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Critiques de Susan Sontag (30)
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Renaître : Journaux et carnets (1947-1963)

«Ce qui m'intéresse, c'est d'exprimer, et non d'illustrer mes émotions»

(Jackson Pollock)



Il m'est rarement arrivé de lire des journaux et des carnets personnels - la plupart du temps d'ailleurs de manière plutôt ciblée, sans les parcourir dans leur intégralité. Je préfère en la matière, de loin, la lecture d'essais autobiographiques ou de chroniques intimistes.



J'ai d'une part -peut-être à tort- le sentiment que c'est un genre inabouti, déstructuré et trop ramassé, réservé en principe aux chercheurs ou autres curieux et studieux de la genèse de l'oeuvre d'un auteur.

Aussi, que la somme d'une vie, peu importe laquelle, résulterait la plupart du temps, au niveau d'un quotidien purement évènementiel, en quelque chose d'une grande banalité sur le plan littéraire. Quel intérêt de lire des choses comme «tel jour à telle heure dîner avec les X», «migraine toute la matinée», ou « penser à trouver un restaurant kasher pour Grand-père », etc., parfois des pages d'affilée, avant de tomber sur une réflexion plus intéressante ou un passage un peu plus introspectif et construit, gracieux ou touchant ?

Enfin, il y a la sensation un peu fâcheuse de se voir par moment transformé malgré soi en une sorte de voyeur qui, tournant donc des pages et des pages farcies de broutilles sans grand intérêt, s'attendrait au moins à tomber de temps en temps sur quelque chose de plus croustillant à se mettre sous la dent, pourquoi pas quelques révélations intimes, petites misères personnelles ou vices plus ou moins coupables, avec ou sans les mea culpa d'usage (saviez-vous que Susan Sontag n'aimait pas trop se doucher?), ou bien des passages transpirant entre les lignes cette mauvaise foi qui nous réunit tous en une seule grande communauté humaine lorsqu'il s'agit de justifier nos actes à nos propres yeux ? Même la dévotion que l'on voue à certains personnages publics, n'est-ce pas, peut parfois être non-dépourvue d'une certaine ambivalence...



Mais pourquoi alors ai-je acheté ce livre ?



Si vous voulez des détails (sinon, sautez ce paragraphe), voici, ci-après, un extrait provenant de mes propres carnets personnels :



06/05/23

Après-midi au Faouët avec A. Déjeuner au restaurant, puis café (+ des cookies à l'épeautre absolument délicieux, les meilleurs que j'ai jamais mangés !) dans un endroit tout à fait insoupçonné pour moi, ici, au fin fond de la Bretagne-centre rurale : une librairie-café («Le Temps de Vivre») !! Lieu très agréable, accueil très chaleureux.

De là où je suis assis à siroter mon café, le regard à la fois mélancolique et magnétique de Susan Sontag (dont j'ai lu et beaucoup aimé «Les Amants du Volcan» il y a un mois ou deux) sur la couverture d'un livre exposé sur une table à proximité, paraît me dévisager avec insistance, comme s'il s'adressait à moi en particulier. Sans me poser de questions, charmé à la fois par le lieu et par cette parenthèse enchantée, je l'ai acheté en partant. Il s'agit du premier volume d'extraits de ses journaux et carnets, «Renaître - 1947-1963», publiés à titre posthume par son fils, David Rieff, quatre ans après la mort de l'auteure (j'apprends que Sontag est morte le 28/12/2004 : bien sûr je ne pourrai jamais l'oublier, c'est le jour où L. est né)



. . .



Qu'en est-il alors, une fois mes pénates regagnés et lecture ayant été faite?



À la différence peut-être des miens, ces carnets ne semblent pas avoir été écrits pour être lus par d'autres, excepté, nous dit Susan Sontag, de «manière furtive» par «les gens, comme les parents ou les amants, à propos desquels on n'a été cruellement honnête que dans le journal». Ce serait même, de son point de vue, l'une des principales «fonctions sociales» de tous carnets intimes..!



Dans tous les cas, l'on peut d'emblée retenir leur grande et intransigeante honnêteté, personnelle et intellectuelle.



Sontag n'écrivant donc que par besoin personnel et pour elle-même, cela ne va pas non plus sans qu'un certain nombre d'entrées restent hermétiques et/ou imperméables à une compréhension claire par un lecteur extérieur. Certaines sont très parcellaires, sommaires, fort elliptiques, parfois laissées à l'état brut, incomplètes.

Le titre choisi par son fils, «Renaître», s'accorde en tout cas parfaitement à l'ensemble : il s'agit avant tout ici, selon les propres termes de la jeune Susan, de «se créer elle-même».



« Pourquoi l'écriture est-elle importante ? Principalement par égotisme, parce que je veux être ce personnage, un écrivain, et non parce qu'il y a quelque chose que je dois dire. Et pourtant, pourquoi pas pour cela aussi ? Avec un peu de renforcement de l'ego -comme le fait accompli qu'offre ce journal- je parviendrais à être sûre que j'ai (moi) quelque chose à dire, qui devrait être dit » (31/12/57)



Et comment !! Initié à l'âge de 13/14 ans, ce journal surprendra le lecteur dès ses premières pages par la détermination de l'adolescente à nourrir, notamment par des lectures de choix (parmi lesquelles l'on peut citer Gide, Rilke, Tolstoï ou encore «La Montagne Magique» de Thomas Mann...), un désir ambitieux de réfléchir et de s'exprimer sur des questions de fond, sur le sens de la vie et de l'art. Avec un talent et une fulgurance quelquefois absolument incroyables pour l'âge !



C'est ainsi, par exemple, que, le 13/12/49, à 15 ans, elle écrivait :



«La moralité structure l'expérience, et non l'inverse. Je suis mon histoire, et pourtant dans mon désir moral de comprendre mon passé, d'être pleinement consciente de moi-même, je deviens précisément ce que mon histoire démontre que je ne suis pas – libre» (!!)



« Renaître » par l'écriture implique cependant de réussir à s'aimer : pour pouvoir écrire, l'écrivain doit «être amoureux de lui-même » ; pour sortir de la «paresse d'écrire», il lui faut «le désirer physiquement». Deux questions, l'estime de soi et le désir physique, qui semblent avoir été problématiques, cruciales, pour la jeune femme et écrivaine en devenir, depuis la découverte à l'adolescence de son attirance pour les femmes, son mariage intempestif à 17 ans avec le sociologue et critique culturel Philip Rieff, ou encore la maternité, puis surtout dans ses grandes histoires d'amour inapaisées et parfois orageuses avec des femmes de la part de qui elle attendra un amour fusionnel et systématiquement frustré, H. d'abord, I. ensuite.

«Mon amour veut l'incorporer totalement, la manger. Mon amour est égoïste », écrit-elle à 26 ans, à propos de I. (la metteuse-en-scène et dramaturge Maria Irene Fornés, rencontrée à Paris). C'est avec beaucoup de lucidité qu'on la voit, dans ces pages, à travers parfois quelques notes lapidaires épingler ses comportements d'extrême dépendance amoureuse, ses compromissions et réactions paradoxales («chaque douleur sait comment trouver son plaisir !») ou ce qu'elle identifiera en elle comme relevant de cette notion de "mauvaise foi" sartrienne et s'amusera à analyser comme un personnage à part, sorte de double qu'elle baptisera «X».

Personnalité complexe, Sontag est touchante dans ses efforts de jeune adulte qui essaie, parfois en vain, de réunifier ou, au mieux, de concilier des aspects contradictoires de sa personnalité, montrant en même temps une grande finesse, à la fois intellectuelle et émotionnelle, et une grande détermination dans les combats qui lui tiennent à coeur, contre la bêtise et les idées reçues, mais aussi contre elle-même et sa fragilité intrinsèque.



À travers ces notes et impressions à l'aspect souvent inachevé, discontinu ou fragmentaire, au lecteur d'accepter -ou pas- de se livrer à un travail proche de celui de l'apprenti-archéologue sur le terrain, travail minutieux de tri, de séparation entre ces scories du quotidien auxquelles nous nous accrochons tous par moment afin d'avoir le sentiment d'exister -listes de courses existentielles à date rapprochée de péremption, de voeux pieux («me laver tous les jours» revient souvent ici !) qu'on ne suivra forcément pas, de livres qu'on finira par ne pas lire, de films vus, de sorties et de dîners mondains... - et ces vrais précieux tessons de céramique qui s'y retrouvent disséminés par endroits (et dont j'ai essayé de vous proposer un bref échantillon) permettant, lorsque on les assemble, de voir émerger dans tout son éclat la pensée originale de Susan Sontag.



Une pensée qu'on voit ici sourdre et s'écrire, par pure nécessité, se défiant dès ses tout premiers jets des faux-semblants ou de toute autre forme d'auto-complaisance :



«L'esprit est une putain.

Mes lectures visent à rassembler, à accumuler, à stocker pour l'avenir, à combler le trou du présent. La sexualité et la nourriture sont deux mouvements entièrement différents -des plaisirs en soi pour le présent- ils ne servent pas le passé + l'avenir. Je ne leur demande rien, pas même le souvenir.

La mémoire est le test. Ce dont on veut se souvenir -tandis qu'on se trouve encore dans l'acte de l'expérience- est corrompu.

L'écriture est un autre mouvement, libre de ces restrictions. Une décharge. Payer la dette à la mémoire.»



. . .







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Devant la douleur des autres

«  Ces morts sont suprêmement indifférents aux vivants : à ceux qui leur ont pris leur vie, leurs témoins- à nous-mêmes.

Pourquoi chercheraient ils notre regard ? Qu'auraient ils à nous dire ?

« Nous » ce nous qui englobe quiconque n'a jamais vécu une telle expérience- ne comprenons pas. .

Nous ne saisissons pas la chose. Nous ne pouvons imaginer à quel point la guerre est horrible, terrifiante- ni à quel point elle peut devenir normale..Nous ne pouvons ni comprendre, ni imaginer. C'est ce que chaque soldat, chaque journaliste, chaque travailleur humanitaire, chaque observateur indépendant ayant connu le feu de la guerre et eu la chance d'échapper à la mort qui frappait les autres, tout près, éprouve, obstinément. Et ils ont raison »



Susan Sontag nous place devant la douleur des autres ou plus exactement devant l'image de cette douleur. Et nous convie à nous interroger.



Devant ces images que voyons nous ? Nous mêmes ? Que recevons nous ?

Mais ce « nous » elle le rejette.

Car ce qui est vu ne peut être traité par le nous. «  Aucun NOUS ne devrait valoir, dès lors que le sujet traité est le regard que l'on porte sur la douleur des autres ».



Nous ne pas sommes égaux face à la douleur, dans la perception de sa représentation.



Comprendre le pouvoir de telles images, images de guerres, de tortures, d'exterminations, de bombardements , de famines, de déportations, c'est déjà les regarder dans une époque, dans un lieu. Prendre conscience de leur genèse.



Témoin, acteur, victime. Sur quel base repose celui qui regarde ?



Il y a une tectonique de la douleur, plus elle est proche plus elle est palpable.

La douleur crée une onde. L'image transporte cette onde. Quelle magnitude pouvons nous tolérer ?

Les images des corps démembrés durant le génocide du Rwanda nous sont parvenues, mais des corps du 11 septembre , aucune image ne nous a été donnée. Pourquoi ? Qu'est ce qui détermine l'insupportable ? Et d'ailleurs posons nous la question : qui le détermine pour nous ?



Sommes nous tous réceptifs face à la même douleur représentée ?

Pour Virginia Woolf , en 1936, la réponse était négative.

Structurellement, intellectuellement, culturellement, sexuellement différents les humains ne connaissent pas un pathos commun.

La réaction est différente, l'appréciation de la douleur est différente.



L'image informe. Elle est savante. Elle a son langage, ses codes. La lecture de l'image entraîne la traduction en nous de ce qu'elle transporte. L'éducation à l'image déterminera le niveau de sa lisibilité, de sa réceptivité.



Pourtant depuis des décennies de telles images sont véhiculées à travers le monde. Mêmes images, mondialisation de l'information oblige, commune réaction ? Non.

L'histoire est universelle, le temps nous est commun, mais l'instant est propre à chacun.



Ces images sont elles utiles ? Oui. Nombreux conflits trouvent leur limite et même leur fin suite à une pression médiatique. Le choc se produit lorsque l'image se dresse.

En donnant un visage au crime on arrête parfois l'assassin. Donc ces images sont utiles.



Mais l'image a toujours un parti pris. Cadrer c'est exclure. Il faut interroger le geste pour en comprendre l'objet.



Ces images sont elles trop nombreuses ? Nombreuses oui.

Mais surtout trop rapides.

La frappe d'une photographie sera d'autant plus puissante que celui qui la recevra sera à l'arrêt.

Le spectateur aujourd'hui est devenu une cible mobile. Son pouvoir de concentration donc de lecture diminue au fur et à mesure de l'accroissement des moyens de communications.

On ne s'habitue pas, on passe seulement le diaporama à vitesse accélérée.



Non les images ne sont pas trop nombreuses, nous sommes cérébralement moins attentifs.



Les images sont nombreuses, mais les conflits ne sont pas plus nombreux qu'avant.

Par contre il deviennent de moins en moins « photographiables ». Et étrangement leurs images de moins en moins fiables. De plus en plus controlées et censurées. L'illusion que donne la densité des images cache la raréfaction de leur authenticité.



L'image de la douleur devient peu à peu suspecte et le spectateur de plus en plus méfiant jusqu'à l'indifférence. Et jusqu'au rejet.



Mais ce dédain qu'affichent certains qui ont libre accès à l'information à la liberté de la presse, qui jouissent du respect de leurs droits, n'est pas acceptable.

Allez demander aux Erythréens ce qu'ils pensent de notre petite ingestion iconographique.

Osez aller leur adresser votre regard, pour leur dire, face à face : «  Désolés, nous n'avons plus assez d'appétit pour voir ce que vous endurez »....



S'interroger oui, rester vigilants, participer au débat, donner légende à l'image : oui.

Crier : « Stop, ça suffit », c'est oublier tous ceux qui injustement n'ont pas la parole, qui n'ont aucun droit.



Alors ne leur supprimons pas le droit à l'image et par respect laissons les témoignages nous apportés leur regard. Et défendons une profession qui est un des piliers majeurs de nos libertés.



Susan Sontag nous rappelle la liste longue et prestigieuse de tous ceux qui au péril de leur vie ont saisi cette image, ont pris le risque pour nous la délivrer.



Alors devant la douleur des autres, oui il faudra toujours s'interroger. Et toujours regarder.

Parce que la parole des victimes vient se loger justement dans notre regard.



Nous qui ne savions peut être pas, nous voilà informés. Et même si parfois quelques mises en scène peuvent nous déranger, rappelons nous les 83 eaux fortes de Goya montrant «  les désastres de la guerre ».

Chacun fera son travail intérieur, fera appel à son éthique. Choisira en somme ce qu'il en recevra, et ce dont lui même sera capable de témoigner.



« J'ai vu » équivaut toujours à « je sais ». Un regard engage toujours une responsabilité.



Le livre de Susan Sontag retraçant l'histoire moderne de l'iconographie de la douleur

est un ouvrage important. Bien au delà de l'image, de la photographie.



Soutenir un regard c'est tenir un engagement.



Astrid Shriqui Garain

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Sur la Photographie

Plus qu'une critique, un souvenir personnel.

Je me souviens précisément avoir lu ce livre en Avril 1980. Je faisais mon service militaire à l'école de santé de Nantes (école aujourd'hui disparue) J'étais mordu de photo (pas de disparition de ce côté là !)C'était le premier ouvrage traitant de la photo, qui ne soit pas technique, que je lisais. Je me souviens de quelque chose de profond, de complexe qui m'aida à mieux pénétrer ce monde de l'image même si le sujet n'était pas traité que sous son versant artistique. De bons souvenirs; le livre, la ville de Nantes, les copains, le service militaire....
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Sur la Photographie

Quelle claque. Il y a peu de livres qui marquent de façon indélébile un lecteur, eh bien, je pressens que celui-ci est un de ceux-là pour moi. Il m’a déjà beaucoup touché. À peine cet essai refermé qu’il me manque déjà, et je sais qu’il me faudra attendre encore longtemps avant de recroiser une lecture aussi forte.



Le livre est comme son nom l’indique un essai sur la photographie, écrit par Susan Sontag dans les années 1970. Pourtant court, le texte offre une étude très complète de la photographie principalement américaine, ainsi qu’une analyse des comportements sociaux induits par la photographie : à la fois le comportement du photographe et celui des sujets est analysé. Elle évoque l’omniprésence (déjà donc dans les années 70’) des photographies et l’impact qu’elle imagine que ce phénomène peut avoir sur les populations occidentalisées. En effet, au moment où est écrit l’ouvrage, l’appareil photo n’est pas encore démocratisé partout autour du globe, et cela donne d’ailleurs des réflexions très intéressantes sur les sujets qui sont habitués au fait de passer sous l’objectif et ceux qui ne le sont pas.



La photo m’obsède. Je ne suis pas photographe professionnel, pour autant, j’en fais tout le temps, je ne vais nulle part sans mon appareil photo, je photographie tout : principalement de l’urbex, mais aussi des portraits, des mariages, des combats de boxe. Entre autres. Et tout le quotidien que j’ai envie d’embellir. Avec la lecture de cet essai, j’ai eu l’impression à la fois d’apprendre beaucoup de choses sur l’histoire de la photo, de mieux comprendre les ressorts qui animent à la fois les sujets photographiés et les photographes, mais, quelque part aussi, de faire une petite psychanalyse.



Madame Susan Sontag n’est plus de ce monde depuis le début des années 2000, et je suis profondément attristée qu’elle ne puisse plus poser son regard aiguisé sur la place de la photo au vingt-et-unième siècle. Sûrement que d’autres analystes feront du très bon travail à ce sujet, mais je regrette déjà la sensibilité et la clairvoyance de cet auteur.



Je remercie les éditions Christian Bourgois et mon cher Babelio pour l’envoi de ce livre. Quelle découverte. Merci.

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Devant la douleur des autres

Un ouvrage à découvrir.

Qui parle de la véracité des photos, pas n'importe lesquelles mais particulièrement celles qui montrent la violence.

Les guerres, les attentats. Et les photographes et journalistes sont présent pour immortaliser en quelque sorte ces instants de souffrances.

Ces photos ont quel but ? Tout là est l'intérêt de l'ouvrage. L'histoire est vouée à se répéter sans cesse.

Un ouvrage qui peut plaire mais aussi perturbé, ce qui se comprend.

Merci à la masse critique de Babelio.
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Le style camp

Mais qu'est-ce que le "Camp"? C'est la question à laquelle Susan Sontag a tenté de répondre à travers cet essai de 68 pages. Écrit dans les années 60, il n'a de "vieillot" que les références et exemples cités car la réflexion posée garde quant à elle toute sa pertinence.



J'ai trouvé ma lecture très intéressante , se questionnant à la fois sur le "camp" en tant que tel mais également sur l'art, le snobisme et les différentes formes de sensibilités. J'ai été impressionnée par l'approche du "camp" dont il est presque impossible de donner une définition. Car le "camp" évolue au fil du temps et se trouve avant tout dans l'oeil de celui qui regarde. Et pourtant, l'autrice s'en est superbement sortie, détaillant point par point ce style et fournissant toute une série d'exemple afin de mieux en saisir les subtilités.



La seconde partie de l'essai s'interroge quant à lui sur le monde de l'art, son évolution et son accessibilité et n'hésite pas à en briser les frontières, décortiquant l'art contemporain et son approche moderne. Ma seule réserve est la suivante : j'en voulais un peu plus ! J'ai vraiment été prise de court par la "conclusion" qui à mon sens n'en est pas vraiment une. Malgré cette fin abrupte, j'ai vraiment apprécié ma lecture et les questionnements qu'elle a soulevé en moi. C'était une chouette intro sur le sujet et je ne regrette pas du tout de l'avoir découvert !



Je remercie par ailleurs Babelio et les éditions Christian Bourgois de m'avoir envoyé cet essai, qui m'a permis de sortir des sentiers battus et d'explorer une littérature différente de celle à laquelle je suis habituée.
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Sur la Photographie

L'ouvrage "Sur la photographie" de Susan Sontag comporte 6 essais (suivis d'une "Petite anthologie de citations") publiés ensemble sous ce titre pour la première fois aux USA en 1977 et en traduction française en 1982 par Christian Bourgois.

Il m'a été envoyé dans le cadre de l'opération Masse Critique non-fiction. J'en remercie chaleureusement les Éditions Bourgois ainsi que Babelio.

Ce livre est décrit comme « culte. » Il est en effet souvent cité dans les ouvrages de photographie. C'est un incontournable qui m'a paru assez aride d'accès. Pas vraiment parce qu'il n'est pas illustré, même si je dois prévenir qu'il est préférable d'avoir regardé vraiment les oeuvres d'un certain nombre de photographes pour suivre sa pensée. Avec le temps, cela commence à être mon cas, même si je suis dilettante. Alors que j'avais pu lire sans problème « La Chambre claire » à 20 ans et l'adorer même si ma culture photographique était alors inexistante. Certes, les photographies que Barthes évoque sont reproduites dans son ouvrage. Mais surtout _ c'est ce qui me fait parler d'aridité_ Sontag est moins limpide que son maître, on peut le dire, moins séduisante, ou alors d'une séduction d'un style plus rugueux, qui porte davantage les marques des années 70, théoriques et parfois péremptoires. Même si son exigence, sa pugnacité soupçonneuse sont intéressantes, son style est parfois lourd, ses références accumulées un peu bourratives. L'humour est absent. On lit une intellectuelle, une intelligence, sans esprit de légèreté. J'ai vu qu'elle a écrit aussi des romans, je me demande si son style est différent dans ce genre.

Enfin, Susan Sontag se méfie de la photographie au point qu'on se demande par moments si elle l'aime, ou si elle a écrit ces essais tout simplement parce que nous sommes entourés de photographies, que nous devons vivre avec et que par conséquent penser cette relation est essentiel.

Un ouvrage à relire fréquemment tant il est riche. On se prend à rêver de savoir ce que sa clairvoyance aurait pu dire des réseaux sociaux aujourd'hui.

Je m'aperçois que ma synthèse essai par essai est interminable. C'est pourquoi j'ai donné mes impressions en premier, vous pouvez vous arrêter là. Sinon voici ma lecture détaillée :

"Dans la caverne de Platon" décrit les changements que l'apparition de la photographie et sa démocratisation ont opéré sur les êtres humains : leur façon de ressentir, de penser, de vivre leur vie et de se représenter le monde.

Dans l'expérience du voyage, tout d'abord, parce que la démocratisation de la pratique photographique a accompagné l'essor du tourisme. Sontag écrit cette phrase percutante : "Manière de certifier le vécu, prendre des photos est aussi une manière de le refuser, en le limitant à la recherche du photogénique, en le convertissant en image, en "souvenir". (p. 24)

Mais, plus terrible, " prendre une photographie, c'est s'intéresser aux choses telles quelles sont, à la permanence du « statu quo » (au moins le temps nécessaire pour obtenir une "bonne" photo), c'est être complice de tout ce qui rend un sujet intéressant, digne d'être photographié, y compris, quand c'est là que réside l'intérêt, de la souffrance ou du malheur d'un autre." (p. 28) Conséquence, p. 38 : "Les photographies produisent un choc dans la mesure où elles montrent du jamais vu. Malheureusement, la barre ne cesse d'être relevée, en partie à cause de la prolifération même de ces images de l'horreur. »

"L'Amérique à travers le miroir obscur des photographies" retrace comme son titre l'indique l'histoire des USA par le prisme de la photographie et l'histoire de la photographie aux USA : inspirée au début du XXème siècle par « l'humanisme euphorique » du poète Whitman puis dominée par une forme de réalisme social (une des figures emblématique en est Walker Evans) jusqu'au années 1950. Enfin, c'est sur l'oeuvre de Diane Arbus, dont la première rétrospective a lieu en 1977, que Susan Sontag s'arrête longuement, en l'interprétant d'une façon qui m'a décontenancée. D'après elle, « son oeuvre montre des gens pathétiques, pitoyables autant que repoussants, mais elle ne suscite aucun sentiment de compassion. » (p. 56) Pour ma part, ce que je connais de l'oeuvre de Diane Arbus m'a troublée, dérangée quelquefois, mais je n'ai pas trouvé ses modèles repoussants, ou vraiment rarement. Ce deuxième essai mérite donc d'être relu aussi, après observé d'autres photos de Diane Arbus sans doute.

Dans le troisième essai, "Objets mélancoliques", elle aborde les liens entre photographie et surréalisme, en évoquant Walter Benjamin et Baudelaire et elle conclue avec cette phrase frappante, p.120 : « Les photographes, travaillant à l'intérieur du cadre de la sensibilité surréaliste, laissent entendre qu'essayer de comprendre le monde est déjà une entreprise vaine et nous proposent à la place de le collectionner. »

L'essai suivant, « L'héroïsme de la vision », s'intéresse aux différences entre peinture et photographie et approfondit le questionnement sur les liens ou l'absence de lien entre photographie et vérité, poursuivant sur ce constat, p.157, que « quelque valeur morale qu'on veuille attribuer à la photographie, elle n'en aboutit pas moins essentiellement à faire du monde un grand magasin ou un musée sans murs dans lequel tout est soit ravalé au rang d'objet de consommation, soit élevé à celui d'objet d'un jugement esthétique. »

Dans « Évangiles photographiques », elle étudie la façon dont les grands photographes théorisent leur art, le considérant grosso modo comme « tantôt une activité lucide et précise de connaissance », « tantôt un mode de rencontre pré-intellectuel, intuitif ». (p.164), tantôt une expression de soi, tantôt un regard détaché sur le monde. Elle insiste sur le fait que l'acte photographique est en un sens une « prédation », ce que peu de photographes admettent.

Dans « le monde de l'image » enfin, Susan Sontag observe un autre couple problématique : photographie et réalité, en s'appuyant cette fois davantage sur les écrivains et leur pratique, Balzac, Thomas Hardy, Cocteau, Genet, J. G. Ballard, Thomas Mann, Proust, Melville, Nabokov. Elle le répète : « les images photographiques tendent à anesthésier l'expérience directe que nous avons des choses » (p.233), avant d'aborder le documentaire d'Antonioni « Chung Kuo », très contesté en Chine en 1974, pour approfondir les thématiques qu'elle a précédemment abordées.

« Les pouvoirs de la photographie ont bel et bien détruit la dimension platonicienne de notre compréhension de la réalité » conclue-t-elle enfin p. 248. Elle achève son ouvrage sur le constat du retournement de ce qu'elle abordait dans son premier essai : « Il convenait à l'attitude dépréciative de Platon à l'égard des images de les comparer à des ombres […] mais la force des images photographiques tient à leur statut de réalités matérielles, à ce qu'elles sont […] un puissant moyen de retrouver l'avantage contre la réalité, de la transformer en ombre à son tour. » Ce final brillant ouvre sur un appel dans la toute dernière phrase à s'engager sur le chemin d'une « écologie appliquée non seulement aux choses réelles mais encore aux images. »

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Le style camp

Dans un entretien en 1994, Sontag a avoué : « Écrire des essais a toujours été laborieux. Ils passent par de nombreux brouillons et le résultat final peut avoir peu de rapport avec le premier brouillon; souvent je change complètement d'avis au cours de la rédaction d'un essai. La fiction vient beaucoup plus facilement, dans le sens où le premier brouillon contient l'essentiel - le ton, le lexique, la vélocité, les passions - de ce à quoi je me retrouve finalement.

Les premiers essais de Sontag, néanmoins, ont une originalité capiteuse et confiante. Ce recueil contient par exemple deux classiques modernes, Contre l'interprétation et Notes sur le camp, ainsi que des discussions sur Lévi-Strauss, Sartre, Camus, Beckett, Godard, une démolition mémorable d'Ionesco, ainsi que de la psychanalyse et du cinéma de science-fiction. Sontag, qui est venue influencer des générations de lecteurs à travers le monde et s'est vue en guerre contre le philistinisme, n'était rien sinon transgressive. Et toujours intensément diverse.

Les notes sur un Camp, a fait sensation et a propulsé Sontag vers une notoriété instantanée dans les cercles intellectuels américains. Résumant la réputation de Sontag, le magazine Time a déclaré qu '"elle en est venue à symboliser l'écrivain et le penseur sous de nombreuses variantes: en tant qu'analyste, rhapsode et œil itinérant, en tant que réprimande publique et conscience portable".

"J'étais venue à New York au début des années 1960", écrira-t-elle plus tard, "désireuse de mettre au travail l'écrivain que je m'étais engagée à devenir". Son esthétique était, et restera, omnivore. "Mon idée d'un écrivain: quelqu'un qui s'intéresse à tout ... La seule surprise était qu'il n'y avait pas plus de gens comme moi."

Mais bien sûr, il n'y en avait pas. Sontag était inimitable, dans la vie comme dans le travail. Son écriture est rapidement devenue le commentaire par excellence des années 1960, rudes, parfois violentes, autour d'elle à New York.

"Ce n'était pas les années 60 à l'époque. Pour moi, c'était principalement l'époque où j'écrivais mes premiers romans et où je commençais à décharger une partie de la cargaison d'idées sur l'art et la culture et les bonnes affaires de la conscience qui m'avaient distrait de l'écriture de fiction. J'étais pleine d'un zèle de type évangélique.

Susan Sontag, en plus de commenter les années 60, en est venu à les incarner. « Comme on souhaite, écrira-t-elle plus tard, qu'une partie de son audace, de son optimisme, de son dédain pour le commerce ait survécu. Les deux pôles du sentiment résolument moderne sont la nostalgie et l'utopie. La caractéristique peut-être la plus intéressante de l'époque désormais qualifiée de années 60 était qu'il y avait si peu de nostalgie. En ce sens, c'était bien un moment utopique. Le monde dans lequel ces essais ont été écrits n'existe plus.

Le travail de Sontag, cependant, lui survit sans équivoque. L'essai du titre, qui porte même une épigraphe de Wilde ("Il n'y a que des gens superficiels qui ne jugent pas sur les apparences. Le mystère du monde est le visible, pas l'invisible") sonne un appel passionné pour "un érotisme de l'art" .

L'argument de Sontag, exprimé avec beaucoup plus d'éclat et de subtilité que n'importe quelle simplification ne peut l'exprimer, est que l'interprétation critique, qui s'inspire de Platon et d'Aristote, est devenue réactionnaire et étouffante. "Comme les émanations de l'automobile et de l'industrie lourde qui encrassent l'atmosphère urbaine, l'effusion des interprétations de l'art empoisonne aujourd'hui nos sensibilités." Ceci, dit Sontag, "est la revanche de l'intellect sur le monde".

Les provocations sauvages de Sontag ont atteint leur apogée dans son célèbre essai de 1964, Notes on camp, également rassemblées ici.

Je précise que ce mot camp n'est qu'un concept abstrait,  le camp, c’est le triomphe du style épicène, applicable à tout, et totalement incompréhensible... 

Remarquablement, Sontag tient bon avec brio. « L'essence du camp », commence-t-elle, « est son amour du contre-nature : de l'artifice et de l'exagération. Et camp est ésotérique - quelque chose d'un code privé, un badge d'identité, même, parmi les petites cliques urbaines. Reconnaissant astucieusement que "c'est embarrassant d'être solennel et digne d'un traité à propos de camp" et de courir le risque d'avoir perpétré "un morceau de Camp très inférieur", Sontag procède à l'élaboration de 58 "notes" numérotées pleines d'esprit et coruscantes, aboutissant à l'ultime déclaration du camp : "C'est bien, parce que c'est affreux."

C'est de cet esprit dont nous avons besoin maintenant, plus que jamais : ce genre d'originalité et de risque.
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Renaître : Journaux et carnets (1947-1963)

Comment "noter" un journal qu'on vient de lire sans donner l'impression de "juger" une vie ? Difficile. Voilà quand même ce que je retiens du premier tome du journal de Susan Sontag...



Tout ce qui a trait à sa vie sentimentale est assez stupéfiant : la découverte précoce de son lesbianisme, son mariage raté avec Philip Rieff (mou sentimentalement et autoritaire intellectuellement), son enfant dont on comprend bien par la suite qu'elle ne sait pas "où" le mettre dans sa vie, et ses passions successives pour H. et pour I.



Ce qui est clair, c'est que Sontag développe ici une sensibilité hors pair, touchée par tout, tout le temps, obsédée par les relations sociales, et le "jeu" qu'elles nécessitent, par ce qu'elle nomme "le X" et qui est le quasi-équivalent de la mauvaise foi" sartrienne... Mais elle se présente aussi comme un être indécis, en hésitation perpétuelle entre "sensualité" et "sexualité", et se révèle jouée littéralement par ses amantes, mi-libre (mi-libérée) mi-dépendante, ne supportant absolument pas la solitude...



Ce qui "choquera" peut-être le plus c'est l'alternance brusque d'un ton très "midinette" ou "people" (ce que j'ai mangé, qui j'ai vu, dans quel bar je suis allée, etc.) et des passages d'une grande profondeur intellectuelle (sur sa judéité, notamment).



Et puis, c'est aussi un journal qui a les défauts du journal, sans doute : un égo qui juge page après page ses contemporains, ses lectures, des films vus, une conscience d'écrivain sûre d'elle - paradoxalement...





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Sur la Photographie

Souvenir lointain d'une lecture à l'époque où j'avais lu quelques livres de réflexion sur la photographie. Avec celui-ci j'étais servi ! Je me rappelle vaguement que j'avais trouvé celui-là très "intello", probablement parce que je n'y avais pas compris grand-chose (on dit ça quand on ne comprend pas, on dit "c'est intello") et que cela ne m'avait donc guère apporté.
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Devant la douleur des autres

La photographie puise-t-elle l’indifférence ?

La douleur percute et se volatilise

initialement pour vaincre l'impopularité, elle se transforme

par quoi passe l’empathie ? Suis-je plus heurtée par l’image ? Rappel des paquets de cigarettes et des études qui montre le dégoût la répulsion la rage

est-ce moteur d’impulsion pour sauvetage d’arrêt, moteur militant? Rien n’est moins sûr alors pourquoi quoi comment?

et l’indécence de promouvoir en noir et blanc la mort à bout portant

capturer le regard avant mise à mort pour sonder le désastre pour prouver la puissance

la stupeur d’avant fin fixée par l’œil vide

proximité du deuil à califourchon

La distance permet-elle de plonger le regard sans nausée ?

et de fasciner par la peur de sa propre déliquescence

l’excessif réalisme sommé de se défendre



Une légère déception, j’attendais plus, j’attendais mieux, j’imaginais autrement.

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Le bienfaiteur

Le Bienfaiteur appartient au genre de la littérature critique, tentant de démontrer, par la fable, les impasses interprétatives de son temps – dont sont en premier lieu victimes, bien sûr, les textes littéraires. L’étendue du don de cet étrange et mal nommé « bienfaiteur » ne se mesure d’ailleurs, peut-être, qu’au dessillement opéré ainsi chez ses lecteurs. Il faut interpréter pour saisir qu’il ne fallait pas interpréter. On conçoit mieux qu’un tel texte n’ait pas suggéré, en France, à sa réédition, d’explorations en profondeur : outre le fait qu’il accuse ses cinquante ans, par sa forme, son style et ses thèmes un peu vieillis, il tend d’un même mouvement contradictoire à appeler l’analyse et à la récuser. En conséquence, quand le lecteur referme cette dissection austère et un peu passée d’une idée, et ouvre son carnet de lecture pour l’évoquer, il est confronté à une dualité antinomique : la nécessité de l’interpréter et l’impossibilité d’en livrer la critique.
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Renaître : Journaux et carnets (1947-1963)

J'arrive à la moitié de ce livre et fait rarissime en ce qui me concerne, j'abandonne ! Je reprendrai peut-être un jour mais maintenant l'ennui et la frustration ont pris le dessus.

Ce livre montre que journaux et carnets intimes ne méritent pas forcément d'être publiés, ou alors à destination des chercheurs universitaires seulement. On passe du coq à l'âne; c'est mal écrit; c'est souvent trivial (entre son jus d'orange et l'heure de son réveil); cela fait référence à des évènements de sa vie que le lecteur ignore ce qui rend le texte souvent difficilement compréhensible,...

Susan Sontag n'a pas écrit son journal pour qu'il soit lu par des tiers et ce n'est donc pas elle qui est à blâmer pour la qualité de ce livre.

Le seul intérêt est de voir une personnalité (forte!) en formation.
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La maladie comme métaphore

Livre très court. Qui date un peu, puisqu'il est tributaire des évolutions des connaissances scientifiques et médicales. Et, écrit fin des 70's (le texte est un ensemble de différentes conférences retravaillées pour faire un tout cohérent, pas très réussi car il y a une certaine impression de redites, de phrases quasi identiques.), les idées notamment sur le cancer ont beaucoup évolué. Le sida est aussi passé par là et aurait bien évidemment mérité sa place dans toute cette analyse des discours métaphoriques sur ces maladies, sur ces malades, tant dans la littérature que dans les discussions et vécus quotidien. Ce qu'est cet ouvrage.



L'auteure s'explique « Mon propos n'est pas la maladie physique en soi, mais l'usage qui en est fait en tant que figure ou métaphore. Or la maladie n'est pas une métaphore, et l'attitude la plus honnête que l'on puisse avoir à son égard - la façon la plus saine aussi d'être malade - consiste à l'épurer de la métaphore, à résister à la contamination qui l'accompagne. Mais il est presque impossible de s'établir au royaume des malades en faisant abstraction de toutes les images sinistres qui en ont dessiné le paysage. C'est à l'élucidation de ces métaphores et à l'affranchissement de leurs servitudes que je consacre cette enquête. »





On passe de la si belle tuberculose, phtisie à l'horrible cancer honteux, avec un petit passage par d'autres maladies comme la peste et avec la « folie » en arrière-plan. Plus honteux encore selon les qualités imaginées de l'organe atteint. La gloire des poumons, la honte du colon...



« ... les métaphores modernes de la maladie sont toutes minables. Les individus réellement atteints de la maladie en question ne sont guère aidés lorsqu'ils entendent constamment citer le nom de celle-ci pour représenter le mal. »





Sontag insiste sur le fait que les métaphores évoluent, disparaissent, changent dès qu'on connait mieux les ressorts, causes de la maladie. Et comme le cancer ne cesse d'être mieux connu, on imagine bien qu'il subira également ces évolutions métaphoriques. C'est déjà le cas.





Cette question des métaphores rejoint l'idée plus actuelle des « étiquettes », vouloir ou ne pas vouloir être diagnostiqué. Je pense à d'autres comme « schizophrénie », « trouble bipolaire », « toxicomane », « alcoolique »... tous ces mots qui peuvent ajouter aux maux et qui n'explicitent pas nécessairement les choses, et qui peuvent les simplifier à l'extrême et nous rendre... bêtes.





Ce livre est fort intéressant, mais le fait qu'il date et qu'il soit sans doute difficile à trouver ne va pas dans le sens d'un must have been readen. Les idées qu'il véhicule globalement sont intemporelles et sont dans l'air de l'homme pour longtemps.





Je termine, en laissant l'auteur nous dire que :



« ... l'intérêt de la métaphore réside précisément dans le fait qu'elle se réfère à une maladie envahie par la mystification, remplie des phantasmes de la fatalité à laquelle on n'échappe pas. Car nos ides sur le cancer et les métaphores que nous avons plaquées sur lui servent trop à convoyer les vastes insuffisances de notre culture, nos attitudes superficielles à l'égard de la mort, nos angoisses en matière de sentiment, nos réactions impatientes et insouciantes à l'égard de nos vrais "problèmes de croissance", notre incapacité à construire une société industrielle avancée qui règle convenablement la consommation, et nos peurs justifiées devant le cours chaque jour plus violent de l'histoire.La métaphore du cancer deviendra périmée, je le prédis, bien longtemps avant que les problèmes qu'elle a su refléter avec tant de force de persuasion soient, eux, résolus. »





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L'Amant du volcan

Susan Sontag dresse, dans ce roman un portrait attachant de Sir William Hamilton, ambassadeur anglais à Naples, «avec ce portrait que nous avons de lui, quelque peu austère, en perruque poudrée, long manteau élégant et souliers à boucles, un profil d'oiseau, de la superbe, l'air vigilant, observateur, résolu dans son détachement.» Le récit de l'amour fidèle que partagent pendant seize ans «Il Cavaliere» (surnom bien dévalorisé par les temps qui courent) et sa première épouse, Catherine, est touchant. C'est pour elle qu'il abandonne son siège à la Chambre des communes, pour lui permettre, en vain, de retrouver la santé au soleil de l'Italie. Son second mariage, avec un charmante aventurière, n'est que la régularisation d'une liaison née du souci de sortir un neveu d'embarras financiers et de le débarrasser d'une encombrante maitresse. Encombrante mais charmante. Hamilton s'en fait le Pygmalion, et finit, malgré le qu'en-dira-t-on, par l'épouser. "My fair lady" ! Son égérie connait d'ailleurs le succès, par son art singulier de prendre la pose, pour le contentement de ses admirateurs et des peintres qui se pressent pour faire son portrait, portrait que son mari s'empresse de revendre, comme le racontera, plus tard, dans ses souvenirs, Elisabeth Vigée-Lebrun. La loyauté d'Hamilton est admirable, en amour comme en amitié. Lorsque fait irruption dans la baie de Naple l'illustre Nelson avec sa flotte et auréolé de ses victoires («Pour tout dire: le héros est un petit homme mutilé, édenté, usé et trop maigre» écrit Sontag p. 227), il l'admire et l'affectionne comme son meilleur ami. Qu'il devienne l'amant de sa femme et lui fasse un enfant ne saurait troubler leurs relations. La femme et l'amant lui tiendront la main à sa mort et le pleureront sincèrement. Il y a de la modernité dans cette relation triangulaire, dont Sartre et Simone de Beauvoir en feront plus tard la théorie. L'un des intérêts du roman, que son titre de dévoile pas, est le portrait saisissant que fait Susan Sontag de la passion du collectionneur qu'est essentiellement William Hamilton. Mais plus que pour ses femmes et pour ses collections, la grande passion d'Hamilton est pour le volcan qui domine la baie de Naples, ce Vésuve, qu'il contemple de sa terrasse, empanaché ou rougeoyant, qu'il admire, parcourt, explore, étudie et illustre. De ses observations minutieuses et raisonnées naitra, dans les lumières du sud de l'Italie et du XVIIIème siècle, la volcanologie. Le roman de Susan Sontag peut être drolatique, lorsqu'elle décrit les fastes et les frasques du roi de Naples, flatulent, obèse et immature. Sa fuite devant les armées françaises, et les horreurs liées à son retour font un tableau saisissant. L'auteur utilise un registre polyphonique, en faisant intervenir divers protagonistes, éclairant de leurs différents points de vue les mêmes scènes. Le concert d'éloges qui a accompagné ce roman était décidément bien mérité.
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Renaître : Journaux et carnets (1947-1963)

"Le mariage est une sorte de chasse tacite en couples. Le monde est tout en couples, chaque couple dans sa petite maison, qui veille à ses petits intérêts + qui marine dans sa petite intimité - c'est la chose la plus répugnante au monde. Il faut se débarrasser du caractère exclusif de l'amour conjugal."
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En Amérique

Je n'ai pas réussi à aller au bout de cette histoire décousue qui n'a pas réussi à me toucher et que j'ai fini par abandonner ce qui m'arrive rarement.



Mais la vie est trop courte pour lire tout ce qui parait alors autant garder du temps pour ce qui donne du plaisir !!!
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L'Amant du volcan

Définitivement après 60 pages je n’arrive pas à m’intéresser... les digressions nombreuses me perdent, je ne vois pas hélas où Susan Sontag veut aller et tout ceci me semble très loin de l’histoire des personnages. Par ailleurs les scènes paillardes relatives au Roi ne me satisfont guère ni les descriptions du volcan. 455 pages me semblent une trop dure épreuve. Je regrette...
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Tout et rien d'autre

En 1979, Jonathan Cott (qui a écrit sur Glenn Gould, Bob Dylan, etc.) mène un long entretien avec l'essayiste américaine la plus en vogue à cette époque : Susan Sontag. Réalisé pour le magazine Rolling Stones, il sera publié un tiers seulement de cette conversation fleuve, il faut donc saluer la bonne initiative de l'éditeur Flammarion, et plus encore de la collection Climats, qui réédite ici au complet cet entretien, Tout et rien d'autre, avec Susan Sontag, femme fascinante, grande lectrice, adepte d'une pensée vivante et qui possédait alors, dans son appartement new-yorkais, une bibliothèque de huit mille livres - bibliothèque qu'elle nommait joliment son "archive du désir". Dans cet entretien passionnant, Susan Sontag revient sur plusieurs de ses essais, sur la maladie, la photographie, parle beaucoup de littérature - Kafka, Baudelaire, Barthes, Gass, Beckett, ... -, elle explique son changement de position, d'appréciation du travail de propagande de la réalisatrice allemande Leni Riefenstahl, mais aussi - et c'est là qu'elle en devient encore plus attachante - sa passion, son amour pour son époque, pour le contemporain. Elle déclare d'ailleurs: "Tout mon travail repose sur l'idée que le monde existe vraiment, et je me sens vraiment y appartenir". En ce sens elle rejoint ce magnifique aphorisme de Nietzsche : "Ce qui est grand dans l'homme c'est qu'il est un pont et non un but". Cet entretien est à la fois sérieux et drôle, Susan Sontag s'ouvre à Jonathan Cott avec une liberté généreuse. Bonne lecture.
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En Amérique

En 1873, un groupe de Polonais, emmené par Maryna Zalezowska, la plus grande actrice de Pologne, émigre aux Etats-Unis et voyage jusqu'en Californie pour y fonder une communauté fouriériste.

Maryna, qui a renoncé à sa carrière pour cette aventure, est accompagnée de son fils, de son mari et d'un jeune écrivain amoureux d'elle. Quand cette aventure échoue, presque tous les Polonais retournent en Pologne. Mais Maryna apprend l'anglais et, ayant changé de nom, s'engage dans une brillante carrière aux Etats-Unis. Elle formera sa propre compagnie, traversera les Etats-Unis et aura comme partenaire Edwin Booth, le plus grand acteur américain de l'époque.

Ce grand roman, dans lequel se croisent personnages de fiction et personnages historiques, est la reconstitution brillante d'une époque, d'un pays et de l'univers du théâtre. C'est aussi une réflexion grave sur la force du destin, sur la création, sur l'art dramatique et Shakespeare, et sur la mort.
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