats de ce roman fracturé : actrice de films d’épouvante qui fascine Michael, un adolescent passionné d’échecs le jour de sa première défaite majeure dans un tournoi (Face B), artiste dans une caravane de forains, le jour où ils ramassent une femme sortie de nulle part, sauvage et menaçante, au bord de l’autoroute (Le Ver du Lammas), sujet du poème «Reine rouge» qui conclut ce recueil… mais ces apparitions de biais éclairent d’une seconde lumière les possibilités et la puissance de la fiction de Nina Allan, en nous invitant à changer de perspective.



Les nouvelles les plus longues, «La porte de l’avenir», «Poussière d’étoiles» et «Le naufrage du Julia» sont d’authentiques chefs d’œuvre. «La porte de l’avenir » est le récit complexe et poignant des retrouvailles d’Andrew avec son vieil ami allemand Thomas Emmerich, perdu de vue depuis la guerre après le drame de la disparition de Claudia qu’il accompagnait dans une fête foraine. Cette histoire s’entremêle avec celle des frères Gelb, inventeurs de labyrinthes fascinants au XIXème siècle. «Poussière d’étoiles» revient sur deux événements concomitants en Juillet 2029, le décollage de la première fusée russe propulsée par un moteur à fusion thermonucléaire et un drame familial qui fait écho au film avec Ruby Castle diffusé ce jour-là. À la croisée de l’histoire d’amour, du drame psychologique et du film d’horreur, «Le naufrage de Julia» est un sommet de l’art de Nina Allan pour entremêler et transcender les genres.



Les signes pullulent, avec d'innombrables résonances entre les nouvelles, autour du cirque et de la fête foraine, des ombres toujours menaçantes du nazisme et de la guerre froide, des disparitions et retrouvailles fugaces, et du passage paradoxal du temps. Nina Allan réussit ainsi à créer un labyrinthe, dans ces récits d’une beauté subtile et inquiétante où le monde semble se déchirer par endroits pour laisser la place à une obscurité impénétrable.

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Le créateur de poupées

Je suis déçue, mais déçue, d'une force !!! Ce livre que j'attendais depuis six mois, tant j'avais aimé le livre précédent de Nina Allan m'a déçue, m'a mise très mal à l'aise, ne m'a pas du tout "accrochée", et j'ai pourtant forcé, jusqu'à la page 91. Et j'ai abandonné. Et voici pourquoi :

On fait la connaissance d'Andrew, petit garçon de sept ans, le héros du livre, qui vit près de Londres. Enfant unique, il est aimé par ses parents, et il leur demande pour la première fois d'avoir pour son anniversaire cette poupée de collection, magnifiquement faite, numérotée, aux finitions très soignées qui trône depuis quelques semaines dans la papeterie-magasin de jouets que sa mère et lui ont l'habitude de fréquenter. Après de nombreux débats, ils finissent par la lui offrir. Il n'y joue pas, il l'admire. Petit garçon solitaire dès le primaire, à cause de sa petite taille qui ne dépassera pas les 1,48 cm, il trouve de l'intérêt à des journaux de collectionneurs, des ouvrages sur des créateurs de poupées, il s'abonne à des revues de collectionneurs, surtout celles de plangonophilie. (Voyez, j'ai au moins appris un mot). Il n'a pas d'amis, mais rencontre dans une bibliothèque un homme qui s'intéresse à celà.

Cet homme l'invite chez lui pour lui montrer sa collection (!!!!!) Andrew a 15 ans à l'époque, et entre deux antiquités, ce Will le viole régulièrement. La réaction d'Andrew ? Juste : heureusement que c'est vite fini...

Déjà là je suis au bord du malaise, parce que le "héros" rajoute qu'il trouve un slip propre dans la salle de bains à chaque fois, mais que ses slips sales disparaissent. Au secours.

Adulte, il voit dans un de ses magazines spécialisés l'annonce d'une femme qui est collectionneuse et cherche un correspondant. Ils s'écrivent, mais dans le livre on ne voit que les lettres de cette Bramber, qui dit être fan des oeuvres de littérature et de créations de poupées d'une polonaise, Ewa Chaplin, et pas celles d'Andrew. Au bout d'un certain temps, sans l'en avertir le petit homme décide d'aller la rencontrer, et comme c'est un trajet très long du nord au Sud de l'Angleterre, il réserve ses trajets et ses nuitées d'hôtel en route. Et il prend avec lui un livre de nouvelles de cette Ewa Chaplin. Pendant le trajet, j'ai la sensation qu'on est déjà dans une autre époque, alors que rien ne le suggère... une lenteur dans le style, ou le récit.... et une à une il lit les nouvelles d'Ewa Chaplin, se passant au moins au siècle précédent, avec des références à Ibsen,Shakespeare, Chaucer, etc, pour le théâtre, références que je n'ai pas, nouvelles truffées de nains lubriques et priapiques mais NON ! Je n'en peux plus. Pas de poupées, juste des trucs qui sentent la poussière, le gothique, et inintéressants pour moi. Alors j'ai arrêté. Je vous mets ci-dessous le résumé éditeur.

J'ai absolument dé-tes-té.

Cause : malaise généralisé


Lien : https://melieetleslivres.fr/..
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La fracture

Quelle gageure de réaliser un service de presse sans vilipender un livre fort décevant ! En effet, tout ouvrage nécessite un travail en amont. Je prie néanmoins le site Netgalley et les éditions 10/18 Étranger d'excuser mon honnête sévérité. Pour cette raison, j'espère, justifier avec pertinence, ma critique acerbe, causée par la frustration d'une perte de temps avec ces quelque 400 pages. Un ressenti fréquent à cette occasion. Mais, ici, avec honte, j'ai réalisé une première : Renoncer avant les dernière pages.



De prime abord, le résumé et la couverture énigmatique m'ont attirée. Ainsi, le mystère du retour d'une adolescente disparue vingt ans auparavant, suggérait des analyses psychologiques diverses au gré des protagonistes. En effet, après le désarroi de l'entourage pouvait découler l'observation de sentiments partagés entre scepticisme, émotion, crédulité… ou autre.



Mais, dans un second temps, la déception m'a gagnée.



J'ai apprécié

Le premier quart du roman, intéressant, décrit le schéma de la disparition brutale d'une adolescente, Julie. Cette bouleversante réalité va déstructurer l'équilibre familial. Ainsi, dans l'ambiance délétère, les parents divorcent, et Selena la cadette demeure avec sa mère Margery tout en gardant un lien avec son père Raymond. Et pendant qu'elle se repasse en boucle les derniers instants de sa soeur dans le foyer, chacun réagit à sa façon au milieu d'une enquête relayée par une inéluctable médiatisation active. Or, ce battage va se révéler stérile pour retrouver l'adolescente, mais pas sans résultat non plus au vu de la quantité de courriers reçus.



Puis, à l'analyse de Selena sur sa relation avec sa soeur, sur leur complicité rompue à l'adolescence, vont suivre toutes ses suppositions, élaborées avec le temps. Mais, après un travail de deuil sur cette brèche familiale, jamais oubliée, la jeune fille devenue adulte voit réapparaître dans sa vie, celle qui prétend être Julie. Alors, tous les souvenirs enfouis de Selena remontent à la surface pour départager les doutes et la véracité des dires de cette « inconnue familière » pour comprendre l'inexplicable. Que s'est-il passé pour que Julie accepte de se livrer, mais seulement avec parcimonie ? Cette disparition recèle bien des mystères…



Je n'ai pas aimé

À partir de là, la narration brutale de Julie part dans une confusion délirante, selon moi. J'ai perdu le fil du récit à cette étape. Après l'évocation du système galactique, d'un trou noir, on pénètre dans le flou d'une forêt. Puis, des personnages surgissent inopinément. Alors leurs comportements et leurs dialogues obscurcissent la compréhension dans cette ambiance nébuleuse. le fantastique, science-fiction ou autre genre interviennent dans un roman que j'avais a priori classifié dans les policiers ou thrillers psychologiques. L'histoire commençait bien, mais là, je me suis égarée, comme Julie avec ses aventures. Donc, ma réticence quant au fond du récit provient de mon erreur sur ce choix de lecture, dommage pour moi, si peu adepte pour le fantastique.



J'ai encore moins aimé

Un autre problème réside dans le style d'écriture très loin de me séduire. D'une part, à cause de la pauvreté du vocabulaire, le texte abuse de formules communes avec une utilisation poussée de verbes ternes (c'était, il y avait…). Ces usages affadissent l'ensemble malgré une plus grande facilité de lecture, mais d'autre part, les répétitions excessives de mots usuels, lassent le lecteur. Pourtant, je ne sais pas à qui attribuer la responsabilité de cette déception : à l'auteur ou au traducteur à qui un dictionnaire des synonymes aurait été utile.



On peut admettre tous ces désordres syntaxiques chez un auteur-autoédité, mais je les déplore chez les autres. Malheureusement cette tendance, dans l'air du temps est regrettable.
Lien : https://lesparolesenvolent.c..
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La fracture

Ouvrage reçu dans le cadre d'une opération Masse critique, merci Babelio et 10/18!



Je ne sais toujours pas comment définir un thriller réussi, mais celui-ci donne les clés du thriller ennuyeux. Un point de départ pourtant prometteur: une ado qui disparaît, son corps jamais retrouvé, voilà qui laisse la place à bien des possibilités. Et très vite, tout se gâte: vingt ans après, réapparition de Julie, auprès de sa sœur, Selena (comme la Lune, ah, un indice). Julie travaille (comment, aucun recoupement avec une disparition ? non, non) Julie habite à deux pas. Selena ne prévient pas leur mère, Selena ne prévient personne, et Julie raconte une histoire invraisemblable, dans un récit qui entremêle maladroitement extraits supposés de romans SF et pseudo coupures de journaux. Impossible d'entrer dans ce tissu d'invraisemblances, couronné par un épilogue consternant.

Dommage.
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