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Critiques de Ray Bradbury (1502)
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Fahrenheit 451

Dans le futur, un monde en guerre interdit la lecture. La brigade 451 intervient dans les maisons pour brûler les livres : ces pompiers d’un nouveau genre ont pour mission de circonscrire les foyers subversifs alimentés par la littérature et la poésie. « Tout homme qui croit pouvoir berner le gouvernement et nous est un fou. » (p. 57) Guy Montag partage avec ses collègues la même jubilation incendiaire débarrassée de tout questionnement. Jusqu’au soir où il rencontre Clarisse. En quelques jours, la jeune femme instille en lui le goût d’autre chose et le doute. « C’est vrai qu’autrefois les pompiers éteignaient le feu au lieu de l’allumer ? » (p. 27) Soudain, Montag ouvre les yeux : qui est vraiment Mildred, cette femme qu’il a épousée ? Quel est donc le sens de son métier ? « Ce n’était que du nettoyage. Du gardiennage, pour l’essentiel. Chaque chose à sa place. Par ici le pétrole ! Qui a une allumette ? » (p. 61) À mesure qu’il remet en question le système, sa mission ne lui semble plus si bénéfique.



Guy Montag franchit le dernier stade vers sa conscience le soir où il sauve un livre des flammes. Dès lors, il veut comprendre les livres et leur pouvoir. Il ne souscrit plus au discours public qui diabolise la lecture. « Un livre est un fusil chargé dans la maison d’à côté. Brûlons-le. Déchargeons l’arme. Battons-en brèche l’esprit humain. » (p. 87) Le pouvoir assure que pour éliminer les différences, il faut éliminer les sources de réflexion et de contestation. C’est pour cela qu’il bombarde le peuple d’images et de faits, mais sans émotion, ni réflexion, afin de rendre les gens heureux. Montag ne se satisfait plus de cette vaine corne d’abondance. « Je ne peux pas parler aux murs parce qu’ils me hurlent après. Je ne peux pas parler à ma femme : elle écoute les murs. Je veux simplement quelqu’un qui écoute ce que j’ai à dire. Et peut-être que si je parle assez longtemps, ça finira par tenir debout. Et je veux que vous m’appreniez à comprendre ce que je lis. » (p. 114) Pour bouleverser le système, voire le renverser, Montag se fait aider par Faber, un vieil universitaire. L’homme est une mémoire, une somme de connaissances et un guide.



Seul face à un système totalitaire et abrutissant, Montag est en danger et sa révolte est bruyante. « Je ne pense pas par moi-même. Je fais simplement ce qu’on me dicte, comme toujours. » (p. 127) Mais il a perdu trop de temps pour être prudent ou accepter de poursuivre l’illusion. « Rentrez chez vous, Montag. Allez vous coucher. Pourquoi perdre vos dernières heures à pédaler dans votre cage en niant être un écureuil ? » (p. 121) Cet opus de Ray Bradbury semble ne pas avoir pris une ride : il résonne toujours aussi juste maintenant. À l’heure où la culture et la lecture oscillent entre élitisme et consommation, à l’heure où l’image déferle par vagues incessantes sur tous les supports possibles, et alors que certains pays en guerre jettent aux flammes des ouvrages supposés subversifs, lire Fahrenheit 451 est un vaccin nécessaire.

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Fahrenheit 451

Quelle œuvre ! Une gigantesque claque et ce malgré les explications contextuelles de Jacques Chambon dans la préface.

Le futur anticipé de Ray Bradbury ne me semble - malheureusement - pas si éloigné de notre présent. Des écrans partout et de plus en plus grands, de la musique sirupeuse ou criarde dans les magasins, de la chick-litt, du feel-good, l’âge de l’entrée à l’école à priori abaissé, uniformisation des « standards » dans les pays dits libres, perte de la transmission qui nécessite du temps et de la patience au profit de l’immédiateté, et j’en passe.

Je joins ma plume à celles des autres Babeliotes pour vous encourager à découvrir ce livre confondant.

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Fahrenheit 451

451 degrés Fahrenheit : où la température à laquelle un livre s'enflamme et se consume. Voilà bien une vision ayant de quoi donner des sueurs froides à n'importe quel bibliophile, et c'est justement sur cette peur qu'entend jouer le regretté Ray Bradbury qui nous rappelle brillamment ici un constat d'une grande simplicité mais que l'on a malheureusement aujourd'hui une fâcheuse tendance à oublier : notre société ne saurait se passer de livres ni d'écrivains. Soixante ans après la parution de ce roman que tous s'accordent aujourd'hui à élever au rang des plus grands classiques de la science-fiction, la puissance du message qu'il véhicule demeure toujours aussi forte, et son contenu autant d'actualité qu'en 1953. « Fahrenheit 451 » n'accuse donc pas son âge, que ce soit sur le fond comme sur la forme grâce à la toute nouvelle traduction dernièrement réalisée par Jacques Chambon. Aucune excuse, donc, pour ne pas se lancer et pleinement apprécier la qualité de l'ouvrage de Bradbury qui nous plonge dans une société du future où la lecture, source de beaucoup trop de questionnements dérangeants et de contradictions, est devenu un acte prohibé par la loi. Pour faire rentrer les plus réfractaires dans le rang : un corps spécial de pompiers dont la fonction a été dénaturée et consiste désormais à brûler les livres et ainsi veiller à la tranquillité d'esprit de la société.



Fortement inspiré du contexte de psychose anticommuniste ayant secoué les États-Unis à l'époque du « maccarthysme » et qui toucha directement le domaine de la culture (rappelons à titre d'exemple l'exil de Charlie Chaplin), « Fahrenheit 451 » nous offre une vision glaçante d'une société dans laquelle les êtres humains ne sont plus que des coquilles vides, incapables de se lier les uns aux autres, vivant dans leur petite bulle de loisirs, sitôt consommés sitôt jetés, et où violence et suicides sont devenus monnaie courante. Oublier toute idée de promenade nocturne dans le seul but d'admirer la lune ou les étoiles, de moments de partage en famille ou entre amis, et même de brefs instants de méditation chez vous, dans la rue ou dans les transports en communs. Réfléchir est devenu un acte antisocial, prendre le temps de porter attention à ce et ceux qui nous entourent, un signe de déséquilibre mental : se distraire, toujours, tout le temps, par tous les moyens, voilà ce à quoi doit aspirer tout bon citoyen ! Bradbury nous dresse le portrait sans fard d'un monde vide, complètement dévitalisé, où la créativité, l'amour et l'amitié ne sont plus que de lointains souvenirs et qui laisse comme un sentiment de malaise qui saisi immédiatement le lecteur à la gorge. Une société fictionnelle, certes, mais qui présente de troublants parallèles avec la notre, ce qui explique que le propos du roman demeure encore de nos jours aussi pertinent, et ce malgré son âge.



Certes nous n'en sommes pas encore aux « murs-écrans », aux robots-traqueurs et à l'éradication pure et simple de la culture, mais il n'empêche que l'auteur aborde ici des thèmes qui comptent aujourd'hui encore parmi les grandes préoccupation de notre siècle : la coupure de l'homme avec ses racines ; les difficultés à concilier bonheur et progrès ; et surtout l'impérialisme des médias. Car, comme le rappelle Jacques Chambon dans sa préface « Il y a plus d'une façon de brûler un livre, l'une d'elle, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation. » Quelle glaçante vision en effet que ces êtres presque lobotomisés à coup de publicités et de programmes insipides ayant pour seul objectif de monopoliser en permanence leur attention et ainsi les détourner de toute possibilité de réflexion ! Seule minuscule étincelle dans cet univers triste et gris : un homme, qui, de représentant par excellence du système, va en devenir le plus grand ennemi. Touchant car en proie au doute et au désespoir le plus profond, Montag est un protagoniste dont on a plaisir à suivre le long et difficile cheminement intérieur vers la vérité et enfin la liberté. Les personnages secondaires, bien que beaucoup plus en retraits, sont également très convaincants, suscitant tour à tour la pitié (la triste épouse de Montag), l'affection (l'espiègle petite Clarisse), l'antipathie, la peur, la colère...



Avec « Fahrenheit 451 » Ray Bradbury tire la sonnette d'alarme, pour sa génération comme pour celles à venir, et nous offre une véritable ode à la vérité, la liberté et bien évidemment à la littérature dont il nous rappelle l’irremplaçable utilité. « Contribuez à votre propre sauvetage, et si vous vous noyez, au moins mourez en sachant que vous vous dirigiez vers le rivage. »
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Fahrenheit 451

Fahrenheit 451 est un des romans de SF les plus connus par un public très large , hors amateurs spécialisés .

C'est d'ailleurs un texte adapté au cinéma par Truffaut ....



Quand je lis ce texte , je me demande toujours pourquoi certains textes de SF , débordent sur un lectorat plus large et pas d'autres ?

En effet le sous-genre dystopique de la science-fiction déborde de textes tout à fait à la hauteur de ceux de Bradbury ou même de ceux d'Orwell , bon ... , mystère et boules de gomme ...



Dans un futur relativement éloigné mais pas trop , la lecture est interdite et le monde est standardisé alors que la pensée est calibrée , orientée , standardisée ....

Le caractère futuriste du texte est indéniable ( avec un décorum qui va dans ce sens ) et on peut d'ailleurs inviter le lecteur , à réfléchir aux attributs qui rendent cet univers efficacement futuriste et fonctionnel , les tapis roulants , les escaliers mécaniques etc ... , car ils ont un caractère désuet , bien qu'ils soient très efficients du point de vue de leur efficacité narrative .



Dans cet univers les pompiers n'éteignent pas les feux , au contraire , ils s'en servent pour procéder à de spectaculaires autodafés répressives et exemplaires .

Un pompier , viendra à sauver un livre et à le lire , cela précipitera un cheminement intérieur crédible ainsi que éloquent , et cela le poussera à la dissidence puis à la fuite ...



Le récit est dramatisé et rythmé , cela « flambe « et cela cavale si j'ose dire .

C'est une réflexion sur le totalitarisme et la pensée unique qui est argumentée et avenante .

C'est sans doute un récit qui a de la couleur et de l'arôme , un gout ...



Les textes de cette époque du fait d'un contexte historique particulier traitent du totalitarisme et de la censure .

Ils conservent leur actualité de nos jours évidement , encore que de nos jours se développe une dynamique de censure plus ou moins involontaire , qui tourne autour du foisonnement d'informations et qui mobilise , la prolifération de l'information et celle de l'anecdotique , avec la prolifération d'informations factuelles désolidarisés des examens de fond et au long court des thématiques , une censure de facto , qui découlent également de la loi du marché , avec des sujets vendeurs (traitements orientés des thématiques aussi plus ou moins vendeuses ) , ou des sujets plus visibles bien que anecdotiques , au détriment d'un traitement plus « clinique « et plus en rapport avec les dynamiques structurelles des sujets .

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Fahrenheit 451

Des livres brûlent, un incontournable de la science-fiction à consommer avant qu'il ne se consume...



Comment se fait-il que je n'avais encore jamais lu ce roman écrit en 1951? C'est pourtant une oeuvre très accessible, tant par sa taille (200 pages) que par son style vivant et imagé, un livre qu'on pourrait facilement offrir à un ado et même à ceux qui ne sont pas adeptes du genre.



C'est un texte qui étonne par ses éléments visionnaires : guichet automatique, téléréalité, alors qu'il a été écrit au moment où la la télévision était encore un objet de luxe peu répandu. On y voit presqu'un clin d'oeil actuel lorsqu'il mentionne « des concours ou l'on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel Etat ou de la quantité de maïs récolté dans l'Iowa...».



Devenu un classique comme le « 1984» de Orwell, il met en garde contre le risque de glissement d'une société vers le totalitarisme. À l'époque de son écriture, c'est ce qui s'était produit en Allemagne nazie quelques années plus tôt et le mccarthysme américain semblait une pente bien dangereuse.



À première vue, on peut regretter le manque de profondeur des personnages, c'est qu'ils représentent les conséquences de générations d'abrutissement, l'érosion de leur richesse émotionnelle est donc inévitable. Par contre, les amoureux des livres auront un frisson supplémentaire à l'idée de la destruction d'objets qui prennent tant de place dans nos vies...



Qu'ajouter d'autre aux plus 200 critiques déjà présentes et qui ont bien résumé l'intrigue? Rien, il faut lire Farheneit 451!

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Chroniques martiennes

Les petits hommes verts ? Non ! Une belle peau bronzée et des yeux comme des pièces d’or.

Des villes aux maisons de cristal, et puis des villes mortes, des canaux, des mers vides...

Pour un peu, je passerais bien mes vacances sur Mars imaginé par Ray Bradbury. Quoique.

Mars avant l’arrivée des hommes, c’était un paradis. Mars à partir des hommes, ce n’est pas loin d’être un enfer. Quoique.



C’est ce balancement continuel entre l’enfer et le paradis qui m’a bercée. Cette valse d’hésitation entre l’homme qui respecte et l’autre, l’insensé qui veut reproduire sur la planète inviolée ce qu’il a connu sur Terre. Et aussi cette oscillation entre le Martien fort et inhospitalier et le Martien fragile et disponible.

Tout se joue en quelques années, finalement. Entre l’arrivée des premiers colons, ou colonisateurs, comme vous voudrez, et la solitude, il n’y a qu’un pas, vite franchi par l’inconscience, des Martiens ou des Terriens.



J’ai été éblouie par l’univers de Ray Bradbury. Par son écriture poétique, qui tend des fils de dentelle entre les civilisations. Par les thèmes abordés, qui vont de la folie à la solitude, en passant par la famille, le racisme, le deuil, le respect...

Je quitte avec une grande nostalgie cet univers où l’homme est capable du meilleur comme du pire, où l’Autre, le Martien, nous renvoie à nos plus profondes interrogations.



J’ai adoré.

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Fahrenheit 451

Que dire de plus après toutes ces critiques... C'est superbement écrit, bien rythmé, parfoit poétique, dans une ambiance aseptisée, ou surtout la pensée est aseptisée, ou les humains sont transformés en zombies téléphages. Un grand hommage à la littérature, à la lecture et une critique du monde contemporain, de la pensée unique, basée sur la consommation, où l'information, la politique sont réduites à leur strict minimum, une critique qui nous concerne et qui date de 1953 ! Totalement visionnaire, un cri déchirant, un éloge du livre... Un grand livre... Indispensable... Comment ai-je fait pour ne pas le lire plus tôt !
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Chroniques martiennes

Je retiens cette idée terrible d'une nouvelle colonisation. A l'image de toutes celles où les colonisateurs ont tout détruit sur leur passage, envahissant et pillant tout ce qui leur tombait sous la main. Faire de cette nouvelle colonie un monde à leur image. Bradbury a tout compris de l'Homme. Je suis sûr que si on envahissait une nouvelle planète, habitée par des gens accueillants comme ceux des Caraïbes au XVe siècle, le même carnage se répéterait.

Sur la forme, c'est parfait, efficace. Et même une certaine poésie se dégage de la description de ce monde de cristal qui tombe sous les coups des envahisseurs humains.

A méditer, pour essayer de changer quelque chose.
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Fahrenheit 451

Un pompier qui brûle des livres, c'est aussi révoltant qu'un contrôleur à la fraude fiscale qui fraude... qu'un garde-chasse qui braconne... et quand c'est autorisé par l'Autorité Suprême, c'est encore plus révoltant.



Guy Montag est un pompier qui jouit presque à chaque fois qu'il nourri les flammes de son feu avec des feuilles de livres. Cette "purification" par le feu ne se conteste même pas. Aucune questions sur le fait de savoir si ce qu'il fait est bien ou pas. Pour lui, un bon livre est un livre brûlé. Un pompier, c'est fait pour détruire par le feu.



Un soir, il rencontre Clarisse, une jeune fille de son quartier, une jeune fille différente, une jeune fille qui se pose des questions et qui lui en pose une de taille : "C'est vrai qu'autrefois les pompiers éteignaient le feu au lieu de l'allumer ?". Montag nie. Un pompier qui éteint un incendie, c'est du n'importe quoi.



Pourtant, Clarisse, à force de le croiser, instille le doute dans son esprit et Montag va tenter d'en apprendre plus sur ces autodafés qui ont lieu depuis des siècles et il commence à faire travailler son cerveau, son esprit... Ce faisant, il va à l'encontre de tout le monde.



"Fahrenheit 451" fut écrit en 1953... Un vieux brol ? Que nenni, il est plus que d'actualité parce qu'en le lisant, j'avais l'impression de me retrouver dans un monde proche, un monde fait d'écrans de télé, de relations virtuelles, de gens qui ne pensent à rien, qui ne veulent même pas penser, qu'on empêche de penser...



Puisque les livres vous donnent des informations différentes, ils les ont banis et les détruisent pour vous éviter de vous fouler les neurones avec toutes ces données perturbantes.



Afin de rendre les gens heureux, on les bombarde d'images et de faits, sans émotion, sans réflexion... Pour être heureux, il ne faut pas penser.



L'écriture précise et incisive de Bradbury ne m'a laissé aucun répit et j'ai dévoré ce livre plus vite que le feu ne l'aurait consumé.



Bradbury nous met face à une société ou l'anti-culture est la norme, ou la liberté brille par son absence, où les gens refusent de savoir, préférant se mettre la tête dans le trou ou écouter leur murs - plutôt que d'autres êtres humains - et ils vivent complaisamment dans la soumission.



Napoléon disait : "Le peuple est le même partout. Quand on dore ses fers, il ne hait pas la servitude". Dans la société décrite par l'auteur, les fers et la cage sont dorés.



L'auteur ne vous plante pas les actes des autodafé sans vous les justifier, sans donner des arguments à ceux qui accomplissent cette tâche sans conscience ni remords : "Pour éliminer les différences, il faut éliminer les sources de réflexion et de contestation". Dont acte.



Bam, prends-ça dans la face, Montag, toi qui veux penser, toi qui veux découvrir les livres et lire ce qu'il y a à l'intérieur. Pauvre fou, va ! Tu crois que l'on va te laisser faire ?



Non, non, dans cette société, on ne pense pas !



"Si vous ne voulez pas qu'un homme se rende malheureux avec la politique, n'allez pas lui cassez la tête en lui proposant deux points de vue sur une question, proposez-lui un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun".



C'est un merveilleux nivellement par le bas que l'auteur nous décrit. Il ne fait pas bon être intello, dans ce monde là.



Quoi ? Dans le notre non plus ? Quand je vous disais que ce livre n'était pas si vieux que ça ! Les gens s'abrutissent devant de la télé-réalité bête à pleurer et les idiots qui la peuplent sont mis sur un piédestal tandis que les émissions "avec des neurones" sont virées des écrans. Normal, les émissions intelligentes ne donnent pas du temps de cerveau disponible à la marque de boisson gazeuse.



Comme le dit d'ailleurs Bradbury : "Il y a plus d’une façon de brûler un livre", l’une d’elles, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation (ceci est un extrait de la préface).



On me disait bien, à moi, que lire c'était s'isoler du monde et certains me raillaient... Ils ne me raillent plus !



Dans cette préface, on nous dit aussi "Aujourd'hui, on ne brûle pas les livres. Ou plutôt on ne les brûle plus" ce qui me fait réagir et dire "c'est faux". Nous l'avons bien vu au Mali avec des livres transformés en bûcher.



Je pardonne à la préface, à l'époque où elle fut écrite, on n'en brûlait peut-être plus...



L'Histoire nous apprend qu'en cas de conflit, c'est toujours la culture qui est sacrifiée en premier. Un peuple sans culture, c'est un peuple sans identité, nus, sans âme,... Sans compter que certains, ne comprenant sans doute rien à rien, sont les premiers à flinguer des livres quand ils en croisent.



Un sacré visionnaire, Bradbury...



Oui, en 2013, on interdit toujours certains livres, parce que leur vérité dérangent, parce que l'auteur révèle des choses intimes sur X, parce que certains se déclarent les véritables gardiens ou les vrais interprètes d'un livre religieux ou de la parole de Dieu.



Oui, des cathos ultra ont manifesté pour empêcher une pièce de se dérouler parce que pour eux, elle était insultante pour dieu sait qui.



Oui, dans certains pays, certaines vérités ne sont pas bonnes à dire...



Une vision de l'avenir pas si SF que ça... nous n'en sommes pas encore là, mais qui sait si un jour les lobotomisés du cerveau ne prendront pas le pas sur ceux qui ont encore une cervelle et savent s'en servir ?



A découvrir si ce n'est pas encore fait, il n'est jamais trop tard !



Pour conclure, je reprendrai la phrase de Jean d'Ormesson : "On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence".


Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Fahrenheit 451

"Vivre sans lire, c'est dangereux. Cela t'oblige à croire ce qu'on te dit*", ou ce qu'on te montre à la télévision. Voilà une phrase qui aurait été considérée comme blasphématoire dans l'univers de Fahrenheit 451, roman d'anticipation (plus tant que ça...) publié en 1953. En effet, dans ce monde futuriste (aaah, le progrès), la lecture et les livres sont interdits, parce qu'ils pourraient susciter doutes et questions, donc remise en cause, contestation, critique de l'ordre établi, voire chaos et désintégration de la société. Pour garantir la sécurité de celle-ci, il suffit, même pas d'interdire, juste d'empêcher les gens de se servir de leur cerveau, en les lobotomisant à coup d'émissions de télévision abrutissantes, de consommation effrénée, de loisirs absurdes et de paradis artificiels. Remplir le vide par le vide en donnant l'illusion d'une plénitude totale et immédiate, telle est la devise (même pas paradoxale) de ce monde parfait. Gardiens de ce dogme, les pompiers ne sont plus chargés d'éteindre les incendies, mais de bouter le feu à toute maison (et à ses occupants si nécessaire) qui contiendrait un livre. Guy Montag est l'un de ces soldats du feu. Jusque là aussi borné que l'immense majorité de ses concitoyens, son esprit s'ouvre peu à peu, à la faveur d'une rencontre avec une jeune fille qui a miraculeusement préservé son sens critique. Montag, qui a d'abord du mal à remettre en marche son cerveau rouillé, finit par se rebeller contre le système totalitaire qui l'asphyxie, et devient un dangereux subversif qu'il faut à tout prix empêcher de nuire.



Vaccin (préventif) ou antidote (quand le mal est fait mais qu'il peut encore être soigné), je ne sais pas, en tout cas Fahrenheit 451 est encore et toujours d'actualité. Télé-réalité, fake news, données factuelles livrées sans analyse ni mise en perspective, course à la consommation et au bien-être de plus en plus jetables, flots d'images et d'informations brutes impossibles à assimiler, on vit une époque formidable. Personnellement, je n'ai pas trouvé les aventures de Montag très captivantes, ni les personnages fort attachants, et j'ai l'impression que cette histoire sert surtout à véhiculer le message de Bradbury. Lequel est vital : lire, réfléchir, remettre en question, garder l'esprit ouvert et éveillé pour éviter les tyrannies. Un livre indispensable, le livre des livres, en quelque sorte. Rien "que" pour ça, cinq étoiles.



*citation apparemment attribuée à Mafalda, le personnage de BD créé par l'argentin Quino.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Fahrenheit 451

Un ouvrage majeur ; non pas une simple fiction, mais un cri de désespoir lancé par cet écrivain talentueux que je regrette de ne pas avoir connu plus tôt



Le texte me fait irrésistiblement penser au meilleur des mondes. A l'impression qu'il m'en reste après une lecture vieille d'un demi-siècle.

Un décalage poétique léger plaçant l'ambiance quelque part entre Huxley et Vian. Une fiction douce, poétique, éthérée.

Mais il y a un problème avec cela car Bradbury est un véritable visionnaire et s’il nous décrit ce qu’il pensait être une dystopie, c’est hélas, à deux doigts près, la triste réalité de notre monde soixante ans après et le côté poétique est presque dissonant.

Car quoi ? Ne sommes-nous pas dans un monde décérébré, un monde formaté par les volontés mercantiles, un monde dans lequel les décisions individuelles ne sont plus dictées par la réflexion mais par le martelage publicitaire, le martelage pseudo informatif, le martelage sur un ton majeur d’idées toutes faites et lorsqu’il reste deux ou trois minutes, un abrutissement bouche-trous de musiques et d’images ne laissant aucun temps libre à la réflexion qui finit par être perçue comme anxiogène ?

Encore quelques mois, au mieux quelques années, alors que nous dégradons notre langue, que nous dégradons les valeurs civiques et humaines, que nous acceptons des avalanches d’images, de plans vidéos et de paroles insipides se succédant en un flot de plus en plus rapide ; quelques mois donc, et après nous être détournés de la presse, nous nous détournerons des livres, des films d’auteurs, des musées.

Quelques années encore et nous exigerons de nos gouvernements de nous protéger de l’agression que ces livres représentent ; de l’agression de l’art en général.

Ce livre m’a terrifié car il ne m’apparaît non pas comme une simple fiction mais plus comme un engrenage épouvantable dans lequel notre doigt est déjà bien engagé.

De grâce prenons conscience et RESISTONS à notre propre autodestruction.



Je connaissais la pertinence de Huxley, celle d’Orwell mais n’avais jamais entendu parler de celle de Bradbury. Ce sont bien mes amis de Babelio qui me l’on fait découvrir. Quelle bénédiction que ce site là !

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Fahrenheit 451

Un livre où l'on brûle des livres…

L'image est célèbre mais forcément réductrice. Car le thème de Fahrenheit 451 – dystopie tristement visionnaire publiée il y a plus de soixante ans – aborde plus globalement les concepts de totalitarisme et de négation de l'humain.



Au-delà de leur statut d'objet maudit à détruire à tout prix, les livres incarnent ici une métaphore de la mémoire des hommes, seule chance de résurrection d'une civilisation malade où la passivité mentale s'est changée en sport national et le bonheur en illusion dûment contrôlée.



J'ai retenu avant tout cette évocation douloureuse d'une aliénation totale à la réalité virtuelle, la dictature débilitante des écrans omniprésents pourvoyeurs d'une culture de masse nivelée par le bas, et la toute-puissance des médias qui vous feraient gober n'importe quoi, acheter n'importe quoi, voter pour n'importe qui...



Toute ressemblance avec des situations existant ou ayant existé ne saurait etc etc… car simple science-fiction que tout cela n'est-il pas ?



Un roman méchamment flippant du coup, au mieux un peu déprimant, à redécouvrir malgré tout, tant qu'il nous reste encore un peu de temps de cerveau disponible.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Chroniques martiennes

Depuis le temps que j’entends parler de ces fameuses Chroniques martiennes, sa lecture devenait de plus en plus pressante alors je m’y suis mis finalement. J’ai été surpris de découvrir un recueil de nouvelles. Mais ça pourrait passer pour un roman, puisque toutes les histoires qui s’enchainent forment un tout, une suite logique. De la première expédition sur la planète rouge, dont les équipages auront connu des fins inattendues et un peu drôlasses, aux arrivages massifs de colons « comme des sauterelles, par nuages entiers […] » (p. 130) puis éventuellement de touristes, le tout projeté dans les années 2030 essentiellement.



L’auteur de science-fiction Ray Bradbury était un visionnaire car il a imaginé à quoi pourrait ressembler ces différentes expéditions sur Mars dans les années 1940, donc avant les missions habitées dans l’espace et sur la Lune, avant l’exploration de Mars par des sondes. Ainsi, il faut saluer son effort créatif. Pourquoi n’y aurait-il pas des êtres humanoïdes télépathiques, qui vivraient dans des maisons au confort semblable aux nôtres, préoccupés par leur propre existence, amateurs d’art et de religion ? On est loin des petits hommes verts. Toutefois, là où le génie de Bradbury m’a un peu déçu, c’est que la planète la planète rouge ressemble énormément à la Terre.



Mais Bradbury semblait avoir comme souci la crédibilité aussi. Les premières missions habitées vers Mars sont dirigées par quelques poignées d’astronautes, des militaires. Ces individus sont accueillis étrangement par les Martiens (un mari jaloux, puis un psychiâtre dans un asile de fous) ou bien se perdent dans des boucles spatio-temporelles. Très original ! Puis, un peu plus tard, les expéditions connaissent plus de succès mais les habitants de Mars sont presque tous disparus… victimes de la varicelle. Ça vous rappelle quelque chose ? L’arrivée des Européens en Amériques ? Dès lors, plus rien n’empêche la venue de colons en grands nombres. Il faut dire que, dans cette vision futuriste, la Terre souffre encore de multiples maux, comme la guerre ou une catastrophe nucléaire imminente, alors pourquoi ne pas tout recommencer à neuf sur une nouvelle planète ? Il me semble que ce cours des événements aurait pu se produire si notre planète voisine avait une atmosphère respirable…



Contrairement à plusieurs ouvrages de science-fiction que j’ai lus, hermétiques et compliqués, ici, dans les Chroniques martiennes, le style est limpide. Je l’ai lu rapidement, sans difficultés. Le ton de plusieurs des nouvelles qui le composent assez varié, oscillant entre l’humoristique, le dramatique et même le poétique. Aussi, il aborde des thèmes sérieux comme l’environnement et la religion. Par exemple, ce Spender qui se rend compte que Mars est un endroit spécial, unique et qui essaie d’éviter que les Terriens ne viennent en grand nombre la saccager. Et que dire de ce père Peregrine qui vit une expérience spirituelle. Ce respect de la planète est touchant et fait écho aux groupes environnementaux ici sur Terre qui militent pour la protection de la nature. Par moment, l’auteur se fait également le critique de plusieurs enjeux sociaux comme le racisme. Ainsi donc, j’ai l’impression que l’auteur explore davantage l’humanité que sa planète voisine. Conséquemment, si certains pourraient penser que ce recueil a mal vieilli, il demeure un classique pour toutes ces raisons.



Dans tous les cas, Mars ne sera plus. Ou, du moins, la planète rouge comme on la concevait n’est plus dès lors où les Terriens se l’approprient et la transforment au gré de leurs besoins, « empoisonnée par la civilisation terrienne » (p. 318). Mais, en même temps, elle sera toujours. J’apprécie beaucoup les derniers mots du recueil, quand un garçonnet dit à son père qu’il a toujours voulu voir des Martiens. « Les voilà, dit papa. Il hissa Michael sur son épaule et pointa un doigt vers le bas. » Les deux colons fixent leurs reflets dans un lac.
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Fahrenheit 451

A choisir je préfère Fahrenheit 451 à 1984, un mixte des deux aurait été du pur chef d’œuvre en papier… Comme 1984, est-ce qu’il y a quelque chose à rajouter hormis le simple plaisir d’essayer de grimper dans l’échelle hiérarchique des amateurs de critique de Babelio ? Mouais certainement que ce serait la principale raison qui me pousse à donner un autre avis… et aussi certainement pour le plaisir de mélanger futur, présent dans la même phrase avec un je m’en foutiste de bonne tenue de la langue française…



Je ne vous referai pas l’article sur la portée philosophique du roman, j’y perdrai mon temps et le vôtre, mais qui serais-je si par auto-délation je ne me dénonçais pas ? Je vous enfumerai en accablant notre société de mille et un maux comme à chaque fois, alors que je ne pratique absolument pas le bon vivre : question écologie je suis à l’ouest, j’y pense, je condamne mais j’en fou pas un effort ou si peu… Question consommation, je suis un capitaliste hors norme, je consomme jusqu’au kilo de trop sans trop me condamner la morale, parfois une once de culpabilité vient chatouiller mon malvivre, ma malbouffe, pourtant les habitudes l’emportent sur mes convictions bien trop nombreuses pour un si petit homme… pour faire simple, je m’adapte au système sans me priver, je profite à outrance sans me choquer, j’attends que ma lâcheté s’encourage d’un mouvement de masse de gens en colère, quoi que même là j’y bougerai pas une couille de virilité pour aller défendre les nombreuses dérives sociales, je ne suis qu’un spectateur qui se bêtise d’une vie trop courte, qui s’excuse de problèmes ordinaires, manque de temps, de discipline, d’éducation, j’apprends les grands principes, mais je n’en branle pas une…



je te dis pas la honte que je me fais, enfin parfois, quand je l’ignore pas, mon indifférence se moque bien de ce que je pense, elle méprise mes opinions et me renvoie à mes belles aventures imaginaires…



Dis comme ça, c’est moche, pourtant je n’y accorde pas beaucoup d’importance, enfin pas plus que ça, j’ai pleinement conscience de mes contradictions, j’améliore des petits trucs mais je suis encore loin de la raison, du rationnel, du bon sens, l’égoïsme et l’individualité sont de très bons amis, je reste un caillou du troupeau…



Le héros du bouquin se réveille un jour, avec le même état d’esprit, une vie pas très raccord, un truc cloche, ça prend de la place jusqu’au moment 451 ou ça fout la merde partout dans la jardin, donner du sens ou il n’y en a plus, voyez comme l’actualité de nos jours est traitée, l’importance du futile, l’illusion de cette importance, la crédulité populaire de la bêtise qui se banalise grossièrement, l’effet HALO d’une population dépassée, qui ne s’intéresse plus qu’à la paresse d’esprit, du moins celles et ceux qui peuvent se le permettre, les autres prolétisent dans des boulots sans intérêt, d’autres s’usent le temps et la vie dans les inégalités, on perd la tête et les priorités, on oublie dans la décadence, on est élevé au sein de l’égoïsme, jusqu’au jour ou l’équation n’est plus solvable, le trop plein est bondé, on s’affole de questions, on existentialise tout, on se radicalise, on ne nuance plus, on caricature, on condamne et on descend dans les rues brûler nos rancœurs et nos illusions, bercées par un système déshumanisé et humainement redoutable.



A plus les copains

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Fahrenheit 451

J'ai découvert Fahrenheit 451 sur le tard. Trop tard sans doute, car j'ai tellement adoré cette lecture l'année dernière que je regrette de pas avoir pu m'en délecter plusieurs fois déjà au cours de mon existence.

à retard il y a une raison : j'avais vu, étant plus jeune, le film de Truffaut. Décevant pour ma part, un peu bâclé-kitsch, avec des costumes et des décors bricolés, un jeu d'acteur déprimant... Alors je n'ai pas osé ou pas voulu m'attaquer à l'ouvrage.

Quelle erreur!

Lisez Fahrenheit 451! C'est un chef d'oeuvre intemporel.

Lisez Fahrenheit 451, car c'est un livre qui semble vous dire, tout simplement : Lisez!

Je n'en dirai pas plus, tout a été dit dans les critiques ci-dessous!
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Fahrenheit 451

J'ai lu Fahrenheit 451 à peu près au moment où Palmyre venait d'être détruite et que Daesh brûlait des livres à grand renfort de vidéos. Peut-être que c'est ce qui m'a décidée à lire enfin ce roman, peut-être pas. J'ai remarqué que pas mal de personnes qui l'avaient lu en même temps que moi établissaient un parallèle entre ces faits de notre actualité et ceux décrits dans le livre. Je pense que c'est un peu à côté de la plaque, que Fahrenheit 451 a une portée beaucoup plus large. Les autodafés, malheureusement, ne datent pas d'aujourd'hui. Mais pour ce qui est de la société imaginée par Bradbury pour son roman, c'est une autre histoire...



Il me semble que ce que presque tout le monde trouve en Fahrenheit 451, c'est cette incroyable et terrible adéquation entre un livre publié en 1953 et le monde d'aujourd'hui. En effet, de nos jours, on en est à peu près là : les infos défilent en continu sur nos écrans, on est submergé d'images et, si on continue à lire, une majorité de gens n'ont décidément pas envie de réfléchir. Parce que le point que dénonce Fahrenheit 451, ce n'est pas tant les autodafés que cette décrépitude dans laquelle se complaît la société : la tirade de Beatty à Montag est sur ce point on ne peut plus claire. C'est tellement frappant qu'on a envie de crier au génie visionnaire.



Bon, c'est ce que j'ai ressenti sur le coup. Je suis un peu plus mitigée avec le recul, bien que je pense toujours que c'est là un très bon roman, qui nous colle face à certaines de nos failles les moins plaisantes. Je n'ai pas pensé un seul instant, pendant ma lecture, ou même juste après, que Fahrenheit 451 était un roman réactionnaire. Pourtant, il a été parfois été, voire souvent, dénoncé comme tel et je me souviens bien d'avoir entendu Anne Staquet à la radio défendre ce point de vue : selon elle, les dystopies seraient réactionnaires, parce qu'en dénonçant les méfaits susceptibles d'avenir dans nos sociétés, elles inviteraient à ne surtout rien changer. Et c'est aussi ce qu'on peut lire dans Fahrenheit 451 : pas de révolution possible. Les opposants (les "hommes-livres") se terrent et attendent qu'on ait enfin besoin d'eux. Quant à la dénonciation de la toute-puissance de la télévision, elle peut apparaître comme très proche de certains arguments anti-jeux vidéo - autrefois anti-télé, anti-cinéma, dans l'Antiquité anti-théâtre (mais oui, même si ça semble aujourd’hui bizarre!), mais aussi anti-bande dessinée et anti-science-fiction... On pourrait décliner tout ça à l'envi. Et puis, tout de même, le livre qu'apprend Montag, c'est la Bible... Ce qui m'a franchement gonflée.



Je crois que les deux lectures sont bonnes à prendre et que Fahrenheit 451 est un roman à lire, qu'il constitue une puissante mise en scène des problèmes que notre société rencontre aujourd'hui, mais qu'il est aussi bon de prendre un peu de recul. Après tout, d'autres que Bradbury ont abordé le sujet, parfois plus subtilement et plus pleinement.
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Fahrenheit 451

"Est-ce que vous êtes heureux ?" demande Clarisse à Montag.



Cette question, Montag se la pose désormais. Lui, le pompier dont le travail consiste à bruler les livres et les maisons de ceux qui renâclent à s'en débarrasser.



Parce que "le livre est un fusil chargé dans la maison d'à côté. Brûlons-le. Déchargeons l'arme. Battons en brèche l'esprit humain. Qui sait qui pourrait être la cible de l'homme cultivé ?"



Au XXe siècle, avec l'apparition de la photographie, du cinéma, "on a commencé à avoir là des phénomènes de masse. Ils se sont simplifiés. Et la population de doubler, tripler, quadrupler. le cinéma et la radio, les magazines, les livres se sont nivelés par le bas, normalisés en une vaste soupe".



"La scolarité s'est écourtée, la discipline se relâche, la philosophie, l'histoire, les langues sont abandonnées, l'anglais et l'orthographe de plus en plus négligés, et finalement presque ignorés. On vit dans l'immédiat, seul le travail compte, le plaisir c'est pour après".



Mais dans ce monde où les livres et l'ouverture sur le monde et sur la réflexion qu'ils apportent sont vilipendés, Montag ne peut se résoudre à cesser de lire.



Jusqu'à ce qu'il soit amené à bruler son propre domicile.



A mon avis :

Ecrit en 1953 "alors qu'étaient dénoncées les dérives fascisantes de la Commission chargée des Activités antiaméricaines et plus tard du maccarthysme", ce livre n'a pas pris une ride. Voire même il est plus que jamais d'actualité.



Et c'est un coup de poing au ventre, un rappel de l'urgence à maintenir la connaissance, l'ouverture d'esprit et la liberté de pensée.



Aussi puissant qu'un 1984 de George Orwell, ce livre, magistralement écrit, réveille en deux cents pages votre conscience et alerte sur les dérives d'un système où la banalité et la facilité sont la norme et où le bonheur fabriqué ne peut être vraiment satisfaisant.



Un roman dystopique qui rappelle l'importance des livres eux-mêmes, pour la démocratie et sa survie, pour éviter ce qui semble déjà se profiler dans la société française actuelle :

"Les Noirs n'aiment pas Little Black Sambo. Brûlons-le. La Case de l'Oncle Tom met les Blancs mal à l'aise. Brûlons-le. Quelqu'un a écrit un livre sur le tabac et le cancer des poumons ? Les fumeurs pleurnichent ? Brûlons le livre. La sérénité, Montag. La paix, Montag. A la porte les querelles. Ou mieux encore, dans l'incinérateur".



Il nous engage alors à nous remplir les yeux de merveilles. A vivre "comme si tu devais mourir dans dix secondes. Regarde le monde. Il est plus extraordinaire que tous les rêves fabriqués ou achetés en usine. Ne demande pas de garanties, ne demande pas la sécurité, cet animal-là n'a jamais existé. Et si c'était le cas, il serait parent du grand paresseux qui reste suspendu toute la journée à une branche, la tête en bas, passant sa vie à dormir. Au diable tout ça [...]. Secoue l'arbre et fais tomber le paresseux sur son derrière !".



Et enfin, comme un message d'espoir, cette anecdote vient nous bousculer : "Il y avait autrefois, bien avant le Christ, une espèce d'oiseau stupide appelé le phénix. Tous les cent ans, il dressait un bûcher et s'y immolait. Ce devait être le premier cousin de l'homme. Mais chaque fois qu'il se brûlait, il ressurgissait de ses cendres, renaissait à la vie. Et on dirait que nous sommes en train d'en faire autant, sans arrêt, mais avec un méchant avantage sur le phénix. Nous avons conscience de l'énorme bêtise que nous venons de faire, conscience de toutes les bêtises que nous avons faites durant un millier d'années, et tant que nous en aurons conscience et qu'il y aura autour de nous de quoi nous les rappeler, nous cesserons un jour de dresser ces maudits bûchers funéraires pour nous jeter dedans. A chaque génération, nous trouvons un peu plus de monde qui se souvient".



Bon sang ! Mais ça ne vous pète pas au visage ça ?

Alors lisez, lisez, lisez, en commençant par Fahrenheit 451.



Retrouver d'autres avis sur d'autres lectures sur mon blog :

https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
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Fahrenheit 451

Je remercie Neneve pour cette très bonne pioche (Janvier). J'ai la version roman que depuis peu mais j'ai apprécié la découvrir. Il s'agit d'un classique de la littérature américaine quand même.



Je l'avais déjà lu en version comics au tout début de l'aventure des pioches. Cela m'avait ainsi permis d'en comprendre le succès et l'anticipation. Mais heureusement que j'en connaissais la teneur car le début est très bizarre avec ses dialogues de sourd entre Montag et sa femme, celle-ci semble venir d'une autre planète tant elle est à côté de ses pompes. L'auteur est si juste dans certains de ses raisonnements que s'en est flippant pour notre avenir, à nous les lecteurs, comme l'effet des « masses ». Comment pourrait devenir le monde si les livres devenaient les ennemis du peuple et du bonheur ? L'auteur a ainsi créé un bouquin hors norme avec cette simple question et en si peu de pages (191p). Histoire très originale et qui nous oblige à rester vigilant si on ne veut pas que la littérature digne de ce nom tombe dans l'oubli.



Comme vous l'aurez compris, ce roman est en excellente découverte même si j'ai préféré la version comics, nettement plus agréable de mettre les bonnes images sur ce type d'histoire. Si vous ne l'avez toujours pas lu, je vous conseille très fortement de découvrir ce classique de la littérature fantastique américaine. Pour ma part, malgré un type d'écriture particulier, cela m'a donné envie de découvrir de nouveaux romans de cet auteur si plein de justesse dans son anticipation du monde à venir.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Chroniques martiennes

J'ai longtemps boudé ces chroniques martiennes pour deux très mauvaises raisons : la couverture qui ne me plaît pas du tout, et le terme « Mars » qui m'évoque directement de la science-fiction vieillotte et totalement démodée. Il aura fallu l'insistance d'Amazon à me le conseiller en première page pendant de nombreux mois, et les commentaires souvent très élogieux pour me décider enfin à l'ouvrir.



Plutôt que de se focaliser sur les martiens, ce sont en fait les Hommes les vrais sujets d'étude de ce livre. En une trentaine de nouvelles, Bradbury expose une possible histoire de la colonisation de la planète rouge. Les thèmes les plus sérieux (les hommes vont-ils détruire le patrimoine martien pour en faire une copie conforme de la Terre ? Comment apporter le christianisme aux martiens ? Ou encore la grande fuite des Noirs d'Amérique qui préfèrent tout quitter pour tenter l'aventure martienne) côtoient des sujets plus légers (citons par exemple les premiers astronautes qui finissent dans un asile : se prétendre être un extra-martien en visite est en effet une maladie mentale très répandue sur la planète rouge).



Ces aventures martiennes sont très réussies et nous font passer par tous les sentiments : on s'amuse, on réfléchit sur quelques périodes troubles de notre histoire, on se laisse emporter par la poésie du récit. Un seul petit regret, la volonté de « faire un roman » a poussé l'auteur à écrire des transitions entre les nouvelles pour assurer un semblant de continuité : transitions qui sont loin d'être nécessaires, et qui n'apportent rien au texte.
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Fahrenheit 451

Dans un futur indéterminé, les livres sont devenus des objets subversifs, donc formellement interdits.

Eh oui, sachez-le, amis babéliotes : la lecture, c'est dangereux !

La lecture est dangereuse, avant tout, parce qu'elle permet de penser, de réfléchir : c'est gênant pour le pouvoir en place.

Dame ! Où va-t-on si les citoyens se mettent à penser par eux-mêmes au lieu de vivre une petite vie sans histoire et de suivre un chemin tout tracé ? On ne va tout de même pas tolérer le désordre que cela engendrerait !

Le prêt-à-penser, il n'y a que ça de vrai !

Alors, ce prêt-à-penser, le pouvoir l'impose par la force. Et puis tout le monde finit par y trouver son compte. Parce que les citoyens, détournés de la lecture, sont amenés à d'autres activités et sont finalement heureux. Heureux de ne plus penser.

Ça doit reposer !

Mais attention, l'inaction pourrait être dangereuse. Elle pourrait conduire certains à se poser des questions, et finalement... à penser.

C'est rebelle un cerveau, ça veut penser.

Alors, on n'est jamais trop prudent, il faut combler le vide, ne rien laisser au hasard. Il faut occuper les cerveaux.

Et quoi de mieux pour cela que des écrans ? Des écrans géants allumés en permanence sur tous les murs de la maison ? Des écrans sur lesquels s'agitent sans cesse une galerie de personnages pathétiques dont les habitants hébétés suivent les "aventures", allant même jusqu'à les considérer comme étant leur "famille" ?

Ainsi, les gens sont heureux, et le pouvoir (qui n'a jamais aussi bien porté son nom) agit sans entrave : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Enfin, presque tout. Parce qu'il y a quelques récalcitrants.

Qu'à cela ne tienne : ils sont traqués sans répit et impitoyablement éliminés.

Par des pompiers.

Oui, des pompiers ! Par une géniale inversion des rôles, ceux qui sont chargés de faire régner l'ordre sont des pompiers. D'un genre un peu particulier. Les brigades sont super organisées et équipées, les lances crachent du pétrole au lieu de déverser de l'eau. Toute maison de contrevenant est impitoyablement brûlée, réduite en cendres du sol au plafond.

Avec ses occupants.

Sans état d'âme, puisque c'est pour le bien de la société.

Je trouve incroyable de penser que Ray Bradbury a écrit ce roman en 1953 ! Ce texte qui fait froid dans le dos est tellement moderne, tellement actuel... hélas.

Dans l'Histoire les dictatures ont toujours poursuivi les écrivains, ces gêneurs qui offrent au peuple de la matière à penser.

Je pense, entre autres, à Alexandre Soljenitsyne ou au poète Ossip Mandelstam en Russie, mais les exemples sont légion, partout et à toutes les époques. Les pouvoirs totalitaires voient toujours d'un très mauvais œil tout ce qui pourrait amener le peuple à penser hors des cadres, hors de la pensée unique imposée. Ils traquent donc tous ceux qui à travers la littérature ou plus généralement la culture constituent un danger.

Et en plus de poursuivre les auteurs, ils n'hésitent pas à détruire des œuvres. Des livres, mais aussi d'autres objets, comme les magnifiques Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan démolis en 2001 par les talibans.

Pourquoi ai-je écrit que ce roman était très actuel ? Parce que je crois profondément que nous vivons la même situation.

En France, en 2018. D'une façon plus insidieuse, mais tout aussi réelle.

L'effondrement du niveau des apprentissages scolaires dans notre pays est tel qu'il devient flagrant et ne peut plus être nié. Notre système public d'éducation, autrefois si performant, "forme" actuellement des générations d'élèves qui lisent très mal, ne maîtrisent pas la grammaire élémentaire et disposent d'un vocabulaire ultra réduit. Pour la grande majorité d'entre eux, il n'est hélas plus besoin d'interdire les livres : ils ne lisent pas. Ils ne lisent pas parce que lire est une activité, pour eux, désagréable et trop complexe compte-tenu de leur niveau. Et totalement inintéressante.

Parallèlement, ils sont abreuvés d'écrans sur lesquels ils passent le plus clair de leur temps.

Ray Bradbury l'a imaginé, mais nous, société française l'avons fait.

Fabriquer des générations de citoyens privés de culture, privés de véritable réflexion, occupés pour ne plus penser.

Des citoyens-moutons, manipulables à souhait.

Ce qui m'a amusée dans le roman me terrifie dans la vie réelle.

Jamais le terme de "pouvoir" pour désigner les dirigeants d'une société n'aura autant pris ce sens que maintenant. Ceux qui tirent les ficelles se réjouissent de voir à quel point leur prêt-à-penser fonctionne. Les médias relaient en boucle ce qu'il est de bon ton de penser, les "débats" n'en sont pas car qui pense hors de la pensée unique est hué, conspué, et réduit au silence.

Le prêt-à-penser est imposé, c'est la norme bien-pensante.

C'est terrifiant.

Quand on pense qu'un dirigeant de grande chaîne de télévision s'est vanté de vendre du "temps de cerveau disponible", les écrans géants des maisons de Fahrenheit 451 ne sont pas loin.

Alors, que faire pour éviter que ce terrible roman ne devienne réel ?

Résister !

Lire et faire lire autour de soi. Partager cette curiosité qui garde nos cerveaux éveillés.

Faire vivre l'instruction et la culture.

C'est indispensable, c'est vital !

Une lecture choc que je recommande à tous, adultes ou adolescents.

Mon fils de quatorze ans avec qui j'ai lu ce roman (nous aimons partager des lectures) a adoré, et nous avons eu pendant et après la lecture des discussions passionnantes.

Je rajoute une petite remarque : mon édition (folio science-fiction) comporte une préface très intéressante du traducteur, Jacques Chambon. On peut y lire ceci, écrit par Jean d'Ormesson dans Le Figaro du 10 décembre 1992 au lendemain de la suppression de l'émission littéraire "Caractères" animée par Bernard Rapp sur France 3 : "On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence. La censure, aujourd'hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas des livres d'adversaires, ce ne sont pas les idées séditieuses que l'on condamne au bûcher de l'oubli : ce sont tous les livres et toutes les idées. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple : parce qu'ils n'attirent pas assez de public, parce qu'ils n'entraînent pas assez de publicité, parce qu'ils ne rapportent pas assez d'argent. La dictature de l'audimat, c'est la dictature de l'argent. C'est l'argent contre la culture [...] On pouvait croire naïvement que le service public avait une vocation culturelle, éducative, formatrice, quelque chose, peut-être, qui ressemblerait à une mission. Nous nous trompions très fort. Le service public s'aligne sur la vulgarité générale. La République n'a pas besoin d'écrivains."

Triste, mais vrai.

Alors, résistons !
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