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Critiques de Ron Rash (989)
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Un silence brutal

Quand on a aimé profondément un roman, on recherche forcément lors d'une autre lecture du même auteur cette flamme originelle, même si on sait bien que chaque livre a sa propre vie, sa propre petite musique. J'ai profondément aimé, j'aime profondément Un Pied au paradis qui m'a fait découvrir la plume sensible de Ron Rash. Et avec Un Silence brutal, je ne l'ai trouvé cette vibration, cette émotion dont j'aurais tant voulu qu'elle m'emplisse pour toujours.



Bien sûr, ce livre m'a plu.

L'auteur sait comme personne créer de beaux personnages, humains, complexes, troués de failles qui apparaissent au fil des pages. Surtout Becky qui permet de découvrir le Ron Rash poète célébrant la nature ( le titre original, Above the waterfall, «  au-delà de la cascade » ) ; sa voix ouvre et aère de façon nécessaire la narration du shérif Les entre traque des trafiquants de meth' et enquête pour déterminer qui a empoisonné les truites d'un lac. Il excelle à sonder, l'air de rien, notre société contemporaine, entre désespoir et douceur, sans jamais sombrer dans le manichéisme, même alors que son roman est enveloppé d'une nostalgie mélancolique pour un temps où la nature était respecté et ne servait pas l'avidité d'investisseurs.



Mais je n'ai pas vibré. Ou plutôt, si, à un seul moment, sublime et bouleversant, lorsque le taiseux Gerald crie sa rage d'être accusé d'avoir versé le kérosène fatal, son âme à nu.



A propos d'une tortue, toute la délicatesse du Ron Rash poète :



«  Sortie du filet de bave moribond d'une mare de ferme

où au plus profond les pieds de l'appontement sont secs,

qu'elle avance lourdement à travers champ et pâturage

pour trouver l'eau pérenne de la rivière, qu'elle fasse palpiter

le coeur boueux du bassin,

puis remonte, un lent avenir,

comme une meurtrissure révélant

son âpre beauté

et survive »
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Un pied au paradis

Voilà , c'est fait , l'eau a complètement envahi la vallée, les " bouseux " ont quitté leur terres pour aller " pointer " à l'usine...Et les morts ont été déterrés pour trouver un autre lieu de repos éternel . Les secrets les plus sombres vont disparaître sous les eaux du barrage édifié par Carolina Power , une de ces énormes multinationales que la nature n'émeut pas le moins du monde lorsqu'il s'agit de progrès et , bien sûr et surtout , de retombées financières ....Ce thème du respect de la nature est toujours bien présent dans l'oeuvre de Ron Rash , mais comme il s'agit de son premier roman , ça , on le saura plus tard ......

Là , le décor est planté , une vallée en perdition et dans cette vallée deux familles , les Winchester et les Holcombe , des voisins sans histoires autre que des problèmes de clôture, jusqu'à...On s'aime pas trop mais on ne se déteste pas vraiment non plus....on se supporte.

Holland Winchester ,jeune voyou du Comté ,vit chez sa mère .Tout près , il y a Billy et Amy Holcombe qui ne parviennent pas , malgré l'amour qu'ils se portent , à concevoir un enfant .....Holland disparait et le shérif Will Alexander enquête. Pour lui , aucun doute , le jeune homme a été tué et le coupable , c'est ...Oui mais voilà, sans cadavre , pas de crime , pas de coupable...

Je n'en dirai pas plus si ce n'est que vous tenez là une pépite , un livre dérangeant , incroyablement " scotchant" , une histoire qui va vous dominer et vous mettre dans un état second , une histoire terrible racontée par cinq protagoniste différents , le shérif du Comté ,la femme , le mari , le fils et l'adjoint du shérif . Cette alternance est très efficace et ces points de vue différents rendent le récit encore plus terriblement beau . J'ai trouvé , certes , la toute première partie un peu , un tout petit peu ,fastidieuse , longue car moins rythmée ; les autres parties , c'est un feu d'artifice de noirceur , de l'amour à la haine et la violence , de la dynamite ( et pas celle utilisée pour le barrage !!!) , noir c'est noir et , ne me faites surtout pas dire que ca s'arrange vers la fin , non ," le calice il faut le boire jusqu'à la lie ", se vautrer encore et encore dans la fange boueuse charriée par les flots .

Ron Rash connait aujourd'hui un immense succès auprès des amateurs du genre .En présentant, en 2002 un tel premier roman , il a frappé très , très fort et bien confirmé depuis.

Franchement , Rash c'est de la dynamite , oui , et celle - ci ,elle" aRash",croyez moi. Vous aimez le roman noir ? Vous n'avez pas lu ce bouquin ? Mais à quoi pensez - vous ?....
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Une terre d'ombre

Ce n'est pas le premier roman de cet auteur que je lis et je dois avouer avoir été séduit à chaque fois par son amour pour les Appalaches où il vit et dont il a parfaitement intégré tous les charmes et ....les dangers que peuvent révéler les bois , les forêts , les cours d'eau , une nature nourricière ou hostile dans laquelle vont évoluer des personnages peu nombreux donc parfaitement analysés....

C'est la guerre en Europe , la Grande Guerre , en 1917 et Hank , engagé revient au pays avec une main en moins .Il retrouve là sa soeur , Laurel ,

Celle- ci est considérée comme une sorcière car marquée d'une tâche de naissance qui la désigne à la vindicte populaire sur une terre ou les traditions et légendes ont la vie dure .Tous deux vivent dans la ferme héritée des parents , une ferme située dans une vallée où le soleil ne se montre jamais , sur le côté obscur , celui où les terres ne valent rien ou si peu .

La rencontre par Laurel d'un mystérieux personnage , un joueur de flûte répondant au nom de Walter va modifier l'atmosphère, et l'on ne sera pas loin de parvenir à une belle osmose entre ces personnages tournés vers un avenir bien réel , sous le regard tutélaire et protecteur du vieux Slidell , un voisin ....et bien plus .

En Europe les canons grondent et les obus transmettent jusque dans les Appalaches , un venin insidieux terriblement pervers et efficace . Sur une terre qui rejette déjà ceux qui ...., le poison n'aura pas trop de difficulté à faire son chemin , à tracer un sillon de haine et de violence .

Il ne s'agit pas d'un polar ou d'un thriller , non , c'est bien plus que ça tant nous pourrions être ces gens vivant à cette époque, en ces lieux où ailleurs , et l'intrigue , pour trouver son dénouement dans les dernières pages , nous éclaire, si besoin était sur la force de la vindicte populaire .

Jon Rash est un maître du roman noir , il nous installe dans un décor, et quel décor, un tableau digne des meilleurs impressionnistes , un tableau dans lequel ses " coups de pinceau " distillent ça et là des petits détails rassurants ou inquiétants , c'est selon .Les travaux des hommes à la ferme , les relations qui s'installent entre les principaux protagonistes , leurs gestes , les suspicions , les scènes intimes , sont relatées avec un tact incroyable .J'appelle ça du " Grand art ".

Ce roman à déjà été largement commenté brillamment et plébiscité par grand nombre d' amies et amis babeliotes . Je joins mon avis en précisant, je deviens prudent , qu'il ne s'agit que du mien , que je l'assume et qu'il ne se veut être que le reflet sincère de mon ressenti , un ressenti qui , je l'espère, vous conduira vers la lecture d'un roman passionnant et ...très bien écrit ( traduit ) , une belle étude de l'âme humaine et du rapport avec la précieuse nature .
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Une terre d'ombre

Un lopin de terre dans le vallon, dominé par une falaise granitique. Le soleil peinait à réchauffer la maison et les coeurs, déjà meurtris par le décès de leurs parents. Une terre d'ombre, la plus noire et la plus maudite de toute la chaîne des Blue Ridge. Hank Shelton et sa soeur, Laurel, vivent ici malgré les malédictions. Hank, en cette année 1918, est revenu du front, amputé d'une main. Cela ne l'empêche pas pour autant d'effectuer les travaux de la ferme, aidé du vieux Slidell, leur voisin. Ni de bientôt convoler en noces avec la belle Carolyn. Laurel, quant à elle, affublé d'une tâche de naissance à la base du cou, est considérée par les habitants de Mars Hill comme une sorcière. Sa rencontre avec cet inconnu, muet et merveilleux flûtiste, va bouleverser sa vie et révéler peu à peu la vraie nature des gens...



Qui est donc cet inconnu qui va, à tout jamais, chambouler la vie de Laurel et de Hank ainsi que celle des habitants de Mars Hill et secouer les esprits ? Que cache les mots qu'il ne dit pas ? Ron Rash nous plonge dans une ambiance étouffante et languissante, au coeur d'un décor indompté qu'aucune lumière ne transperce. Seule Laurel, une jeune femme à la fois courageuse, rêveuse et pleine d'espoir, semble briller parmi ses hommes. La nature, omniprésente, écrasante et puissante, y est magnifiquement dépeinte. Ron Rash nous offre un roman rugueux, bouleversant, sombre et tragique dans lequel il aborde des thèmes tels que l'éducation, la bêtise humaine, les séquelles de la guerre et la sauvagerie des hommes. L'écriture y est descriptive et magnifique. Un roman qui résonne encore, telle la flûte de l'inconnu au coeur de ce vallon...
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Serena

Après avoir lu Plus bas dans la vallée de Ron Rash, ouvrage composé de six nouvelles et d’une novella dans laquelle il reprend un personnage de son roman précédent, Serena Pemberton, j’ai voulu en apprendre davantage sur cette héroïne implacable et me suis donc plongée dans la lecture de Serena.

Le récit se déroule dans les années 1930 dans les Great Smoky Mountains.

Après trois mois passés à Boston, Georges Pemberton, riche exploitant forestier, regagne les montagnes de Caroline du nord accompagné de Serena qu’il vient d’épouser.

Sur le quai de la gare l’attendent ses deux associés. Est également présent pour lui demander des comptes, Abe Harmon accompagné de sa fille Rachel, 17 ans, qui attend un enfant de Pemberton. Dans le duel au couteau qui les opposera, Harmon perdra la vie.

La belle et cynique Serena et son puissant mari forment un couple vorace à qui rien ne résiste. Portés par une ambition illimitée, ils sont déterminés à abattre tous les arbres à leur portée pour accroître leur fortune. Un projet d’aménagement d’un parc national, pour lequel l’État convoite leurs terres les contrarie quelque peu.

Ils n’épargnent personne, parviennent à leur fin faisant plier à leur volonté, sans aucun scrupule, aussi bien les ouvriers que les banquiers ou les politiciens concernés, et le shérif lui-même. Fusil, couteau, poison et un homme de main dévoué dont la mère est voyante sont utilisés sans état d’âme par la séduisante et effrayante Serena. Leur projet est de continuer leur juteux commerce que représente l’abattage des arbres, au Brésil, un pays où les ressources sont encore vierges et où l’attitude vis-à-vis des hommes d’affaires est très permissive.

Le roman situé au lendemain du Krach de 1929, rend compte avec une extrême réalité du chômage massif qui s’est installé dans le pays avec un flot d’hommes affamés qui erre sur les routes, en quête d’un travail et des patrons encore plus avides de faire fortune et qui se lancent dans une exploitation frénétique et violente de la forêt. Ron Rash n’en oublie pas pour autant les ruraux, les paysans qui vivent dans ces contrées.

Comme dans tous les romans de Ron Rash, les descriptions des paysages grandioses et sauvages des Appalaches sont de véritables et somptueux tableaux que malheureusement ce prédateur qu’est l’homme ne songe qu’à s’approprier.

C’est avec beaucoup de talent que l’auteur nous fait partager son amour de la nature.

Chaque arbre abattu a été pour moi comme un coup au cœur et pourtant j’ai frémi et eu du mal à supporter les conditions effroyables dans lesquelles travaillaient ces bûcherons, dangerosité à laquelle s’ajoutaient le froid et les crotales. Et pourtant, crise économique oblige, si l’un des hommes était estropié, ou mourrait, ils étaient nombreux en bas, à espérer être celui qui le remplacerait…

Le personnage de Rachel, évoqué au début de roman va rapidement lui donner une allure de thriller. En effet, la machiavélique Serena va poursuivre de sa haine implacable l’enfant que son mari a engendré avant leur rencontre et que lui, semble vouloir protéger.

Avec cette course-poursuite, Ron Rash réussit à nous tenir en haleine tout au long du récit. Le machiavélisme de Serena opposé à la modestie et à l’innocence de Rachel prête à tout cependant pour sauver son enfant rendent le roman très addictif.

Serena de Ron Rash est un roman passionnant mais très dur qui met en exergue les pires recoins de l’âme humaine.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Le monde à l'endroit

Après une certaine déception à la lecture de son dernier roman ( Un Silence brutal, trouvé un peu fade ), c'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé le Ron Rash que j'aime, celui qui me fait ressentir tout plein de choses dans le ventre et dans la tête grâce à de très beaux personnages jamais manichéens et toujours sur le fil.



Travis, le personnage central, jeune homme en devenir, en quête de soi, tiraillé entre le désir d'être aimé d'un père brutal et des rêves d'indépendance. Mais surtout Leonard, l'ancien professeur devenu dealer, magnifique figure de substitution paternelle, c'est lui qui va ouvrir à Travis tout le champ des possibles auquel on a droit lorsqu'on a 17 ans , en lui apprenant que les livres peuvent sauver.



L'intensité dramatique monte rapidement dès le premier chapitre où on découvrir l'erreur de Travis, celle qui risque de tout faire basculer du mauvais côté. Puis le rythme s'apaise lorsque la relation entre Travis – Leonard se déploie. Tout s'accélère à nouveau dans le dernier tiers avec la dimension historique ou plutôt mémorielle qui se densifie.



L'intrigue en soi autour Travis se suffisait en soi mais Ron Rash choisit de la complexifier en invoquant les fantômes du passé, ceux de la guerre civile et plus particulièrement du massacre de Shelton Laurel en 1863 ; une façon pour l'auteur d'intensifier la ligne de démarcation souvent tenue entre le Bien et le Mal, le bonheur et la souffrance.



Je suis toujours frappée en lisant Ron Rash de voir à quel point cohabitent dans ses romans la plus grande violence et la plus profonde humanité, et ce sans jamais donner de leçons. Et toujours cette nature magnifiquement présente, ici en contrepoint de l'intensité des luttes qui agitent Travis pour faire les bons choix et devenir qui il doit être.



Un excellent roman.
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Par le vent pleuré

Pour Bill et Eugène, deux frères de Sylva, une petite ville des Appalaches, l'été 69 restera celui de tous les dangers.



Un été qui les a marqué à jamais par leur rencontre avec Ligeia, une fille adorable et manipulatrice qui leur à fait découvrir la liberté mais les a mis en compétition, gâchant ainsi une entente renforcée par la mort prématurée de leur père. Ligeia dont le corps réapparaît quarante ans plus tard, enfoui dans un talus de la rivière où les jeunes gens avaient leurs habitudes de pêche.



À l’époque de la découverte du corps, réalisant le voeu de son despotique grand-père, Bill est devenu un brillant chirurgien. Quand à Eugène, incapable d’oublier la jeune fille et doutant encore de son départ volontaire, il est un écrivain alcoolique à la dérive. L’événement, qui ramène les deux frères à leur passé d'adolescents, décide Eugène à exiger de Bill la vérité. Mais la seule véritable explication est que la jeune fille, symbole du mouvement hippie, a dérangé une société puritaine verrouillée sur ses convictions morales et religieuses et l'a payé de sa vie.



Un magnifique roman, inspiré d'un fait divers (" on n'a jamais rien trouvé contre les deux garçons, aucune trace de rien, l'enquête a été bouclée et la vie a continué ", a expliqué Ron Rash), qui nous emporte loin dans une réflexion sur l'expiation, la rivalité fraternelle, et le mouvement de contre-culture américain des années 60.

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Par le vent pleuré





Vous aimez voyager ?....Moi aussi !

Vous voyagez beaucoup ?....Moi non plus !

Et je vais vous expliquer pourquoi. C’est mon cher-et-tendre. À l’heure des vols pour trois fois rien, Môssieur ne quitte pas le territoire continental portugais. Autant que l’emploi du temps le permet, nous parcourrons notre petit, mais tellement riche et beau culturellement, pays du nord au sud et de l’est à l’ouest…en voiture ! Nous découvrons des pépites de paysages, des bijoux de petites villes, des merveilles de monuments et des chefs-d ‘œuvres de sites de mer ou de montagne…dès lors que l’on puisse s’y rendre en auto. Quitte à faire 700 bornes, aller-retours, pour flâner à Lisbonne. Coût total de l’expédition, dans ce cas ? 120 euros, essence et péages compris. Juste pour l’aller, on se fait 3h30 d’autoroute, sans paysages. Ou bien 6h30 de voyage en cinémascope et panoramas inoubliables. Mais bon, on pourrait aussi le faire en 45 mn de vol et 30 euros par personne, départ Porto, aéroport Sà Carneiro et arrivée Lisbonne, aéroport Humberto Delgado, la tête dans les nuages ou le ciel bleu. On aurait plus de temps pour flâner et il ne serait pas nécessaire d’y passer forcément deux jours, ce qui nous ferait aussi faire des économies…Mais, je lui pardonne : je l’aime.

Pour l’étranger ? Ni pensons pas ! Oubliez les soldes en 48 heures chrono à Londres ou l’escapade à Paris, en amoureux (+ une : on ne laisserait pas la Princesse chez ses grands –parents). Prendre l’avion ? Ja-mais ! Môssieur, tout courageux qu’il est, a …la frousse !

La seule fois qu’il a pris l’avion, c’était pour notre voyage de noces….À l’allée, « jeune-marié-fougueux » a passé une heure et demie de vol pour Palma de Mayorca blanc comme un linge et les mains moites. Malgré 10 jours au soleil, il a mis le double du temps à bronzer ! Au retour, il s’est accroché aux accoudoirs du siège de toutes ses forces (comme si ça servait à quelque chose en cas de chute !) et il a copieusement insulté la Môman du pilote qui en a pris pour son grade ! Bien que je sois sûre que la pauvre dame était certainement une sainte femme, elle est devenue, dans la bouche de mon tendre époux une mégère à la vertu douteuse. Mais, je lui pardonne : je l’aime.

Bon, je m’égare…

Vous aimez lire ? Moi aussi ?

Vous lisez beaucoup ? Moi aussi ?....pour voyager, justement !

C’est pour ça (j’y viens enfin !) que j’ai entamé (et fini très vite) « Par le vent pleuré » de Ron Rash. Dépaysement, paysage, nature…L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et le l’aurais… », pensais-je …Je me suis bien dit que 208 pages en format numérique, c’était un vol supersonique….mais bon….L’intrigue est intéressante, bien que très prévisible. Le décor, lui, est sommairement planté. J’aurais voulu humer l’odeur mouillée de la rivière, entendre le bruit du vent dans les arbres, renifler les effluves des joints de Ligeia, sentir la chaleur du soleil de Sylva. La psychologie des personnages est bien travaillée mais…il m’en fallait encore un peu plus. Deux cent pages de plus, M’sieur Rash…Juste pour que l’histoire facile devienne plus prenante…J’ai été triste de tout deviner trop tôt parce que je ne me suis pas assez baladée dans la nature que vous semblez raconter si bien. Vous ne m’y avez pas perdue. Je ne vous en veux pas. Je me perdrais bientôt dans « Le chant de la Tamassee ». Je vous pardonne : j’aime lire quand même !

P.S. : j’en profite pour remercier Jeanfrançoislemoine , ami Babeliote, qui m’a aiguillée sur cette lecture et à qui je fais confiance, de toutes façons, parce que j’ai passé un excellent moment quand même !

Lisez ce petit roman. M’sieur Rash le mérite.





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Une terre d'ombre

Une petite excursion au cœur des Appalaches, avec pour guide Ron Rash, est toujours la promesse d’un moment de lecture exaltant !

La Caroline du Nord ne semble pas avoir de secret pour cet écrivain régionaliste et son roman “Une terre d’ombre”, publié en 2012, se déroule non loin de Mars Hill dont la prestigieuse université fait la fierté de la ville depuis le milieu du 19e siècle.



Laurel et son frère Hank exploitent un lopin de terre situé au pied d’une falaise granitique. Les rayons du soleil n’atteignent que très rarement leur petite propriété, héritage de leurs parents trop tôt disparus. Les gens de Mars Hill ne se privent pas de médire de cette fratrie isolée et considèrent même Laurel comme une sorcière eu égard à sa tâche de naissance à la base du cou.

En cet été 1918, Hank vient d’être rapatrié du front européen avec une seule main, s’attirant une certaine compassion de l’opinion qui depuis le début de la Grande guerre voue une haine farouche “aux boches”.

Malgré son handicap il s’est remis courageusement aux travaux de la ferme, excité par son mariage tout proche et heureux de voir sa sœur éprise d’un homme de passage muet comme une carpe bien que flûtiste hors pair.



Mais avec Ron Rash les situations idylliques n’ont pas vocation à durer. Un vent de folie, mélange d’étroitesse d’esprit et de préjugés, couve dans la région depuis trop longtemps…



Les stridulations des cigales, les “oui oui oui” d’une volée de perroquets, le solo merveilleux d’un virtuose bien mystérieux ont des allures de douce symphonie.

Ne vous y trompez pas, le maestro Ron Rash préfère la tragédie : “Une terre d’ombre” met en lumière l’implacable irrationalité inhérente aux comportements grégaires.



Le final est forcément désespérant, d’une infinie tristesse. Un roman qui néanmoins captive et s’adresse à un large public.

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Un silence brutal

Le chérif Les rend son étoile dans un mois pour cause de retraite. Mais avant, en plus des affaires courantes de drogués à la meth, il va devoir traiter une histoire d'empoisonnement de sa chère rivière. Comme souvent, c'est le pot de terre contre le pot de fer quand Gerald, un vieil homme violent et acariâtre, est accusé du forfait par un propriétaire local. Bien que soutenu par Becky, la directrice zélée du Creek Park et poétesse à ses heures, Gerald aura besoin de toute l'expérience et du non conformisme du chérif pour le sortir de ce piège.



Poétique, envoûtant, âpre, tel est le monde de Ron Rash. On s'y plonge avec délectation, sans trop savoir ce qui nous emporte le plus, de ses personnages attachants, tellement humains, ou de cette nature que ses mots subliment, mais disent à quel point il déplore que ses montagnes soient gangrenées par la drogue et le chômage. Nostalgique, Ron Rash l'est sûrement. Dans ce roman noir où il joue avec la part d’ombre et de lumière de ses personnages, il semble que les Appalaches d'aujourd'hui lui font regretter un monde disparu. Pour lui qui juge une société par l’état de sa nature, qui pense que les paysages sont structurants, qu’ils nous façonnent, qu’ils sont notre destin, quand on sait que l’eau des Appalaches n’est plus potable, on imagine ce qu’il pense de l’Amérique de Trump.



Merci à Babelio et aux Éditions Gallimard pour cette belle découverte et opportunité de rencontrer Ron Rash...
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Par le vent pleuré

La photo, en première page du journal local, faisait apparaître Ligeia pas tellement plus vieille qu'en 1969, l'année de sa disparition. Après quelques gorgées de whiskey, Eugene s'attarde plus longuement sur l'article faisant référence à la découverte macabre d'ossements humains aux abords de la Tuckaseegee, à Panther Creek. Cela faisait des années qu'il n'avait plus repenser à la jeune et insouciante Ligeia...

Été 1969. À Sylva, petite ville tranquille des Appalaches, Eugene et son aîné, Bill, passent une grande partie de leur journée au bord de la rivière, les cannes à pêche installées sur les rochers. Torse nu, ils aiment nager dans le bief d'aval du bassin, gardant un œil sur les cannes. Un beau jour, ils remarquent une jeune fille se baignant dans le bassin. Une longue chevelure rousse, des yeux bleu-vert, il n'en faut pas plus aux jeunes garçons pour l'accoster. Ils ne savent pas encore que cette sirène va bouleverser leurs vies...





C'est au cours de cet été de 1969 que le destin des deux frères Matney va prendre un virage inattendu. Épris, presque envoutés par cette plantureuse sirène, Bill et Eugene, vont peu à peu se lier d'amitié avec elle. Elle qui, délurée, libérée sexuellement et éprise de liberté va les initier à des jeux jusqu'ici interdits. Ce ne sera que quelques décennies plus tard, alors que les deux frères mènent des vies opposées, qu'Eugene va reconnaître en la femme sur la première page du journal, Ligeia. Que lui est-il arrivé cet été-là pour qu'elle disparaisse subitement ? Ron Rash, dans ce roman, alterne habilement passé et présent. Un passé douloureux, tragique, sous l'emprise d'un grand-père tyrannique. Un présent chaotique et troublant. L'auteur dépeint avec justesse les notions de culpabilité et d'innocence, de souvenirs et de regrets ;avec tendresse la relation entre les deux frères et avec émotion le destin d'un homme cabossé par la vie. Il règne au cœur de ce roman une ambiance à la fois nostalgique et oppressante. Un récit sombre et doux-amer servi par une plume riche et délicate...
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Par le vent pleuré

Ron Rash , une patte, une signature .

Poète, humaniste , amoureux de la nature .

Cette fois, il nous propose un voyage dans le temps et une immersion dans les années 60 au coeur des Appalaches , à Sylva, petite ville où les bruits du monde et même ceux de la Guerre du Vietnam arrivent presque étouffés , lointains ; un endroit encore préservé des remous de la contre-culture.

Pourtant , l' atmosphère feutrée , bien pensante réglée par la morale et la discipline va très vite être mise à mal par le déroulement du récit .

Peu à peu , l'auteur lève le voile sur les personnages et le lecteur frissonne !



Au début, on partait pour un été paisible avec Eugène et Bill deux jeunes garçons ,orphelins de père qui vivent avec leur mère sous le joug du grand-père ,personnage tyrannique et plus on le découvre plus le mot est faible : un homme ivre de toute-puissance , pervers, mégalo ...



Puis, survient la jeune Ligeia , une sirène blessée , échouée là , contrainte à un exil par sa famille , une mesure de protection qui lui pèse !

Alors, bien-sûr , la nymphette ne peut que troubler la quiétude des bords de la Tuckaseggee et des parties de pêches des deux ados !



Le roman offre un portrait intéressant de la jeunesse de l'époque qui tout à coup sentant le vent de liberté venant d'ailleurs prend conscience brutalement du poids de son carcan et se montre capable de braver tous les interdits érigés en gardiens de la morale .

Une liberté qui tout à coup devient une exigence au mépris de tous les dangers pour certains .



L'alternance temporelle du récit permet d'aborder les subtilités de l'évolution des deux héros aux caractères très nuancés mais pourtant si unis.

C'est Eugène devenu adulte qui est le narrateur .

Peu à peu , les flashbacks vont livrer par bribes leurs secrets pour permettre le dénouement d'une intrigue des plus glaçantes !



Mais , si ce roman est un thriller , on en retient surtout la photo de cette époque utopique ou planante , contestataire ou insouciante.

Par moment, j'ai repensé au film "Good Morning England" quand le jeune Bill doit se bagarrer avec les ondes pour capter Jefferson Airplane ou les Beatles ! Atmosphère ? Parenthèse ?

Mais derrière , il y a toujours la vie et ses drames intemporels ceux-là.



Bien beau roman alliant comme toujours chez Ron Rash subtilité , force , délicatesse et poésie .

Il serait parmi mes préférés de cet auteur avec " Une terre d'ombre" et "Un pied au paradis "... oui , peut-être .

Mais en réalité , ayant lu tous les " Ron Rash" traduits , je les ai appréciés à des degrés divers peut-être mais tous m'ont plu .

Alors , à présent , bon courage pour évaluer l'objectivité de cet avis !
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Une terre d'ombre

Voici un roman sombre, âpre, rugueux, aussi sombre que le vallon qu'il décrit, un

ouvrage époustouflant qui se lit d'une traite.

Laurel Shelton et son frère Hank revenu de la guerre avec une main en moins vivent dans un vallon isolé de la Caroline du Nord.

L'ombre de la falaise est si dense qu'elle s'infiltre dans le bois, les champs,et surtout la maison:"Le pire, c'était la maison, c'était toujours un lieu sombre, qui ne bénéficiait que de quelques heures de soleil par jour"...

La falaise étend son ombre sur la terre mais aussi dans le cœur des hommes...

Dans ce lieu encaissé Laurel vit un quotidien fastidieux que vient illuminer la beauté de la nature, affublée d'une tache de naissance qui bleuit son bras et son cou la jeune femme a connu les sarcasmes malgré la bienveillance de son institutrice mademoiselle Calicut.

Elle est devenue une paria, une sorcière qu'il ne fait pas bon approcher et on verse du sel à l'entrée du domaine....Au village, les habitants superstitieux l'évitent comme la peste...

Nous sommes dans les derniers mois de la guerre 14-18, qui,aux États- Unis aussi divise les hommes, les envoie en Europe et les restitue en morceaux à leur famille.

Un jour, un nouveau venu, un mystérieux inconnu mutique ,qui joue de la flûte, vient secouer les femmes et les hommes de ce vallon.....il va révéler leur vraie nature, les vieilles rivalités, les préjugés, les haines recuites ont trouvé un terreau fertile dans la guerre qui secoue l'Europe mais aussi ce coin des États - Unis, ce vallon ressemblant à une terre maudite.......

.

La nature très présente est magnifiquement observée et décrite ,la musique et le silence apportent un contre point important à l'intolérance, à la xénophobie et à un patriotisme borné qui aboutissent à une violence sans nom!

L'action glisse doucement de la rencontre au drame ...imputable aux préjugés.....à la bêtise,à l'ignorance et à la peur, le tableau est dressé par petites touches.

Un roman bouleversant et tragique, une prose absolument magnifique, Ron Rash que je ne connais pas nous offre des personnages campés si solidement qu'ils vont continuer à vivre dans nos mémoires et nos esprits très longtemps.

Un roman noir implacable traversé d'aveuglants éclats de lumière, une histoire d'amour tragique.

Une œuvre poignante, sublime!
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Un pied au paradis

Au milieu du siècle dernier les techniques de procréation médicalement assistée étaient balbutiantes et inopérantes si bien que la plupart des couples infertiles vivaient très mal cette injustice de la vie.



Amy et Billy Holcombe cultivent un lopin de terre avec l'aide précieuse de Sam le cheval de labour. Malgré la sécheresse qui cette année encore sévit au coeur de la Caroline du Sud, la plantation de tabac à proximité de la rivière pourrait bien compenser en rendement les autres cultures déjà en partie grillées par le manque de pluie estivale.

Les questions de subsistance ne préoccupent pas outre mesure ce jeune couple besogneux qui du matin au soir travaille l'un pour l'autre. Un mal insidieux risque pourtant de ronger petit à petit leur amour qu'ils croyaient indéfectible : d'après le médecin de famille les spermatozoïdes de Billy sont défaillants.

Le ventre de la jolie Amy commence pourtant à s'arrondir quelques temps plus tard au moment même où leur plus proche voisine, la veuve Winchester, appelle le shérif pour lui signaler la disparition de son fils, un colosse bagarreur récemment rentré de Corée avec dans sa bourse en cuir huit oreilles asiatiques en guise de trophées.



Voilà un fait divers à priori facile à élucider pour le brave officier de police d'autant que le pick-up de l'ancien soldat est resté garé devant la maison familiale depuis la veille !



Ainsi commence “Un pied au paradis”, le premier roman de Ron Rash publié en 2002. Une vallée, condamnée tôt ou tard à la destruction en raison du barrage en construction à flanc de montagne, est le théâtre de ce thriller choral dont les cinq voix attisent tour à tour la curiosité du lecteur.



Majestuosité des paysages appalachiens aux vastes écosystèmes forestiers mais aussi superstitions et croyances rurales sont omniprésentes dans ce policier. Le lecteur se sent tout petit dans cet environnement quelque peu déstabilisant et, à l'image du shérif, éprouve une certaine mansuétude à l'égard des protagonistes fussent-ils innocents ou coupables.



“Un pied au paradis” est un pénétrant mélange de suspense et de poésie, un petit voyage en terre autrefois Cherokee que l'on effectue d'une seule traite tant le bonheur littéraire semble d'une page à l'autre à portée de main.

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Le monde à l'endroit

Plutôt que d'évoluer dans un monde à l'endroit, c'est surtout l'envers du décor qui va s'offrir à notre tout jeune héros un brin fou-fou.



Dix-sept balais, l'âge des possibles.

Travis Shelton n'aurait pas dû. Non, il n'aurait pas dû prendre ce qui ne lui appartenait pas. En l'occurence le champ de cannabis de Toomey pour un libre-service. Résultat des courses, un tendon d'Achille sectionné et la peur de sa vie. Côté réconfort, oublions son paternel et ses champs de tabac. Le courant est depuis bien longtemps en mode off au point de tout larguer pour aller se réfugier dans le mobile home de Leonard, dealer notoire.

Difficile d'imaginer ce gamin, à la croisée des chemins, se construire sereinement aux côtés d'un tel modèle...



Si vous appréciez l'humain dans tout ce qu'il a de faillible et vouez un amour immodéré au nature writing alors n'hésitez pas un instant, ce monde là vaut vraiment le détour.

A mille lieues de ces récits qui font de la surenchère leur marque de fabrique, Le Monde à l'Endroit se déguste lentement, au rythme des saisons qui s'égrènent et de notre jeune Travis qui se construit au travers de choix parfois discutables mais toujours riches d'enseignement.

Bien plus qu'un récit initiatique, une ode à la nature et à la rédemption.

Toujours sur la corde raide, constamment tiraillé entre le bien et le mal, Travis devra également lever le voile sur un pan tragique de son histoire familiale. Un drame qui pourrait bien avoir des répercussions dévastatrices sur cet adolescent en mal de figure paternelle. Se dire qu'il a essayé avec les moyens qu'il avait et que sa vie valait finalement la peine d'être vécue, voilà ce vers quoi il tendra invariablement.

Sans être un modèle de droiture et d'ambition, Travis et son parcours, régulièrement en mode essorage à 1400 tours/mn, programme homme délicat, ne génère qu'un unique sentiment, le respect.



Un très grand Rash, encore.
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Une terre d'ombre

Etat de Caroline, dans la chaîne de Blue Ridge en 1957. Un projet gouvernemental vise à innonder sous un lac artificiel les terres du vallon de Mars Hill.

Un mal pour un bien, peut-être, car ce lieu est maudit depuis ses premiers habitants, les Cherokee.

Quand l'agent fédéral constate les lieux, l'endroit semble inhabité. Une cabane en rondins de bois totalement abandonnée et un puits en parfait état sont les seuls vestiges d'une vie passée. Nulle présence humaine. Sauf quand le puits fait remonter le lointain écho d'une flûte et la blanche lumière de Laurel Shelton en cette année 1916.



La férocité guerrière et la chaleur de l'amour humaine couvrent l'atmosphère de ce roman haletant et luttent pour l'emporter. Ron Rash nous fait osciller constamment entre des moments heureux et une inquiétude latente où tout peut basculer.

J'ai éprouvé du bonheur pour Laurel quand elle rencontre et aime cet homme inconnu. Il ne parle pas, il joue de la flûte dont les notes ressemblent aux cris des derniers perroquets de Caroline.

J'ai ressenti l'horreur et l'injustice face à la bêtise et l'intolérance. Car la falaise étend son ombre non seulement sur la terre mais aussi dans le coeur des hommes.

L'écriture suit cette progression, plénitude et lente découverte de l'autre au début du livre avant l'enchaînement rapide et incontrôlable des évènements tragiques des dernières pages.



J'ai été totalement subjuguée par ce roman en partie tiré de faits réels. La nature très présente est magnifiquement observée et décrite.

C'est la première fois que je lis un ouvrage de Ron Rash et je vais absolument découvrir d'autres titres.



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Plus bas dans la vallée

Plus bas dans la vallée est la plus longue des sept nouvelles du livre de Ron Rash, c’est elle qui donne son titre à l’ouvrage, petit roman noir à elle seule.

Elle est la suite d’un précédent roman intitulé Serena que je regrette de ne pas avoir lu. J’aurais sans doute encore plus savouré ce dernier car il m’aurait permis de connaître encore davantage cette héroïne qui avait donné son nom au livre. Néanmoins, j’ai vite appris de quel bois elle était faite !

Nous sommes en 1931 et Serena Pemberton après être partie au Brésil est de retour en Caroline du Nord. Tout en étant séduisante et féminine, elle en impose par sa taille et surtout par sa dureté et son ambition sans limite.

Si cette femme intraitable est revenue, c’est pour superviser un gros chantier d’abattage d’arbres et il ne lui reste que trois jours pour tenir les délais du contrat signé avec la compagnie de Brandonkamp.

Les conditions de travail déjà effroyables, avec un flanc de montagne transformé en bourbier par la pluie, des serpents qui pullulent, des bûcherons en sous-effectif vont dès lors, pour assouvir les ambitions de Madame, se transformer en un véritable enfer dans lequel les hommes devenus esclaves, tenus à une cadence infernale, dans un espace hors du temps ne seront que des pions remplaçables à souhait.

Plus bas dans la vallée nous plonge à la fois dans un chaos de la nature et dans un chaos humain.

Chaos humain, notamment le dernier jour fixé par les délais. Des hommes privés de la notion du temps, des hommes jetés sur la route par la crise recrutés sans formation se meuvent dans le brouillard, tels des fantômes, en proie à tous les dangers et dominés et dirigés par un personnage implacable, incapable d’apitoiement. La description faite par Ron Rash est pour le moins apocalyptique.

Quant à la nature, elle est dévastée au mépris de toute loi. Nous assistons impuissants, avec horreur, à l’abattage de toutes ces essences et à chaque arbre abattu, notre cœur est révulsé. En italique, entre les chapitres, Ron Rash intercale de petits messages annonçant la fuite des quadrupèdes, puis des poissons, puis des oiseaux pour finir par les reptiles, des sortes de métaphores pour annoncer la destruction de notre planète, un thème on ne peut plus actuel.

Le titre complet de l’ouvrage est Plus bas dans la vallée & quelques courts récits des Appalaches. Six nouvelles suivent donc, toutes de genres différents, à des époques différentes. Elles racontent la difficulté, la rudesse de la vie et l’absence d’horizon des enfants oubliés de l’Amérique que sont les habitants de cette contrée.

Si la première, Les voisins se situe pendant la guerre de Sécession, Le baptême met en scène un révérend aux prises avec sa conscience et L’envol décrit la lutte pour se faire respecter entre une jeune stagiaire garde-forestière encore un peu fragile et un pêcheur grande-gueule.

Le dernier pont brûlé raconte l’histoire d’un homme libéré des affres de l’alcool qui donne sa chance à une paumée droguée.

Les deux dernières , Une sorte de miracle et Leurs yeux anciens et brillants sont celles que j’ai le plus appréciées, notamment avec cet humour noir déployé dans l’une avec ces deux frères indolents en partance pour une chasse à l’ours avec leur beau-frère et ce beau moment de surprise et d’émotion dans l’autre avec ce pied de nez final des anciens.

Ron Rash est passé maître dans l’art des nouvelles. En peu de pages, il parvient à mettre en situation ses personnages, à développer leur psychologie et à construire une intrigue souvent pleine de suspense, dans un environnement où la nature occupe une grande place, tout en assurant à chaque fois une chute mémorable.

Comme dans Par le vent pleuré et Un silence brutal que j’avais eu le plaisir de lire, je me suis une nouvelle fois régalée à la lecture de Plus bas dans la vallée.

Ron Rash, ce chantre des Appalaches plein de compassion pour les âmes meurtries, excelle encore une fois à explorer l’âme humaine et met l’accent ici sur les ravages et les conséquences engendrées par la déforestation tout en nous faisant réfléchir sur l’insignifiance de la vie humaine.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Un pied au paradis

J'ai acheté par hasard le premier ouvrage de cet auteur que j'aime beaucoup ( déjà lus Une terre d'ombre, Serena et Le-monde à l’endroit .)



On repère de suite le talent naissant , la maîtrise et la fluidité du romancier au sein de cet excellent polar choral qui tient le lecteur en haleine jusqu'au bout.



En cinq chapitres qui donnent voix simplement au shérif, au voisin, à la voisine, à leur fils et à l'adjoint le lecteur est plongé au coeur du territoire des indiens Cherokee .



L'on assiste à la fin d'un monde puisque la vallée est condamnée à être inondée par la compagnie d'électricité Caroline Power.



Avec finesse, sensibilité et profondeur l'auteur dissèque, fouille les âmes de Bill, Amy et les autres ... des vies passent , des drames surviennent , la nature est au coeur ( thème cher à l'auteur qui la dépeint merveilleusement ) , les personnages s'expriment à l'aide de tournures orales paysannes—- Convaincantes —-qui donnent du dynamisme, du vivant du naturel au récit sans ridicule , ni exagération .



Les protagonistes sont attachants, la chaleur écrasante imprègne ce récit lors de la culture ardue du tabac ,du maïs ou des choux.

«  Je me souvenais des paumes de mains qui devenaient aussi rêches que du papier de verre, et de la nuque aussi rouge que de la brique , et aussi qu'en arrivant au bout du rang , on gardait la tête baissée , comme une mule avec des oeillères , pour ne pas voir combien il restait de ces rangs interminables. »

Ou l'on côtoie « la sorcière »ou «  guérisseuse » , le médecin, le voyou local dont le cadavre reste introuvable ...les secrets de famille , les différents aspects d'une relation amoureuse , la vengeance, le handicap de la stérilité ..... quatre personnages , quatre points de vue différents.



Un polar passionnant , mystérieux, abouti .

Une très belle plume !

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Serena

Huuuuuumpf, pfiouuuuuu, respirez,vous êtes au coeur des Smoky Mountains, millésime 1930.



Vous allez en prendre plein les yeux tant cette magnificence naturelle en impose.

Mais attention, on touche avec les yeux, pas avec le portefeuille spéculatif car les Pemberton pourraient bien vous faire passer le goût de la balade.



George et Serena, heureux propriétaires de ce petit paradis semblant échapper à la Grande Dépression qui sévit, n'ont qu'une seule ligne de conduite, protéger leurs biens puis, si possible et quels que soient les moyens usités, étoffer leur capital déjà conséquent. Aussi, lorsque l'Etat en vient à convoiter leurs terres dans le but d'aménager un parc national, n'imaginez pas une seule seconde ce couple fusionnel courber l'échine et rendre les armes sans avoir livrer bataille...

Celle de La Terre du Milieu est encore dans toutes les mémoires. Le combat des Pemberton pourrait bien marquer les corps et les esprits !



Grandiose et flamboyant.

Un décor fantastique propice à moult scènes d'anthologie.

Une trame larvée permettant à deux prédateurs terriens de donner libre cours à leurs penchants les plus sombres.

Le tout magistralement narré par un Rash que je découvre et m'empresserai de retrouver.



Serena est de la trempe de ces héroïnes que l'on admire autant que l'on exècre.

Charismatique et manipulatrice en diable, à l'instar du cobra, elle hypnotise ses proies puis les exécute froidement, son appétit étant à l'image de sa soif de pouvoir, sans limites.



Serena, tout sauf la balade des gens heureux...

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Un pied au paradis

Près de cent pages englouties. Fin du premier chapitre. Oui, oui… et alors ?



C’est ainsi que j’ai tourné la page pour découvrir le second chapitre : « La femme ». Et puis, comme par miracle, je suis passé d’un scepticisme profond à l’illumination la plus totale. Un peu comme si j’avais déjà un pied au paradis…



Vous vous demandez surement pourquoi un tel revirement de situation en quelques lignes seulement ?



Comment une femme, non, non, « La femme » peut-elle avoir eu autant d’effet sur moi ?



Serait-ce une grande blonde aux yeux verts ? Ou plutôt une petite brune aux yeux bleus ?



Et bien détrompez-vous tout de suite ! Cessez d’imaginer des scènes passionnelles ou encore torrides ! Même si, à un moment, nue dans une bassine...



Non, non, cela n'a rien à voir avec le personnage féminin comme cela peut survenir, je vous le concède, dans certains romans… Je pense (ou j’espère) qu’une lectrice aura eu autant de plaisir que moi à quitter un roman quelconque et sans saveur particulière pour basculer vers une œuvre maitrisée, fluide et passionnante. Un passage éclair de l’ombre à la lumière en quelques pages …



Une fois ébloui par l’écriture de Ron Rash, je suis revenu au titre du premier chapitre qui m’avait complètement échappé : « Le shérif du comté ».



Effectivement. Au début du roman, Will Alexander, shérif expérimenté, est appelé par une habitante de son comté pour enquêter sur la disparition d’un parent, son fils en l’occurrence Holland Winchester. Sa mère suspecte très fortement son voisin Billy Holcombe de l’avoir tué et caché sur son terrain pour des histoires de tromperie avec sa femme. Et, qui plus est, elle dit avoir entendu un ou plusieurs coups de feu provenant du champ de son voisin.



Ainsi pendant quelques jours, le shérif va donc mener son enquête à la recherche du disparu dans une vallée de Jocassee vouée à disparaitre tôt ou tard comme ses habitants car la compagnie d'électricité Carolina Powers a décidé d’immerger toutes les terres en érigeant un barrage hydraulique.



Contrairement à un roman policier classique, l’auteur va alors prendre la main d’une certaine manière sur cette enquête et nous délivrer les mystères de cette vallée au compte-gouttes au travers le récit de différents personnages.



Pour conclure, après la lecture du remarquable « Voleurs » de Cook, j’ai eu la grande chance d’enchainer avec cet excellent roman noir à plusieurs voix (1) dont Ron Rash en tire la quintessence grâce une construction magistrale et sans faille.



Si vous n’êtes pas encore totalement convaincu, j’ajoute comme dernier argument que j’ai oublié un matin pour la première fois depuis huit ans de descendre à la station « Chatelet les Halles » à cause de ce roman complètement captivant. Rassurez-vous ! Je me suis arrêté avant d’avoir terminé « Un pied au paradis » !





(1) J’avais déja été convaincu par cette technique dans un livre jeunesse « Une histoire à quatre voix » dont les somptueux dessins d'Anthony Browne retranscrivaient remarquablement l'humeur de chacun des personnages.

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