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Critiques de Nina Allan (164)
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La fracture



Mini chronique pour un excellent livre,  en fait peu connu. Je ne vais pas vous en dire beaucoup sur l'intrigue de peur de vous "spoiler", mais c'est excellemment bien écrit (traduit de l'Anglais par Bernard Sigaud) et vraiment plein de mystères et de retournements .



4e de couv :



"Le 16 juillet 1994 dans la région de Manchester, Julie Rouane, dix-sept ans, prétexte un rendez-vous avec une copine pour s’absenter du domicile familial… et disparaît pendant plus de vingt ans. Longtemps après l’abandon de l’enquête par la police, faute d’indices concrets — Raymond Rouane, persuadé que sa fille est toujours vivante, continue à explorer seul toutes les pistes possibles. En vain. La mère de Julie et sa sœur cadette, Selena, tentent elles aussi de faire front, chacune à leur manière. Puis un soir, Julie refait surface à l’improviste. Alors qu’on avait soupçonné que l’adolescente ait pu être enlevée et assassinée — un homme de la région ayant avoué plusieurs meurtres de femmes —, l’histoire que Julie raconte à Selena est tout à fait différente. Mais est-il possible de la croire ?"



L'histoire est racontée par Selena, la jeune sœur de Julie. Lorsque Julie lui téléphone, cela fait vingt ans qu'elle a "disparu". Tout le monde la croit morte, sauf leur père, qui finira par, de l'avis des proches, tomber dans la folie puis mourra d'une crise cardiaque, deux ans avant le "coup de fil". Lorsque Selena pose une ou deux questions pour démasquer celle qui l'appelle, elle tombe des nues : seule sa soeur pouvait répondre à ces questions, venant de leurs secrets d'enfance. Elles se voient dans un café, se reconnaissent, mais restent méfiantes l'une comme l'autre : si Julie est là est vivante, que s'est-il donc passé ? Mais Julie ne veut pas répondre, pas encore :"De toutes façons tu ne me croiras pas", dit-elle à Selena. "Et ne dit rien à Maman. Pas maintenant."

Selena, très perturbée, rentre chez elle où elle a conservé tous les cartons de son père, ses dossiers de recherches, des coupures de journal, et les carnets intimes de Julie qu'elle a récupérés, sans les lire, après la mort de son père.



Elle se rend compte que son père a fouillé dans toutes les directions : pédophiles, tueurs en série, hôpitaux psychiatriques, accidents, corps non identifiés, médiums, il a donné des interviews, a lu les histoires de filles restées captives des années, les syndrômes de fausse identité, les cold cases, et même les enlèvements par des extraterrestres. Elle lit aussi les journaux d'ado de Julie, sans y trouver grand chose, à part des brouillons pour des romans que voulait écrire sa soeur, fascinée qu'elle était par les "trous noirs" et les aliens.. mais rien sur un petit ami, une fugue en vue..



Peu à peu les soeurs se rencontrent, de plus en plus souvent, Julie est aide-soignante pas loin, Selena travaille en joaillerie... elles se racontent leur vie de tous les jours, puis Julie commence à raconter où elle était. Et là, c'est trop pour Selena. C'est juste inacceptable.  Incroyable. 





Chapitres entrecoupés de coupures de presse, de parties du journal de Julie recopiées, réflexions, de discussions entre les deux soeurs et la mère, Selena retrace toute leur enfance, leur famille, leur solitude. C'est remarquable, troublant, inquiétant, addictif, magnifique et précis.



Je vous le recommande, j'ai vraiment A-DO-RÉ. Et ce roman me laisse un souvenir troublant et durable...



Un conseil : passez le premier chapitre, celui du voisin, c'est absolument sans intérêt, et presque glauque...







La fracture - Nina Allan, ed Tristram, juin 2019, 403 pages














Lien : https://melieetleslivres.wor..
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Complications

« Il plongea la main dans la poche de son blazer et en retira la Smith. "Une belle montre n’est pas seulement un instrument de mesure. Une montre particulière comme celle-ci peut ouvrir certaines portes." »



Impressionnante mécanique que les rouages subtils de ce roman-nouvelles paru en 2011 sous le titre original de "The silver Wind" : Pièces distinctes mais qui assemblées fonctionnent comme par magie, les six récits courts de "Complications" sont des variations autour de quelques personnages, dans lesquels horloges et montres jouent un rôle central, mystérieuses machines à explorer le temps, qui peuvent soit arrêter le temps, soit nous transporter dans des mondes parallèles mais étrangement reliés.



Martin Newland, personnage de fiction puis protagoniste, est fasciné par le passage du temps, et par les montres qui ponctuent des étapes importantes de sa vie. Ou plutôt de ses vies car au fil des nouvelles, il se démultiplie, hanté par la perte de sa sœur, de son épouse à moins que ce ne soit de son frère.

L’autre personnage central, le pivot est Andrew Owen (qui se transforme en Owen Andrews dans une des nouvelles), un nain habillé en Monsieur Loyal, un personnage au physique invariable, horloger inventeur et savant, celui qui fabrique et comprend les montres et les horloges, obscures et fascinantes machines transtemporelles.



«Je crois que c’est à ce moment que je pris ma décision de rechercher Owen Andrews et de découvrir la vérité sur lui. Je me dis que c’était parce que cette petite horloge avait été la seule chose à susciter mon intérêt depuis la mort de ma femme. Mais ce n’était pas tout. Quelque part au tréfonds de mon être je nourrissais le délirant espoir qu’Owen Andrews soit l’homme capable de faire revenir le temps en arrière.»



Et si le temps n’était pas un trait continu mais comportait des lésions, les traces qu’il laisse dans son sillage, les pertes des êtres chers ? Ou alors s’il formait un ensemble de possibilités simultanées, comme un tissage de fils aux intersections changeantes dont les motifs varient selon l’angle de vision ? Mais ne vous y trompez pas, le livre de Nina Allan est sans complications. On a simplement envie de ne rien en révéler.



Dans la première nouvelle, "Chambre noire", une jeune femme, Lenny, construit une maison de poupée sur mesure, fascinée par l’une d’elles, célèbre, et dont les pièces escamotables ne sont accessibles qu’une à une. Et le lecteur justement est celui qui a la chance, de pouvoir embrasser du regard tout le récit comme une maison de poupées magique, aux pièces interchangeables, et dont les petits habitants n’appréhenderaient pas l’ensemble, sauf peut-être un nain plus habile, plus rusé.



«Je trouvai une familiarité déconcertante dans certains détails de ses récits, et à plusieurs reprises j’eus la même impression qu’un peu plus tôt – que tout avait un sens plus vaste, mais qui m’échappait de justesse.»



Nina Allan nous prouve avec ce coup de maître que les livres peuvent être les plus belles machines transtemporelles.
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Le créateur de poupées

Quand vient l'automne et que les jours raccourcissent, quand Halloween et la Toussaint pointent le bout de leurs nez, il est des rituels auxquels je ne sacrifierai pour rien au monde: réécouter cent fois "L'Ecolier Assassin" de Malicorne, revoir encore et toujours les films de Tim Burton et passer un siècle au moins à trouver un autre film qui, je l'espère toujours, me fera mourir d'angoisse; réfléchir à mon costume pour la soirée d'Halloween qu'organise toujours l'une de mes meilleures amies; absorber des litres de thés aux saveurs de châtaigne et de citrouille et me gaver de brioches à la cannelle; me plonger avec délice dans des romans au choix horrifiques, malaisants, victoriens, gothiques, fantastiques… Ce n'est pas toujours évident à trouver d'ailleurs quand on veut sortir des sentiers battus, des classiques du genre ou des pièges médiatiques… Mais je ne perds jamais espoir.

Cette année m'aura conduite vers "Le Créateur de poupées" et pour être honnête, je n'imaginais pas plonger dans une histoire aussi étrange, aussi dérangeante. Malaisante. Finalement, mes vœux saisonniers auront été exaucés au-delà de mes espérances par cette lecture dont je ne sais pas trop si je l'ai vraiment aimé tant elle m'a déroutée, dérangée parfois. Je suis en revanche sûre d'une chose: "Le Créateur de Poupées" a exercé sur moi une fascination un rien hypnotique.

Roman étrange étrangement séduisant.



Le créateur de poupées, c'est Andrew, créateur reconnu et solitaire en raison de sa très petite taille. Sa passion pour les poupées, qui remonte à son enfance, ses doigts de fées et son handicap ont fait de lui la proie de la cruauté de ses semblables tout autant qu'un personnage atypique, l'un de ceux qui peuplent les vieilles chansons et les contes gothiques. C'est un artiste qui dans un récit à la première personne d'une finesse et d'une fluidité fort agréable nous livre des pans entiers de son existence, de son enfance à ses rencontres, dont certaines m'ont laissé un sentiment poisseux de malaise et de terreur quant d'autres m'ont plongée dans un flot d'incompréhension et de questions demeurées sans réponses. C'est frustrant mais il est des silences qui participent à l'aura mystérieuse, à la séduction d'une histoire… alors, on les accepte, on les goute comme on goute l'étrangeté et le mystère.

Si Andrew nous offre le récit de son existence, c'est parce qu'il a une histoire à nous raconter, celle de sa rencontre avec Bramber, qui n'a pas vraiment eu lieu ou alors qui ne s'est réalisée qu'au gré des lettres qu'ils échangent depuis quelques temps. Cette dernière est amatrice de poupées et est entrée en contact avec Andrew par le biais d'une petite annonce laissée dans un journal spécialisée, annonce dans laquelle elle expliquait rechercher des informations sur l'œuvre et la personnalité pour le moins originale d'Ewa Chaplin, une polonaise célèbre pour ses poupées étranges et vaguement humaines, effrayantes ainsi que pour ses contes tout aussi étranges.

De lettres en lettres, la correspondance entre Andrew et Bramber s'est éloignée des poupées pour se faire plus intime et la jeune femme s'y livre de plus en plus. Elle écrit au créateur de poupées son quotidien troublant dans un mystérieux institut des Cornouailles dont elle tait le nom, dont on soupçonne qu'il s'agit d'un asile psychiatrique.

Peu à peu, Andrew s'éprend de sa correspondante et décide de quitter Londres pour aller lui rendre visite, sans la prévenir. Il ne lui a certes pas parlé de son handicap, mais elle ne lui dit pas tout elle non plus, il le sent bien... Alors il part, avec dans ses bagages le recueil des contes d'Ewa Chaplin dont la lecture l'accompagne tout au long de son périple, tout comme elle nous accompagne, nous lecteurs, tandis qu'Andrew s'en va vers la Cornouaille.



Ce qui fait la richesse, le foisonnement même, de ce roman de Nina Allan commence par sa narration qui alterne le récit d'Andrew, les lettres de Bramber mais aussi les contes d'Ewa Chaplin, intelligemment enchâssés dans le récit. Singulièrement cruels et dérangeants, presque malsains, ces derniers m'ont happée comme rarement et beaucoup questionnés. Récits qui ne dépareraient absolument pas dans un recueil de littérature gothique et fantastique, on se rend compte assez rapidement compte en cours de lecture qu'ils résonnent étrangement avec les vies de Bramber et d'Andrew, au point de faire naître l'inquiétude, une inquiétude d'abord sourde et pernicieuse qui devient angoisse, chape de plomb et oppression.

Alors on tourne les pages plus vite, on a le souffle plus court, on ne sait plus si on a de la sympathie pour Andrew ou si sa course folle vers une femme qui ne l'attend pas n'en fait pas un homme de la pire espèce. On ne sait pas si on ne devrait pas se méfier de la douce Bramber derrière les grilles de son institution. On ne sait pas, on ne sait plus et on se rappelle les premières pages: la beauté cruelle et si romantique du poème de Matthäus Von Collin, le parfum glauque et morbide du prologue... Et on sort perdu de ce roman si particulier, qui se fait le chantre de la différence et des êtres hors-norme qui peuplent et hantent le récit de manière obsessionnelle et morbide, de cette construction labyrinthique dans laquelle on se perd comme les orphelins des contes de fées de perdent en forêt profonde.

Une lecture comme une expérience qui laisse un gout de bizarrerie presque indicible et une foule de questions sans réponses, cette sensation d'avoir frôlé des réponses au gré des symboles, des échos entraperçus entre les pages... La sensation qu'il faudrait le relire pour y déceler ce qu'il garde encore.



















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Conquest

Frank Landau est là, peut-être le personnage principal. Génie du codage, on le suit dans ses délires paranoïaques, les agents extraterrestres n-men qui le surveillent, sa passion obsessionnelle pour les "Variations Goldberg" de Bach. On le découvre, fragile et anxieux, apeuré par la guerre qui menacerait l'espèce humaine, par l'invasion extra-terrestre qui a sûrement déjà commencé, sur les forums en ligne où il échange avec d'autres "éveillés" comme lui.



Au moins il a Rachel, un ancrage dans le réel, une passion commune pour Bowie et quelques grammes de douceur.



Et puis Frank n'est plus là, il part à Paris retrouver ses complices du forum et il s'évanouit dans la nature.



Alors que Rachel contacte Robin, une ex-flic devenue détéctive privée pour comprendre ce qui est arrivé à son petit ami, on s'engage avec frénésie dans les recherches, les hypothèses et les hasards qui ne cessent de faire écho entre l'histoire de Frank et celle de Robin, entre une novella intitulée "La tour" (très aboutie) et les théories complotistes les plus invraisemblables (vous ne regarderez plus jamais la moisissure sur votre fromage de la même façon👀).



Ce roman de Nina Allan m'a aspirée dans son labyrinthe sophistiqué de manière irrésistible : si on croit d'abord lire un thriller anxiogène carrément addictif, on se retrouve rapidement confronté à une foultitude de théories d'invasions alien, l'autrice britannique s'amusant à nous faire douter de tout, à coup de vraies ou fausses pistes, insèrant des récits dans le récit, nous balladant avec délectation pour mieux nous perdre et c'est parfaitement exquis!



Débordante de références (j'ai dû en rater des tas) et de réflexions sur le complotisme, sur le rapport complexe de notre époque à la vérité, je ne peux que vous encourager à vous engager entièrement dans cette réjouissante expérience de lecture.



#thetruthisoutthere



Un roman qui sort brillamment des sentiers battus et qui m'a complètement conquise.
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Le créateur de poupées

Le Créateur de poupées

Nina Allan

The Dollmaker, riverrun, 2019

Tr. de l’anglais par Bernard Sigaud

Tristram, 2021



Dans la continuité de l’œuvre originale de son auteur, le roman Le Créateur de poupées nous offre une architecture complexe, à tiroirs, à fenêtres, où des réalités parallèles se rejoignent et s’imbriquent comme un ruban de Möbius découpé à l’infini ou une construction de MC Escher.

Le témoignage du narrateur, Andrew Garvie, se trouve régulièrement entrecoupé par des lettres non datées ou des nouvelles traduites du polonais, histoires dans l’histoire qui se rattachent constamment au récit principal et tissent également des fils entre elles grâce à de multiples détails. Le ton est donné dès le début : ce roman ne se revendique pas du domaine de l’imaginaire, qu’il dépasse d’assez loin, mais développe progressivement une atmosphère étrange, insolite.

Andrew est un homme harmonieusement constitué, mais petit : « cent quarante quatre centimètres ». Cela lui vaut dès l’école d’être traité de nain et autres charmantes épithètes. Cette caractéristique physique oriente sa vie, ainsi que deux événements marquants de sa jeunesse : sa rencontre avec sa première poupée, Marina Blue, et sa relation avec Wil qu’il considère comme son ami alors qu’en fait celui-ci se sert de lui comme d’une poupée sexuelle.

L’intérêt d’Andrew pour les poupées devient de plus en plus prégnant, au point qu’il commence à en fabriquer lui-même, d’abord en copiant des modèles de collection, puis en développant son propre style, notamment la série des troll dolls, réalisées à partir de pièces abîmées trouvées en brocante et restaurées tout en préservant leurs blessures. C’est l’un des fils rouges de ce roman : tous les personnages principaux sont « différents », nous apparaissant blessés, abîmés, d’une façon ou d’une autre et l’assumant plus ou moins bien : nain(e)s, culs-de-jatte, autistes musiciennes de génie, sans oublier un transgenre et d’autres personnages à orientations sexuelles variées, etc. Un vrai défilé de « phénomènes », comme on en trouvait jadis exhibés dans les foires. Le regard que l’auteur porte sur eux est empreint d’humanisme et pour ainsi dire affectueux, reconnaissant leur forme de beauté.

Suite à une petite annonce trouvée dans une revue plangonophile, Ponchinella, Andrew se met à correspondre – exclusivement par lettres – avec Bramber Winters, elle aussi passionnée par les poupées de collection, notamment celles fabriquées par Ewa Chaplin, Polonaise émigrée, arrivée à Londres en même temps qu’éclate la Seconde Guerre mondiale, et par ailleurs auteur de fictions courtes. L’une des nouvelles de son ténébreux recueil Neuf contes de fées modernes évoque d’ailleurs un cirque abritant des freaks.

« J’avais toujours estimé que les exhibitions de phénomènes étaient malsaines, que c’était là exploiter des gens qui n’avaient pas d’autre moyen de gagner leur vie. Mais la fête foraine dans la nouvelle d’Ewa Chaplin fonctionnait comme une sorte de refuge, un sanctuaire pour des gens qui autrement auraient été rassemblés et exterminés par les nazis. »

Dans une autre nouvelle, l’une des protagonistes, borgne, est auteure de romans policiers. Dans une autre encore, un nain dandy et collectionneur tisse sa toile autour d’une étudiante dont il est amoureux. Cette nouvelle, « Amber Furness », réapparaîtra au cours de l’intrigue sous une forme scénarisée dans laquelle joueront des personnages secondaires.

Bien que ce projet n’ait pas l’air d’emballer Bramber lorsqu’il lui en parle, Andrew décide de lui rendre tout de même une visite surprise à Bodmin, en Cornouailles. Il subodore qu’elle y est pensionnaire dans un asile psychiatrique ou un établissement similaire, mais cette hypothèse ne le rebute aucunement. Persuadé d’être amoureux d’elle, il prémédite de la ramener avec lui à Londres.

L’écriture de Nina Allan, transcendée par la traduction affûtée de Bernard Sigaud, est fine et subtile à tel point qu’on ne sait parfois plus dans quelle partie de l’histoire on se trouve. Les récits enchâssés le sont aussi précisément que des pièces d’automates, le tout fonctionnant ensemble dans un mouvement d’horlogerie qu’on ne peut plus maîtriser dès lors qu’il est enclenché. Le temps, son existence réelle ou supposée, est au cœur de tous les ouvrages de Nina Allan ainsi que sa fascination pour le miniaturisme, donnant à l’ensemble de son œuvre une dimension quantique.

J'ai suivi le parcours littéraire de Nina Allan depuis l'admirable recueil de nouvelles Complications (pour lequel elle a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire, ainsi que son traducteur, en 2014), et j'estime qu'après son roman La Fracture qui l'a propulsée au rang d'écrivaine reconnue (sélectionnée au Fémina et au Médicis, catégorie Étranger, en 2019), elle s'est encore surpassée avec Le Créateur de poupées qui mériterait amplement d’être couronné par un de nos prestigieux prix littéraires. CB

Chronique parue dans Gandahar 29 en septembre 2021

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Le créateur de poupées

Travaillée par une densité surnaturelle, avec ses coutures devenant invisibles, la fable contemporaine extrême et tendre des préjugés délétères sous toutes leurs formes.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/19/note-de-lecture-le-createur-de-poupees-nina-allan/



Depuis « Complications » (2011), et de manière éclatante avec « La course » (2014) ou « La fracture » (2017), Nina Allan nous a désormais habitués à nous plonger avec bonheur dans ses déroutantes mécaniques horlogères, chaque fois sur des terrains différents, mêlant avec une grande habileté langagière les éléments très concrets d’une contemporanéité britannique aux éléments tout aussi réels de diverses contrées imaginaires empruntées à la science-fiction, au thriller d’anticipation ou à des genres littéraires encore moins directement identifiables. Avec « Le créateur de poupées », publié en 2019 et traduit en août 2021 par Bernard Sigaud chez Tristram, elle pousse certainement un grand cran plus loin cette capacité presque magique à déjouer les attentes de la lectrice ou du lecteur, en inscrivant mine de rien la question de l’altérité, des préjugés et donc des attentes, justement, au centre de sa fable à tiroirs multiples.



En mobilisant avec une savante tendresse la figure du nain, tout d’abord, que ce soit dans le récit dit principal ou dans les nouvelles d’Ewa Chaplin qui entrelacent « Le créateur de poupées », Nina Allan pose avec force un cadre dans lequel les réactions sociales, historiques et contemporaines, à la différence – même bien faiblement radicale – vont pouvoir nous être contées ou être exprimées directement sous nos yeux. En travaillant expressément dans le corps du texte les détails signifiants de la célèbre toile de Vélasquez, « Les ménines », ou le lied de Schubert intitulé « Le nain », un sous-texte rampant se constitue, dans lequel nos propres réflexes rencontrent davantage qu’à l’occasion les préconceptions héritées pour laisser rôder en limite de perception (surgissant en pleine lumière, naturellement, lorsque l’un des personnages, aux divers niveaux de récit, y fera directement allusion) un univers de fêtes foraines et d’exhibitions qui lorgnent du côté du Maurice Richardson des « Exploits d’Engelbrecht », du Claro de « CosmoZ », voire de la Katherine Dunn de « Amour monstre » ou du Jean-Luc André d’Asciano de « Souviens-toi des monstres » : « Ewa Chaplin a écrit une histoire sur une fête foraine ambulante. Les exhibitions de phénomènes et les fêtes foraines étaient très populaires en Europe de l’Est ».



En inscrivant l’ensemble du récit sous le motif de la collection de poupées et de leur création, ensuite, Nina Allan a non seulement réalisé le formidable exercice d’imagination d’extrapoler un univers entier de passionnés encore plus touffu et documenté que celui de la véritable plangonophilie (on se souviendra avec émotion du travail d’Antoine Bello, dans « Éloge de la pièce manquante », pour donner chair littéraire à l’univers du puzzle de vitesse et de la haute compétition qui s’y rattachait), mais a surtout orchestré un bain diabolique dans lequel, à côté du complexe et tenace préjugé « officiel », mentionné ab initio, vis-à-vis des amatrices et amateurs de poupées (lorsqu’il ne s’agit plus d’enfance et de jouets), nagent entre deux eaux divers éléments bien présents pour la lectrice ou le lecteur, fût-ce à leur esprit défendant : sans aller nécessairement jusqu’à la série « Chucky » de films d’horreur, et une fois désamorcée la tentation un peu plus lénifiante de Carlo Collodi avec son Pinocchio et son Gepetto, on sent largement planer les ombres inquiétantes, derrière les frères Grimm, d’Angela Carter (et sans doute plus encore de son « Magasin de jouets magique » que de sa « Compagnie des loups ») et d’E.T.A. Hoffmann (auquel les allusions directes ou indirectes, entre noms de lieux et noms de personnages, semblent trop nombreuses pour être fortuites). Et c’est pourtant bien par le truchement de ces poupées, comme par les marionnettes chez l’A.S. Byatt du « Livre des enfants » ou chez le Russell Hoban de « Enig Marcheur », que l’art – artisanat – contribue souterrainement à surmonter les conditionnements sociaux délétères.



C’est la fictionnelle autrice et créatrice Ewa Chaplin, avec les cinq nouvelles complètes proposées parmi celles de ses « Neuf contes de fées modernes » (« La Duchesse », « Amber Furness », « L’Éléphante », « Coïncidence » et « La fenêtre d’en haut »), morceaux de bravoure à part entière, qui offre certainement les clés permettant de saisir certains fils conducteurs dans la trame serrée de l’enchevêtrement de préjugés que met en scène « Le créateur de poupées ». Juive polonaise ayant fui le nazisme (qui condamnait aussi aux camps et à la mort plus ou moins rapide les handicapés et les homosexuels), elle connaît de toute première main la rage destructrice qui peut enflammer les essentialismes et les préconceptions, et ses personnages ambivalents sont les guides parfaits pour inciter lectrice et lecteur, comme Andrew et Bramber, victimes de préjugés eux-mêmes tous deux gonflés d’autres préjugés, à surmonter les leurs et à regarder la différence dans les yeux pour l’oublier ensuite. Comme le dit fort joliment Paraic O’Donnell dans The Guardian (ici), « le roman joue avec nous quasiment dès le départ, (…) mais nous parle bien de ce que nous choisissons de voir autour de nous ». Maîtrisant plus que jamais les délicats mécanismes de construction romanesque (comme les « Complications » horlogères de son premier recueil) permettant d’atteindre toujours plus de profondeurs insoupçonnées, Nina Allan, dans cette véritable danse des miroirs (selon le mot de Gary K. Wolfe dans Locus, ici) nous offre un exceptionnel roman d’éveil à la vie – qui n’est pas celle, rêvée ou non, des marionnettes, mais bien celle d’humains libres aux yeux enfin dessillés de ce qui les polluait encore et encore.
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La fracture

La fracture, ce roman anglais déconcertant de Nina Allan, mêlant plusieurs genres, touchant à la science-fiction et aux tueurs en série, mené de façon inhabituelle mais de façon très prenante et bourré de références cinématographiques, mérite selon moi au moins 4 étoiles.
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La fracture

La fracture de Nina Allan, traduction de Bernard Sigaud, est un roman incroyable, aussi brillant qu'époustouflant. Un gros coup de cœur !

Julie Rouane a 17 ans quand elle disparaît un jour de juillet 1994. Sa mère ne prononcera plus son nom, son père continuera de croire qu'elle vit quelque part, jusqu'à ce qu'il finisse par mourir le cœur brisé par cette absence. Sa sœur cadette, Selena, essaiera de surmonter cette épreuve, de s'en tirer comme on dit, trouver un travail, une maison, ça c'est possible mais créer des liens affectifs c'est plus difficile, il y a comme un trou béant qui l'en empêche. Alors quand la raison de ce trou béant, sa sœur Julie, réapparaît vingt ans après, les repères de Selena vacillent totalement, surtout quand Julie va lui expliquer ce qui lui est arrivé...

Quel roman génial ! Voilà déjà tout simplement ce que je veux dire à propos de cette lecture d'une grande densité. Nina Allan nous livre un roman d'une grande originalité, richement construit. Elle nous emmène sur des chemins surprenants. Et, au risque de me répéter (désolée c'est l'enthousiasme qui veut ça), c'est génial. Franchement, j'ai trouvé ça osé et tellement bien pensé. À mi-chemin entre le thriller psychologique et l'objet littéraire non identifié, ce roman explore la force de nos croyances en ce qui peut paraître inexplicable. Je n'en dirais pas plus au risque d'en dire trop justement, car ce serait un réel gâchis. J'ai adoré la structure du récit, la qualité du texte, très recherché avec ces extraits de lettres, de journaux et de livres, tous imaginés par l'auteure. L'écriture aussi est travaillée et nous plonge dans l'atmosphère de mystère et de doute qui enveloppe le roman.

La fracture est un roman exceptionnel qui nous emmène sur des chemins inattendus. J'adore ce genre de livres et c'est pour ça que celui-ci rejoint les pépites de ma bibliothèque et que je souhaite à présent lire tous les autres romans de cette auteure à la créativité sans limite.
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La fracture



Ca commence par une une disparition d'une jeune fille, c'est simple, mais nina allan n,'est par une romancière comme les autres, le roman va prendre tour a tour des accents sf, du roman noir, en gardant son lecteur en éveil, le baladant d'un univers a un autre, croisant les effluves d'un talent narratif hors du commun.



Nina allan déjà remarquer par son ouvrage"complication" signe ici un de ses plus beaux livres, d'une histoire simple, elle convoque dans son livre les plus grands noms de la litterauture, en restant elle même

.

SI cela peut déconcerter, laissez vous aller, et entres dan un univers hors norme, que l'on rencontre peu, je ne raconterais rien du livre, juste ne vous fiez pas trop au résumé, ce n'est que la le dessus immergé de l'iceberg, un blog de glace qui vous laissera pantois, par sa stature, et son onirisme brulant.
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Conquest

Conquest est un roman tout à fait stupéfiant. Une exploration autour de la façon dont naissent les théories les plus folles, à partir de l'extrapolation de faits et d'une volonté affirmée de les relier entre eux pour leur donner un sens. Ce qui permet autant de construire que de déconstruire. Prenez par exemple Frank, le petit ami de Rachel. Il a toujours été différent des autres, a subi des épisodes dépressifs mais son intelligence hors du commun lui permet d'être un codeur très demandé. Un beau jour, Frank disparaît et Rachel fait appel à Robin, une détective privée pour tenter de le retrouver. Pour cela, Robin va devoir se couler dans l'univers de Frank, ses groupes de discussion, ses centres d'intérêt. Si leurs goûts partagés pour la musique classique semblent naturels à Robin, plus curieuses sont les théories qui émergent des échanges de Frank sur certains forums : il y est question d'une guerre prochaine, de matériau extra-terrestre, et surtout d'un roman de science-fiction paru dans les années 1950, La Tour. Frank et son intelligence ont-ils sombré dans un délire complotiste ou mis à jour des vérités ignorées ?



Si l'enquête menée par Robin permet de révéler des personnalités singulières et de fouiller le passé familial enfoui de certains protagonistes, c'est surtout l'emboîtement des faits et des sources qui impressionne. La manière dont l'autrice interroge la façon dont naissent les idées, se forgent les influences et finalement se racontent les histoires. Elle plonge littéralement le lecteur au cœur de la fabrique qui s'inspire de théories très argumentées autant que de fictions pour finalement ne plus savoir - comme de la poule et de l’œuf - qui est à l'origine de l'origine. En multipliant les formes, faux rapports et vrais romans à moins que ce ne soit l'inverse, elle parvient à instiller le doute aussi bien dans l'esprit de ses personnages que dans celui du lecteur. C'est assez vertigineux. Néanmoins, je dois avouer que certaines notions me sont passées au-dessus de la tête, que mon inculture sur Bach et mon inappétence pour la musique classique ont rendu certains passages totalement transparents. Si je reconnais et admire volontiers le savant exercice de construction, j'ai déploré tout au long de ma lecture que l'intellect domine le récit et que la démonstration prenne finalement le pas sur tout le reste.



Résultat : un roman que j'ai trouvé brillant, stimulant, très en prise avec des enjeux majeurs de notre actualité mais dont la froideur a empêché un véritable plaisir de lecture faute de proximité, de sensations, d'empathie.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Le créateur de poupées

Lecture ardue pour contenu hardi, ce roman de Nina ALLAN joue avec les dimensions et peut se targuer de laisser beaucoup d'éléments hors de portée à ceux qui n'auront pas le loisir de s'armer de patience.

Une version plus courte, valorisant davantage les images, ou scénarisée et portée à l'écran pourrait révéler à plus ce qui semble inatteignable et serait dommageablement éteignable.

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Le créateur de poupées

Nina Allan s’ingénie à rendre notre lecture inconfortable dans l’intention de nous confronter à la différence, à l’étrange, au hors-normes et de nous placer en porte-à-faux face à nos attentes et nos idées préconçues. Le créateur de poupées est un livre d’une extrême richesse et d’une extrême cohérence qui ne fait que confirmer tout le bien que je pense de cette grande autrice. A lire si on est prêt à « perdre [sa] place dans la hiérarchie des choses. »
Lien : https://dragongalactique.com..
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La fracture

La première centaine de pages m'a juste parue glauque, avec cette histoire de voisin suicidé, ses carpes koï cyanurées. le glauque -et les poissons- sont cependant presque des personnages du livre qui baigne dans les marécages sinistres du lac où a lieu cette fracture entre deux planètes, lieu aussi de sordide affaire d'assassinat, de viol.

Avec le recul on est donc "dans le bain" dès le premier chapitre, si éloigné semble-t-il à première vue du reste...Glauque, avec un style peu marquant.

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Chapitre 2 un suspens se diffuse en pointillés, les personnages du père et de la soeur de "la disparue", Julie, se densifient. C'est elle le narrateur, désormais, et comme elle on plonge dans un monde parallèle, brutalement...Mais c'est indigeste! Les pages entières qui racontent la planète Tristane, ses habitants chez qui julie a été accueillie ou recueillie m'ont parues interminables...Moi qui commençais à m'intéresser au film! Une grande main zappe sans arrêt!! Je saute des lignes, des pages, vaincue par des extraits de livres, de journaux, de documentaires jetés là sans rapport avec l'intrigue -ou si peu- et la faisant tout simplement piétiner!

Comme un suspens maintenu maladroitement, voire grossièrement, et qui me laisse déjà entrevoir, fin du chapitre 2, une fin déstructurée, sans réelle implication ou compréhension claire de l'intrigue de départ.

Je suis clairement agacée!...Comment passe-t-elle d'un monde à l'autre? n'a-t-elle pas peur d'y retourner? le souhaite-t-elle? On passe très loin de toutes les questions qui font la base de l'intrigue fantastique..au lieu de ça, des pages sur des cartes géographiques de Tristane et même, le comble, une intrigue imbriquée (sortie d'un monde dans lequel je n'arrive pas une minute à me plonger) sur l'explication du fait que la colonisation de la planète Déa par Tristane a été stoppée...Je me sens parasitée par ce qui me sort de l'intrigue de base, cette "fracture", temporelle? Psychologique? Moi, je suis fan de SF, j'attends d'être correctement nourrie! Il y a un écart entre laisser le lecteur rêver, se faire sa propre fin après avoir donné plusieurs pistes à entrevoir...Et le laisser sans assez d'ingrédients pour se restaurer. L'auteur nous soulève une grosse pierre, nous ouvre une grotte, et nous laisse en fait tomber la pierre sur le dos!

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Je suis déçue car ce livre tend à atteindre les objectifs d'un excellent livre de SF, cette ouverture à "un autre", fort bien mené à un certain moment du livre, pépite de suspens, que je ne peux décrire sans tout déflorer de l'issue...Hélàs page d'après, la pierre me tombe sur le dos. Ca m'a fêlé quelques côtes.
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La fracture

Ce livre fut pour moi une erreur de casting. Il trônait au rayon polar et sa quatrième de couverture ne laissait rien présager. Quelle surprise donc de découvrir au fil de ma lecture le tournant fantasy qu'il prenait ! bien que n'étant pas friande de ce genre de littérature j'ai poursuivi mon périple avec l'espoir qu'il me fasse sinon changer d'avis, au moins passer un bon moment.

Eh bien que nenni ! je n'ai rien compris à ce livre, je me suis complétement perdue dans cette autre monde où les longues trop longues descriptions n'apportaient rien à l'histoire. Quel lien entre la Julie de tristana et celle de notre monde ? Quelle est son histoire à 'l'autre Julie" ? Pourquoi dans le premier chapitre nous parle t on du suicide de Stephen Dent sans qu'il ne revienne un instant dans tout le roman ? Et Johnny ? des personnages superflus qui n'apportent rien ! Pourquoi la mère la reconnaît au premier coup d'oeil après 20 ans pour dire que finalement ce n'est pas sa fille? Pas d'explications ! des questions comme cela, j'en ai à la pelle ! Ce livre est truffé d'incohérences, de protagonistes qui sont restés flous voire inaccessibles à la lectrice que je suis ! je peux apprécier le mystère que certains auteurs peuvent distiller dans leurs livres afin de nous laisser nous approprier une part de leur roman, mais là, pour moi cela a été un brouillard total !
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La fracture

La sœur aînée de Selena, Julie, dix-sept disparaît brusquement un soir d'été.

Au fil des années,  chaque membre de la famille réagit à sa manière : la mère,  Margery, fait son deuil en solitaire. Le père, persuadé qu'elle est en vie, fait des recherches effrénée, jusqu'à en perdre son travail, puis la raison..

Selena, elle, se remémore sa relation avec sa sœur, comme elle peut être chaotique à l'adolescence, et lutte contre la culpabilité du survivant.

Vingt ans plus tard, Julie la recontacte..elle veut renouer avec elle, mais raviver les liens d'abord,  avant de lui expliquer les raisons de son absence.

Voici le premier quart de ce roman, dont j'ai apprécié le sujet et l'introspection.

Mais...changement d'angle par la suite...on part sur une autre planète,  dans un monde parallèle...là je m'accroche,  je crois, j'espère, un rêve. Puis je me console " je sors largement de ma zone de confort"...ensuite...je persévère, pour connaître le fin mot de l'histoire.

Les extraits des livres de biologie et d'histoire de Tristane, s'ils sont imaginatifs et cohérents, ont été ma traversée du désert...le passage d'un monde à l'autre laisse planer le doute, l'auteure a de l'imagination,  c'est sûr,  mais ce n'est pas le type de roman dont je raffole, quand il y a mélanges de genre...au final, on se débrouille un peu comme on veut pour le comprendre et si j'aime les fins ouvertes, celle-ci fut trop béante pour moi...
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La fracture

Une famille anglaise, ordinaire. Deux soeurs, Julie et Serena.

Un jour, Julie sort rendre visite à une amie. A ce soir. Mais elle ne rentrera pas. Et sera portée disparue. Les années passent, la famille éclate.

18 ans plus tard, Serena reçoit un appel. Allo Serena ? C'est Julie.



Jusque-là tout va bien (si on peut dire).



Les histoires de disparations d'enfant, il y en a beaucoup. Des thrillers, des morts macabres, des fugues, des enfants retenus prisonniers tout à côté, à deux pas de la maison familiale, dans la cave du voisin …



Mais celui-ci, il est particulier. Curieux même.



Je suis partagée entre l'idée de le trouver original - une histoire de disparition qui bascule dans une incroyable histoire extraterrestre, un retour au bercail inversé (pas très courant) – ou l'idée de le trouver incompréhensible, car j'ai décroché pile au moment des explications, l'histoire extraterrestre est décevante et ennuyeuse et elle m'a totalement perdue.



Il y a quelques sursauts lorsqu'on revient sur le personnage de Serena, lorsqu'elle découvre que le père en savait plus que ce qu'il en disait.



En général, même les livres que je n'aime pas, je parviens à leur trouver des qualités. Là aussi je voudrais bien trouver du positif.



Alors le positif, je l'ai trouvé en page 403 :



« Tu te souviens de ce vieux tube de Police qu'on adorait dans le temps « Message in a bottle » ? On le chantait à tue-tête, chaque fois qu'il passait à la radio. »



J'adhère totalement. Je chante aussi « Message in a bottle » à tue-tête encore aujourd'hui.

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La fracture

J'ai débuté la lecture de ce roman sans rien n'avoir lu de l'auteure auparavant ni rien savoir de son style d'écriture. La surprise n'en fut que plus agréable à la lecture de ce roman unique en son genre.



Le récit débute sur une disparition. La disparition d'une jeune fille, 17 ans, habitant à Manchester. Très vite les recherches s'organisent sans que la jeune fille ne soit retrouvée. Plus de vingt ans après, elle semble pourtant réapparaître dans la vie de sa soeur cadette avec une histoire invraisemblable pour expliquer ses vingt ans d'absence.



Ce roman de Nina Allan est très déroutant et bascule aisément d'un genre à l'autre, oscillant entre le drame familial et le récit de science-fiction. Nina Allan excelle dans l'un ou l'autre de ces genres et bien qu'on ne soit pas forcément habitués à voir se côtoyer au sein d'un même ouvrage deux thématiques très différentes, l'écriture très fluide rend le tout très naturel et particulièrement agréable à lire. L'aspect très réaliste des passages de science-fiction ajoute à l'harmonie de l'ensemble (l'auteure va jusqu'à insérer des citations de livres sur l'histoire de la planète fictive de Tristane sur laquelle se déroule une partie du récit).



J'ai été particulièrement touchée par le personnage de la plus jeune soeur, Selena, qui tente de démêler le vrai du faux dans la réapparition soudaine de sa soeur aînée. le propos général du roman tient, il me semble, dans le questionnement de la notion de vérité. L'auteure laisse le choix au lecteur de se faire sa propre opinion du drame survenu, sans donner de réponse définitive.



En bref, un excellent roman, à la fois surprenant et touchant.

Merci aux éditions Tristram pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique !

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Conquest

Conquest

Nina Allan

Tr. de l’anglais par Bernard Sigaud

Tristram, 2023



À douze ans, Frank entend les Variations Goldberg de Bach pour la première fois de sa vie. Il les écoutera des centaines de fois par la suite et en collectionnera les interprétations. Exceptionnellement doué pour travailler avec du code et en interpréter les schémas récurrents, il finit par imaginer que Bach n’a peut-être pas existé et que les Variations sont un code extraterrestre.

« Le code ne pouvait pas mentir et la musique non plus. »

Lorsque sa petite amie Rachel lui fait découvrir The Rise and Fall of Ziggy Stardust, Frank s’interroge. Ce n’est que bien plus tard qu’il comprendra que le message extraterrestre inhérent à cet album lui est parvenu de manière subliminaleet qu’il parle de « la guerre ». Et Frank a entendu résonner dans son corps le système d’alerte de la Terre. La théorie d’Eddie, qu’il a rencontré via le forum ufologique LAvventura, est que l’Art est une histoire secrète de la guerre, un commentaire critique codé sur la structure du pouvoir, un manifeste de résistance.

La fragilité psychologique de Frank lui a valu d’être interné une première fois à l’adolescence pour anxiété généralisée et une seconde fois à la fin de ses études supérieures. Cependant, Rachel a porté avec lui le poids de sa peur et a continué à l’aimer au fil des années.

Bien que Rachel tente de l’en dissuader, Frank se rend en France rejoindre Eddie – qu’il n’a jamais vu en vrai – pour y rencontrer des membres actifs du groupe LAvventura qu’Eddie nomme le cabinet de guerre.

Neuf mois plus tard, il n’a pas réapparu. La police a interrogé Edmund de Groote (Eddie) qui déclare n’avoir jamais rencontré Frank à Paris. Rachel est persuadée qu’il ment. Devant l’attitude attentiste de la police, elle se décide à faire venir chez elle une détective, ex-policière, Robin. Il se trouve que Robin, elle aussi, collectionne les enregistrements des Variations Goldberg de Bach. De plus, le nom de Groote ne lui est pas inconnu. Au fait du peu de moyens de sa cliente, elle accepte tout de même le contrat.

À l’époque où les deux amis communiquaient sur LAvventura, Eddie a recommandé à Frank un ouvrage des années 50 : La Tour de John C. Sylvester. Cet ouvrage va littéralement obséder Frank qui le qualifiera de livre sacré : à la suite d’une guerre avec une planète extraterrestre, Gliese, qui a fait un nombre incalculable de morts, un architecte mégalomane entreprend la construction d’une tour de la victoire (la Tour Conquest) assortie d’un complexe d’appartements de luxe, à l’aide d’une roche importée de cette planète, la masonite, qui emmagasine de la chaleur et diffuse une énergie rayonnante, de la même façon qu’un radiateur. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que cette roche est en partie vivante…

La recherche de Frank – qu’on ne retrouvera peut-être jamais – est propice à l’exploration de toutes sortes de domaines parfois très éloignés les uns des autres : psychologie et fonctionnement des sectes conspirationnistes sur les réseaux sociaux et interprétation de la musique de J. S. Bach, par exemple.

« La musique de Bach est un carburant pour le cerveau, et tout cela à cause de la manière dont Bach se sert du contrepoint. »

La culture musicale de Nina Allan est stupéfiante, tout autant que sa connaissance de la science-fiction et de ses œuvres fondatrices. Comme dans ses autres romans, on retrouve des histoires dans l’histoire : la novella La Tour, retranscrite intégralement, a été inventée pour servir le roman, mais le film Upstream Color de Shane Carruth existe réellement et sa critique cinématographique dans un essai d’Edmund de Groote, incrusté lui aussi dans les fils narratifs, distille un certain malaise qui contribue à brouiller les pistes. Il est vrai qu’on retrouve par moments dans ce roman une atmosphère ballardienne. De petite touche en petite touche, Nina Allan estompe la frontière entre réalité et théorie du complot (ici une invasion extraterrestre imminente) et on se demande dans quelle mesure l’enquêtrice Robin ne commence pas à être infectée elle aussi : « Tout cela sera balayé, se dit-elle : le froid de l’hiver, le merle solitaire, le doux susurrement des feuilles mortes dispersées en gouttes d’or sur l’allée bétonnée. »

Lire du Nina Allan, c’est comme regarder dans un kaléidoscope la réalité éclater et se reformer différemment à tous les moments de l’histoire.

Nina Allan et Bernard Sigaud, son traducteur, ont été lauréats du Grand Prix de l’Imaginaire en 2014 pour Complications, premier ouvrage de Nina traduit en français, et La Fracture – chroniqué dans Gandahar 29 – finaliste des prix Femina et Médicis, catégorie Étranger, en 2019, a propulsé Nina à un niveau de reconnaissance qui dépasse la littérature de genre.

Christine Brignon

chronique publiée dans Gandahar 37 Humain ♥ Animal

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Conquest

Développeur passionné par Les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach, Frank, malgré le soutien de sa petite amie Rachel et l’amour de ses proches, a du mal à trouver sa place dans la société. Son intelligence élevée et sa vision atypique du monde sont à la fois ses meilleurs alliés et ses pires démons. Il croit à la beauté du code informatique, aux signes contenus dans la musique. Internet a créé un espace où ses pensées peuvent s’exprimer, où il peut s’associer à des gens pour décrypter le monde. Mais à force de chercher des significations aux événements, Frank rejoint un groupe complotiste, dont les membres sont convaincus qu’une invasion extraterrestre secrète est en cours. Après avoir rencontré des personnalités de ce groupe en physique, Frank disparaît des radars. Rachel, dévastée, engage Robin, une ancienne flic, reconvertie en détective privée. L’occasion de plonger à ses côtés dans les mécaniques du complotisme contemporain, et dans sa nature : « La réalité fait peur, surtout avec le changement climatique, surtout depuis la pandémie. Croire aux extraterrestres, c'est comme croire en Dieu : soudain il y a une explication pour tout ce qui va mal dans le monde. »



À la manière de Qui se souviendra de Phily-Jo ? de Marcus Malte, Conquest, le nouveau Nina Allan, questionne le complotisme sous tous les angles, et montre combien le terme complotisme est utilisé pour décrire des réalités différentes : d’un côté des ensembles de théories aberrantes, « des amalgames spontanés de pseudo-science, de philosophie de comptoir et de théorie complotiste qui semblent puiser aux mêmes réservoirs d'extrémisme populaire, de rectitude morale et d'abnégation intellectuelle que n'importe laquelle des religions les plus solidement établies et avec une prolifération similaire de factions et de hiérarchies », de l’autre des vérités avant qu'elles n'éclatent au grand jour – confer les scandales économiques ou les manipulations des lobbys. Pour ce faire, Conquest s’amuse à retourner les situations, à changer les points de vue et à montrer qu’on est tous le complotiste de quelqu’un.



Au cœur du récit, La Tour, une novela, écrite par un écrivain fictif, sur les conséquences de l’importation de matière première extra-terrestre, que Frank et ses confrères considèrent comme détentrice d’un message caché. La Tour de John C. Sylvester est présentée dans son intégralité dans Conquest, au sein duquel elle agit comme une mise en abyme, puisque La Tour est également un texte sur le complotisme, dont le personnage principal s'imagine écrire une histoire où « un détective privé cherche à découvrir la vérité derrière la disparition d'un homme qui croit que la Terre est au bord d'une guerre interstellaire », avant de potentiellement se laisser convaincre que la guerre est réelle.



In fine, l'enquête policière au cœur de Conquest devient est elle-même traitée comme un phénomène complotiste. Les intuitions de Robin sont-elles la résultante d'une sensibilité et d'une capacité à analyser le monde, ou un biais cognitif qui l'amène à voir des signes et des symboles, là où il n'y a peut-être bien que des coïncidences ?



La force du roman est de ne jamais prendre ses personnages de haut, mais plutôt d'expliciter leur système de pensée, leurs failles et leurs talents, et de montrer que, si leurs conclusions sont farfelues, elles peuvent avoir pour base de brillantes analyses – le problème n'étant jamais ainsi la donnée scientifique, mais ce qu'on en déduit d’un point de vue historique, sociologique ou politique. Aux sociétés secrètes toxiques, Nina Allan rétorque, en gardant la distance nécessaire, avec des protagonistes aux motivations claires, portés par des intentions nobles, malgré leurs interprétations fantasques du monde.



Conquest ne cesse d'interroger l'attraction des lecteurs et lectrices pour les complots dans les fictions, leurs espoirs de les voir se concrétiser. La construction du livre, à la fois limpide (on n’est jamais perdu) et complexe (avec textes dans le texte) donne toujours envie de tourner la page et de se laisser désarçonner par la tournure que prendra l'histoire. Brillant en tous points.
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La fracture

« La fracture » de Nina Allan est l'histoire de Selena, une jeune femme qui vit et travaille à Manchester. Quand elle avait 15 ans, sa sœur ainée, Julie, a disparu et on n'a rien retrouvé d'elle. Naturellement cette épreuve a bouleversé la vie de la famille : les parents ont divorcé, le père poursuit l'enquête, jusqu'à en mourir, la mère tente d'oublier en refaisant sa vie, et Selena en fait autant. Vingt ans après, une femme se présente à Selena en affirmant être Julie et raconte une histoire que Selena peine à croire (et on la comprend!). Pour ne rien dévoiler, je me contenterais de dire que Julie était fascinée par les trous noirs.

Autant le dire d'emblée, je n'ai pas accroché à ce livre. Bien sûr que la disparition d'une adolescente a de quoi perturber son entourage, bien sûr que la réapparition de la disparue après vingt ans renvoie chacun, et la disparue n'y échappe pas non plus, à la manière dont il a vécu cette absence. Bien sûr que l'auteur déploie un savoir-faire impressionnant en multipliant les formes de texte : le récit, les extraits de livres, livre scientifique ou livre de voyage, les articles de journaux, les notices encyclopédiques, etc. Bien sûr que la galerie de personnages plus ou moins secondaires est constituée avec beaucoup de maîtrise mais pour certains d'entre eux je n'ai pu que me demander ce qu'ils viennent faire dans le roman (Vassili, Alex, Saira la fille de Nadine, etc.) ou ce qu'ils apportent à l'intrigue (Stephen Dent, Nadine, Johnny, etc.).

Il reste que je n'ai pas été embarqué un quart de seconde dans une histoire où l'invraisemblable le dispute à l'incroyable. Je suis bien incapable d'expliciter la construction du roman parce que je ne l'ai tout simplement pas comprise. Si je n'avais pas pour règle de terminer les livres que je commence, j'aurais abandonné celui-là assez vite.
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