Citations de Philip Pullman (608)
Ils n'osaient plus se regarder, ils étaient désorientés et ivres de bonheur. Tels deux papillons de nuit qui se heurtent maladroitement, avec la même légèreté, leurs lèvres entrèrent en contact.
Je reste ici et je bois de l'alcool, car ils m'ont volé mon armure et, sans elle, je peux chasser les phoques, mais je ne peux pas faire la guerre ; or, je suis un ours en armure, la guerre est pour moi comme l'océan où je nage, comme l'air que je respire. Les habitants de cette ville m'ont fait boire de l'alcool, jusqu'à ce que je m'endorme, et ensuite, ils m'ont volé mon armure. Si je savais où ils l'ont cachée, je détruirais toute cette ville pour la récupérer. Alors, si vous voulez acheter mes services, le prix est le suivant : rendez-moi mon armure. Alors je vous aiderai dans votre mission, jusqu'à ma mort, ou jusqu'à votre victoire. Le prix à payer est mon armure. Je veux la récupérer, car alors, je n'aurai plus jamais besoin de boire.
Tel est le devoir des gens âgés, dit le Bibliothécaire. Se faire du souci pour les jeunes. Et le devoir des jeunes est de railler l’inquiétude des vieux.
N'existait-il qu'un seul monde finalement, qui passait son temps à rêver à d'autres mondes ?
Partout, j'ai rencontré la folie, mais parsemée de grains de sagesse. Sans doute y avait-il beaucoup plus de sagesse que je ne pouvais m'en apercevoir. La vie est dure, et pourtant, tout le monde s'y accroche.
Il remit l'argent dans sa caisse et ouvrit sa bouteille avec le décapsuleur fixé sur le comptoir ; après quoi, il ressortit du café et marcha dans la rue, en tournant le dos au boulevard. De petites épiceries et boulangeries alternaient avec les bijouteries, les fleuristes et les portes masquées par des rideaux de perles qui s'ouvraient sur des maisons dont les balcons en fer forgé, chargées de fleurs, dominaient les trottoirs étroits. Le silence, ainsi enfermé, semblait encore plus profond.
Ils n'osaient plus se regarder, ils étaient désorientés et ivres de bonheur. Tels deux papillons de nuit qui se heurtent maladroitement, avec la même légèreté, leurs lèvres entrèrent en contact.
Dans une vallée à l'ombre des rhododendrons, non loin de la limite des neiges éternelles, là où coulait un petit torrent nacré par l'eau de fonte, où des colombes et des linottes voletaient au milieu des sapins gigantesques, se trouvait une grotte, en partie dissimulée par le rocher escarpé qui la surplombait et le feuillage dense qui s'étendait au-dessous.
Elle était jeune, blonde, avec des yeux verts pétillants, et vêtue, comme toutes les sorcières, de simples voiles de soie noire, sans fourrures, ni capuche, ni moufles. Pourtant, elle semblait se moquer du froid. Autour de son balai était enroulée une simple guirlande de petites fleurs rouges. Elle chevauchait sa branche de sapin comme s'il s'agissait d'un destrier, et l'arrêta à moins d'un mètre du regard éberlué de Lyra.
(...)
- Pourquoi n'avez-vous pas froid, Seraphina Pekkala ?
- Nous sentons le froid, mais peu nous importe. Et si nous nous protégions du froid, nous ne sentirions plus tout le reste, comme par exemple le picotement brillant des étoiles, la musique de l'Aurore et, surtout, le contact soyeux du clair de lune sur notre peau. Toutes ces choses valent bien qu'on supporte le froid.
Lyra leva la tête, mais elle dut s'essuyer les yeux, car le froid l'avait fait pleurer. Ayant retrouvé la vue, elle laissa échapper un petit cri de stupeur en découvrant le ciel. L'aurore n'était plus qu'un scintillement pâle et tremblotant, mais les étoiles, elles, étincelaient comme des diamants, et sous cette immense voute obscure, constellée de pierres précieuses, des centaines et des centaines de minuscules formes noires, venues de l'est et du sud, filaient vers le nord.
- ce sont des oiseaux ? demanda-t-elle.
- non, des sorcières, répondit l'ours.
- Des sorcières ! Mais que font-elles ?
- Elles partent en guerre, peut-être. Je n'en ai jamais vu autant.
Atal et Mary étaient parties pêcher ce jour-là, mais la marée était basse et les poissons avaient dû filer ailleurs. Elles abandonnèrent donc le filet dans l'eau et allèrent s'asseoir sur la rive, dans l'herbe, pour discuter, jusqu'à ce que Mary aperçoive cette branche à la surface lisse et blanche. A l'aide de la loupe, elle grava un dessein (une simple marguerite) dans le bois, pour le plus grand plaisir d'Atal. Mais, alors que le mince filet de fumée montait de l'endroit où les rayons de soleil concentrés frappaient le bois, elle se dit : « Si cette branche se fossilisait et si dans dix millions d'années un scientifique la découvrait, on trouverait encore des Ombres tout autour, car je l'ai manipulée. »
Will chercha à tâtons les bords immatériels de la fenêtre pour les rabattre rapidement l'un contre l'autre, tandis qu'à travers l'ouverture qui se rétrécissait leur parvenaient des bruits de pas précipités et des craquements de branches...
Il ne restait plus qu'un petit trou de la taille de la main de Will, et lorsque celui-ci se retrouva scellé, un silence absolu s'abattit sur le monde. Will tomba à genoux dans l'herbe humide de rosée et ramassa l'aléthiomètre.
- Tiens, dit-il à Lyra.
Elle prit l'instrument qu'il lui tendait. D'une main tremblante, il glissa le couteau dans sa gaine. Après quoi, il s'allongea dans l'herbe, secoué de frissons nerveux, et ferma les yeux ; il sentit le clair de lune l'envelopper d'une douce lueur argentée et les gestes doux et attentionnés de Lyra qui refaisait son pansement.
- Oh, Will, dit-elle, Merci pour tout ce que tu as fait...
- J'espère que le chat va s'en tirer, murmura-t-il. Il ressemble à mon Moxie. Il a dû rentrer chez lui. Il a retrouvé son monde.
"Un menteur chevronné ne possède pas forcément une imagination débordante; à vrai dire, beaucoup d'excellents menteurs n'ont aucune imagination, c'est ce qui confère à leurs mensonges un tel pouvoir de conviction"
Les sorcières aidèrent à transporter les charrettes un peu plus loin sur la route, de l'autre côté du petit pont de pierre, loin du bosquet d'où avaient jailli les Spectres. Il fallut abandonner les adultes pétrifiés à l'endroit même où ils s'étaient figés, si douloureux que fût le spectacle de ces jeunes enfants s'accrochant à une mère qui ne réagissait plus à leurs sollicitations ou tirant la manche d'un père qui restait muet, le regard vide. Les plus petits ne comprenaient pas pourquoi ils devaient quitter leurs parents. Les plus âgés, dont certains avaient déjà perdu un parent ou assisté à pareille scène, affichaient un air lugubre et ne disaient mot. Serafina prit dans ses bras le petit garçon qui était tombé dans la rivière. Il réclamait son père en hurlant, les bras tendus par-dessus l'épaule de la sorcière vers cet homme silencieux, toujours planté au milieu de l'eau, indifférent.
Tel est le devoir des gens âgés, se faire du soucis pour les jeunes. Et le devoir des jeunes est de railler l'inquiétude des vieux.
"Dès qu’ils voient une chose, les êtres humains ne peuvent s’empêcher de la détruire. Voilà le vrai péché originel "
Tel est le devoir des gens âgés, dit le Bibliothécaire. Se faire du souci pour les jeunes. Et le devoir des jeunes est de railler l’inquiétude des vieux.
Sally et Frederick étaient égaux ; c’étaient des tigres – au moins. Rien au monde ne pourrait leur résister s’ils travaillaient main dans la main. Pourquoi fallait-il qu’ils s’affrontent sans cesse ?
Lyra n’était pas du genre à se morfondre ; c’était une enfant d’un tempérament optimiste, dotée d’un grand sens pratique. En outre, elle manquait d’imagination. Une personne imaginative n’aurait jamais envisagé sérieusement d’entreprendre un tel voyage pour sauver son ami Roger ; ou bien, ayant eu cette idée, elle aurait immédiatement trouvé mille raisons pour démontrer que cela était impossible. Un menteur chevronné ne possède pas forcément une imagination débordante ; à vrai dire, beaucoup d’excellents menteurs n’ont aucune imagination, c’est ce qui confère à leurs mensonges un tel pouvoir de conviction.
C'est ainsi que Lyra et son daemon tournèrent le dos au monde dans lequel ils étaient nés, et, faisant face au soleil, pénétrèrent dans le ciel.