Citations de Robertson Davies (51)
Dans ce monde complexe où tout reposait sur les ordinateurs et les données individuelles, il avait tout simplement réussi à disparaître. Pfft. Évaporé. Une vie s’était achevée – avec tout de même le remords et les regrets d’avoir causé tant de peine, brisé tant de confiance. Mais il n’avait pas eu le choix. Il le fallait. Pour les sauver. Pour se sauver.
Une vie s’était achevée – et une autre l’avait remplacée.
Pour que l'amour puisse être regardé et écouté sans provoquer de gêne, il faut qu'il soit transmué en art.
J'eus des permissions quand la possibilité de nous en accorder se présentait, mais pendant plusieurs mois d'affilée je ne quittai pas ce qu'on appelait le front. Le front de quoi, je ne le sus vraiment jamais, car il y avait toujours des hommes prêts à dire - Dieu seul sait avec quelle exactitude - où se trouvaient placées les troupes alliées, quelle était notre position par rapport aux Britanniques et aux Français, et si on les avait crus on aurait pensé que le front était partout. Certes nous fûmes souvent à quelques centaines de mètres seulement des lignes allemandes et nous pouvions facilement voir l'ennemi et ses casques en forme de casseroles. Si vous commettiez la folie de sortir la tête, ils pouvaient y loger une balle, et nous avions des détachements pour effectuer le même sale boulot.
Je partis sur un transport de troupes et suivis les cours d'officiers qui s'empressaient de nous endurcir un nous bourrant d'histoires sur les atrocités allemandes. J'en déduisis que ces Allemands étaient de véritables monstres ; ils ne gagnaient pas de campagnes, mais ils mutilaient les enfants, violaient les femmes (jamais moins de dix fois pour une seule victime) et insultaient la religion - voilà ce qui les incitait à faire la guerre. Ils prenaient le ton de leur Kaiser, un monstre comique et dément ; il fallait leur montrer que la décence existait encore dans le monde, et nous incarnions cette décence. J'avais alors suffisamment goûté à la vie militaire pour savoir que, si c'était le cas, les Allemands devaient être de vraies brutes, car on pouvait difficilement imaginer une bande d'endurcis plus grossiers, plus voleurs et plus débauchés que certains de nos propres soldats.
Elbert Hubbart était un Américain notoirement détraqué qui pensait que le travail pouvait être un plaisir.
Pardonnez-vous votre nature humaine Ramezay. C'est le commencement de la sagesse. Cela fait partie de ce que l'on entend par la crainte de Dieu; et pour vous, c'est la seule façon de sauvegarder votre santé mentale.
Un drôle de zèbre. Un collectionneur qui avait surtout la réputation d’être un fantastique restaurateur de tableaux de maîtres anciens. Tous les grands musées ont fait appel à ses services ou l’ont consulté, à un moment ou à un autre. Mais des toiles très bizarres ont passé entre ses mains avant d’être achetées par des collectionneurs. Il avait la même réputation que votre oncle, celle de savoir trop bien se servir de ses pinceaux.
S’enivrer n’était certainement pas son genre. Il ne buvait pas – du moins pas chez lui. Il prenait un verre, ou même plusieurs verres, si quelqu’un l’invitait. C’était un avare, vous savez.
« Ce qui a été mis dans la moelle ne sort plus de la chair. »
Proverbe anglais traduit du latin
Comme beaucoup de ses semblables, il était parfois brutal parce qu’il ne pensait jamais aux sentiments d’autrui, mais sa dureté n’avait rien de personnel. Président-directeur général de la très importante banque de patrimoine Cornish, il était très admiré dans le monde de la finance. Cependant, en dehors de sa vie professionnelle, il avait une culture comme on n’en trouve que rarement parmi les banquiers, c’est-à-dire une culture authentique et non pas simplement une attitude bienveillante envers les arts dictée par sa position sociale.
Dan a touché Will au point sensible, parce que Will n'a pas non plus ce qu'il lui faut. Les idées de Virginia sur l'intimité conjugale lui viennent en droite ligne de Tante; même entre époux, c'est dégoûtant, et que ce soit le seul moyen d'avoir des enfants - un homme a bien sûr le droit de vouloir des enfants, si répugnante que soit la façon dont on les engendre - est un des mystères de Dieu qui font souvent s'interroger une honnête femme sur ce que Dieu avait en tête quand il a inventé un pareil processus. Comme une tentation pour les hommes, dit Tante. Tante n'a pas d'enfants, pour le meilleur des motifs.
L'expérience des autres peut nous procurer la sagesse, mais en location pour ainsi dire, et pour l'acheter, il nous faut payer un prix exorbitant, avant de la faire nôtre à jamais.
– Grâce au bon sens, Clem. C’est lui qui nous sauve, nous les travailleurs de l’esprit. Nous faisons un compromis entre ce que nous pouvons comprendre intellectuellement et ce que nous sommes dans le monde où nous nous trouvons. Seuls les génies et les excentriques tentent d’échapper à cela, et même les génies vivent souvent selon une morale totalement bourgeoise. Pourquoi ? Parce que cela simplifie tout ce qui est inessentiel. On ne peut sans cesse improviser et voir chaque bagatelle d’un œil neuf. Mais, Parlabane, lui, est un excentrique.
- Maria, cessez de jouer à la Mère aux seins multiples qui répand la compassion comme un tuyau crevé.
"Seul un imbécile s'attend à être toujours heureux."
Les coïncidences sont des calembours d'ordre spirituel.
Dieu et le Diable désirent tous deux intervenir dans les affaires humaines ; le Diable choisit toujours bien son moment.
Il y a très très longtemps – en disant les choses comme si le temps avait le moindre sens pour nous – j’ai appris que lorsqu’un esprit tutélaire comme moi est chargé de veiller sur une vie, la pitié gâche tout. Il vaut beaucoup mieux faire sauter le bonhomme par-dessus les obstacles et l’endurcir. Protéger des mauviettes, ce n’est pas mon boulot.
L’éducation et le savoir-vivre devaient aller de pair avec l’argent...
J’oublie tout le temps que vous êtes une fille très savante. Depuis que vous êtes devenue la femme d’un richard, j’ai du mal à croire que vous savez quelque chose de vraiment intéressant. Mais vous êtes la fille de votre mère, cette merveilleuse vieille renarde et extraordinaire sibylle !