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Citations de Savinien de Cyrano de Bergerac (92)


J’avois attaché autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, sur lesquelles le Soleil dardoit ses rayons si violemment, que la chaleur qui les attiroit, comme elle fait les plus grosses nuées, m’éleva si haut, qu’enfin je me trouvai au-dessus de la moyenne région. Mais comme cette attraction me faisoit monter avec trop de rapidité, et qu’au lieu de m’approcher de la Lune, comme je prétendois, elle me paroissoit plus éloignée qu’à mon partement, je cassai plusieurs de mes fioles, jusques à ce que je sentis que ma pesanteur surmontoit l’attraction, et que je redescendois vers la terre. Mon opinion ne fut point fausse, car j’y retombai quelque temps après, et à compter de l’heure que j’en étois parti, il devoit être minuit. Cependant je reconnus que le Soleil étoit alors au plus haut de l’horizon, et qu’il étoit là midi. Je vous laisse à penser combien je fus étonné : certes je le fus de si bonne sorte, que ne sachant à quoi attribuer ce miracle, j’eus l’insolence de m’imaginer qu’en faveur de ma hardiesse, Dieu avoit encore une fois recloué le Soleil aux cieux (26), afin d’éclairer une si généreuse entreprise. Ce qui accrut mon étonnement, ce fut de ne point connoître le pays où j’étois, vu qu’il me sembloit qu’étant monté droit, je devois être descendu au même lieu d’où j’étois parti. Équipé pourtant comme j’étois, je m’acheminai vers une espèce de chaumière, où j’aperçus de la fumée ; et j’en étois à peine à une portée de pistolet, que je me vis entouré d’un grand nombre d’hommes tout nus. Ils parurent fort surpris de ma rencontre ; car j’étois le premier, à ce que je pense, qu’ils eussent jamais vu habillé de bouteilles. Et pour renverser encore toutes les interprétations qu’ils auroient pu donner à cet équipage, ils voyoient qu’en marchant je ne touchois presque point à la terre : aussi ne savoient-ils pas qu’au moindre branle que je donnois à mon corps, l’ardeur des rayons de midi me soulevoit avec ma rosée, et que sans que mes fioles n’étoient plus en assez grand nombre, j’eusse été possible à leur vue enlevé dans les airs. Je les voulus aborder ; mais comme si la frayeur les eût changés en oiseaux, un moment les vit perdre dans la forêt prochaine. J’en attrapai un toutefois, dont les jambes sans doute avoient trahi le cœur. Je lui demandai avec bien de la peine (car j’étois tout essoufflé), combien l’on comptoit de là à Paris, et depuis quand en France le monde alloit tout nu, et pourquoi ils me fuyoient avec tant d’épouvante. Cet homme à qui je parlois étoit un vieillard olivâtre, qui d’abord se jeta à mes genoux ; et joignant les mains en haut derrière la tête, ouvrit la bouche et ferma les yeux. Il marmotta longtemps entre ses dents, mais je ne discernai point qu’il articulât rien : de façon que je pris son langage pour le gazouillement enroué d’un muet.
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Envol à Colignac

Une nuit des plus fâcheuses qui fut jamais, ayant succédé à un des jours les plus agréables que nous eussions eus à Colignac, je me levay aussi-tost que l’aurore : et pour dissiper les inquiétudes et les nuages dont mon esprit estoit encor offusqué, j’entrai dans le jardin où la verdure, les fleurs et les fruits, l’artifice et la nature, enchantoient l’âme par les yeux; lors qu’en mesme instant j’apperceus le marquis qui s’y promenoit seul dans une grande allée, laquelle coupoit le parterre en deux; il avoit le marcher lent et le visage pensif. Je restay fort surpris de le voir contre sa coutume si matineux : cela me fit haster mon abord pour luy en demander la cause. Il me répondit que quelques fâcheux songes dont il avoit esté travaillé, l’avoient contraint de venir plus matin qu’à son ordinaire guérir un mal au jour que luy avoit causé l’ombre. Je luy confessay qu’une semblable peine m’avoit empesché de dormir, et je luy en allois conter le détail; mais comme j’ouvrois la bouche, nous apperceûmes, au coin d’une palissade qui croisoit dans la nostre, Colignac qui marchoit à grands pas. De loin qu’il nous apperceut : «Vous voyez, s’écria-t-il, un homme qui vient d’échaper aux plus affreuses visions dont le spectacle soit capable de faire tourner le cerveau. À peine ay-je eu le loisir de mettre mon pourpoint que je suis descendu pour vous le conter; mais vous n’estiez plus ny l’un, ny l’autre, dans vos chambres; c’est pourquoy je suis acouru au jardin, me doutant que vous y seriez.» En effet, le pauvre gentilhomme estoit presque hors d’haleine. Si-tost qu’il l’eut reprise, nous l’exhortâmes de se décharger d’une chose qui, pour estre souvent fort légère, ne laisse pas de peser beaucoup. «C’est mon dessein, nous répliqua-t-il, mais auparavant assoiyons-nous.» Un cabinet de jasmins nous présenta tout à propos de la fraischeur et des siéges; nous nous y retirâmes, et chacun s’estant mis à son aise, Colignac poursuivit ainsi : «Vous sçaurez qu’après deux ou trois sommes durant lesquels je me suis trouvé parmy beaucoup d’embarras, dans celuy que j’ay fait environ le crépuscule de l’aurore, il m’a semblé que mon cher hoste que voilà estoit entre le marquis et moy, et que nous le tenions étroitement embrassé, quand un grand monstre noir qui n’estoit que de testes nous l’est venu tout d’un coup arracher. Je pense mesme qu’il l’alloit précipiter dans un bûcher allumé proche de là, car il le balançoit déjà sur les flammes : mais une fille semblable à celle des muses qu’on nomme Euterpe, s’est jettée aux genoux d’une dame, qu’elle a conjuré de le sauver (cette dame avoit le port et les marques dont se servent nos peintres pour représenter la nature). À peine a-t-elle eu le loisir d’écouter les prières de sa suivante, que toute étonnée : «Hélas! a-t-elle crié, c’est un de mes amis.» Aussi-tost elle a porté à sa bouche une espèce de sarbatane, et a tant soufflé par le canal sous les pieds de mon cher hoste, qu’elle l’a fait monter dans le ciel, et l’a garanty des cruautez du monstre à cent testes. J’ay crié après luy fort longtemps, ce me semble, et l’ay conjuré de ne pas s’en aller sans moy, quand une infinité de petits anges tous ronds qui se disoient enfans de l’aurore m’ont enlevé au mesme païs, vers lequel il paroissoit voler, et m’ont fait voir des choses que je ne vous raconteray point, parce que je les tiens trop ridicules.» Nous le suppliâmes de ne pas laisser de nous les dire. «Je me suis imaginé, continua-t-il, estre dans le soleil, et que le soleil estoit un monde. Je n’en serois pas mesme encore désabusé sans le hanissement de mon barbe (1), qui, me resveillant, m’a fait voir que j’estois dans mon lit.» Quand le marquis connut que Colignac avoit achevé : et vous, dit-il, Monsieur Dyrcona, quel a esté le vostre? – Pour le mien, répondis-je, encor qu’il ne soit pas des vulgaires, je le mets en conte de rien. Je suis bilieux, mélancolique, c’est la cause pourquoy, depuis que suis au monde, mes songes m’ont sans cesse représenté des cavernes et du feu. Dans mon plus bel âge il me sembloit en dormant que, devenu léger, je m’enlevois jusqu’aux nuës pour éviter la rage d’une troupe d’assassins qui me poursuivoient; mais qu’au bout d’un effort fort long et fort vigoureux, il se rencontroit toûjours quelque muraille, après avoir volé par dessus beaucoup d’autres, au pied de laquelle, acablé de travail, je ne manquois point d’estre arresté : ou bien si je m’imaginois prendre ma volée droit en haut, encor que j’eusse avec les bras nagé fort longtemps dans le ciel, je ne laissois pas de me rencontrer toûjours proche de terre; et contre toute raison, sans qu’il me semblast estre devenu ny las, ny lourd, mes ennemis ne faisoient qu’étendre la main pour me saisir par le pied et m’attirer à eux. Je n’ay guère eu que des songes semblables à celuy-là depuis que je me connois; horsmis que cette nuit, après avoir long-temps volé comme de coustume et m’estre plusieurs fois échapé de mes persécuteurs, il m’a semblé qu’à la fin je les ay perdus de veuë, et que dans un ciel libre et fort éclairé, mon corps soulagé de toute pesanteur, j’ay poursuivy mon voyage jusques dans un palais où se composent la chaleur et la lumière. J’y aurois sans doute remarqué bien d’autres choses, mais mon agitation pour voler m’avait tellement aproché du bord du lit que je suis tombé dans la ruelle, le ventre tout nu sur le plastre, et les yeux fort ouverts. Voilà, messieurs, mon songe tout au long, que je n’estime qu’un pur effet de ces deux qualitez qui prédominent à mon tempérament; car encor que celuy-cy difère un peu de ceux qui m’arrivent toûjours, en ce que j’ay volé jusqu’au ciel sans rechoir, j’attribuë ce changement au sang qui s’est répandu par la joye de nos plaisirs d’hyer, plus au large qu’à son ordinaire, a pénétré la mélancolie et luy a osté, en la soulevant, cette pesanteur qui me faisoit retomber; mais après tout, c’est une science où il y a peu à deviner. – Ma foy, continua Cussan, vous avez raison, c’est un pot pourry de toutes les choses à quoy nous avons pensé en veillant, une monstrueuse chimère, un assemblage d’espèces confuses, que la fantaisie qui dans le sommeil n’est plus guidée par la raison nous présente sans ordre, et dont toutefois en les tordant nous croyons épreindre le vray sens, et tirer des songes comme des oracles une science de l’avenir; mais, par ma foy, je n’y trouvois aucune autre conformité, sinon que les songes comme les oracles ne peuvent estre entendus. Toutefois, jugez par le mien, qui n’est point extraordinaire, de la valeur de tous les autres. J’ay songé que j’estois fort triste, je rencontrois partout Dyrcona qui nous réclamoit. Mais sans davantage m’alambiquer le cerveau à l’explication de ces noires énigmes, je vous développeray en deux mots leur sens mystique : c’est par ma foy qu’à Colignac on fait de fort mauvais songes, et que, si j’en suis crû, nous irons essayer d’en faire de meilleurs à Cussan. – Allons-y donc, me dit le comte, puisque ce trouble-feste en a tant d’envie. Nous délibérâmes de partir le jour même.
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Savinien de Cyrano de Bergerac
Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce? Un serment fait d'un peu plus près, une promesse plus précise, un aveu qui veut se confirmer, un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer; c'est un secret qui prend la bouche pour oreille.
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Savinien de Cyrano de Bergerac
Peut-on être innocent, lorsqu'on aime un coupable?
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Ces dieux que l'homme a faits et qui n'ont point fait l'homme.
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[Il] me conta que ce qui l'avait véritablement obligé de courir toute la Terre, et enfin de l'abandonner pour la Lune, était qu'il n'avait pu trouver un seul pays où l'imagination même fût en liberté.
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Votre père consulta-t-il votre volonté lorsqu’il embrassa votre mère? vous demanda-t-il si vous trouviez bon de voir ce siècle-là, ou d’en attendre un autre? si vous vous contenteriez d’être le fils d’un sot, ou si vous auriez l’ambition de sortir d’un brave homme? Hélas! vous que l’affaire concernait tout seul, vous étiez le seul dont on ne prenait point l’avis! Peut-être qu’alors, si vous eussiez été enfermé autre part que dans la matrice des idées de la nature, et que votre naissance eût été à votre option, vous auriez dit à la Parque : “Ma chère demoiselle, prends le fuseau d’un autre; il y a fort longtemps que je suis dans le rien, et j’aime mieux demeurer encore cent ans à n’être pas que d’être aujourd’hui pour m’en repentir demain!” Cependant il vous fallut passer par là; vous eûtes beau piailler pour retourner à la longue et noire maison dont on vous arrachait, on faisait semblant de croire que vous demandiez à téter.
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Vous me répliquerez que, sans lui, vous ne seriez pas; il est vrai, mais aussi lui-même sans votre grand-père n’aurait jamais été, ni votre grand-père sans votre bisaïeul, ni sans vous, votre père n’aurait pas de petit-fils. Lorsque la nature le mit au jour, c’était à condition de rendre ce qu’elle lui prêtait; ainsi quand il vous engendra, il ne vous donna rien, il s’acquitta! Encore je voudrais bien savoir si vos parents songeaient à vous quand ils vous firent. Hélas, point du tout! Et toutefois vous croyez leur être obligé d’un présent qu’ils vous ont fait sans y penser. Comment! parce que votre père fut si paillard qu’il ne put résister aux beaux yeux de je ne sais quelle créature, qu’il en fit le marché pour assouvir sa passion et que de leur patrouillis vous fûtes le maçonnage, vous révérerez ce voluptueux comme un des sept sages de Grèce! Quoi! parce que cet autre avare acheta les riches biens de sa femme par la façon d’un enfant, cet enfant ne lui doit parler qu’à genoux? Ainsi votre père fit bien d’être ribaud et cet autre d’être chiche, car autrement ni vous ni lui n’auriez jamais été; mais je voudrais bien savoir si quand il eut été certain que son pistolet eut pris un rat, s’il n’eût point tiré le coup? Juste Dieu! qu’on en fait accroire au peuple de votre monde.
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Il parlait encore, lorsque je vis entrer un homme tout nu. Je m'assis aussitôt et me couvris pour lui faire honneur, car ce sont les marques du grand respect qu'on puisse en ce pays-là témoigner a quelqu'un. (...)
Sitôt qu'il fut parti:
" Hé! Je vous prie, m'adressant au jeune hôte, apprenez-moi que veut dire ce bronze figuré en parties honteuses qui pendent à la ceinture de cet homme"
" les femelles ici, non plus que les mâles, ne sont pas assez ingrates pour rougir a la vue de celui qui les a forgées; et les vierges n'ont pas honte d'aimer sur nous, en mémoire de leur mère nature, la seule chose qui porte son nom;
Sachez donc que l'écharpe dont cet homme est honoré, où pend pour médaille la figure d'un membre viril, est le symbole du gentilhomme , et la marque qui distingue le noble d'avec le roturier"
J'avoue que ce paradoxe me sembla si extravagant que je ne pus m’empêcher d'en rire .
" Cette coutume me semble bien extraordinaire dis je à mon petit homme , car en notre monde la marque de la noblesse est de porter l'épée"
Mais lui sans s'émouvoir:
" O mon petit homme ! s’écria-t-il, que les grands de votre monde sont enragés de faire parade d'un instrument qui désigne un bourreau, qui n'est forgé que pour nous détruire, enfin l'ennemi juré de tout ce qui vit ; et de cacher, au contraire, un membre sans qui nous serions au rang de ce qui n'est pas, le Prométhée de chaque animal et le réparateur infatigable des faiblesses de la nature!
Malheureuse contrée où les marques de génération sont ignominieuses, et où celles d'anéantissement sont honorables. Cependant, vous appelez ce membre-là les parties honteuses, comme s'il y avait quelque choses de plus glorieux que de donner la vie, et rien de plus infâme que de l'ôter"
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Car, dites moi, je vous prie: est-il malaisé à croire qu'un pou prenne notre corps pour un monde, et que quand quelqu'un d'eux a voyagé depuis l'une de vos oreilles jusqu'à l'autre, ses compagnons disent de lui qu'il a voyagé aux deux bouts du monde, ou qu'il a couru de l'un à l autre pôle? Oui, sans doute, ce petit peuple prend vos poils pour les forêts de son pays, les pores pleins de pituite pour des fontaines, les bulbes et les cirons pour des lacs et des étangs, les apostumes pour des mers, les fluxions pour des déluges; et quand vous peignez en devant et en arriere; ils prennent cette agitation pour le flux et reflux de l'océan.
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" il me reste à prouver qu'il y a des mondes infinis dans un monde infini. Représentez vous donc l'univers comme un grand animal, les étoiles qui sont des mondes comme d'autres animaux dedans lui qui servent réciproquement de mondes à d'autres peuples, tels qu'à nous, qu'aux chevaux et qu'aux éléphants et que nous, à notre tour, sommes aussi les mondes de certaines gens encore plus petits, comme des chances, des poux, des vers, des cirons ; ceux-ci sont la Terre d'autres imperceptibles ; ainsi de même que nous paraissons un grand monde à ce petit peuple, peut-être que notre chair, notre sang, et nos esprits ne sont autres choses qu'une fissure de petits animaux qui s'entretiennent, nous pretent mouvement par le leur, et, se laissant aveuglément conduire à notre volontés qui leur sert de cocher, nous conduisent nous-mêmes, et produisent tout ensemble cette action que nous appelons la vie
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Votre père consulta-t-il votre volonté lorsqu'il embrassa votre mère ? Vous demanda-t-il si vous trouviez bon de voir ce siècle là où s'attendre un autre? Si vous vous contenteriez d'être le fils d'un sot ou si vous auriez l'ambition de sortir d'un brave homme? Hélas! Vous que l'affaire concernait tout seul, vous étiez le seul dont on ne prenait point l'avis ! Peut-être qu'alors, si vous eussiez été enfermé autre part que dans la matrice des idées de la nature, et que votre naissance eut été à votre option, vous auriez dit à la Parque: " Ma chère demoiselle, prends le fuseau d'un autre: il y a fort longtemps que je suis dans le rien, et j aime mieux demeurer encore 100 ans à n'être rien que d'être aujourd'hui pour m'en repentir demain!" Cependant il vous fallut passer par là; vous eûtes beau piailler pour retourner à la longue et noire maison dont on vous arrachait on faisait semblant de croire que vous demandiez à teter
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Vous me répliquerez que, sans lui, vous ne seriez pas, il est vrai, mais aussi lui-même sans votre grand père n'aurait jamais été, ni votre grand père sans votre bisaïeul, ni sans vous, votre père n'aurait pas de petit fils. Lorsque la nature le mit au jour, c'était à condition de rendre ce qu'elle lui prêtait : ainsi quand il vous engendra il ne vous donna rien, il s’acquitta ! Encore je voudrais bien savoir si vos parents songeaient à vous quand ils vous firent. Hélas, point du tout ! Et toutefois vous croyez leur être obligé d’un présent qu'ils vous ont fait sans y penser. Comment ! Parce que votre père fut si paillard qu'il ne put résister aux beaux yeux de je ne sais quelle créature, qu'il en fit le marché pour assouvir sa passion et que de leur patrouillis vous fûtes le maçonnerie, vous reverez ce voluptueux comme un des sept sages de Grèce !
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"Apprenez moi me dit-elle, vos princes ne pretextent ils leurs armements que du devoir de force?
- si fait, lui repliquai-je, de la justice de leur cause.
- Pourquoi donc, continua-t-elle, ne choisissent ils des arbitres non suspects pour être accordés? Et s'il se trouve qu'ils aient autant de droit l'un que l'autre, qu'ils demeurent comme ils étaient, ou qu'ils jouent en un cent de piquet la ville ou la province dont ils ont la dispute? Et cependant qu'ils font casser la tête à plus de quatre millions d'hommes qui valent mieux qu'eux, ils sont dans leurs cabinets à goguenarder sur les circonstances du massacre des badauds. Mais je me trompe de blâmer ainsi la vaillance de vos braves sujets: ils font bien de mourir pour leur patrie; l affaire est importante, car il s'agit d'être le vassal d'un roi qui porte la fraise ou de celui qui porte un rabat.
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la plupart des hommes, qui ne jugent que par les sens, se sont laissé persuader à leurs yeux; et de même que celui dont le vaisseau navigue terre à terre croit demeurer immobile, et que le rivage chemine, ainsi les hommes tournant avec la terre autour du ciel, ont cru que c'était le ciel lui-même qui tournait autour d'eux. Ajoutez à cela l'orgueil insupportable des humains , qui leur persuade que la nature n'a été faite que pour eux; comme s'il était vraisemblable que le soleil , un grand corps quatre cent quarante quatre fois plus vaste que la Terre ,n'eut été allumé que pour faire pousser ses nèfles et pommer ses choux. Quant à moi , bien loin de consentir à l'insolence de ces brutaux, je crois que les planètes sont des autour du soleil et que les étoiles fixes sont aussi des soleils qui ont des planètes autour d'eux, c'est à dire des mondes que nous ne voyons pas d'ici à cause de leur petitesse, et parce que leur lumière empruntée ne saurait venir jusqu'à nous.
Car comment, en bonne foi, s'imaginer que ces globes si spacieux ne soient que de grandes campagnes désertes et que le nôtre, à cause que nous y rampons , une douzaine de glorieux coquins ait été bâti pour commander à tous? Quoi! parce que le soleil compasse nos jours et nos années, est ce à dire pour cela qu'il n'ait été construit qu'afin que nous ne cognions pas de la tête contre les murs?
Non, non si ce dieu visible éclaire l'homme, c'est par accident, comme le flambeau du roi éclaire par accident au crocheteur qui passe par la rue .
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Un jour, mon mâle (car on me tenait pour une femelle) me conta que ce qui l'avait véritablement obligé de courir toute la Terre, et enfin de l'abandonner pour la Lune, était qu'il n'avait pu trouver un seul pays où l imagination même fut en liberté
" voyez vous, me dit il, à moins de porter un bonnet carré, un chaperon ou une soutane, quoi que vous puissiez dire de beau, s'il est contre les principes de ces docteurs en drap, vous êtes un idiot, un fou ou un athée..."
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Lorsque j'ai depuis réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres*, je ne m'étonne plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient plus de connaissance à seize et dix-huit ans que les barbes grises du nôtre ; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; à la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à la ceinture, une trentaine de ces livres dont ils n'ont qu'à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s'ils sont en humeur d'écouter tout un livre : ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes et morts et vivants qui vous entretiennent de vive voix.

* NDL : Anticipation des livres audio
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Vous vous imaginez vous autres que ce que vous ne sauriez comprendre est spirituel, ou qu’il n’est point ; mais cette conséquence est très fausse, et c’est un témoignage qu’il y a dans l’univers un million peut-être de choses qui pour être connues demanderaient en vous un million d’organes tous différents. Moi, par exemple, je connais par mes sens la cause de la sympathie de l’aimant avec le pôle, celle du reflux de la mer, et ce que l’animal devient après sa mort ; vous autres ne sauriez donner jusqu’à ces hautes conceptions que par la foi, à cause que les proportions à ces miracles vous manquent, non plus qu’un aveugle ne saurait s’imaginer ce que c’est que la beauté d’un paysage, le coloris d’un tableau, et les nuances de l’iris ; ou bien il se les figurera tantôt comme quelque chose de palpable comme le manger, comme un son, ou comme une odeur. Tout de même si je voulais vous expliquer ce que j’aperçois par les sens qui vous manquent, vous vous le représenteriez comme quelque chose qui peut être ouï, vu, touché, fleuré, ou savouré, et ce n’est rien cependant de tout cela.
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La sphère de notre Monde ne me paraissait plus qu’un astre à peu près de la grandeur que nous paraît la Lune ; encore il s’étrécissait, à mesure que je montais, jusqu’à devenir une étoile, puis une bluette, et puis rien, d’autant que ce point lumineux s’aiguisa si fort pour s’égaler à celui qui termine le dernier rayon de ma vue, qu’enfin elle le laissa s’unir à la couleur des Cieux.
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LIVILLA La Discorde, allumant son tragique flambeau,
Vous consacre, Madame, un spectacle assez beau,
Et je viens comme soeur prendre part à la joie
Que, lassé de vos maux, le Destin vous envoie.
Le peuple, soulevé par un exploit si grand,
Vous tient comme en ses bras à couvert du tyran,
Et ce transport subit, aveugle et plein de zèle,
Témoigne que les Dieux sont de votre querelle.
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