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Citations de Nina Yargekov (43)


Ah la Roumanie. Bon la Roumanie c'est compliqué, présentement vous n'avez pas le temps de vous étendre, vous avez encore une pile de documents à examiner, mais quand même la Roumanie, oui la Roumanie est l'exemple paradigmatique, s'il fallait choisir un pays pour symboliser l’asymétrie des relations entre la France et les pays pourris du monde ce serait la Roumanie, vos excuses aux Algériens qui probablement avaient également présenté leur candidature, vous avez une réflexion trop européenne sûrement, cependant la Roumanie c'est tellement, comment le formuler, c'est l'amour unilatéral dans toute sa splendeur, les Roumains, les élites roumaines, sont exceptionnellement francophiles, il n'y a pas de mots pour décrire leur attachement à la culture française, et en échange en France on est même pas capable de citer trois écrivains roumains, on connaît Ionesco parce qu'il a écrit en français, on connaît Cioran parce qu'il a écrit en français, et ? et ? et c'est tout. (Lucian Blaga !) (Ouf.).
(p. 227-228 de l’édition de poche folio)
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Vous faites les cent pas, ou plus exactement les onze pas, c'est le maximum autorisé par la taille de votre appartement, quelle expression anticonstitutionnelle d'ailleurs les cent pas, il faut loger dans un palais pour pouvoir effectuer cent pas à la suite chez soi, et pour les autres c'est le trottoir, c'est la rue, dehors la plèbe pour faire les cent pas, ce sera dans le caniveau.
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Face au retournement qui se profile vous freinez des quatre fers, vous en avez assez de changer sans cesse d’avis sur vous-même, à chaque fois il faut vous réagencer, vous réacclimater, c’est éreintant à la fin, vous n’aviez pas encore cicatrisé de la blessure de ne pas être une immigrée que vous vous transformiez en traductrice psychopathe avant de devenir une délinquante sans crime et maintenant vous êtes de nouveau yazige mais pas immigrée sauf que vous n’êtes plus si certaine, et en attendant, vous n’avez ni le temps de vous réconcilier avec vos pieds ni celui de vous chercher un mari. Cependant c’est comme les nœuds sur les ficelles, plus on tire dessus et plus on les resserre, et déjà vous êtes partie, et déjà vous redevenez Française.
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« Vous fermez les yeux.
Très fort : paupières serrées, crispées.
Bientôt ils seront triés.
Réfugiés, migrants économiques.
Bientôt ils seront triés.
Gentils persécutés, vilains parasites.
Bientôt ils seront triés.
Tendres agneaux, sangsues dégueulasses.
Il y aura des erreurs : certains qui réellement étaient dans une situation d'urgence n'obtiendront pas l'asile. Il y aura des rejets juridiquement corrects : à ceux qui ne correspondent pas aux critères, on dira de retourner vivre leur existence pourrie dans leur pays pourri. Tous ces refusés, la plupart de ces refusés, ont beaucoup risqué pour venir en Europe. Ils n'avaient pas de Lada, ils n'avaient pas de visa de trente jours pour l'Ouest. Ils ne se sont pas contentés de partir en vacances et d'oublier de rentrer. Ils vous regardent, ils vous demandent : et pourquoi pas nous, et pourquoi pas nous ? Vous n'avez rien à leur répondre, parce que rien ne justifie que vos parents, qui n'étaient pas persécutés, qui ne mourraient pas de faim, aient obtenu le droit de vivre à l'Ouest tandis qu'aujourd'hui ce même Ouest rejettera des personnes ayant un dossier identique. » (pp. 607-608)
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Dóri confirme, oui c’est moche hein, les Transylvains là-bas on les traite de sales Hongrois, et ici de sales Roumains, pas toujours heureusement mais ça existe, les pauvres, ils ne sont tranquilles nulle part, c'est assez horrible quand on y songe, […].
(p. 530 de l’édition de poche folio)
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Rózsika a une sensationnelle chambre à vous proposer. Vous êtes ébahis, dans cette pièce, le temps s'est arrêté, vous êtes propulsée dans les années 1970, tout est marron et orange et en contreplaqué, c'est si beau et si moche à la fois, comment l'exprimer, c'est de la mauvaise qualité haut de gamme, c'est le top du luxe communiste, et manifestement cela a été entretenu avec amour.
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Vous tentez de vous remettre en ordre. Vous écartez les pensées les plus encombrantes, vous louvoyez, vous enjambez, vous rampez, et après avoir franchi de nombreux obstacles, vous finissez par arriver dans un coin à peu près tranquille de votre tête.
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L'adultère, la route est déjà toute tracée, quel ennui. Tandis que le mariage : maintenir la flamme vivante alors qu'on habite ensemble, qu'on se voit dans toute sorte de situations extrêmement peu glamour, qu'on est un couple officiel, en voilà un vrai défi, une aventure à l'issue authentiquement incertaine.
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Le droit de se déplacer on ne s'en félicite pas assez, il faudrait créer une fête de la libre circulation pour célébrer ce fabuleux droit de l'homme, les gens marcheraient sans logique apparente dans les espaces publics, ils effectueraient des huit et des cercles et des losanges afin de savourer le plaisir de libre-circuler, ils seraient déguisés en abeilles et bourdonneraient d'aise, parfois se cogneraient les uns contre les autres, parfois se serreraient dans les bras, ce serait une joyeuse cohue républicaine avec du vin rouge et des brochettes de tofu grillé, quel merveilleux projet d'animation urbaine vous devriez le soumettre à la mairie de Paris, par contre évitez d'en parler aux associations de sans-papiers, cela pourrait être mal pris.
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Nina Yargekov
S'il avait fallu lancer des paris, vous auriez tout misé sur le fait qu'un pays qui dans le passé a souffert d'un Mur est absolument immunisé contre l'idée d'en construire un nouveau. Que quand on a connu le confinement, l'isolement, l'exclusion, on ne peut une seconde envisager d'ériger un Mur. Qu'il faudrait être fou, qu'il faudrait être malade. Une ravissante théorie, laquelle toutefois rate piteusement son examen d'entrée dans la réalité. Puisque le Mur existe.
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« Une naissance en France est toujours un accident. C'est juste que vos parents étrangers rendent plus visible le caractère non nécessaire de la vôtre. Tous les Français de naissance sont des privilégiés. Pas uniquement vous. Pas uniquement les enfants d'immigrés. Pourquoi ne vous a-t-on pas prévenue ? Pourquoi n'est-ce pas inscrit sur votre passeport ? Les autres Français sont-ils au courant ? Chacun le sait mais personne ne s'en rappelle, voilà qui est étrange, mais c'est, mais c'est, mais c'est. Mille milliards de monocytes. C'est un privilège drapé dans une cape invisible ! […] La France est super-maligne, elle a tout prévu. Si elle est une terre d'accueil, c'est aussi parce qu'elle a besoin des immigrés et de leurs enfants sur un plan philosophique. Craignant que certains Français, par exemple des Français qui seraient très pressés et qui auraient beaucoup de soucis, ne prennent pas toujours le temps de bien réfléchir, de bien distinguer les pays et les gens, et que partant de là ces certains Français vraiment tête en l'air se mettent à croire que lorsqu'un État est inférieur à la France, ses habitants pourraient ne pas être des humains absolument égaux aux Français, ce qui serait rudement idiot mais parfois quand on vient de perdre son travail ou qu'on est en plein divorce, on fait des raccourcis de ce type, elle a décidé de prendre les devants en invitant chez elle des étrangers de basse extraction. Parce qu'elle sait qu'eux n'oublient pas. Quand on est d'origine pourrie on n'oublie jamais. Jamais. Grâce à eux, grâce à vous puisque via vos parents vous en êtes aussi, toujours en France on se souviendra du fait que personne n'a de mérite à être né où que ce soit. » (pp. 140-141)
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Vous êtes une adepte de l'ingénieuse tactique du salami comme on l'aura noté, une mauvaise nouvelle doit être annoncée tranche par tranche et non d'un bloc, ainsi l'interlocuteur s'habitue progressivement au lieu de faire une vilaine réaction de rejet.
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« - En fait, je crois qu'on tombe amoureux quand on n'arrive pas à décoder la structure pathologique de l'autre. » (p. 146)
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Les élites toujours pillent les codes des pauvres, transformant leur mauvais goût en audace vestimentaire, c'est comme les indécents bleus de travail dans les boutiques des jeunes créateurs, les élites être des élites cela ne leur suffit pas, il faut en plus qu'elles friment en arborant des marques de statut populaire , regardez je suis tellement détendu de la classe sociale que je n'ai aucunement peur d'avoir l'air plouc.
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... la rigueur intellectuelle n'est pas une boule à facettes en boîte de nuit...
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"Pourquoi, lorsque, au marché, un "camelot" virtuose, à grand renfort de mots et de gestes, glorifie la sardine française pour dénigrer la portugaise, m'éloigné-je, vexée ? Je ne suis pourtant pas l'objet de cette critique - qu'est-ce que les Russes auraient à voir là-dedans ? Mais, dénigrant la sardine portugaise, c'est moi qu'on a heurtée, mon âme . C'est elle qui m'a écartée du cercle des autochtones, me prenant par le bras avec plus d'autorité encore que mon ange gardien ou un gardien de la paix - légère différence tout de même."

Marina Tsvetaeva
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Votre avocat, il vous regarde avec ses yeux bleus, vous êtes bien contente d’avoir mis une jolie robe, et il poursuit, Paul Ricœur, le récit comme opération de mise en concordance, vous voyez où il veut en venir ? Non ? Ne vous inquiétez pas, c’est assez simple. Raconter une histoire, vous explique-t-il, c’est prendre des faits et les combiner, les agencer, les organiser, ce qui équivaut à impulser des intentions, à proposer une interprétation, à suggérer une chaîne causale
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Vous protestez, le rami est un jeu de hasard, c'est horrible de s'en remettre au hasard, si elle a une préférence pour les cartes alors un bridge à la rigueur, ah non vous n'êtes que deux. [...] Non non elle vous assure son truc c'est le rami, elle est férue de rami vous devriez le savoir tout de même, et pour votre information il s'agit d'un jeu de hasard raisonné, l'objectif est de tirer le meilleur parti possible des cartes reçues. Les échecs elle n'aime pas du tout, les échecs créent une illusion de liberté totale, c'est une tartuferie, la liberté n'existe pas, la vie c'est beaucoup d'arbitraire et un soupçon de liberté, on doit composer avec les cartes reçues y compris si elles sont pourries.
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« […] mais précisément parce que vous n'êtes pas attentive au fond de son propos, vous êtes progressivement happée par les inflexions de sa voix, par ses silences, par ses scansions et par ses rythmes, qui charrient comme, c'est dans le ventre c'est dans la poitrine c'est dans le cœur, qui charrient comme, c'est l'exil c'est le retranchement c'est la brûlure, est-ce vraiment ce que vous y entendez, c'est la mésaventure de n'être pas soi de n'être pas l'autre soi de n'être qu'un seul soi d'avoir perdu arraché l'autre voie présent non advenu version pliée de l'histoire c'est le renoncement, et dans les modulations de cette prosodie vous décelez également comme une complicité naissante entre vous, comprenant ou croyant comprendre, vous ne pouvez jurer de rien dans votre état, qu'il ne lui déplairait pas de rencontrer chez vous un écho approbatif, la marque d'une communauté de destin, qu'il lui agréerait que vous lui signifiiez que oui, vous faites comme lui partie du groupe des immigrés qui viennent d'un pays tout pourri comparé à la France.
[…] Ce que vous partagez présentement avec le chauffeur de taxi, cette appartenance au Nous des gens de peu d'importance, des perdants, des minables, des désargentés, des mal sapés, des arriérés en jogging, des restés sur le quai, cette connivence des ploucs de la planète, des laissés-pour-compte, des sans voix, des sans poids, des qu'on oublie de prévenir, des qu'on n'écoute pas, des vaincus perpétuels, jamais vous ne le partagerez avec votre mari. […] La hiérarchie géopolitique ronge votre communication de couple, vous êtes mariée mais profondément seule. » (pp. 28-29)
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S'il avait fallu lancer des paris, vous auriez tout misé sur le fait qu'un pays qui dans le passé a souffert d'un Mur est absolument immunisé contre l'idée d'en construire un nouveau. Que quand on a connu le confinement, l'isolement, l'exclusion, on ne peut une seconde envisager d'ériger un Mur. Qu'il faudrait être fou, qu'il faudrait être malade. Une ravissante théorie, laquelle toutefois rate piteusement son examen d'entrée dans la réalité. Puisque le Mur existe.
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