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Citations de Régis Debray (414)


Il n'est pas facile d'avoir une histoire à soi quand on flotte sur son temps comme un bouchon sur l'eau, au gré des rencontres.
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Elle (une civilisation) peut se dire victorieuse quand ce n'est plus une mais la civilisation, que sa langue est devenue lingua franca, et sa monnaie, l'aune commune.
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Mais le plus bel exemple de floraisons d'automne, de ces bouillonnements créateurs du grand âge, c'est Vienne, entre 1870 et 1830, la tête d'un empire austro-hongrois décati, le dernier successeur de l'Empire romain d'Occident , cinq siècles d'existence. Tout allait au plus mal dans ce pays battu par la Prusse à Sadowa, écartelé par les nationalismes internes, avec une cour accablée de drames et de suicides, et un empereur tournant fantôme, quand Vienne devint la capitale de l'esprit objectif du monde occidental. Sous les marques de l'opérette et des valses, de Mayerling et de Sisi, la haute culture viennaise a jeté les bases de toutes les inventions du siècle. Et cette grande époque débute curieusement en 1871, quand le centre politique et militaire de l'Europe continentale passe de Vienne à Berlin, forçant la Couronne à abdiquer tout rôle dominant à l'international. La finis Autriae dans l'arène européenne préfigurait la finis Europae dans l'arène mondial, et cette répétition générale pourrait nous faire envie, tant cette Joyeuse Apocalypse n'a pas seulement illuminé son siècle, mais féconde le suivant. Nous sommes tous les enfants, sinon les parasites, encore maintenant, du ring, du cercle de Vienne, des cafés, galeries, clubs, revues, cabarets, agences de cette irremplaçable "décadence". Le Who's Who viennois de la Belle époque, c'est la moitié du panthéon de l'an 2000. Peinture : Klimt, Kokoschka, Schiele. Architecture : Adolf Loos, Otto Wagner. Musique : Alban Ber, Gustav Mahler, Arnold Schoenberg, Anton Webern. Sciences humaines : Sigmund Freud, Ludwig Wittgenstein, Joseph Schumpeter, Wilhelm Reich. Littérature : Robert Musil, Stephan Zsweig, Hermann Broch, Karl Kraus, Manès Sperber. Cinema : Fritz Lang, Joseph von Sternberg, Erich von Stroheim, Michael Curtiz. Hollywood ne serait pas ce qu'il est s'il n'avait accueilli ces civilisateurs, non plus que Londres, Harvard et Paris. Quel isme ne devrait-on faire précéder du préfixe austro? Sionisme, marxisme, positivisme, expressionisme, etc. Qui a dit que sortir de l'histoire oblige à broyer du noir? Bien au contraire : ces périodes faste et conclusives sont celles où la mélancolie au coeur n'empêche pas la gaieté dans l'esprit ; où l'art de vivre est si loin poussé que certains peuvent vivre de l'art, et pour lui ; où il n'est plus nécessaire d'espérer pour entreprendre ni même d'entreprendre pour dire merci ; où les convictions perdant de leur force aveugle, le réel se découvre aux esprits, sans ajout ni déguisement ; où les corsets se délacent et les bonnets volent par-dessus les interdits. Le collectif y perd, l'individu y gagne. Décadence, dira l'un, libération, dira l'autre. Et pourquoi pas les deux?
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L'effigie d'un président ne valorise pas une personne, elle personnifie une valeur.
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Las, rien ne sert de courir ni de partir à temps. Comme le coup de foudre et le gros lot, l’éclair arrive quand on y pense le moins. La bonne heure ou la mauvaise porte. Maktoub ! Le hasard est un grand romancier disait Balzac, qui s’y connaissait. On ne donne pas d’ordre à un enfant qui joue aux dés.
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On peut vivre en république, et profiter de l'aubaine, sans se conduire en républicain. C'est même le plus courant. Et de mauvais augure. Une république de stuc et de papier, livrée aux mécanismes impersonnels de l'Etat de droit, sans citoyen pour en faire vivre l'esprit, est un château de cartes. Un souffle peut l'emporter.
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Tu commences par le droit à la différence et tu finis par la différence des droits.
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Ce qui est légal n'est pas toujours légitime. Au-dessus de la loi, il y a la Constitution. Au-dessus du règlement, il y a l'humanité.
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Si la "sortie de religion" est à la portée du solitaire, elle semble infiniment plus problématique pour les collectifs.
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la Chine taoïste du 'qigong', l'art du souffle et des pratiques gymniques, respiration et méditation, se passe[...] de grands récits : sa mythologie est pauvre, mais son calendrier est dense, son espace, soigneusement balisé, et ses rituels, harmonieux et sophistiqués. Les cultures qui ont donné un socle mental et matériel à un bon quart de l'humanité ne se sont pas souciées de donner du sens au monde, mais de l'équilibre, et ce quart-là ne semble pas trop mal se porter. La mise en harmonie du Ciel et de la Terre, moyennant une bonne gestion des rapports incertains et fluctuants qui les unissent, ne passe pas nécessairement par une mise en fable.
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D'où la question : à quelle demande répond la dépense religieuse ? Et quel service peut-elle bien assurer qui compense ses coûts incontestablement élevés (guerres, intolérances, misogynies, obscurantisme, etc.) ?
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Nul besoin d’avoir un grand sens de l’État ni un sens excessif de votre dignité pour ne pas voir sans malaise, côté à côte, au « Grand Journal », le président du Conseil constitutionnel et le président de l’Assemblée nationale se tortiller sur leur chaise pour se faire applaudir par des gamins fonctionnant au sifflet. Embarrassés, patauds, piquant des fards devant une Bimbo, humiliés par les lazzi d’un trio de montreurs d’ours auxquels ne manquent plus que la chambrière et le cerceau pour mettre leurs invités à quatre pattes et les faire sauter au travers (prochaine étape). Le politique ne se cabre même plus, il rampe.
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Les urnes sont des boîtes à double fond, électoral et funéraire : elles recueillent, avec un léger décalage, nos rêves et nos cendres. Quand les rêves d’une génération tombent en cendres, en arrive une autre pour ranimer la flamme. Cela est bel et bon. Aussi la liesse sera-t-elle du meilleur aloi, place de la Bastille, quand un autre « on a gagné » envahira grands et petits écrans. Un joli mai, en République, cela se fête, après cinq années où la vulgarité friquée nous aura tant fait honte. Le refus de l’humiliation par tous les moyens, légaux y compris, fait partie des droits de l’homme et du citoyen. Un blouson doré de Neuilly dans le fauteuil du général de Gaulle, c’était plus qu’une faute de goût, une atteinte à ce minimum d’estime de soi dont a besoin un républicain du rang pour ne pas baisser les yeux devant son voisin de palier.
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A quel instant situer le changement de climat culturel : le passage du social au sociétal, de qui est juste à ce qui se dit moderne, de l'égalité à l'équité, de l'élan de solidarité au crime humanitaire, de la culture pour tous à la culture pour chacun, du fraternel au compassionnel, du "changer la vie" au "changer de cantine" ? Quand le prolo est-il devenu le beauf de Cabu, Le militant, supporter; le courant de pensée, écurie; la classe, réseau; et le bobo, boussole ? Quand l'adresse des raout a t-elle glissée de la Maison des Métallos à la Maison d'Amérique latine et le lieu de pèlerinage de Latché à Marrakech? Je constate simplement qu'au réchauffement global de l'atmosphère terrestre a correspondu au niveau de la mer un net refroidissement des passions civiques" (pg 17)
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Le Reich de mille ans en a duré dix, l’empire napoléonien à peine le double. La volonté d’un furieux ou d’un mégalomane est d’une confondante stérilité. p184
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Tout largage des amarres est une prise de risque _ et rester dans sa bulle, une précaution biologique.
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une grand-mère du voisinage s'est fait exploser au passage d'une patrouille israélienne, qui n'a eu que trois blessés. Elle était âgée de soixante-sept ans, et elle avait laissé plein de bonbons à ses soixante-treize petits enfants, bien en évidence sur la table de la cuisine pour le jour de ses funérailles. Elles furent festives, paraît-il. L'un de ses fils avait été peu avant tué dans la rue, avec deux autres emprisonnés comme militants du Fatah, et sa maison, en punition, détruite par les bulldozers. Elle en avait assez d'avoir peur. Elle s'est mis un bandeau vert du Hamas autour de la tête, a enregistré son testament vidéo, a pris une douche et s'est collé des pains de TNT sous la robe. C'est devenu l’héroïne du quartier, mais tous, apparemment, ne sont pas d'accord. On traite parfois de lâches les Palestiniens parce qu'ils enverraient leurs enfants se faire tuer à leur place. Ici, je vois des enfants dissuader mamie et papy d'aller jusqu'au bout. "
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Pendant un millénaire, l'homme moral s'est demandé : "où en suis-je avec Dieu?" Puis, à partir de la Renaissance : "où en suis-je avec mes congénères?" Et aujourd'hui, "où en suis-je avec les animaux?" L'Occidental se cherchait au Ciel ; il s'est cherché dans son semblable ; il se cherche à présent dans le chimpanzé - au risque de s'y retrouver. Nous passons d'une condition spirituelle à une condition naturelle. La première, comme bue par la seconde.
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Convenons néanmoins que c'est une drôle de guerre, celle où le commandant en chef a pour mot d'ordre : "planquez-vous" ; où une mobilisation générale met à l'arrêt ; où on appelle à ne plus faire société pour faire nation, à s'isoler pour se serrer les coudes et à écarter les corps les uns des autres pour se rapprocher d'eux en esprit. Mais l'histoire n'est jamais avare de paradoxe.
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Une civilisation a gagné quand tout ce qu’elle façonne est devenu naturel et qu’il est malséant de chercher à reconstituer quelles actions ont permis à telle civilité de s’imposer et quel système de forces gît sous la norme à respecter.
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