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Citations de René Benjamin (38)


Nous donnons ce nom vague d'amis à tout un personnel, qui nous fait risette aux heures sans conséquences. Mais le nom est provisoire ; la révision s'impose ; et la voici qui se fait d'elle-même, sitôt que nous ne sommes plus complètement "agréables".
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La plus grande misère de l'homme c'est, j'en suis sûr, de perdre le fil d'une pensée simple. De la complication, qui est maudite, naissent les erreurs et tous les doutes ; et quand je fuis le monde ou les livres, lorsque seul je vais par les champs, c'est pour retrouver la santé des choses et des bêtes, qui vivent tout uniment, dans l'ordre naturel.
(incipit)
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Un écrivain fait partie du sang de sa patrie tandis qu'un homme de lettres n'y est qu'un divertissement ...
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L'homme de théâtre. Oui, Goncourt adorait le théâtre.
Il rêvait d'en faire.
Il savait que le théâtre est aux lettres ce que l'architecture est à la peinture et à la sculpture, l'art majeure, l'art de synthèse, celui qui compte si peu de réussites dans chaque siècle.
Quoi de plus rare qu'un grand auteur dramatique ? ...
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Je sais - je sais tout comme un autre - que si l'on songe au nombre infini des astres, aux avalanches de l'Histoire et à la toute-puissance de Dieu, ce n'est pas grand'chose dans le monde que l'Académie Goncourt ! ...
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Quelquefois le gars Pinceloup, qui avait une balle rougeaude de campagnard cuit au soleil, disait, les mains aux poches, en balançant son gros corps maladroit :
- On les verra p't'être seulement point, les Alboches.
- Non, et ta sœur ? disait Gaspard.
- Mon gars, y a pas d'ma sœur ; nous aut' on est réserve !
- Continue : tu m'intéresses !
- Si l'active, ell' faisait ben son boulot...
- Pauvre pochetée ! D'où qu'tu sors ? T'es échappé d'un vase de Chine ?
- J'suis pas pus bête equ'toi, mon gars !
- C'est pas qu't'es bête, c'est qu't'es marteau !
- Quand même, on est là d'puis cinq jours ; et eux ils sont foutus le camp ; pourquoi qu'ils l'sont foutus...
- D'quel patelin qu't'es ? dit Gaspard.
- D'pin-la-Garenne, mon gars.
- Combien qu'ça coûte, par là, la graine d'innocent ?
Le sergent Fosse entra dans la grange, en courant :
- On part ! il faut être prêt dans un quart d'heure.
- Où qu'on va ? demanda Moreau
- On y va, cette fois, ça y est. Numérotez vos abatis !
- Sans blague ! cria Gaspard. T'en es sûr ?
- Le colonel l'a dit devant moi à pluche.
- Ah, les poteaux ! ça c'est la vie !
Il s'était jeté sur Pinceloup, et il le fessait de toutes ses forces :
- Eh ben, mon gars, t'avais du flair ?
Pinceloup était devenu pâle. L'épicier Clopurte aussi. Romarin rayonnait. Gaspard fit valser Burette :
- Et toi, t'entends donc pas ?
- Si, si, j'entends !
- Et t'es pas content ?
- Je suis content !
- Alors faut rigoler, mon copain ! on va voir si l'Alboche c'est tout lard ou cochon !
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Lorsque des historiens Français essaieront de raconter 1940, ils en feront, semble-t-il, commencer l'horreur au mois de mai. Pour moi elle commence en avril. Comment oublier le bouleversement de corps et d'âme que me donna l'entrée des Allemands dans le Dannemark et dans la Norvège.
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On sonne.

Pierre. — Encore ! (Très calme.) Non ! (On resonne.) Non ! Si je n’étais pas là… Eh bien ! je ne suis pas là… (Il se force à lire tout haut.) « Le sénateur préfet de la Seine, statuant au Conseil de Préfecture, vu son arrêté en date du 5 mai 1904, qui a autorisé M. Delambert, aux termes d’un codicille en date du 11 septembre 1883… » (On resonne.) Est-il assommant, cet idiot-là ! Je n’ouvrirai pas, mais je ne peux plus lire : je ne comprends rien… « En date du 5 mai 1904, qui a autorisé… » (Un temps. On ne sonne plus.) Qui ça peut-il être ? (Et il sort à pas de loup, pour voir.) Personne… Il a compris… Et Marinette comprendra aussi. Elle prend l’air… Excellent pour sa santé ! Mais, moi, je n’ouvre pas. (Il se rassied.) Dans un ménage, on se partage les embêtements ! (Une voix appelle dans la cour.) « M’sieur Hamelin ! » Hein ? dans la cour ?

La Voix, dans la cour. — Vous êtes bien là-haut, m’sieur Hamelin ? Y a l’serrurier qu’a carillonné…

Pierre, voix molle à la fenêtre. — Ai pas entendu… (Furieux.) Pincé !…

On resonne, et il va ouvrir.
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ALLEMAGNE
13 juillet 1937.
Ma chère Hélène,

Si l’on en juge au nombre de pages, ceci ne peut guère s’appeler une lettre ! C’est un rapport, un mémoire ! Vous allez croire que l’Allemagne m’a converti à ses mœurs et que je ne sais plus m’exprimer que par une thèse ! Grâce à Dieu, ceci est une lettre, où il n’y a pas une ligne qui ne s’adresse à vous. Je vous parle, je vous vois, je suis heureux,… je suis bavard !

Mon amie, je viens de faire un voyage important, qui ne vaut guère par le pittoresque des aventures, mais par les quelques idées que je rapporte. Je ne vais pas vous faire un récit au jour le jour, en me complaisant à des anecdotes, mais de mes rencontres je voudrais tirer pour vous… et pour moi quelques vues d’ensemble, qui résumeront ce que je crois comprendre.

Je n’avais pas vu l’Allemagne depuis la guerre. Je m’attendais, comme quand on arrive en Italie, à rencontrer le Dictateur d’abord, tout de suite. Nous sommes tellement obsédés par cet Hitler et ce Mussolini ! Je me rappelais que sur la première des maisons italiennes j’avais trouvé la pensée du Duce au-dessus de sa signature. Passé le pont de Kehl, j’ai cherché l’autre ; mais cette fois j’ai rencontré le passé ; il est encore là ; tout n’est pas changé ; tout n’est pas conquis ; il y a la vieille Allemagne du Sud, intacte, rêveuse et triste, avec ses villages qui sont tous de petites villes, ordonnées, repeintes de la veille, ses maisons lourdes, ses cultivateurs engoncés dans leurs bottes et leurs tabliers de cuir, sous des casquettes rigides. Toutes les petites filles ont deux nattes et une robe verte. Tous les petits garçons sortent de l’école, quand on passe. Le sac qu’ils ont sur le dos comporte un entourage en peau de vache. Toutes les vieilles femmes s’agitent avec un balai. Les toits sont épais, les volets massifs ; pas une maison qui n’ait son jardinet, où chaque caillou luisant a dû être astiqué, le matin même. Dès qu’on est dans la campagne, apparaissent les sapins : des forêts de sapins, des fourrés de sapins, des parcs en sapins, des collines couvertes de sapins, des routes bordées par des sapins, des sapins isolés, enfin tous les genres et assemblages qui se puissent voir et concevoir en fait de sapins ! Très loin d’Hitler, j’ai pensé toute une journée, à Hermann et Dorothée… Dans cet ordre mélancolique, devant tous les hôtels du Lion d’or, j’évoquais le poème de Gœthe. J’ai rencontré le pasteur, l’apothicaire, le juge. Mais soudain… nous nous sommes trouvés (j’étais dans une auto avec des Américains muets) devant un écriteau géant qui annonçait une « autostrade ».
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Avant cette guerre, toute l'Europe allait répétant : "Si elle éclate, c'en est fini du monde civilisé." Et elle a éclaté, elle a duré six ans, elle a été la plus honteuse, pourtant la civilisation n'est pas morte.
Elle n'est que réduite. Encore n'est-ce pas comme on croit. Ce n'est pas parce que de grandes villes partout sont en ruines. La ville moderne est équipée de machine qui ne sont que les servantes de la mort. Grosses machines d'usine, petites machines de bureau, elles tuent le goût du travail.
...elles tuent la vie de l'esprit. Armes automatiques, elles tuent tout court, avec une facilité qui épouvante. L'assassinat est devenu industriel.
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L'écrivain, qui a le goût de la vérité, sait que rien, absolument rien n'importe dans sa vie que d'aller avec une rigueur ingénue jusqu'au bout de sa pensée.
Il ne sera jamais de l'Académie ? Jamais l'idée ne lui vient qu'il puisse en être. L'Académie est un salon. Un homme vrai peut y entrer, mais tout de suite il est pris du désir d'en sortir. La sagesse est d'éviter ce va-et-vient.
Il ne sera pas décoré ? A la bonne heure ! On ne peut tenir un ruban que d'un supérieur à soi. Or dans la vie civile, ce sont les ministres qui décorent.
Enfin, il se fera des ennemis ? Bravo ! Il s'en doutait : c'est lui qui les désigne. Et il perdra des amis ? Bravissimo ! Quand on avance en âge, n'est-il pas enfantin de s'encombrer ? Il convient d'arriver à la consolante mort, presque seul, pour éviter les larmes de crocodile et les phrases de néant.
Ceci veut dire que j'ai été lâché, sans en être fâché.
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Mais l'homme de mérite ne se fait pas voir tout de suite ; le mérite des mérites c'est la modestie, donc l'effacement. Aussi ai-je remarqué d'abord les imbéciles, qui se montraient. Et je suis véridique en ne parlant que d'eux, puisque c'est ma première impression au régiment, que je rapporte.
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Le train pour Amiens était à huit heures. Barbet quitta sa femme très tôt. Mais elle avait tenu à se lever pour vérifier tout dans la valise, elle-même.

— J’ai mis dans la pochette ton manuel de conversation.

Il dit :

— Donne-le dans mon pardessus.

— Ton Shakespeare est entre les chemises.

Il dit :

— Donne aussi ; je veux lire en wagon.

— Maintenant, tes pilules antinausiques, tu les as dans ton veston.

Il dit :

— Je vais les fourrer dans la valise. Au front, je n’en ai nul besoin ; je les prendrai à Boulogne, en m’embarquant.

— Et surtout, ajouta-t-elle, ne te fais pas torpiller !

Il ouvrait la porte.

— Il n’y a aucun danger.

— Ah ! lit-elle, tu m’as rapporté, il y a trois jours, une telle liste de catastrophes !

— J’ai eu des explications. Des bateaux de voyageurs, les Boches s’en fichent ! Ce n’est que par accident qu’ils coulent un bateau de voyageurs. Ce qu’ils veulent précipiter au fond de l’eau, c’est la farine, le sucre… Je ne suis pas en sucre…

— Heureusement ! Au revoir, mon chéri. Regarde de tous tes yeux, et rapporte-nous des impressions merveilleuses… Ce que tout le monde va bisquer ! Au revoir ! Écris-moi. Va-t’en vite !

Il descendit ses étages avec allégresse. Il était à la fois énervé et important, les poches bourrées de passeports et de laissez-passer. À la gare, il ne demanda pas un billet ; il eut l’air d’ordonner :

— Première Amiens. Mission officielle.

La buraliste fit simplement :

— Vos pièces, monsieur.

Il se dressa :

— Je vous dis : mission officielle.

— Officielle ou non, monsieur, je dois vous demander vos pièces.
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Une maison doit être pour l'homme ce qu'est l'église pour Dieu: De l'ordre, le plus d'ordre possible!...Et toi, tu seras la lampe qui ne s'éteint pas dans La chapelle!
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(Emmanuel sonne la femme de chambre qui ne vient pas. Il resonne. Il sonne une troisième fois.)

Emmanuel. — C’est une fille sur qui l’électricité n’a plus aucun effet… (Il appelle :) Antoinette !… La voix humaine pas davantage. (Il recommence, grossissant chaque fois sa voix) …Oinette !… Toinette !… Antoinette !…

Antoinette. — Voilà ! Voilà ! Voilà ! Qu’est-ce qu’il faut ?

(Un temps.)

Emmanuel. — Rien.

Antoinette. — Monsieur m’a sonnée ?

Emmanuel, très doucement. — Non.

Antoinette. — Monsieur m’a appelée ?

Emmanuel. — Je n’en ai aucun souvenir.

Antoinette. — Oui ou non, est-ce que Monsieur désire quelque chose ?

Emmanuel. — Oui. (Un temps) Je désirerais une femme de chambre qui eût un peu de monotonie dans l’esprit. Antoinette, pourquoi ce sombre aspect ?… Vous êtes chez un homme sans fiel. Les journaux, ce matin, n’annoncent aucune déclaration de guerre. Souriez… comme moi.

Antoinette. — Ah ! moi, malheureusement, je ne suis pas maître ! Je suis domestique, moi ! Monsieur passe sa journée sur des coussins : il peut chanter et rire. Moi, du matin au soir, je traîne dans la poussière et la crasse.

Emmanuel. — Et vous m’enviez ? Enfantillage ! Car si je vous disais : « Antoinette, changeons. Je me charge de votre crasse. Occupez mes coussins. » Comme vous avez le cœur excellent, vous tiendriez bientôt à me rendre la pareille et… nous nous retrouverions au même point. Antoinette, ne vous prenez pas au sérieux. À quoi voulez-vous prétendre ?

Antoinette. — À travailler moins.

Emmanuel. — Pourquoi faire ?

Antoinette. — Pour m’amuser plus.

Emmanuel. — En quoi faisant ?

Antoinette. — Monsieur s’amuse bien. Je m’amuserais comme Monsieur.
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OÙ L’AUTEUR, ENCORE À L’ÂGE INNOCENT, RENCONTRE POUR LA PREMIÈRE FOIS DES SAVANTS À CHAPEAUX POINTUS
On rajeunit aux souvenirs d’enfance,
Comme on renaît au souffle du printemps.
Béranger.



Aux yeux de beaucoup d’esprits, qui traînent des convictions comme de vieilles habitudes, la Sorbonne reste une des gloires de la France. C’est un fétichisme qui me surprend, car ma mémoire ne garde de mes passages dans cette maison-mère de l’Université, que des images sans aucun sérieux.

Du lycée où l’on m’instruisit, c’est-à-dire où je transcrivais sur des cahiers ce qui était imprimé dans mes livres, on m’expédia pour la première fois à la Sorbonne vers mes quinze ans, afin que je prisse part à ce qu’on appelait pompeusement le Concours Général. J’en revois tous les détails avec l’exactitude qu’ont les souvenirs de nos grands étonnements. Rendez-vous à sept heures du matin, rue Saint-Jacques, devant la Tour universitaire qui ressemble à celle de la gare du P.-L.-M. Là s’assemblaient les meilleurs élèves des meilleurs lycées. Ils parlaient fort, brandissaient des dictionnaires importants ; ils me choquaient tous par leurs échanges de vanités ; et je me trouvais soudain une sympathie secrète pour les cancres, si modestes.

Puis, sur le seuil de la Faculté paraissait le groupe de nos censeurs. Chacun de nous, à l’appel de son nom, passait devant le sien, qui lui remettait un droit d’entrée d’un geste si digne que, pour ma part, j’en restais stupide et le cœur battant. Je montais avec peine les six étages menant à la salle du Concours… Ouf ! On atteignait les combles !… Là, des maîtres nous désignaient gravement une table.
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Après vingt heures de ballottements, de somnolences lourdes et de réveils empâtés, Gaspard et ses compagnons débarquèrent dans un vague pays gris, froid, brumeux, où une pluie fine les enveloppa tout de suite. Sur le quai boueux d’une petite gare trempée, un gros territorial qui montait la garde leur dit :

— Ah, des gars qu’ont l’filon ! Vous v’nez-t-il du Dépôt ?

— Pis après ? fit Gaspard.

— Ben, l’aurait mieux valu y rester.

— Essence de betterave, dit Gaspard… Fourneau économique…

Et le regardant sous le nez :

— Pourquoi qu’t’es navet comme ça ?

— C’est bon, c’est bon, fit l’autre ; tu verras.

— Pis, qu’est ça peut m’foute ! dit Gaspard.

— C’est l’bois d’la Tuerie, t’sais ici ; on en sort pas, on y est vite frits.

— Et pis… et pis qu’est ça peut m’foute ! dit Gaspard.

— Allons, assez causé. Par quatre, et en avant, dit le sergent.

Le vent rabattait la pluie dans les yeux. On entendait tonner le canon. Mousse ne disait rien ; il se sentait l’âme gelée. La petite troupe longea un bois tout étouffé de brume, les pieds collant à des paquets de feuilles mortes, puis elle déboucha sur une route plus large, et du brouillard, soudain, surgirent des artilleurs avec leurs chevaux, leurs caissons, leurs canons. — Les chevaux au long poil pataugeaient dans les mares ; l’eau des ornières giclait sous les roues lourdes ; et les hommes, dans leurs grands manteaux de guerre qui pendaient sur la croupe des bêtes, étaient tout éclaboussés de boue, avec des têtes fauves de brutes éreintées. — Pour encrotter vingt fantassins, il suffit d’un canon qui sache s’y prendre. Après le passage de deux batteries, Gaspard et sa bande avaient l’air échappés d’un marais limoneux. Ils criaient aux autres :

— Tas d’abrutis, su vos perchoirs !…
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Grandgoujon ne devait plus faire long feu à la caserne. Creveau était un homme actif : il s’employa pour lui ; et les tribulations guerrières commencèrent aussitôt.

Trois appels ; une revue de cheveux, où il fut traité par un capitaine de « foyer contaminatoire » ; puis il s’entendit héler par une voix d’adjudant, qui râlait d’une fenêtre :

— Grimpez ! Au trot ! Le lieutenant vous attend !

Au premier étage, un petit lieutenant l’accueillit, qui était charmant garçon, le teint vermeil et l’allure libre. Il fumait une cigarette à bout doré, dont la senteur évoquait l’Orient ; il portait une Légion d’honneur qui marquait son glorieux courage, et des bottes, haut lacées, d’une grâce juvénile. Enfin, il avait la voix et la bouche impertinentes :

— C’est vous « Monsieur » Grandgoujon ? dit-il. L’homme du Gouvernement ? Vous qui allez porter une girouette au front par ordre ministériel ?

De cette phrase élégamment servie, au front fut le seul mot que Grandgoujon perçut d’abord. Puis ordre ministériel, qui indiquait la condamnation. Enfin : girouette. Porter une girouette ? Il balbutia :

— Quelle girouette, mon lieut…?

Le jeune officier avait un dédaigneux sourire. Il fit signe : « Taisez-vous ». Sur sa table, il désigna une boîte noire, tendit un papier, puis, d’un ton persifleur :

— Voici une feuille avec tampons de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Écoutez et retenez ; sinon vous serez bouclé.

D’un geste dégagé il secoua la cendre de sa cigarette :

— Vous allez porter cette girouette à la Compagnie Z du Génie : c’est écrit à l’encre noire. La Compagnie Z est-elle sur l’Yser ou en Alsace ? Je n’en sais rien et m’en contre-fiche. On vous renseignera à la gare régulatrice de Noisy-le-Sec : c’est écrit en bleu. Là, on vous donnera un itinéraire permettant de convoyer votre colis jusqu’à destination : mots soulignés en rouge. Attention ! Il ne s’agit pas de rester en chemin ; car vous vous feriez saler : c’est imprimé au bas de la page. Enfin…
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