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Citations de Roland Dorgelès (178)


C'est Bourland, l'un des cyclistes du colonel.
- Eh bien ?
- C'est vrai ; on attaque... Je suis allé toucher deux mille cigares au ravitaillement.
J'ai dressé brusquement la tête. Quoi ! ... des cigares, des cigares à bague ? Cette fois, je suis convaincu, nous attaquons sûrement.
Hamel, dont l'esprit est cependant fermé aux déductions subtiles, ne s'y est pas trompé non plus.
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Le voyage, pour moi, ce n'est pas d'arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain.
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On préférait se priver de tout, mais ne pas abdiquer. Prendre un métier? Jamais.
Il est vrai qu'avec les repas à vingt-trois sous et des loyers de cent cinquante francs, il ne fallait pas tellement. On place des dessins, on vend un portrait, on propose un contrat. Si on peut, on fait des dettes, s'il faut on ne mange pas. Autant de souvenirs pour plus tard, quand on sera arrivé. Car c'était là, le secret de leur force, leur richesse ignorée : ils espéraient. Peintres, musiciens, poètes, tous se croyaient appelés à bouleverser le monde. La confiance fermentait en eux comme le vin dans les tonnes. Ils ne désiraient même pas ; ils étaient sûrs d'atteindre.
Les gens arrivés les rebutaient, les éditeurs fermaient leurs portes, les marchands de tableaux leur riaient au nez. Tant pis! Ils s'admireraient l'un l'autre.
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Dans la poussière et les plâtras, nous avions pris la teinte neutre de ce cimetière des choses. Rien de vivant, de façonné; des débris pilonnés, un chantier de catastrophe où tout se confondait : les cadavres émergeant des décombres, les pierres broyées, les lambeaux d'étoffes, les débris de meubles, les sacs de soldats, tout cela semblable, anéanti, les morts pas plus tragique que les cailloux.
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Les oreilles s’habituent vite à ce roulant fracas. On les reconnaît tous, rien qu’à leur voix : le soixante -quinze qui claque rageur, file en miaulant et passe si vite qu’on le voit éclater quand on entend le départ ; le cent vingt essoufflé qu’on croirait trop las pour achever sa course ; le cent cinquante-cinq qui semble patiner sur des rails et les gros noirs, qui passent très haut, avec un bruit tranquille d’eau qu’on agite.
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[Un an après la signature de l’armistice, les Régions sinistrées font leur possible pour renaître de leurs cendres.]

Cette trace de sentier, qu’on reconnaît quand même à son usure, bouleversée par les entonnoirs, c’est le Chemin des Dames. Cinquante mois on se l’est disputé, on s’y est égorgé, et le monde anxieux attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi. Ce n’était que ça, ce chemin légendaire : on le passe d’une enjambée... Si l’on y creusait, de la Malmaison à Craonne, une fosse commune, il le faudrait dix fois plus large pour contenir les morts qu’il a coûtés. Ils sont là trois cent mille, Allemands et Français, leurs bataillons mêlés dans une suprême étreinte qu’on ne dénouera plus, trois cent mille sur qui des mamans inquiètes s’étaient penchées quand ils étaient petits, trois cent mille dont de jeunes mains caressèrent le visage.

Trois cent mille morts, cela fait combien de larmes ?
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C'est vrai, on oubliera. Oh ! je sais bien, c'est odieux, c'est cruel, mais pourquoi s'indigner : c'est humain... Oui, il y aura du bonheur, il y aura de la joie sans vous, car, tout pareil aux étangs transparents dont l'eau limpide dort sur un lit de bourbe, le coeur de l'homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond...
On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le soeur consolé de ceux qu'ils aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
Non, votre martyre n'est pas fini, mes camarades, et le fer vous blessera encore, quand la bêche du paysan fouillera votre tombe.
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Je vous mentirais, mon petit Gérard, si je vous disais que je m’en fou. Mais en peinture, j’ai un principe : il faut aimer avant de comprendre et acheter avant d’aimer. C’est la meilleure façon de se faire une collection.
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Il ne fallait pas dormir, il ne fallait pas mourir.
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La guerre n'avait servi qu'aux hommes d'argent, la seule aristocratie qu'elle eût créée, c'était celle de l'argent, les traités ne parlaient que d'argent ! Leurs intérêts sauvés, les autres peuples étaient rentrés chez eux nous laissant dans nos ruines. Sur le grand livre des dettes on n'avait pas oublié une boîte de corned-beef, mais on n'avait pas compté une goutte de sang.
La vie se donne, le charbon se vend.
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Nous acceptons tout : les relèves sous la pluie, les nuits dans la boue, les jours sans pain, la fatigue surhumaine qui nous fait plus brutes que les bêtes ; nous acceptons toutes les souffrances, mais laissez-nous vivre, rien que cela : vivre… Ou seulement le croire jusqu'au bout, espérer toujours, espérer quand même. Maintenant et à l'heure de notre mort, ainsi soit-il...
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Le jour déjà lointain où m'est venue l'idée d'évoquer mes années de Montmartre j'ai bondi de plaisir. Quelle joie! J'allais ressusciter ma vieille Butte, ses rue raboteuses, ses jardins gonflés de lilas, ses ateliers qu'on meublait de caisses vides et qu'on tendait d'andrinople à treize sous le mètre ; j'allais revivre ces heures d'insouciance où rien ne semblait impossible à nos vingt ans présomptueux, retrouver ces camarades qu'une effroyable guerre devait si tôt nous prendre et poursuivre avec eux ces discussions absurdes d'autrefois, où rien n'avait d'importance que la coupe d'un poème ou le sourire d'un trottin.
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"Le temps va reprendre son cours heureux, les souvenirs atroces qui nous tourmentent s'apaiseront, on oubliera et le temps viendra où confondant la guerre et notre jeunesse, nous aurons un soupir de regret en pensant à ces années-là"
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Alors, brusquement, venu de loin, un bruit sourd ébranla la nuit : un bruit tonnant de catastrophe, que l'écho répéta longuement.
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Quelle étrange créature! D'abord, le point de vue matériel ne comptait pas pour elle. Pourvu qu'elle eût assez d'argent pour payer ses oeufs, ses légumes, ses fruits et se commander une robe noire de temps en temps, elle s'estimait satisfaite. Si les commandes se raréfiaient, elle ne pleurait pas misère. "Tant pis, on fera la quête", raillait-elle à froid. Son luxe se bornait à acheter quelques antiquailles chez le bric-à-brac et, pour la coquetterie, il lui suffisait de distiller elle-même dans un petit alambic une essence de lavande qui parfumait toute la maison. Il y avait en elle un curieux mélange de tendresse et de dureté. Elle interdisait de dénicher les oiseaux ou d'attraper les papillons et se relevait la nuit pour soigner les petits chats que Sauvageon lui ramenait ; par contre, dans leurs discussions, elle devenait impitoyable et, à tout instant, on l'entendait réclamer la mort d'un homme d'Etat, d'un grand-duc, d'un financier ou d'un mouchard. Sa voix ne grondait pas, ses traits bougeaient à peine, mais ses yeux agrandis lui creusaient le visage et l'on n'échappait plus à ce regard d'illuminée. Les rapins l'écoutaient, la chair de poule aux joues. On eût dit qu'elle les envoûtait.
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L'hiver. Un bel hiver rude et cinglant, traversé de rafales qui vous tranchaient les joues. Des trottoirs jusqu'aux toits, Montmartre était couvert de neige, et comme, en ce temps-là, les autos ne s'y hasardaient guère, la Butte, sitôt la nuit tombée, se transformait en village, personne hors de chez soi et les volets fermés. A la montée de paris, par la rue Lepic ou la place des Abbesses, quelques devantures éclairées traçaient encore la route, mais dès l'autre versant on se trouvait plongé dans l'ombre, les voyous du quartier s'exerçant au lance-pierres sur tous les becs de gaz, et il fallait chercher son chemin du bout de la semelle, en se cramponnant aux murs, à cause du verglas.
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[Un ancien combattant a relaté à Jacques la mort tragique de son camarade André Delbos, quelque part dans l’Aisne, tué en tentant de sauver trois mourant laissés à leur sort. Ebranlé, il se retrouve donc à méditer sur le sort des disparus.]

Pour sauver trois blessés... Et pas mort : disparu, sorti du monde... Non, ceux qui restèrent là-haut ne sont pas des morts comme les autres. Longtemps après l’on vous ramène une poigné d’os et l’on vous dit : « C’est lui... » Ou bien l’on vous montre un bout de champ et l’on vous dit : « C’est là... »
Les autres morts, on les a vus s’affaiblir dans leur lit, on s’est accoutumé à l’idée de les perdre, on sait qu’ils reposent sous cette pierre, mais eux... Il y a quelque chose de mystérieux dans la mort des soldats, quelque chose d’atroce aussi : a-t-il souffert longtemps ?... A-t-il pleuré, perdu entre les lignes, le corps saignant, le visage aux étoiles ?...
Ce 5 mai 17, des femmes devaient rire, des enfants devaient jouer. Les parents s’éveillaient contents avec le beau soleil. « Je sens que j’aurai une lettre aujourd’hui ». Et, à cette même heure, tout était consommé... Il était tombé en chargeant, à genoux, plié en deux, le front à terre, comme s’il s’était prosterné pour mourir... Il râlait dans une tranchée. Il appelait « à moi ! », couché dans le réseau...
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Ainsi, un jour qu’ils bavardaient derrière le tracteur, Didier dit [à Jacques] :
- Pendant la guerre, les êtres ont montré ce qu’ils avaient en eux de meilleur et de pire.
Cette phrase pourtant banale avait soulevé dans l’esprit du jeune homme toute une volée d’idées et de soupçons.
C’est vrai ; on ne le savait pas, avant la guerre, ce que cachait le cœur des êtres. Brusquement, elle éclate, et voici le petit noceur, le boutiquier, l’employé tatillon placés devant la mort, et voici leur femme libre de vivre comme il lui plaît, sans contrôle possible. Que vont-ils faire ? Quels êtres inconnus vont se révéler ?
Sera-t-il grand ? Sera-t-il ignoble ? Qui peut le dire ? La vie courante n’a besoin que de vertus moyennes, un comptable n’a pas à être héroïque.
Sera-t-elle fidèle ? Sera-t-elle abjecte ? Qui peut le savoir ? Une épouse qu’on surveille a peu de mérite à ne pas trébucher.
Eh bien, les bas instincts qu’ils refoulaient, les vertus qu’ils ignoraient eux-mêmes vont soudainement surgir. On va les voir à nu, tels qu’ils sont, beaux ou laids. Quel dieu farouche eut le plaisir d’imposer aux êtres ce terrible examen ?
Que de surprises ! Ce petit danseur impertinent dont les mines vous agaçaient, il s’est fait tuer sur son parapet, les yeux crevés, et lançant des grenades, d’un geste qui tuait sans voir. Cet employé timide qui vivait sans qu’on l’aperçût, et qu’on trouvait sournois, c’est en allant chercher un camarade resté entre les lignes qu’il a reçu une balle en pleine tête... Ce bon gros papa, aux manières cordiales, toujours pressé d’inviter le premier venu à dîner, c’était une brute : capitaine, il faisait pleurer ses soldats de rage et, embusqué dans un dépôt, il désignait des hommes pour la boucherie, en guise de punition. Les deux filles de la boulangerie, toutes deux si convenables, si réservées, et que leur maman élevait comme des demoiselles, elles faisaient la noce avec leur mère, dans cette petite ville de la zone, et leur jeune chair a servi de paillasse aux officiers de tous les régiments.
Hein, est-ce étrange ? ils étaient tout cela, et on n’en savait rien.
La guerre finie, tous ont vite repris leur faux nez. Le capitaine au ventre rond tend la main à ceux qu’il torturait ; les filles maintenant mariées baissent les yeux et font les prudes. On va oublier que c’était un meurtrier, qu’elles étaient des catins, comme on a oublié l’héroïsme des autres. Lâchement on va passer l’éponge. Eh bien, non ! Il faut se souvenir. Pas d’excuses à invoquer : les exigences de la discipline, la vie déréglée des villes, le mauvais exemple, les tentations... Non ! C’est à ce moment-là seulement qu’ils ont été eux-mêmes... Trop tard pour mentir : on vous a vus !
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J'trouve que c'est une victoire, parce que j'en suis sorti vivant...
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- Des poilus qui sortent !... On attaque de l'autre côté du ruisseau...
Tout le monde avait crié ensemble, puis aussitôt, on s'était tu, anxieux cloués. Une compagnie venait de sortir des tranchées, sur notre gauche, et en tirailleurs, sans sacs, à la baïonnette, les soldats couraient dans les champs nus.
Le régiment voisin tentait un coup de main et c'était eux que cherchait la maxim au tap-tap régulier de machine à coudre. Le tir, s'étant fixé dans la ligne d'hommes un large accroc.
- Ils sont fauchés.
- Non, ils se planquent..
[...]
Sur cette troupe massée, la mitrailleuse bloqua son tir, et presque d'un coup, les hommes s'abattirent.
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