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Critiques de Sue Rainsford (56)
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Jusque dans la terre

Peut-être que de loin, cela fait un peu penser au film Les Crimes du futur de Cronenberg, parce que dans ce roman aussi, on ouvre les corps pour retirer leur souffrance et leur maladie… Mais tandis que Cronenberg fait du Body Art extrême en retirant des tumeurs pour épater les riches blasés lors de séance de Performance artistique, Ada et son père soignent toute sorte de maladies par simple philanthropie, et pour cela ils ont également besoin d'une Terre bien spéciale, qui se trouve dans leur jardin. Car pour soigner les malades (ils les appellent les cures), pour soigner les cures, il faut les enterrer dans cette Terre et chanter des chansons… Si père est un être altruiste, nous ne sommes pas certains des motivations de Ada, parfois sous l'emprise de ses passions de jeune fille…



***



Mon avis sur cette lecture est plutôt mitigé.

Le personnage d'Ada, si différent dans sa conception, ressemble en fait, à beaucoup de jeunes filles passionnées du commun des mortels. Enfin, ce n'est que mon opinion. Oui elle n'a pas choisi d'être façonnée, oui elle n'a pas choisi cette enveloppe corporelle si étrange, oui elle n'a pas choisi ce travail, oui elle n'a pas choisi sa vie où on doit ouvrir des corps avant de les enterrer dans le jardin et son « don » qui doit servir la cause de l'humanité, est un obstacle pour joindre le beau ténébreux du coin…



Néanmoins, l'idée et l'originalité du roman, la belle écriture, lui octroient le droit de figurer dans les romans à découvrir.

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Jusque dans la terre

Ada et son père vivent en marge d'une bourgade elle même en marge d'une région qui a bien l'air d'être en marge .

Et sur un malentendu , Ada et son père ne sont pas foutus physiquement comme nous , allez savoir !



Ada et son père ont des vertus que les gens pas en marge ne possèdent pas : Ils soignent les cures (c'est à dire a priori tous les humains sauf eux deux ). Mais ils les soignent bien . Ils rentrent à l'intérieur , font sécher les poumons , vous foutent un peu sous terre pour qu'elle vous travaille . Un jour arrive Samson, et Ada , elle va être fan. Trop peut être...



Amis du cartésien , du factuel et du crédible , passez votre chemin ou alors , ayez une bonne ouverture d'esprit durant votre lecture.

Parce que finalement , elle est intéressante cette lecture . le texte est sombre , énigmatique , mais l'énigme est prenante et l'auteure joue bien avec sa proie.

Même s'il n'est pas sur que l'on comprenne tous la même chose à tous les instants de la lecture , il ressort de ces pages une force brute, un peu comme celle que la terre peut donner à tout ce qui se nourrit d'elle pour exister.



Et si on part pour lire une fable , on doit pouvoir même vraiment prendre son pied. Mais moi, j'étais presque arrivé quand j'ai eu l'idée .

Il n'empêche que cette lecture hors de ma zone de confort m'a touchée .et que la transformation d'Ada tout au long du roman est admirablement amenée.
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Jusque dans la terre

C’est encore une inconnue en France mais cela risque de ne pas durer.

Pour cette rentrée littéraire, les excellentes éditions Aux Forges du Vulcain font l’audacieux pari de traduire le premier roman de l’Irlandaise Sue Rainsford : Jusque dans la terre. Critique d’art et passionnée de films d’horreur, elle vous convie à un voyage au cœur de l’étrange, à la lisière entre le body-horror et le roman initiatique. Un voyage atypique qui risque bien de vous surprendre et cela dès la première page…



Dans un petit village quelque part, une fille et son père soignent et guérissent.

Cette fille, elle s’appelle Ada.

Et son père, lui, n’a d’autre nom que Père.

L’époque ? Impossible de savoir.

Mais le plus surprenant, ce n’est ni le lieu ni l’année.

C’est la nature d’Ada et de son Père…et leur façon de guérir si particulière.

Sue Rainsford nous immerge dans le body-horror en un claquement de doigt. Elle convoque l’ombre tutélaire de David Cronenberg pour donner la parole à Ada elle-même qui nous raconte le don qu’elle partage avec son Père dans un style haché, tantôt poétique tantôt élusif.

Ensemble, Ada et son Père accueillent certains habitants du village pour soigner leur maux. Mal de dos, grossesse difficile, ménopause…

… En chantant pour hypnotiser avant d’ouvrir les chairs pour y décrocher le mal. Et lorsque la chose ne suffit pas, lorsque la maladie est trop coriace, le patient rejoint la Terre derrière leur demeure, enterré à demi-vivant, retravaillé par l’humus. Pour une nouvelle chance. Mais la Terre est dangereuse et sournoise et il faut beaucoup de prudence et d’expérience pour guérir et ne pas nuire. Ne pas transformer le malade en quelque chose d’autre, en quelque chose de différent.

Petit à petit, on comprend qu’Ada et son Père ne sont pas humains. Ada se fabrique un sexe après une première tentative infructueuse avec un adolescent de son âge (ou qui semble de son âge, car Ada est bien plus vieille qu’on ne le croit) avant de tomber amoureuse de Samson et de le laisser venir en elle. Mais son père réprouve cet amour. Il ne faut pas être trop familier avec les cures, ce nom improbable qui désigne les êtres humains qu’ils soignent tous les deux à longueur de journée.

Il est difficile de dire à quel point le roman de Sue Rainsford est une plongée radicale dans un fantastique étrange et complètement à part. Le récit d’Ada est régulièrement interrompu par les témoignages des habitants du village à propos de ses guérisseurs inquiétants. Entre terreur et fascination, on avance à tâtons dans le récit, à la fois ému par la solitude et le besoin d’amour évident d’Ada et la nature carrément glaçante de ce duo plus animal qu’humain.

C’est de l’ambiguïté manifeste d’Ada face aux sentiments humains que va naître l’inconfort du récit, donnant cette aura unique et poisseuse à l’histoire offerte ici par Sue Rainsford.



Sous ses dehors de fable macabre, Jusque dans la terre raconte la vie d’une jeune femme qui s’éveille à son corps et à l’amour. Cette découverte rime cependant encore avec étrangeté puisque, comme nous l’avons dit, Ada n’est pas humaine et elle n’arrive pas forcément à comprendre toutes les subtilités des sentiments humains ni les perversions qu’ils peuvent cacher.

Grâce à une maitrise sidérante du non-dit, Sue Rainsford nous offre un autre monstre à visage humain avec Samson. Mais on ne le comprend que pièce par pièce, sous-entendu par sous-entendu. Ada se retrouve ainsi à devenir adulte mais en faisant des choix violents et égoïstes, des choix où la vieille marotte qui veut qu’un homme peut changer au contact d’une femme qui l’aime passionnément va prendre un tout autre sens. L’autrice irlandaise s’amuse à pervertir le sens des choses, à les rendre étrangères même quand elles nous semblent familières.

Les corps enterrés ne sont plus tout à faits morts, les maladies plus tout à fait explicables, les sentiments plus tout à fait humains.

Ada est comme la créature de Frankenstein, sortie du néant, modelée par un démiurge qui est autant un Père qu’une bête sauvage et un geôlier, découvrant le monde par le prisme d’une innocence qui finira rongée, pourrissante.

Jusque dans la terre, c’est aussi un roman de femmes, qui parle des violences qui leur sont faites, des maux qu’elles taisent durant la grossesse ou dans la vieillesse, des traces laissées par le temps et par les hommes. C’est un roman tout en métaphores, un mille-feuilles d’allusions qu’il vous faudra saisir mais avec précaution, au risque, vous aussi, de vous retrouver aspirer par la Terre.

Car c’est certainement la caractéristique la plus étrange du roman de Sue Rainsford, de vouloir lier le corps et la terre, la chair et le tellurique, l’animé et l’inanimé. Comme si l’on pouvait suspendre la vie ou, au contraire, l’éveiller et la transvaser par quelques dons proches de la malédiction.

Du village, Ada et son Père sont autant redoutés qu’aimés. Respectés pour leur talent mais craint pour leur différence. Toujours sur cette fine ligne entre lynchage populaire et reconnaissance éternelle. Difficile pourtant d’en vouloir aux habitants du hameau qui doivent se rendre en lisière de forêt dans cette lugubre demeure où des choses impossibles se déroulent. Où le Père chasse à quatre pattes pendant la tempête et où la fille ramène un bébé pas encore né à la parturiente en plein travail.

Craignez votre sauveur. Craignez la Terre.

Et honorez-les.



Sue Rainsford repousse les limites du fantastique et de l’horreur dans ce premier roman à la fois complètement fascinant et profondément malaisant. Jusque dans la Terre impressionne non seulement par son ton résolument weird mais aussi par la maitrise narrative et stylistique incroyable de sa jeune autrice.

Une expérience, assurément.
Lien : https://justaword.fr/jusque-..
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Jusque dans la terre

Le roman de Sue Rainsford est un triomphe d'imagination et de démystification - un spectacle étrange, tendre, hanté et profondément émouvant, à parts égales de beauté et d'horreur, et différent de tout ce que vous lirez cette année. J'aimerais qu'il en soit autrement, en ma qualité de lecteur, mais c'est sans doute le cas. Peu de livres sont si différents et peuvent le revendiquer haut et fort.



C'est un texte relativement court, débordant de folklore sombre et d'énergie, aux frontières de la fantasy et du roman rural, mais sans jamais se cantonner à un genre en particulier. Les débuts stellaires de Sue Rainsford présentent une héroïne mémorable s'irritant contre son isolement monstrueux ; et cet isolement fait entrevoir des monstres autrement plus concret que ceux qu'on devine plus aisément. Elle excelle à décrire la beauté grotesque d'une forme de médecine alternative dans laquelle les guérisseurs progressent pas à pas, en chantant, dans les corps, les fluides, littéralement, mais sans jamais créer un dégoût qui serait volontaire, dans le but de choquer… bien au contraire, même, en tout cas pour ma part.



C'est un roman subtil et troublant dans lequel le désir est une maladie indéracinable, un texte évocateur qui plie les codes de la fantaisie habituelle dans un univers d'horreur subtile et de corps qui s'ouvrent, pas pour mourir ou être tué mais pour être guéris, voilà où se situe les affres de ce monde effrayant, tangible de tant de monstruosité, mais surtout d'humanité et de guérison.



Et pourtant pas d'effet gore ici, pas de scène trash, pas de litres d'hémoglobine suintante. Comme toutes les meilleures horreurs, c'est un équilibre impressionnant entre une retenue judicieuse et des révélations troublantes : vous ne voulez pas en savoir trop... Toujours singulièrement et entièrement elle-même, c'est une nouvelle pépite dans le catalogue des Éditions Aux Forges de Vulcain.
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Jusque dans la terre

Ada n'est pas une jeune femme comme les autres. Elle est une créature de la Terre, qui a le pouvoir de soigner les gens, et ses dons sont reconnus dans toute la contrée dans laquelle elle vit avec son père : de nombreuses cures - le nom qu'ils donnent aux habitants - viennent en effet les voir pour soigner, contre argent, tous leurs maux, plus ou moins graves, lorsque cela est possible, en des procédés bien incongrus que je vous laisse découvrir. Jusqu'au jour où Ada va faire une rencontre qui va la faire changer, et faire changer sa relation à son père, et aux cures...



Quelle étrangeté que ce roman, tout autant qu'Ada, qui, en de brefs chapitres laissant tant la parole à la protagoniste qu'à ses cures, nous percute de plein fouet de son univers sombre, dérangeant, finalement hypnotisant. Il m'a fallu du temps pour comprendre où voulait m'emmener Sue Rainsford, mais une fois qu'elle m'a prise dans ses filets, impossible de ne pas terminer ma lecture d'une traite.



C'est une expérience difficile à décrire, d'une intensité vraiment particulière, qui nous propose un rapport à la Nature franchement paradoxal, en ce qu'elle est ici tant source de bienfaits que de méfaits - même s'ils sont à relativiser lorsque l'on connaît les raisons des méfaits -.



Une lecture qui m'a soufflée, qui m'a vraiment bousculée, qui fut une riche découverte. Je vais suivre l'actualité de l'autrice de près désormais.
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Jusque dans la terre

Empreinté d'un style captivant et d'une écriture riche, "jusque dans la terre" est un récit horrifique à deux faces, un côté glauque et effrayant doublé d'un fond subtilement doux, empathique.

Ne vous attendez pas à un conte de fée, ici il vous faudra avoir le cœur bien accroché pour apprécier votre lecture au vu des événements qui sont relatés, mais si cela passe, vous embarquez pour une histoire étrange, voluptueuse, mélancolique ou la recherche de l'amour rime avec viscères et où les origines profondes s'accordent avec boue, umus et nature.

Sue Rainsford arrive avec ses mots et son écriture à sublimer l'horreur.

Je reste évasif exprès car le moindre indice en dehors du 4ème de couverture vous enlèverait le plaisir de la découverte de cet étrange récit que j'ai adoré et dévoré.
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Jusque dans la terre

Ada et Père vivent à l'écart des autres villageois, en bord de forêt, et sont guerisseurs. Les « cures », ainsi qu'ils les appellent, viennent soigner leurs maux, de la grossesse difficile à la ménopause en passant par les douleurs d'estomac. Alors, Ada et Père ouvrent les chairs et chantent afin d'extirper la maladie ou le mal. Une méthode bien étrange et terrifiante mais qui a fait ses preuves.



Quand Ada tombe amoureuse de Samson, une « cure », elle est sens dessus-dessous et découvre la montée du désir et le plaisir. Elle se rend compte aussi qu'elle a toujours vécu à l'écart et qu'elle souffre de cette solitude. Mais son père s'oppose à cette relation, il faut se méfier des autres, qui pourraient découvrir leurs secrets.



Un roman qui flirte avec le conte macabre. L'écriture est très singulière et évocatrice. On est dans les peaux et les vicères, on est au plus près des corps et des fluides, dans un mélange de fascination et de répulsion.



J'ai pensé un peu au dernier Cronenberg, « les crimes du futur » qui incise également l'épiderme jusqu'au sang, mais avec moins de sensualité et d'animalité. J'ai aussi pensé à « Mortepeau », le roman de Natalia Garcia Freire qui nous plonge dans cette même atmosphère gothique.



Un livre qui ne peut laisser indifférent. Sue Rainsford, avec ce premier roman, impose sa plume et son style. Etant phobique des limaces, les premières pages m'ont glacé les sangs !



Un roman à découvrir, sorte de métaphore de l'adolescence et qui aborde le sujet du corps des femmes. Une lecture qui bouscule et met mal à l'aise mais qui

sait émouvoir aussi.
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Jusque dans la terre

Pour poursuivre ma plongée en sorcellerie, j'ai choisi d'orienter ma chronique de ce roman en adoptant ce point de vue, alors même qu'il ne s'agit pas d'un livre de sorcière.

Dans un contexte de littérature fantastique, il s'agit davantage de suivre l’évolution d’une créature féminine aux prises avec son entourage et sa nature même. Ada est une creature composée de terre, de graines et de branchages , créée par son père qui avait besoin d'aide pour ses tâches de guérisseur.

Sue Rainsford a déclaré avoir beaucoup lu Simone de Beauvoir. On peut imaginer qu'elle a souhaiter créer une une femme qui n'est pas née femme mais a choisi de le devenir. En effet, si son père lui a assigné un genre en lui donnant un prénom féminin, elle n'est pas censée éprouver des sentiments ou des désirs humains. Et un obstacle, physiologique celui-là, l'empêche d'expérimenter sa féminité dans son corps.

" La première fois que j’ai voulu coucher avec un garçon, je ne savais pas du tout ce que je faisais. J’étais par terre, il s’est allongé sur moi et je l’ai serré très fort dans mes bras. Il a voulu la mettre en moi, mais il n’y avait nulle part où aller, il a eu peur et il m’a mordue. (...). Mais je ressentais une sorte de manque languissant – ce que les cures appellent, je le sais maintenant, le désir, ou la lubricité.

Enfin, je me suis créé une ouverture, à laquelle j’ai ensuite donné une bonne douzaine de noms différents, et j’ai pu accueillir Samson en moi. Il fallait pour cela que le désir soit assez fort, et quand ç’a été le cas, il est apparu ".



Ada crée elle-même son corps de femme, non seulement en ouvrant une fente dans sa chair mais en la nommant de différentes manières pour l'ancrer dans une réalité concrète. C'est par son désir et par sa détermination qu'elle valide une identité qui n'était que surface.

Cette opération de magie, conforme à la réputation de magicienne - guérisseuse - sorcière d'Ada, augmentée par une sensualité affirmée et par une sexualité toute neuve, a pour conséquence de la faire basculer dans la catégorie sorcière.

" Personne n’était au courant, pour Samson et moi. Nous avions tous les deux été très prudents, parce que nous savions que notre relation pourrait fâcher certaines cures.

Il y en avait qui voudraient me faire monter sur un bûcher, si elles venaient à l’apprendre. Il y en avait qui seraient jalouses, qui affirmeraient que je lui avais forcément donné un philtre pour l’obliger à coucher avec moi – ou que je lui offrais une forme de guérison plus puissante, plus efficace."



Sue Rainsford habille ses femmes de métaphores. Elle parle de la construction d'une identité de femme, du corps, de la chair, du désir et du sexe. Mais aussi, lorsqu'elle ouvre les corps des femmes-cures, de subir le fait d’être une femme dans la grossesse ou dans la ménopause. Le corps des femmes suit un cycle de vie naturel, avec des fluides, des sécrétions et une maturation qui ne devraient pas être connotés négativement.

En toute connaissance de cause, Ada choisit d'être une sorcière, de vivre son désir sans complexes, même si elle doit pour cela commettre l'irréparable.





"



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Jusque dans la terre

Etrange roman que voilà. L’ambiance y est étouffante, terreuse, humide, poisseuse. J’ai beaucoup aimé cette atmosphère teintée de magie, reliée à la Terre. On ne sait pas trop si Ada est humaine; en fait on ne sait pas trop ce qu’elle est. Elle entretient des liens très étroits et corporels avec son environnement. Elle est un peu magicienne, comme son père. Les habitants qu’ils soignent, les cures, ont des maux étranges, et les soins qu’ils reçoivent sont tout aussi étranges.



Sachez ainsi qu’on plonge dans les entrailles de chacun et de chacune assez régulièrement. On est dans un body horror assez doux, paradoxalement. Ce n’est jamais trop hard, ni too much, cela ne choque jamais vraiment. C’est corporel, organique, viscéral, au sens premier du terme. J’ai aimé le contraste offert par l’écriture et le point de vue d’Ada : la plume est à son image, un peu planante, écorchée, naïve. Les décors sont minimalistes, assez bruts. C’est cohérent, mais de ce fait l’immersion est courte, d’autant que le livre n’est pas très long. La construction du roman est intéressante, car plusieurs témoignages de cures parsèment le récit d’Ada, comme pour apporter un éclairage supplémentaire sur ce qu’il se déroule. Chaque témoignage fait d’ailleurs bien ressentir le parler propre à chaque personnage qui s’exprime.



Et tout ça pour dire quoi ? Jusque dans la terre est une histoire d’amour. Enfin, amour. C’est surtout une histoire de désir sauvage, de sensualité, de corps. Et puis surtout, c’est une histoire somme toute très humaine qui nous est racontée. Le final est surprenant, car magie ou pas, le fond des récits est souvent bassement terre à terre… Et finalement, le plus dérangeant et malaisant réside là, dans ces dernières pages.



Si cela est réussi, je regrette néanmoins un propos assez court et pas suffisamment féroce pour moi. On passe le temps du bouquin plongé dans les entrailles des uns et des autres, mais selon moi ce roman ne va pas assez loin, ne prend pas suffisamment aux tripes pour laisser une marque pérenne dans l’esprit. C’est un peu dommage.
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Jusque dans la terre

"Follow me to the ground" selon son titre original que je trouve plus saisissant, le premier roman d'une autrice irlandaise. Nous adoptons le point de vue d'une fille et de son père, des êtres fantastiques nés de la forêt, qui soignent les villageois voisins grâce à une parcelle de terre aux propriétés fabuleuses. Pourtant, il ne s'agit pas de fantasy, plutôt de réalisme magique, ou même d'un fantastique à tendance horrifique et morbide. Car chaque patient est "ouvert", sa cage thoracique explorée et purgée du mal, puis enterré un certain temps, afin de soigner diverses maladies, de sauver des femmes enceintes ou des accidentés. Des opérations à la fois douces et horribles, qui peuvent soulever le cœur des lecteurs sensibles. L'harmonie entre les soigneurs et les villageois repose sur un équilibre précaire. Bientôt, un amour interdit, ou plutôt un érotisme bizarre, va le briser. L'écriture est simple et poétique, en accord avec la nature, tout en soulignant ce qui nous lie à la terre. Une œuvre proche du conte, qui n'hésitera pas à déranger, explorant les thèmes de la maternité et de la différence, et dont on retiendra l'étrange beauté.
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Jusque dans la terre

Jusque dans la terre est le premier roman de l’Irlandaise Sue Rainsford. J’ai été fascinée par ce texte. Poétique et sombre, un réalisme magique un brin gothique à tendance horrifique, un conte féministe. J’ai aimé son équilibre et sa subtilité, tout en volutes et nuances – parfois malaisant, mais toujours suintant d’une forme de tendresse.



La plume de Sue Rainsford m’a emportée dès le premier paragraphe :



« Les étés, par ici, sont faits de longues herbes négligées, d’une uniforme lumière citron, de chaleur qui cuit la terre et qui fait vibrer l’air. Les ombres sont si noires, si profondes qu’elles semblent aussi solides, aussi vivantes que les corps qui les projettent.

Par ici, l’été, même les matins, quand je me lève, je laisse la chaude confusion de mes draps pour aller dehors, sur les pavés de la cour, et j’examine la grille de la bouche d’évacuation.

Entaille, petit trou, petit ravin.

Même par ce temps, une moiteur secrète y scintille.

Moi, elle me fait peur.

Cette canalisation. »



Ada et son père vivent en marge de la société, non loin d’un village – ni nommé ni situé. Ils soignent les gens – qu’entre eux ils appellent simplement « les Cures » –, en utilisant de bien étranges méthodes. Racontées d’un verbe moins inspiré, moins naturel, elles m’auraient glacée. Mais là, bon, et bien ma foi : cela fonctionne. Depuis aussi loin que le plus vieux d’entre les Cures s’en souvienne, la jeune mademoiselle Ada et Père ont toujours été là, pour les soigner et enlever leurs maux. L’opinion publique oscille entre vénération, frayeur et répulsion.



Mademoiselle Ada et Père, présences thaumaturges, prolongements ou incarnations d’une Terre imprévisible, cruelle et guérisseuse. La Terre, que Sue Rainsford convoque ici comme un personnage à part entière, et majuscule. L’écoulement des jours semble immuable : les Cures passent, Ada et son père guérissent. Mais Ada germe et se questionne. Et lorsqu’elle rencontre Samson, un jeune homme venu se faire soigner, elle va remettre en cause ce que tous attendent d’elle.



« Enfin, je me suis créé une ouverture, à laquelle j’ai ensuite donné une bonne douzaine de noms différents, et j’ai pu accueillir Samson en moi. Il fallait pour cela que le désir soit assez fort, et quand ç’a été le cas, il est apparu :

mon gant

mon plissement

mon sac »



Au-delà de son évidente étrangeté, Jusque dans la Terre se révèle alors récit d’émancipation, et de désir. Cette lecture est un voyage marquant, et surprenant jusqu’à la fin.



Quel talent pour un premier roman ! Je viens de rajouter Sue Rainsford à ma liste d’auteurs à suivre (et je me demande si Sue Rainsford et Max Porter (La douleur porte un costume de plumes & Lanny) ne partageraient pas un souffle poétique similaire, un rapport à la Terre remarquable et incarné.
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Jusque dans la terre

Retour à la terre.



Père et sa fille Ada, deux êtres à part, vivent à l'écart d'un village dont ils soignent les habitants – les cures – de leurs maux, même les plus terribles.

Ils les soignent en les ouvrant pour en retirer leurs affections, ou en les plongeant dans la Terre qui se chargera des les changer.

Ces visites chez eux rythment leur quotidien, bientôt bouleversé. Car Ada est amoureuse d'une cure, et rien ne sera plus pareil.



Mais qu'est-ce que j'ai lu, bon sang ?!



Des tranches de vie d'un quotidien des plus particuliers, fait de soins étranges prodigués aux cures qui viennent leur rendre visite, de l'attente entre deux patient·e·s, et désormais pour Ada de ses rendez-vous secrets avec Samson ; entrecoupées de témoignages des villageois sur leurs rapport à Père et sa fille.

Car iels leur inspirent crainte, fascination et respect mêlé·e·s. De par leurs dons, car iels ouvrent les corps pour en extraire la maladie comme iels ouvrent la Terre pour y déposer les cures trop atteint·e·s pour la laisser les guérir et les transformer. On revisite la figure de la sorcière, des guérisseureuses, lié·e·s à la terre. Mais aussi de par leur nature : lui massif et sauvage, ours-garou, elle sorte d'enfant-golem née de la Terre, personnages hors-normes toujours aussi mystérieux·euse après pourtant des générations à officier là, sans sembler changer.



Sauf que...

Ada, elle, change bel et bien. Secrètement. À travers l'histoire d'un premier amour – dont on devine pourtant quelque chose de vicié, on se doute vite des profondeurs obscures, de la pourriture qui s'y tapie –, Ada va entrer en rupture avec tout ce qui faisait son quotidien.

Car c'est un récit d'émancipation auquel on assiste. S'émanciper de la figure paternelle, quasi démiurgique, s'émanciper de son ancien soi dont elle remodèle le corps afin de vivre ses premiers émois, s'émanciper de sa solitude par une envie d'autre(s) dans un univers clos dont elle n'a jamais connu rien d'autre...



Une ambiance étrange plane sur tout le roman, dans ce décor rural plein de folklore. On flirte parfois avec le body-horror, le folk-horror. Les sensations organiques palpitent en nous dans un rouge poisseux, on sent la terre maculer nos peaux, la changer.

Pourtant le texte déjà court se fait très élusif, ne livre ni détail ni développement ni explication ; il entretient un certain flou où n'affleurent que les mystères et l'étrangeté.

S'il avait le potentiel pour être un texte incroyable et marquant, le roman ne m'aura laissé que des souvenirs évanescents.



Désormais en moi, enseveli sous ma Terre, il débute sa lente transformation. Qui sait quelle forme il prendra quand il en émergera ?
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Jusque dans la terre

Ada et Père vivent en bordure de forêt, suffisamment loin pour cultiver le mystère (et les ragots) mais suffisamment près pour accueillir nombre de “cures” : des gens à soigner. Ils sont guérisseurs et excellent dans leur art. Chants, ouverture “mystique” du corps, visions, enterrement des patients dans la Terre guérisseuse. Ils font peur comme ils fascinent et surtout Samson, attiré par Ada de qui elle tombe follement amoureuse.



Un ami m'a fait part de sa déception et limite de son dégoût pour ce roman qu'il n'a pu terminé et que j'ai tant aimé. de mon côté, ni malaise, ni horreur. J'ai plus ressenti le côté lugubre ou sinistre de la Nature, de la Terre comme tout naturel : la nature nous apporte la vie puis la mort, toute chose vivante meurt, c'est comme ça. Cette vision de la Terre qui absorbe tout, la maladie, la pourriture, qui transforme, rend la vie, mais qui reste dangereuse, m'a parue si juste et si en adéquation avec la réalité. Pas vraiment d'horreur car il n'y a pour moi aucune violence gratuite et pas de sang ni de massacre ou de créatures à mille dents tapies dans l'ombre. Certes, l'ambiance est lourde mais ça ne m'a pas déplu du tout, bien au contraire. J'ai même trouvé une forme de pureté mélangée à de la tristesse : ces créatures issues de la nature, qui imitent l'humain et qui les soignent de façon extraordinaire et qui voudraient, tout du moins pour Ada, ressembler, ressentir comme ces humains qu'ils soignent. Les pires des êtres ne sont pas ceux auxquels on pense, comme souvent! Alors c'est peut être ce caractère étrange, cette différence qui rend mal à l'aise et qui fascine tout en dégoutant les cures qui fait que ce roman peut déplaire mais tout cela a résonné à l'unisson avec mon être. Oui, je peux avoir un côté mystique aussi.



En plus de l'histoire et des personnages qui m'ont touchée, j'ai beaucoup apprécié la façon de conter de Sue Rainford. Il y a zéro contexte à part la forêt et la Terre. On ne sait pas où ni vraiment quand. Mais peu d'importance. Les non dit nous laissent aussi combler ce qu'on s'imagine être. L'histoire, du point de vue d'Ada, est entrecoupée de témoignages de cures ou d'habitants sur Ada et son Père, ce qui donne des éclairages parfois intéressants. Et l'histoire ne se limite pas à la trame principale mais va aussi explorer le rapport de la Femme à l'autre, à la société : comment est traité le corps de la femme enceinte, de la femme ménopausée, la solitude, la femme-objet, la mère qui passe avant la femme…



Un coup de coeur, un coup de foudre pour cette histoire fantastique, mystique, magique…cela faisait longtemps que je n'avais pas lu si vite un roman si prenant.

Prix : Imaginales - Roman étranger 2023. Je ne suis pas forcément attirée par les prix mais là, je suis conquise.

Je suis toute chamboulée par ce voyage étrange et je ne manquerai pas de me pencher sur la production littéraire de Sue Rainsford s'il y a.

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Jusque dans la terre

Premier roman de Sue Rainsford aussi bizarre qu’étrange, ce qui n’est pas pour me déplaire.

À mi-chemin entre le réalisme magique, le merveilleux et le folk & body horror, ce roman ne peut laisser indifférent. Il faut accepter de se laisser embarquer dans ce conte monstrueux d’un nouveau genre pour complètement apprécier le récit.



Ici, on suit Ada et son père, des marginaux car considérés comme sorciers. Dans le village à la chaleur étouffante et à l’ambiance moite dans lequel ils vivent, Ada et son père soignent les habitants - les « cures » comme ils les appellent - avec des méthodes bien à eux : en ouvrant les corps des souffrants pour ôter leurs maux avec leurs mains et en les enterrant parfois dans leur jardin, une petite parcelle de terrain dont la terre peut « réparer ». Après tout, ce duo original vient de la terre (littéralement !)…



Roman envoûtant et fascinant, conte horrifique et poétique, « Jusque dans la terre » raconte la passion amoureuse et le désir d’émancipation sur fond de brutalité animale et de métaphores organiques et végétales.

Déroutant, ensorcelant, mais carton plein pour moi !

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Jusque dans la terre

Rarement lu quelque chose d’aussi étrange, aussi envoûtant.

Un roman fantastique, dans tous les sens du terme, merveilleusement écrit - et d’ailleurs non moins merveilleusement traduit, avec pléthore de notations poétiques, de métaphores indéchiffrables (sur l’odeur de l’eau, le toucher d’une limace…).

Quel étrange roman, en effet, que celui-ci. Où le danger est partout: sous l’herbe roussie d’une pelouse-cannibale, à la fois rédemptrice, régénératrice, et néanmoins profondément mauvaise.

Dans ce duo père-fille de guérisseurs aux pouvoirs supra-naturels; créatures plus qu’hybrides, inquiétantes, et qui pourtant n’ont rien de maléfique. Mises au service de l’humanité souffrante (Par qui? Pourquoi?) . Dont le «travail « est de soulager la douleur, mais qui ne sont en rien des sorciers, en tout cas pas au sens banalement péjoratif du terme.

Danger, surtout, dans la survenue du désir féminin, ou tout simplement le besoin d’amour, avec la cohorte de transgressions qui peuvent l’accompagner.



Évidemment, le livre reposé, on peut se poser la question : dans cette réinvention du genre fantastique, le récit ne pourrait-il pas se lire comme une fabuleuse reconstruction autour de la révélation d’un inceste problématique? [[ non, non, non, il ne s’agit pas ici d’une relation père/ fille. Mais admettons que je n’aie rien dit…]].



Mais au diable les lectures rationnelles, asséchantes! De ce magnifique roman je ne veux retenir que son atmosphère vénéneuse: cette méchante pelouse qui « rote » , après qu’on lui a jeté un petit bout d’organe malade; ces « en-terrements » dont les souffrants , après un petit laps de temps, émergent régénérés, guéris; et la re-naissance annoncée d’un ancien amoureux, enseveli sous la pelouse pour qu’il s’y métamorphose.

Quand bien même ce serait en monstre, en créature chthonienne incontrôlable.

Un Frankenstein sans la science, que le récit nous laisse entrevoir, mais sans rien nous en dire.
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Jusque dans la terre

Premier roman de l’autrice et critique d’art irlandaise Sue Rainsford, Jusque dans la Terre faisait partie de la rentrée littéraire 2022 des Forges de Vulcain. Serait-ce une énième histoire de sorcière recluse aux marges ? Assurément pas.



Ada et son père vivent à l’écart du monde, à une époque non précisément définie, mais qu’on imagine dans une rurale première moitié de XXe siècle. On les craint autant qu’on les nécessite. On les évite autant qu’on les sollicite. Car Ada et son père guérissent les maladies. À leur manière aussi douce que brutale, si besoin avec le concours de la Terre. C’est d’ailleurs de là que vient Ada – dont le prénom et la provenance rappellent qu’adam signifie aussi « terre » en hébreu.



Le Père, qui n’est jamais autrement nommé, ne quitte jamais la maison, dit-on. Et il aimerait bien que sa fille en fasse autant. Qu’elle se concentre sur leur mission. Malgré son grand âge, elle a toujours l’apparence d’une jeune femme, son corps n’étant pas soumis à la même réglementation biologique que nous autres. Ainsi donc, un jour, se présentent des problématiques nouvelles pour le binôme, liées à ce qui pourrait sembler attendu d’une personne de sa génération.



Cet étrange duo, qui s’installait sans dépareiller dans le village des Saisons de Maurice Pons, dévoile ses talents autant que ses liens au fil des pages et des interventions auprès de leurs visiteurs. Les chapitres sont entrecoupés, façon documentaire, de témoignages de leurs patients, reflétant bien les divers dégradés de crainte ou de malaise inspirés par Ada et son père, et faisant en creux avancer l’histoire.



Une histoire, justement, un univers, que n’aurait pas reniés Claude Seignolle. Mais ici la gouaille du fameux folkloriste est remplacée par la plume épurée et mystérieuse, sautant dans le temps comme dans un jeu, de Sue Rainsford, qui signe une entrée remarquable sur la scène de nos genres. Du body horror qui tache tendrement, cadre de cette improbable relation fille-père.



Une lecture douce comme un sourire sincère, les mains plongées dans nos entrailles. Pour notre bien.



Critique parue dans Bifrost 109
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Jusque dans la terre

La formidable poésie tellurique d’une sorcellerie du soin, résolument autre – et de la perturbation radicale qu’y introduit le désir. Un grand roman surprenant.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/12/17/note-de-lecture-jusque-dans-la-terre-sue-rainsford/



Elle vit avec son père dans une maisonnette un peu à l’écart du village, à la lisière de la forêt. Tranquillement, tout en conduisant ses expériences très personnelles d’adolescente et de jeune femme, elle apprend ce qui leur tient lieu de métier semi-officiel, ici : soulager les maux des villageois, simples humains que son père comme elle appellent, dans ce contexte, des « cures ». Ni lui ni elle ne sont humains. Créatures fantastiques vivant presque benoîtement à la frontière d’une nature tellurique et secrète qu’ils savent maîtriser occasionnellement, ils vivent plutôt bien leur puissance potentiellement si dangereuse, puissance tolérée par les villageois pour ses bienfaits, d’autant plus qu’elle demeure largement dissimulée. Jusqu’à ce que la découverte de l’amour – ou de quelque chose qui s’en approche discrètement – vienne chahuter cette organisation rationnelle d’un travail ô combien irrationnel…



Publié en 2019, traduit en français en 2022 par Francis Guévremont chez Aux Forges de Vulcain, le premier roman de l’Irlandaise Sue Rainsford s’inscrit d’emblée parmi ces relativement rares coups de tonnerre dont on se demande soudainement comment la littérature avait pu patienter sans eux jusqu’ici. Superbe « collision d’horreur, de féminisme et de folklore » pour Justine Jordan dans The Guardian (à lire ici), incroyable transformation « d’une amourette adolescente en tout autre chose » pour Molly Dektar dans The New York Times (à lire ici), distillant une « poésie de l’horreur sachant éviter le gore qui lui confère déjà une voix bien particulière » pour René-Marc Dolhen dans Noosfère (à lire ici), déployant « une prose tellurique et hypnotique » pour Ann Dunne dans The Independent Dublin (à lire ici), une plongée « dans une forme de roman initiatique empruntant autant à la mystique et la philosophie qu’à la body horror ou aux quêtes d’identité de genre et d’émancipation » pour Teddy Lonjean dans Un dernier livre avant la fin du monde (à lire ici) : « Jusque dans la terre » est tout cela, et pas mal d’autres choses encore, et ce n’est pas le moindre de ses mérites que d’offrir ainsi une étrangeté radicale et pourtant dégustable et interprétable.



Il faut peut-être que je remonte aux chamanes clochards à faces multiples, créés par Scott Baker dans sa fabuleuse nouvelle « Variqueux sont les ténias » de 1989 (reprise en recueil dans « Nouvelle recette pour canard au sang », dont on espère toujours autant une réédition française, un jour), pour me souvenir d’avoir éprouvé un tel frisson à la fois physique et intellectuel, lorsqu’il se passe quelque chose de radicalement différent au niveau de la perception du corps, de son rapport à la nature et à l’environnement apparent, et de ce que cela signifie potentiellement en termes de vivre-ensemble et de politique. Bien sûr, le travail indiciel d’un Carlo Ginzburg autour des pratiques de sorcellerie, de mise à l’écart, de ritualisation et de retournement punitif au Moyen-Âge et à la Renaissance (telles qu’il les analyse notamment dans son « Sabbat des sorcières » de 1989) ne sont pas si loin d’ici, mais Sue Rainsford les propulse au cœur d’un fort impressionnant concassage charnel, osseux et lymphatique, dans la boue et dans l’humus, et dans une fabuleuse confusion des sentiments et du désir. Un grand roman, monstrueusement surprenant, indéniablement.


Lien : https://charybde2.wordpress...
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Jusque dans la terre

Jusque dans la terre est le premier roman de Sue Rainsford. L’autrice met en scène deux personnages de guérisseurs non humains, Ada, narratrice autodiégétique, et son père, qui vivent en marge d’une ville dont ils soignent les habitants, qu’ils appellent les cures. Leurs méthodes de soin, qui consistent à ouvrir les patients grâce à leurs capacités surnaturelles ou les enterrer dans leur jardin pour que la Terre les guérisse, font entrer le roman dans le champ de la Weird Fiction et les coupent de l’espèce humaine. Ils ne la comprennent que difficilement, ce qui est réciproque. Les deux personnages apparaissent alors comme des marginaux étranges mais utiles, ce que va ébranler une relation amoureuse entre Ada et Samson, un humain qu’elle tente de sauver.



J’ai beaucoup apprécié ce roman pour les rituels et les personnages étranges qu’il décrit, et je vous le recommande !

Chronique complète et détaillée sur le blog.
Lien : https://leschroniquesduchron..
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Jusque dans la terre

Je découvre avec plaisir ce titre des éditions auxforgesdevulcain. Ce roman m’a tout de suite attiré d’une part car sa couverture est magnifique et d’autre part car il relate l’histoire d’un ours-garou et de sa fille s’improvisant « médecins » de village. J’en ressors à la fois captivé mais également un peu frustré par une fin de roman ouverte.



Il comporte cependant énormément de bons points:



- J’ai trouvé l’histoire en elle-même très originale. Elle expose le quotidien d’Ada et de son père soignant de manière plutôt spéciale les gens du village (qui acceptent sans hésiter cela). Mais c’est aussi l’occasion de mettre en avant la découverte de l’amour, de ses plaisirs du point de vue féminin d’Ada. Tout est amené en finesse petit à petit par l’autrice qui évoquera les relations complexes qu’Ada aura avec son père et la sœur de Samson (son amour). Comme je l’ai mentionné, la fin (plutôt ouverte) ravira certains lecteurs et pourra poser quelques problèmes à d’autres. J’avoue, j’aurais aimé avoir plus de précisions sur la suite des événements et j’en ressors avec un peu de frustration.



- J’ai énormément apprécié la plume de l’autrice et la structure du texte. J’ai littéralement dévoré les 200 pages du livre en une journée. L’univers est fantastique et très sombre et entraîne en permanence un certain malaise de la part du lecteur (sans qu’il sache vraiment d’où il peut provenir exactement). L’alternance des chapitres où l’histoire avance et de courts passages, dans lesquels des patients relatent certains événements, permet de garde cette ambiance gênante et de dynamiser la lecture (vite, vite je veux savoir la suite).



- Les personnages sont très bien décrits et contribuent à cette ambiance particulière. On retiendra bien entendu Ada qui est au centre de l’histoire. J’ai adoré ce personnage car on n’arrive pas particulièrement à le situer du bon ou du mauvais côté. Le lecteur aura envie de la plaindre de ne pouvoir vivre son amour librement en début de roman mais changera probablement d’avis en cours de route. Son père (l’ours-garou médecin tirant ses pouvoirs de la Terre), son bien-aimé Samson et sa sœur ne déméritent pas non plus et restent finalement assez complexes et difficiles à cerner.



Je repars ainsi avec une très belle lecture portée par une autrice talentueuse. Sue Rainsford réussit à immerger son lecteur dans une histoire fantastique et originale enveloppée dans un sentiment de malaise permanent. Je vous la recommande vivement.
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Jusque dans la terre

Naître de la Terre tel un golem sans jamais vieillir, et guérir les maux des humains grâce à cette même mère. Celle-là même qui soigne, transforme, remodèle et fait bien ce qu'elle veut. Voilà à quoi se résume l'existence d'Ada et de son père. Ada qui s'humanise pourtant, s'interroge, et cherche l'émancipation jusqu'à s'attacher à Samson. Un Samson qui a ses propres secrets et démons.



Un roman étrange dans une atmosphère oppressante, poisseuse, organique, qui aborde beaucoup de sujets sensibles et tragiques. J'ai été immergée dans un univers évoquant le vaudou, et la conclusion a confirmé cette impression.



Exploration des thèmes de la nature, de la transformation, de la quête de soi jusqu'aux extrêmes, mais également des relations toxiques pouvant devenir de véritables prisons émotionnelles jusqu'au cycle destructeur, le tout dans un contexte riche en symbolisme et en ambiance.



Une fois de plus, je demeure indécise quant à mon appréciation de ce livre qui, cependant, se distingue suffisamment pour me pousser à suivre les futurs écrits de cette autrice.



Lu dans le cadre du pumpkin autumn challenge 2023 dans la catégorie automne douceur de vivre - La dame chouette des îles bouillantes - mots-clefs : sorcière, magie, malédiction.
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