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Citations de Pierre Jourde (329)


Pierre Jourde

La tribune signée par des intellectuels et des artistes est un exercice classique dans la vie intellectuelle (et politique). On ne les compte plus.
Moi-même, j’en signe.
Ça me rassure : je vérifie ainsi que je suis bien un intellectuel (et un artiste).
Et que je continue à m’intéresser au monde.
Certaines sont plus pertinentes que d’autres, certes.
Vous vous souvenez certainement de cette tribune qui, à l’initiative d’Annie Ernaux, a permis de débusquer de son trou le nazi Richard Millet (alias M le maudit). Ce fut un lynchage organisé. L’abject individu en a d’ailleurs perdu son emploi.
Bien fait pour lui.
Pour une fois qu’une tribune est efficace, il y a de quoi se réjouir !
Et puis j’aime bien les comités d’épuration, ils aident à rendre la justice.
La même Ernaux a d’ailleurs appelé depuis au boycott d’Israël.
Ce qui me fournit une excellente transition.
Car, avec la même pertinence, un régiment d’intellectuels et d’artistes vient, dans « Libération », de publier une tribune dénonçant l’« apartheid » que fait régner Israël sur le territoire de la « Palestine historique » - c’est-à-dire Israël plus les « territoires palestiniens ». En rappelant que « l’apartheid est un crime ».
Il y a Edgar Morin dedans.
Sa compétence n’est plus à démontrer.
Alors là, je dis bravo.
Je suis d’autant plus heureux que je connais bien Israël, pour y avoir effectué plusieurs missions (conférences et inspection de centre de recherches) au cours desquels j’ai traversé les territoires palestiniens, le Néguev, et tout ça.
Et en effet, ça crève les yeux, le crime se commet tous les jours, au su et au vu de tous.
On en a la gorge serrée, croyez-moi.
L’Afrique du Sud en 1960, le Mississipi en 1930, à côté de ça ? Bluettes, contes pour enfants.
Jugez-en.
Des familles palestiniennes et juives côte à côte sur les plages de Tel Aviv, c’est de l’apartheid.
Juifs, druzes, coptes, maronites, catholiques, chiites, sunnites se croisant dans les rues de Jérusalem, c’est de l’apartheid.
Les Palestiniens, même non israéliens, soignés dans les hôpitaux juifs, c’est de l’apartheid.
Les jeunes filles musulmanes voilées dans les universités israéliennes, c’est de l’apartheid.
Les députés arabes musulmans israéliens, c’est de l’apartheid.
Les deux millions de citoyens arabes israéliens, c’est de l’apartheid.
Les journaux arabes israéliens, c’est de l’apartheid.
Les organisations d’aide aux Palestiniens qui ont leur siège en Israël, c’est de l’apartheid.
Les milliers de Palestiniens qui viennent travailler en Israël, c’est de l’apartheid.
Les Druzes et les Arabes dans l’armée israélienne, c’est de l’apartheid.
La liberté de penser, d’écrire, de critiquer, de voter, c’est de l’apartheid.
La liberté des femmes, c’est de l’apartheid.
Les terroristes palestiniens arrêtés mais jamais exécutés, faute de peine de mort, c’est de l’apartheid.
Cinq millions de juifs tentant de survivre au beau milieu de dizaines de millions d’Arabes qui veulent leur anéantissement, c’est de l’apartheid.
Une partie des territoires de Cisjordanie est occupée par l’armée israélienne.
Les sionistes vous diront que cela fait suite à plusieurs guerres, toutes déclarées, et toutes perdues par les états arabes, dans le but proclamé de détruire Israël.
Ne croyez pas les sionistes.
Ils sont fourbes.
Vous les reconnaîtrez à leur nez crochu.
L’occupation, c’est donc bien de l’apartheid.
Comme je le disais récemment au roi du Maroc, au premier secrétaire du parti communiste chinois, au premier ministre indien, au premier ministre turc, au premier ministre russe, l’occupation du Sahara occidental, du Tibet, du Cachemire, de l’Arménie, du Kurdistan, de la Tchétchénie, les gars, c’est de l’apartheid.
En revanche, autour d’Israël, pas d’apartheid. Pas une ombre, pas ça.
D’accord, ce sont soit des dictatures militaires sanglantes, soit des théocraties cruelles, mais rien à voir avec de l’apartheid.
Ils ont d’ailleurs trouvé une excellente solution pour remédier à l’apartheid. Une solution finale, en quelque sorte. Des Juifs, ils n’en ont plus. Comme ça, pas d’apartheid.
Si jamais, toutefois, un reliquat de juif tente de raser les murs au Caire ou à Bagdad, ses chances de survie sont proches du zéro absolu. Mais ça n’est pas de l’apartheid.
Deux millions de musulmans citoyens en Israël, disions-nous, c’est de l’apartheid. En revanche, attention, soyons précis sur les notions, pas un Juif dans les rues de Ramallah ou de Naplouse, ça n’est pas du tout de l’apartheid. Et si on trouve des groupes de juifs en Cisjordanie, c’est illégal, ça s’appelle des colonies.
D’ailleurs le sort des Coptes et en général des chrétiens dans les pays musulmans ça n’est pas de l’apartheid.
Une chrétienne arrêtée, condamnée à mort au Pakistan pour avoir bu (et donc souillé) de l’eau réservée aux musulmans, ça n’est pas de l’apartheid.
L’interdiction de toute religion autre que l’Islam en Arabie saoudite, ça n’est pas de l’apartheid.
Voilà, je pense que les choses sont claires désormais sur ce qu’est l’apartheid.
J’aime bien quand les intellectuels éclairent le monde.
Je tiens à préciser que cette chronique est libre, non rémunérée, qu’elle reflète mes opinions et non celles du site qui m’héberge. P.J
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Pierre Jourde
Après le massacre de Charlie, Virginie Despentes a publié dans « les Inrockuptibles », comme le rappelle ici Elisabeth Philippe, pour l’en excuser et dire qu’on y a rien compris, un texte où elle exprime son empathie pour les victimes et pour les tueurs :

« J’ai été “Charlie”, le balayeur et le flic à l’entrée. Et j’ai été aussi les gars qui entrent avec leurs armes. Ceux qui venaient de s’acheter une kalachnikov au marché noir et avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que de vivre à genoux. J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser leur visage. J’ai aimé aussi leur désespoir. »
« Je les ai aimés pour leur maladresse - quand je les ai vus les armes à la main semer la terreur en hurlant “On a vengé le Prophète”. »
C’est beau, cette faculté d’empathie, cette manière généreuse de mettre sur le même plan les victimes et les tueurs. Il y a du bon des deux côtés (ah, « mourir debout plutôt que de vivre à genoux » !) et du mauvais des deux côtés. ça me rappelle l’immortelle réplique d’OSS 117 dans « Rio ne répond plus » : « Juifs, nazis, il y avait des torts des deux côtés, non ? » Mais cette merveilleuse capacité d’empathie, qui fonctionne pour des tueurs fanatiques religieux, ne s’applique donc pas à Polanski ? Et pourquoi ? Il a fait pire ? Il ne mérite aucune empathie, lui ? Là encore, il faudrait savoir, vos belles convictions si fortement proclamées me paraissent à géométrie variable.

Les frères Kouachi avaient des circonstances atténuantes, pauvres gamins de banlieue victimes du racisme et tout ça. Polanski, pas de circonstances atténuantes ? Rien ? Sa mère est morte en déportation quand il était gamin, son père était en camp de concentration, il a connu le ghetto de Cracovie et l’errance en Pologne occupée à l’âge de dix ans, quand il en a trente-six sa femme, près d’accoucher de leur enfant, se fait massacrer, mais votre justice, qui ne connaît ni le pardon, ni la prescription, ni la présomption d’innocence, ne lui accorde non plus aucune circonstance atténuante. On a vraiment envie de vivre dans un monde régi par votre justice de meute.
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Pierre Jourde
Le féminisme est une cause primordiale aujourd’hui, pour laquelle il faut agir, aussi bien dans sa vie que dans les lois et les institutions. On a trop longtemps considéré avec indulgence le harcèlement ou le viol. Cela n’est pourtant pas une raison pour faire et dire n’importe quoi. Il est catastrophique pour cette cause qu’elle soit confisquée par une poignée d’activistes qui la déshonorent. Au premier rang desquelles celles qui ont manifesté contre Polanski, notamment Adèle Haenel, Florence Foresti et Virginie Despentes. Bien entendu, Plenel applaudit, chaque fois qu’il y a une saloperie à soutenir, il est là. Quant aux Diafoirus qui signent des tribunes dans « Libération », genre Preciado, on explose toutes les limites du grotesque pseudo-intellectuel. Je m’étonne aussi de la teneur de la chronique plus que discutable consacrée à cette affaire, sur ce site, par Elisabeth Philippe, que son grenier regorge de grain, que sa barbe soit fluviale (oups, non). Donc : (suite de la citation ci après )
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Pierre Jourde
Je réaffirme ici, comme pour l’affaire Matzneff, qu’un artiste qui commet un méfait, et notamment un crime aussi grave qu’un viol, doit répondre de ses actes devant la justice. Pour autant, le censurer en tant qu’artiste, lui refuser des prix ou des récompenses, c’est ouvrir la voie à tous les débordements possibles contre la liberté de création. L’histoire de l’art grouille de salopards qui ont aussi été de grands artistes, et la morale n’a pas à s’immiscer dans la création. Adèle Haenel a déclaré que Céline était son auteur préféré. Céline appelait à tuer les juifs, ça n’a pas l’air de lui poser problème. Faudrait savoir. Peut-on séparer l’homme et l’œuvre pour certaines causes, et pas pour d’autres ?
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Mais elle est entrée dans la mer. Elle est entrée dans la mer, de tout son corps, et je me souviens encore, au moment où je te parle, combien ce mouvement banal m’a paru exorbitant. Contrairement à l’impression qui l’avait précédée, cette vision m’a permis de mesurer à quel point Sylvie était réelle, réelle à hurler.
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J’étais comme celui qui a contemplé son désir dans le miroir magique, qui veut le conserver pour lui seul, et que les regards qu’il lui jette, sans pouvoir se retenir, finissent par ronger jusqu’à l’âme.
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Pierre Jourde
La conscience critique doit s’efforcer d’accepter le texte tel qu’il est, mais toute la difficulté, en critique littéraire, consiste à savoir faire la différence entre un texte qui délivre une véritable expérience littéraire, et un texte fabriqué pour donner l’impression (à son auteur comme à son lecteur) de la littérature. La difficulté n’est pas moindre du côté du créateur : tout écrivain, s’il se relâche un peu, tend à « faire de la littérature », c’est-à-dire à faire semblant, à jouer la comédie du littéraire, à s’enchanter de lui-même . p 197)
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Aidons l’Islam. Habituons-le au blasphème, jusqu’à ce qu’il s’y fasse, comme les autres. Toutefois, les temps étant malheureusement ce qu’ils sont, et notre courage limité, faisons-le avec prudence.( p 176)
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Pierre Jourde
Je suis professeur d’université, en lettres. Que dois-je faire ? Ne plus enseigner la littérature, pour que tout le monde accède à l’université ? (Ah, pardon, ne plus enseigner la littérature en fac de lettres, cet idéal est déjà quasiment réalisé.) p116
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Dans une grande université de la région parisienne, et elle est loin d’être la seule, des professeurs ou des maîtres de conférences ( agrégés, docteurs, chercheurs, etc.) passent beaucoup de temps à délivrer à leurs étudiants des cours d’orthographe (ailleurs, c’est de la syntaxe). P 68
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Notre époque est celle des fiertés de ceci ou cela et des machins pride. Je suis fier d’être homosexuel, basque, breton, catholique, voilée, motard, congolais, femme, du 9.3, diabétique, bègue, abonné au gaz, je suis fier d’être moi et pas un autre, je vais le crier dans les rues et à la télé. Bizarrement, en revanche, fier d’être français, ça fait ringard.
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Une grande partie de l'activité agricole est consacrée à la merde. Elle est produite en quantité si impressionnante qu'on ne sait plus qu'en faire. La fiente colle aux bottes, aux vêtements, ronge les doigts, s'incruste dans les crevasses des mains. La grande idole des mouches, la déesse Fiente, règne dans l'immanence.
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p. 100 : Je ressemble à un monstre : oreilles, front, nez et lèvres couverts de croûtes, des cicatrices sur tout le corps, les yeux et les mains gonflés par le froid, le vent, le manque d'eau ou la pression du sac. Mes pieds s'ornent d'une guirlande d'ampoules.
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p. 99 : Le yack est l'animal universel. On s'habille en yack, on se nourrit de yack, on se chauffe en yack, on se loge en yack, on se déplace en yack, on décore avec du yack, on fait de la musique dans du yack.
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p. 54 : Pause déjeuner sur un replat herbu. Le chauffeur fait cuire quelque chose de noir dans un récipient fabriqué avec un vieux bidon d'huile de moteur dont on a découpé le couvercle. Ensuite, il plonge directement dans la gamelle ses doigts dont il a négligé d'enlever le cambouis, émiette du riz dans sa sauce. Il nous invite à nous servir comme on le fait en Inde, où le partage est coutumier même aux plus pauvres.
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p. 43 : Partout des gens qui dorment à même le sol. Parfois des lits installés dans la rue. On cuisine. Des milliers de vies quotidiennes se déroulent ainsi à même la chaussée, entre les vaches et les vélos.
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p.43 : Derrière les montants des lits, on découvre des formes de vies inédites, des arachnides plats et livides, en embuscades.
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P. 42 : A la Grande Mosquée, au Fort Rouge, c'est l'assaut des lépreux qui s'accrochent en grappe aux vêtements. Parmi eux, beaucoup d'enfants. Jambes rongés, mains sans doigts, faces camarades où le nez manque. Se défaire d'un enfant sans jambes agrippé de ses deux bras à mes cuisses, son beau visage d'ange brun sous les cheveux bouclés montant vers moi. [..] Il faut contenir la panique que l'on sent monter, le décrocher comme un crabe, comme un insecte, un bras après l'autre.
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M. Soubeyran était extraordinairement maigre et osseux. À l'arrivée d'un visiteur, ou de clients, lorsque l'auberge fonctionnait encore, il se fendait d'un mince sourire. Fendait est le terme exact, car M. Soubeyran disposait de très peu de peau pour effectuer cette opération. […] L'œil de verre lançait un éclat. Le sourire de M.Soubeyran faisait paraître une tête de mort à la place de son visage. Il est probable qu'il n'y pouvait rien, peut-être était-il un bon vieillard, mais son sourire a toujours empêché qu'on voie en lui autre chose qu'un squelette déguisé en homme.
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Avec son crâne nu sous la casquette, son nez en bec de busard, sa peau rougeâtre parcourue de traînées noires et sa manche où pendait une poignée de plumes, il avait l'air d'un très vieil ange, cuit dans des fournaises et des beuveries, jusqu'à en perdre la mémoire du ciel.
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