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Critiques de Patrick Kurtkowiak (16)
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Les femmes de Zygmund

Avec Les femmes de Zygmund, j'ai retrouvé avec plaisir un nouveau livre de Patrick Kurtkowiak. Voilà un auteur qui me sort systématiquement de ma « zone de confort », qui me fait toujours réfléchir et me donne toujours l'occasion de mettre de l'ordre dans ma pensée.



C'est de nouveau vrai, même si cette fois-ci, le livre est un peu différent. On peut en faire deux lectures totalement opposées.



La première, sans doute la plus évidente, consiste à constater une fois de plus que tous les personnages pensent au sexe, continuellement, racontent leur vie et leurs pensées en commençant exclusivement par leur vie sexuelle, avec force mots crus et descriptions non moins crues, voire vulgaires. C'est bien évidemment ce qui me sort de ma zone de confort, et je me suis déjà interrogée, notamment au sujet de Danger, verglas, sur ce que pouvait bien signifier pareille obsession, du point de vue du lien entre pensée et écriture. Je n'y reviens pas.



La deuxième, que la première ne doit pas masquer, c'est qu'il y a une vraie maîtrise de la structure du roman. Il est construit en faisant progressivement converger des histoires croisées dont on ne comprend que petit à petit la manière dont elles s'imbriquent. Les personnages sont liés, mais on ne sait pas tout de suite comment. On le comprend petit à petit, on ne peut pas tout deviner dès le début. Et le livre finit d'une manière très pessimiste d'un côté, très tournée vers la vie et le futur de l'autre : de manière complexe, donc.



Il serait facile de se dire que la crudité du propos entrave l'accès à la structure de l'histoire, et empêche d'en profiter pleinement. Mais lire un livre de Patrick Kurtkowiak, c'est aussi accepter que c'est son style. En revanche, il y a un troisième aspect que j'ai trouvé particulièrement saisissant : c'est celui de la recherche des origines. C'est cela, le vrai thème du livre. Origines de Zygmund, dans les pays baltes mais dénouées entre l'île Maurice et Saint-Malo. Origines de ses enfants, dont il a abandonné les mères et qui peinent à s'en remettre, chacun dans son genre. Origines des personnages secondaires aussi, qui ont tous quelque chose à régler avec leur enfance. Mais tout cela est généralement dit au détour d'une phrase, comme au vol, comme si c'était anodin, comme si ce n'était pas ça, le coeur du problème. Comme si c'était plus difficile de dire des sentiments et de parler du manque d'amour, que de parler de pratiques sexuelles…



Je me suis alors demandé quel était le véritable sens du mot « pudeur », et s'il est souhaitable d'être pudique en littérature. Est-il plus impudique de raconter sa vie sexuelle ou de parler d'une mère qui ne nous a pas aimé ? Est-il plus pudique de taire une dépendance au sexe tarifé ou de taire ses sentiments ? Que faut-il raconter, que faut-il taire ? La réponse est certainement qu'en littérature, il ne faut pas se mettre de barrières, ni d'un côté, ni de l'autre. Je vois donc Les femmes de Zygmund comme une oeuvre de transition dans les romans de Patrick Kurtkowiak, suite à laquelle l'impudeur pourrait changer de camp. A suivre...
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Ma Putain argentine

Ma putain argentine est un roman qui repose sur une question, annoncée d’emblée en quatrième de couverture : peut-on vivre une histoire d’amour avec une prostituée ?



Pour mon analyse de la manière dont l’auteur insère des allusions sexuelles dans tout le fil de son texte, je vous renvoie à mon commentaire de Danger, verglas : certes, cette manière d’écrire ne me correspond pas, mais elle est le signe d’une forme de pensée qui a besoin de reposer sur l’expérience concrète, tandis que ma forme de pensée a besoin en premier lieu de l’écriture. Et c’est toujours passionnant d’avoir accès à une forme d’esprit qui nous est opposée. Sinon, j’ai aimé ce livre… jusqu’à ce que le dénouement s’annonce, en forme de happy end dont je ne vais pas révéler le contenu, mais dont on peut quand même dire qu’il s’agit globalement d’un happy end favorisé par une série de coups du destin, le terme "destin" étant explicitement employé.



Cela m’a interloquée… et fait réfléchir, et j’ai compris que comme tous les livres de Patrick Kurtkowiak, ce roman est passionnant par les réflexions qu’il suscite. En effet, on est habitué à ce que la réponse à la question de la possibilité d’une histoire d’amour avec une prostituée soit "oui, mais c'est un genre d'histoire d'amour voué à se terminer spécialement mal". La littérature en a déjà fourni de nombreux exemples, depuis longtemps : La dame aux camélias, Carmen, Nana… Mais ce "oui, mais" ne sonne-t-il pas comme une réticence à répondre simplement "oui", comme si on voulait à tout prix qu'il y ait une morale qui soit sauve ? Pourquoi ne pas répondre tout simplement "oui" ?



On rétorquera que la raison est toute simple : la jalousie, déjà difficile à affronter dans tout couple, est forcément démultipliée lorsqu’un des partenaires se prostitue. Ma putain argentine n’élude pas cette question : Julien sait d’emblée que c’est une prostituée qu’il rencontre, mais lorsque les sentiments entrent dans leur relation, la jalousie s’en mêle. Mais pourquoi cela devrait-il impliquer que cette histoire est impossible ? Emportés par nos préjugés, ou tout simplement par nos habitudes, nous nous attendons à ce qu’elle le soit… et c’est là que Patrick Kurtkowiak va complètement à l’encontre de nos a priori.



La question de la prostitution est un sujet sur lequel nous avons tous des idées reçues et sur lequel il est facile de s'abriter derrière des valeurs incontestables (respect du corps d'autrui, détestation de la traite d'humains à qui on confisque le passeport et qu'on traite en esclaves). Mais la lecture de King kong théorie de Virginie Despentes m’a amenée à accepter plus de nuances : cette auteure s’appuie sur son expérience personnelle pour montrer que se prostituer ne signifie pas toujours être dominé - tout comme ne pas se prostituer ne signifie pas toujours être libre. Alors pourquoi pas imaginer un roman qui reprend les codes de la romance pour les appliquer à un sujet qui représente le dernier endroit où on s’attendait à les retrouver ?
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secouez puis versez

Je lis avec curiosité les romans et les nouvelles de Patrick Kurtkowiak depuis quelque temps. En effet, j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à propos de ses autres livres : il écrit en faisant passer les messages venus du corps avant ceux de leur interprétation, sans les passer par un filtre de censure, donc en laissant libres toutes les réflexions intérieures sur la sexualité des personnages, contrairement à moi. Cette distance m'intéresse et m'interroge.



Mais dans le recueil Secouer puis verser, son écriture a changé.



Bien sûr, il reste, mêlées à la narration, des généralités sur la vie sexuelle des personnages : j'imagine que c'est parce que pour l'auteur, c'est un baromètre puissant du couple et que cela lui permet de caractériser les couples qui vont bien et ceux qui ne dureront pas. Pourquoi pas. Mais il ne s'agit plus de s'arrêter aux détails et de les insérer systématiquement dans la narration : c'est plutôt une caractéristique parmi d'autres, qui est donnée une fois ou deux parmi d'autres caractéristiques de la vie et du couple. Elle n'est plus dominante.



Quelles sont les conséquences, pour l'écriture, de pareille évolution ? Il me semble que si le corps est moins important, alors cela laisse la place à deux choses.



D'abord, si la clé des relations entre les êtres n'est plus à chercher uniquement dans leur vie sexuelle, c'est qu'elle est aussi ailleurs, dans tout ce qui n'est pas déterminé de manière immédiate par le corps : les relations parents-enfants, les relations amicales, la nostalgie, deviennent déterminantes. La nouvelle « Amicalement vôtre » est à cet égard intéressante, un peu comme si elle était à la frontière entre les deux mondes : son thème central est celui de l'amitié, mais cette amitié est gâché par la sexualité. Dans la dernière du recueil, « Rade nostalgie », c'est carrément l'inverse : amitié et parentalité rendent dérisoires les motivations sexuelles du héros.



Et ensuite, les émotions deviennent beaucoup plus cruciales. Non pas qu'elles étaient absentes de ce qu'écrivait l'auteur auparavant. Mais il était beaucoup question de rivalité, d'amours tarifées, de rapports de force ou de manipulation, qui cristallisaient les rapports entre les personnages et finissaient par résumer leurs rapports et leurs sentiments. Dans Secouer puis verser, les émotions guident les décisions des personnages et conditionnent le dénouement de chaque nouvelle : c'est particulièrement visible dans « La Complainte du Vieux Beau ». Au début, ce personnage est résumé d'un « vieillir vaut mieux que mourir mais quelle tristesse de voir le temps passer ». Au fil de la nouvelle, le personnage « se [découvre] une âme de père envers un fils qu'il n'avait jamais eu, le transfigurant ». Avec une conséquence inattendue en conclusion...



C'est peut-être ce mot qui résume le mieux le processus à l’œuvre dans ce recueil : une transfiguration des personnages qui fait écho à celle que je décèle dans l'écriture de l'auteur. Au final, j'ai passé un très bon moment à la lecture de ces nouvelles qui, grâce à l'importance donnée aux émotions des personnages, peuvent s'affirmer comme de vraies nouvelles à chute.
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Danger, Verglas

"George devinait la manipulatrice extrême, de celles qui lisent dans le caleçon des hommes pour en deviner les faiblesses". Virginie Despentes ? Non. Patrick Kurtkowiak. Un homme, dont les textes me font furieusement penser à ceux de l'auteure de Vernon Subutex... mais pourquoi ?



Danger, verglas est un court recueil de cinq nouvelles, un format différent de celui de prédilection de Virginie Despentes. le thème ne ressemble à aucun de ses romans non plus, encore que le titre soit une métaphore qu'elle ne dédaignerait pas : dans ces nouvelles, il fait toujours beau, on se rend même sous les tropiques, et personne ne glisse sur la moindre plaque de verglas... mais tout le monde se casse la figure sur les pièges de son destin.



Et il y est crûment question de sexe, à toutes les pages. Nous y voilà : ça, c'est un vrai point commun avec Virginie Despentes. D'autant plus que les deux auteurs s'écartent des stéréotypes, chacun à leur façon. Virginie Despentes s'en écarte en imaginant toutes les situations - toutes les sexualités, toutes les distributions des rôles. On peut tout autant croiser un personnage féminin loser à l'histoire complexe comme dans Bye bye Blondie, qu'un personnage féminin fort et aux caractéristiques habituellement masculines comme La Hyène, dans Apocalypse bébé puis Vernon Subutex. Chez Patrick Kurtkowiak, c'est moins évident, et pourtant il me semble qu'il s'écarte tout autant des stéréotypes parce ni hommes ni femmes n'ont le beau rôle, personne ne sort jamais gagnant de l'usage qu'il fait du sexe. Les hommes sont menés par leur sexe, qui les mène à leur perte : dans la nouvelle le plus beau métier du monde, Michel perd la tête pour une maîtresse cupide, mais somptueusement dotée par la nature et vivant de ses charmes. Les femmes dominent souvent les hommes ou du moins se jouent d'eux, de leur crédulité, mais leur seule arme est le sexe : dans La saveur de la vanille, Sandra piège celui qu'elle pense être un riche mari avec la saveur vanille de sa peau pendant l'amour.



Alors certes, l'un étant une femme et l'autre un homme, les deux auteurs ne parlent pas de sexe de la même façon et ne l'intègrent pas de la même manière dans leurs textes. Mais cela ne doit pas occulter les points communs : tous deux intercalent des références, des pensées, des actes sexuels, aussi souvent qu'ils y penseraient ou qu'ils se produiraient dans la vie. D'ordinaire, nous sommes habitués à traiter les pensées à connotation sexuelle comme des pensées intrusives, et à ne pas raconter notre journée en disant "j'ai raté mon train parce qu'on a fait l'amour avant de partir" ; que ce soit dans la vie ou dans les livres, nous sommes habitués à une censure spontanée. Ces auteurs ne sont certainement que peu différents de nous dans le fond (la psychanalyse l'a abondamment montré), mais dans la forme, ils n'appliquent pas de censure, voilà tout.



Mais de quoi ce commun rejet est-il la traduction ?



Je pense qu'il est la traduction d'une primauté de l'expérience du corps, de l'expérience vécue. Certes, l'écriture est une abstraction. Mais celle de ces auteurs ne provient pas en premier lieu des idées, des pensées, des fantasmes, bref de tout ce qui fait l'imagination ; elle vient d'abord du corps, elle colle d'abord aux signaux qu'envoie leur corps, aux perceptions de leurs cinq sens. Et les émotions en sont les conséquences. C'est l'inverse d'une écriture introspective qui, elle, part du monde intérieur, communique d'abord les émotions, les liens ressentis avec les autres, et s'incarne éventuellement dans un corps. Prenons un exemple chez Patrick Kurtkowiak, tiré de la nouvelle Un gendre idéal :



"Quant à Henri, son beau-père... Vise un peu le portrait ; épais, courtaud, l'oeil vif et le teint rougeaud ; des battoirs lui tiennent lieu de mains, ongles rongés cependant ; le cheveu gras, mal peigné ; perpétuellement en rut, l'animal ; le gonze portait sur son visage les stigmates du jouisseur : à un détail près, car il était beaucoup plus fin que ce que sa trogne montrait".



C'est à la fin du paragraphe qu'on apprend que l'homme est fin - donc intelligent, capable de raffinement -, et jouisseur. Ça, on l'avait deviné en lisant sa description, mais ce n'est nommé qu'à la fin car la démarche de l'auteur, c'est d'abord d'observer, puis de déduire, puis de conclure. Observer, c'est-à-dire tout observer, même ce que la bienséance ordonnerait pourtant de taire ou de rendre implicite. Alors que dans un écrit introspectif, on aurait un paragraphe inversé : l'auteur donnerait d'abord son impression, celle de rencontrer un homme complexe, à la fois fin et jouisseur, et il creuserait cette impression, au besoin en établissant des comparaisons avec un souvenir ; puis il rechercherait les caractéristiques physiques contradictoires qui viendraient en illustration de son impression. Et, selon son envie, il trouverait un équivalent pour le côté "perpétuellement en rut" : ce serait secondaire.



Cela signifie que finalement, mon propos n'est pas la place du sexe en littérature, mais plutôt, ce que révèle une place prépondérante accordée aux allusions sexuelles : elle révèle une écriture qui vient du corps. Et si l'écriture vient du corps, alors cela a aussi pour conséquence que même quand ses écrits ne sont pas autobiographiques, l'histoire personnelle de l'auteur les imprègne. Virginie Despentes a raconté dans King kong théorie que sa vie ne pouvait pas ne pas tourner autour du viol dont elle a été victime ; dans Sexy sixties, mon doux chaos, Patrick Kurtkowiak a raconté son voyage au bout de l'Orient et son retour, "Clochard Céleste" de la "beat generation" dans les années 1960, et cette expérience imprègne tout ce qu'il écrit.



Alors Patrick Kurtkowiak est-il la version masculine de Virginie Despentes ? Non : il est Patrick Kurtkowiak ! Il a écrit des nouvelles, une autobiographie, auto-édités dans la même maison que la mienne, Librinova, ainsi que d'autres textes disponibles sur internet ; si ses écrits sont plus brefs, c'est en bonne partie parce qu'il s'attarde moins que Virginie Despentes sur les conséquences émotionnelles de ce qu'il raconte. Elles sont en quelque sorte implicites, ce qui laisse libre cours à l'imagination du lecteur, facilitée par une écriture très imagée et très évocatrice. Mais cela n'empêche pas qu'en le lisant, on en apprend plus sur soi car on peut décider si on est du côté de ceux qui, comme Virginie Despentes ou lui, écrivent au rythme de ce qu'ils ressentent, ou du côté de ceux ne peuvent ressentir pleinement que ce qu'ils ont d'abord écrit. De quel côté êtes-vous ? Pour le savoir, lisez Danger, verglas !
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Ma Putain argentine

Ce qui frappe, de prime abord, chez l’auteur, c’est son sens du rythme. La plume est vive, alerte, acérée, le style, tout en fluidité, se pique d’envolées lyriques pour mieux s’encanailler dans une verve crue, qui dénude émotions et sentiments intimes sans honte ni pudeur, mais avec un humour caustique qui équilibre et exacerbe tout à la fois. L’exercice et la facture, très originaux, sont d’une signature de haute volée.

Pas de demi mesure, pas le temps de tergiverser, on est d’emblée dans la foulée du narrateur, plongés ipso facto dans son intimité, ses doutes, ses peurs, et sa formidable envie de se bouger.

Après avoir vécu une vie comme tout le monde, Julien veut vivre pour lui-même, en accord avec ses désirs et ses pulsions auxquels il donne libre cours, envoyant valser les codes pour libérer son esprit et jouir. Absolument. Heureux homme, il rencontre son alter ego, sauf que c’est une putain. Peut-il l’aimer ? Peut-elle l’aimer ? Peut-on s’aimer dans ce contexte, avoir de véritables sentiments au-delà du sexe ?

Cette aventure passionnelle, charnelle, qui survient alors que Julien a déjà un passif et un bilan ternes est un somptueux élan d’énergie vitale, avec en ligne de mire l’Argentine, ses magnifiques paysages, ses secrets lourds et ses promesses d’Eldorado. Pour Julien, est-ce une chance à saisir ou un naufrage programmé ? La passion se heurte aux écueils d’une réalité dure qui se moque de la tiédeur et des faux semblants.

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Métissage blues

Métissage : Union féconde entre hommes et femmes d'origine ethnique différente.

Blues : genre musical vocal et instrumental dérivé des chants de travail des populations afro-américaines subissant la ségrégation raciale aux Etats Unis. Style où le chanteur exprime sa tristesse et ses déboires.

Kurtkowiak Patrick : bourlingueur, musicien et romancier dont la plume piquante, réaliste et enrobée d’humour narre les péripéties de ses contemporains depuis 2016. Métissages Blues est son 8ème ouvrage.



A l’instar d’un concept-album, l’auteur réalise avec Métissage Blues, un recueil de nouvelles sur un thème qu’il connaît pour avoir copieusement roulé sa bosse sous diverses latitudes. Chaudes de préférence, au sens propre et figuré. Du vécu donc, un regard incisif sur la société en général et l’humain en particulier, que vient ici percuter Celui qu’on n’attendait pas mais qui change brusquement toute la donne. Pour les protagonistes, il y a en effet un avant et un après Covid, d’où la nécessité pour chacun de faire un point sur son existence avant de reprendre, autant que faire se peut, le cours de ses magouilles existentielles. Des personnages bien trempés, des situations jubilatoires où s’invite la réflexion sur des thèmes précieux : l’identité, la famille, le racisme, le poids de l’âge... traités avec un humour caustique non dénué de pudeur. Un choix créatif et une présentation originale avec des nouvelles en « single » puis des « mixtes » reprenant des personnages mis en scène. Un bon cru, et une nouvelle opportunité pour l’auteur de démontrer, outre son talent, son humanité.

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Sexy Sixties, mon doux chaos

1964. Dans cette France de l’après guerre dirigée par De Gaulle, Phil a dix-huit ans. L’âge de la rage, de l’impatience, des premiers émois et des rejets définitifs. Il observe le monde autour de lui, voit les modèles se déliter, les vérités d’hier s’effacer devant celles d’aujourd’hui.

La société change et vibre sous les assauts furieux de nouveaux accords venus d’outre atlantique et vertueusement revisités par de jeunes blancs en colère : le Rythme and Blues explose, hissé haut par une invasion de groupes anglais. Les Rolling Stones déferlent dans la vie de Phil, distillent leur ire anti establishment : « I can’t get no satisfaction », « under my thumb », « get off of my cloud » and so on.

Phil est scotché, convaincu, abasourdi : iI a crié dans le vent et a reçu un écho amplifié, il n’est plus seul, mais un des leurs. Il sera un Stone ou ne sera pas.

Sur les ailes de ces « sexy sixties », le tremblement se répand à travers l’Europe, file vers les Usa pour revenir alourdi par les affres de la guerre du Vietnam, l’assassinat de Luther King, la prise de conscience des Black Panthers, tandis que Jefferson Airplane lâche le peace and love pour des chants guerriers : « up against the wall », préludant de quelques décennies la destruction d’un autre mur-frontière.

Happé par ces changements et la parole de Kérouac, Phil prend la route : Turquie, Afghanistan, Népal, Iran, se perd dans les ornières des routes mythiques et fabuleuses pour mieux se retrouver, ayant vécu ce qu’il avait à vivre, ayant consenti à grandir assez pour vieillir un peu.

Outre un voyage dans l’espace et le temps, ce roman de Patrick Kurtkowiak est celui d’une initiation : partir pour se connaître, affronter ses peurs, ses envies, se défier, éprouver ses propres codes afin d’accepter -ou pas- ceux qui sont imposés, éveiller une conscience dans l’individu avant/afin qu’il (ne) devienne un citoyen éclairé ou un pur rebelle, réveiller ses méninges avant qu’elles ne s’endorment.

Phil poursuit sa route semée des cendres d’anciens rêveurs. Descendus de l’Airplane, Grace et ses acolytes ont affrété un starship pour aller plus loin dans leur voyage cosmique. Fade away and radiate.

Tel le vol improbable d’un dirigeable de plomb, Aquarius a plané un temps avant de s’écraser : l’ère du Verseau n’a pas apporté les changements escomptés, l’humanisme s’est avéré incapable de transcender l’humanité. No one here gets out alive.

Et dans le silence oppressant, comme des pièces d’échiquier, les pierres continuent de rouler emportée par leur élan. It’s only rock and roll (but I like it).

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Les femmes de Zygmund

Au centre de « Les femmes de Zygmund » trône Zygmund, personnage issu de l’immigration, héritier d’un passé et d’un prénom difficiles à assumer. Au premier abord, l’homme parait sympathique, voire touchant lorsqu’il confie ses doutes et reconnait ses faiblesses, son incapacité à être père et époux. En effet, s’il a un faible pour les femmes, Zygmund n’a pas la fibre familiale, préférant prendre la tangente bien loin lorsque se profile l’ombre de la paternité. Ainsi transporte-t-il son errance de femme en femme, de pays en pays. Il féconde, puis part à tire d’ailes butiner ailleurs, fugace, inconstant, axé sur l’assouvissement de ses besoins physiques. Zygmund consomme, prend, avec un cynisme que son langage parfois obscène nous assène. Zygmund ne donne pas. Zygmund n’aime que lui-même. Et cela crée de graves dommages collatéraux qui détruisent ses enfants. Sa fille Emma va imaginer une ruse pour se débarrasser de ce géniteur encombrant à force d’absences et de désintérêt, et qui ne se laisse pas aimer.

Délivré en actes, ce récit évoque une pièce de théâtre, un huit clos moderne, cruel, qui incite à une réflexion sur la paternité, la filiation, les relations hommes-femmes vécues avec rudesse et crudité. Sous le verni social, la violence viscérale, la question de nos origines dont le poids peut parfois nous river au sol, comme un boulet invisible.

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secouez puis versez

Secouez puis versez est un recueil de dix nouvelles signées par Patrick Kurtkowiak. On y retrouve son univers inspiré par les voyages, l’observation et l’écoute de ses semblables, son humour décalé et son trait de plume direct. Ainsi la première nouvelle qui s’offre au lecteur « La Fille du Monastère » est née d’une anecdote authentique : celle d’une jeune femme qui décide subitement de faire une retraite. L’imagination de l’auteur fait le reste et trousse une intrigue habile. « La Complainte du Vieux Beau » est ma préférée. Centrée sur l’exaspérante personnalité du Vieux Beau, elle exprime des émotions véritables : la douleur de vieillir, la souffrance de la solitude, la prise de conscience, soudain, de la vacuité du paraître. La trame s’inscrit dans une réalité actuelle : la prison, la peur du terrorisme subtilement suggérée, et finit par un cocktail de tolérance, de fraternité bienvenu. « Les Vacances de la Championne » et « Rade Nostalgie » évoquent le terrible sujet de l’exploitation des enfants. La truculente « Notoriété » démarre sur des chapeaux de roues, on croit l’affaire vite pliée : le personnage principal assume tellement bien sa vénalité qu’on est presque acquis à sa cause. Las ! En quelques phrases, tout repart vers une autre direction, vers un dénouement inattendu. C’est bien le propre des nouvelles réussies, comme le fait de pouvoir les lire séparément en prenant son temps. Secouez, versez, et consommez. Sans modération.
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Assimilé.fr

Sans plus

Sans grand intérêt, manque de crédibilité, beaucoup trop orienté au niveau politique. Les personnages ne sont pas attachants bien au contraire, quelques pointes d’humour par-ci par-là et encore. Question érotisme il n’y a pas grand-chose pour ne pas dire rien. Mais bon le roman est gratuit

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Danger, Verglas

Danger, verglas est un recueil de nouvelles. De cinq nouvelles pour être exacte. Dans chacune d'elle, on se retrouve face à des situations quelque peu extrêmes voire même limite explosives. Il y a Romain, Georges, Sylvain ou encore Sandra. Chaque personnage à son propre univers, sa propre histoire, ils vivent chacun à un coin du globe et n'ont rien en commun sauf que leur situation à chacun finit toujours par déraper...



Je ne suis pas une grande fan de nouvelles en règle générale, j'aime me plonger dans des centaines de pages pour avoir le temps de faire vraiment "tout le tour" de l'histoire. Alors quand je lis des nouvelles, il faut qu'elles soient percutantes, vives, et qu'en seulement quelques pages, elles me marquent.



Les nouvelles de Patrick Kurtkowiak le sont ! Percutantes par la dérive de chaque histoire, marquantes par des personnages forts et par la noirceur qui se dégage aussi, et la plume quelque peu acerbe de l'auteur marque d'autant plus cela. Les dérives où se mêlent bien souvent sexe et drogues sont presque extrêmes. Le lecteur est quelque peu marqué par ce qu'il lit.



Danger, verglas offre un panel de personnages atypiques et d'histoires intéressantes. Le seul bémol que je peux apporter est que parfois les personnages sont trop nombreux dans une seule et même nouvelle. Bien qu'ils aient tous leur place au final dans l'histoire, j'aime à prendre le temps de comprendre chacun, mais dans des nouvelles ce n'est, bien entendu, ni possible ni le cas. C'est le petit point que je tenais juste à souligner, alors prenez garde à ne pas vous y perdre parfois.



Mais si vous voulez vous faire plaisir avec cinq nouvelles et cinq histoires qui vont vous révéler les faces cachées et parfois noires de ses personnages, Danger, verglas n'attend plus que vous !
Lien : http://aubazaardeslivres.blo..
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Ma Putain argentine

J’ai beaucoup aimé ce livre pour son style et sa créativité linguistique. Le sujet est chaleureux et humain, la narration est vivante, et le lecteur peut y trouver son propre moyen d’évasion.
Lien : http://xpatny.free.fr
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Sexy Sixties, mon doux chaos

Aujourd’hui, le 1er mai 2018, marque le début officiel du souvenir du Grand Cirque, et je peux déjà voir une liste de conférences organisées pour que les bien-pensants viennent nous expliquer l’inexplicable.



La récupération a déjà recommencé. Il y a 50 ans, les étudiants de Nanterre dont je faisais partie ont passé un hiver de contestation permanente à la suite d’une performance mémorable dans son amphithéâtre de “Mysteries and Smaller Pieces” par le Living Theater qui a ouvert des portes sur un inconnu philosophique, psychologique, spirituel, et intellectuel en nous forçant à remettre en question toute l’éducation bourgeoise, cartésienne, et catho-gaulliste que nous avions reçue depuis notre naissance.



Une réforme de l’éducation a fini par être le cri de ralliement qui a provoqué le Mouvement du 22 Mars lorsque une poignée de contestataires politisés a occupé le bureau du Doyen Grappin. Les petits bourgeois bien-pensants ont suivi, mais la récupération a commencé avec les Trotskistes, Maoïstes, Léninistes, Anarchistes, Communistes, Socialistes, Bakounistes, etc… qui ont trouvé une porte entrouverte qu’ils ont défoncée pour sortir de l’ombre où ils étaient nés discrètement.



Par la suite, les syndicats et les ouvriers se sont mis en grève et ont fini par suivre les étudiants dans la rue. La récupération institutionnalisée fut alors complète et le mouvement étudiant s’est alors retrouvé à poil entre les grands joueurs classiques de la politique française.



Aujourd’hui, la récupération reprend avec un programme classique de conférences, de films et programmes à la télé, d’événements, et probablement de manifs …



Mais pour ceux qui l’ont vécu – comme le Phil de “Sexy Sixties” et moi-même – Mai 68 n’avait rien à voir avec le monde de la politique institutionnelle. C’était une expression de joie de vivre, de musique, de littérature, de poésie, d’exploration de soi et du monde extérieur, de découverte sexuelle, et donc d’échappatoire du carcan dans lequel nous avions grandi.



Comme Phil, je lisais Kerouac – à tel point que j’ai écrit mon Mémoire de Maîtrise intitulé “Un Portrait de Jack Kerouac d’après Desolation Angels” … je faisais du stop pour aller à Londres, Amsterdam, et Copenhague … je suivais les sorties de disques qui marquaient les jalons de mon évolution – principalement ceux des Rolling Stones … et je suivais mon compas intellectuel et spirituel de liberté et d’expression individuelles.



Puis comme Phil, je suis sorti des frontières de l’Europe. Beaucoup de mes amis allaient comme lui vers l’Afghanistan, l’Inde et le Népal, et je suis allé dans cette direction jusqu’en Turquie. Mais mon monde se situait plus à l’Ouest et je suis allé à la découverte de l’Amérique. Sans l’avoir planifié, j’ai passé mon premier week-end aux Etats Unis au Festival de Woodstock à la suite de quoi j’ai jeté mon billet de retour et ai passé 9 mois à San Francisco en 1969-1970. Mon univers interne y a basculé en découvrant une culture différente qui m’a transformé bien plus que le brouhaha de Mai 68 à Nanterre et Paris.



Lorsque je suis rentré à Paris, je ne pouvais plus communiquer avec mes anciens “amis”. Nous ne parlions plus la même langue et je n’avais plus rien en commun avec eux qui se repassaient encore tous les jours leur film de Mai 68. Par contre, quand je lis “Sexy Sixties” je comprends Phil. L’auteur lui donne une vie sincère et intègre dans laquelle je me retrouve aisément. Nous avons beaucoup de choses en commun et les quelques différences sont normales et faciles à accepter.



Quel impact Mai 68 a vraiment eu sur la France, et qu’en reste-t-il 50 ans plus tard ? De Gaulle a été suivi par Pompidou puis par Giscard d’Estaing. Pas exactement une réussite politique. La réforme de l’éducation a été suivie par plusieurs, et c’est toujours une œuvre en chantier. Pas exactement une réussite non plus. Les grèves et manifs d’avril-mai sont toujours un rite de passage annuel. Plus ça change, et plus c’est la même chose.



Socialement, dans mon groupe d’étudiants où il y avait 6 ou 7 filles de plus que de garçons, les filles ont marqué leur indépendance en perdant leur virginité en masse pendant le mois de mai 1968. De mai à septembre, la France a connu une explosion de libération sexuelle que nous n’avions pas connue depuis que nous étions nés, mais tout a repris son train-train habituel à la rentrée … et la plupart de ces exploratrices sont devenues des petites-bourgeoises tranquilles par la suite.



Beaucoup de mes copains ont suivi la route de Phil. Moi, je me suis retrouvé en Amérique Latine pendant 6 ans (un an comme guide de safaris en jungle amazonienne colombienne, puis 5 ans à Rio de Janeiro) avant de venir à New York où je vis depuis 41 ans. D’autres sont allés en Afrique, d’autres plus loin en Asie. Mais, à l’époque, nous partions en voyage pour découvrir le monde. Maintenant, on n’entend plus parler que de fuite des cerveaux et de fuite du capital.



Personnellement, il ne me reste qu’une chose tangible de Mai 68 : un clou de passage clouté que j’avais trouvé sur une barricade proche de la Place de l’Odéon. Ça, au moins, c’est concret. Je peux le toucher quand je veux. Je l’ai placé sur une étagère de mon salon et, quand je le vois, il me fait sourire en pensant à ce que j’avais et que j’ai toujours : mon esprit contestataire, l’amour du rock and roll, l’appréciation des femmes qui sont heureuses de l’être, et le fait qu’il n’y a pas de mal à vieillir en gardant l’esprit jeune.



Tout le reste est du pipeau … et je m’attends à une litanie de banalités qui vont nous rabattre les oreilles au sujet de Mai 68. Les anciens combattants vont se faire entendre mais, comme le disait si justement mon père avec qui je n’avais pas grand-chose d’autre à partager à l’époque : vous êtes les anciens combattants d’une guerre qui n’a jamais existé !



Merci à Patrick Kurtkowiak pour l’intégrité de ses “Sexy Sixties”. Ceux qui ont vécu cette époque du bon côté des barricades s’y retrouveront, et ceux qui n’en ont entendu que des bribes découvriront ce qu’il faut en retenir.


Lien : http://xpatny.free.fr
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Métissage blues

Quand j’ai commencé ma lecture, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un recueil de nouvelles car chaque chapitre présente un personnage et son histoire. Mais au bout de quelques chapitres, un personnage est revenu, puis un autre et tout s’est plus ou moins imbriqué. 



On découvre beaucoup de personnages. Beaucoup sont métisses comme l’indique le titre mais l’on reste dans le franco-français avec des natifs d’anciennes colonies ou des DOM-TOM. On y parle principalement de racisme, de souci d’intégration et d’hommes qui cherchent un certain exotisme… Le tout sur fond de Covid. 



On sent le travail de l’auteur mais le tout manque de liant. On a parfois l’impression d’être face à une trame de roman. Il y a également pas mal d’idées reçues et de clichés. Le vocabulaire varie entre le registre soutenu et de l’argot. C’est un peu dommageable. 



Un livre qui pour moi n’est pas assez abouti. 
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Métissage blues

Patrick Kurtkowiak nous invite à regarder en face un des gros problèmes sociétaux dans notre pays : la mixité ethnique. À travers ses nouvelles, l’auteur raconte des récits de vie axés sur le métissage de ses personnages, sur l’image qu’ils renvoient et sur leurs propres idées reçues. L’idée de mettre en avant le mélange des cultures est très intéressante. Cependant, le parti pris de l’auteur peut vite être dérangeant.



Ce dernier est teinté d’un tel pessimisme et d’un tel cynisme que cela fait peur, auxquels s’ajoute parfois une vulgarité qui n’est pas nécessaire. Effectivement, le vivre ensemble n’est pas toujours présent entre les différentes communautés et les problèmes sont bien réels. Mais, en arrive-t-on toujours à l’incompréhension, à l’indifférence, à la haine ? L’auteur semble l’affirmer, n’incluant que peu d’espoir, le moule étant apparemment déjà cassé. Le problème est qu’on en arrive à des idées extrêmes, des caricatures et à des généralités qui stigmatisent des populations entières. Le fait d’inclure la COVID dans toutes les nouvelles rend l’atmosphère d’autant plus pesante. Je ne pense pas que l’auteur ait réussi à véhiculer son message, en tout cas je l’espère parce que le résultat est alarmant. Néanmoins, ce titre très bien choisi semble me donner tort.
Lien : https://entournantlespages.w..
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Métissage blues

Voici donc le tout premier livre que je découvre en tant que lectrice pour les éditions Librinova, que je remercie pour leur confiance et mon intégration au sein de leur « jury de lecteurs » en cette année 2022 ! Malheureusement, pour moi et sans doute pour l’auteur, cette lecture a été un flop…



D’abord, ce (très court) livre est un recueil de (très courtes) nouvelles, genre que je n’avais pas coché parmi mes choix, car je n’affectionne pas ce format et aurais préféré éviter : ça commençait plutôt mal. Ensuite, ce titre intriguant de « métissage » m’avait interpelée (je travaille dans le secteur de l’aide humanitaire internationale, et suis très sensible à tout ce qui s’apparente à ce sujet), mais j’ai vite déchanté : on a beau parler de métissage de diverses couleurs et origines, il saute très vite aux yeux que ce livre est extrêmement franco-français. En effet, tout tourne autour de la France, de sa politique (où une certaine Marine tient une place démesurée), de ses mesures sanitaires spécifiques, de ses anciennes colonies (dont certaines font désormais partie des « Outre-mers ») et de quelques pays bien indépendants mais par où la France coloniale est passée tôt ou tard… Autant dire que la Belge en moi s’est très vite lassée, voire irritée de ce regard très hexagonal. Métissage, oui, mais pas francophonie : visiblement l’auteur n’est pas au courant qu’il y a d’autres lecteurs francophones de par le monde, que ceux de l’ancien empire colonial français !



Mais, pire que ces remarques somme toute très « belgo-personnelles », j’ai eu du mal à appréhender le regard très désabusé que l’auteur porte sur le monde d’aujourd’hui. Il semble en permanence regretter un monde révolu (celui des années 1970, quand tout le monde était un peu bisounours), et ne voit plus que les travers actuels, qui sous sa plume ont l’air de se résumer à : des Blancs qui ne votent plus que pour l’extrême-droite en se repliant sur eux-mêmes, des Colorés qui se réclament de l’indigénisme, voire pire (on a un bref passage par les extrémismes religieux) ; les hommes sont des lâches qui ne pensent qu’à trousser les filles, les femmes sont des profiteuses qui ne pensent qu’à manipuler les « gonzes »… Attention : ce n’est pas ça qu’il dit, du moins pas explicitement, mais c’est décidément ce que je retiens de ma lecture, où les clichés abondent.

Je rebondis sur ce mot de « gonze » : la plume de l’auteur est clairement travaillée, parfois peut-être un peu trop, à la limite d’une certaine pédanterie, dans laquelle se perdent tout à coup des mots relevant de l’argot le plus brut. Pour citer un exemple, outre ce mot que je ne vais pas répéter encore une fois, j’ai été presque choquée de voir une jolie description de femme tout à coup affublée de « nibards », c’est carrément lourdingue ! et toute la description agréable s’effondre comme un château de cartes, soufflées par un simple murmure déplacé. Le tout est enrobé de ce qui s’apparente parfois à de l’humour, certes plutôt caustique, mais je pense qu’il faut se laisser emporter par se livre pour le savourer pleinement – hélas, pour moi ça n’a pas marché.



Parmi les autres points qui m’ont déplu, je citerai aussi le leitmotiv du covid : pas une seule de ces courtes nouvelles n’y échappe, en mode de plus en plus fataliste. Certes, c’est le droit de l’auteur de broder autour de ce sujet largement encore d’actualité… mais alors j’aurais aimé en être prévenue car, pour ma part, la lecture fait partie de ces plaisirs qui me permettent de m’évader… et j’évite comme la peste tous ces livres qui surfent sur cette nouvelle vague d’inspiration. Qu’on l’évoque au passage dans un roman moderne, c’est sans doute inévitable ; mais qu’on ressasse le sujet tout au long de seulement 127 pages, alors que ce n’est pas mentionné dans la trop courte présentation du livre : non merci !

Enfin, on retiendra quelques fautes d’orthographe – le format électronique du livre permet de les relever facilement, je ne vais pas en faire la liste ici… mais j’ai quand même été ahurie qu’un auteur qui se dit bourlingueur ne sache pas écrire correctement « dysenterie » !



J’ai pourtant tenu à aller jusqu’au bout, ce qui me permet de terminer par une petite note positive : j’ai beaucoup aimé le fait que plusieurs personnages des premières nouvelles reviennent habiter les dernières, si bien que le métissage se fait non seulement entre les différents peuples, mais aussi entre les nouvelles elles-mêmes. L’humour (caustique) relevé plus haut prend alors tout son sens, avec des allures de clin d’œil. Je retiens en particulier la nouvelle de clôture, très personnelle, qui garde les penchants rédhibitoires de toutes ses grandes soeurs, mais qui se moque gentiment de l’Auteur (eh oui, avec un A majuscule désormais), or rien ne me plaît davantage qu’un auteur qui, finalement, ne se prend pas tout à fait au sérieux !

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