Citations de Takuboku Ishikawa (71)
Elle attendait de me voir ivre
pour alors chuchoter
diverses choses tristes
Triste
l'empreinte de ce baiser
joyau blanc sur le bras
Mème ivre le front baissé
même lorsque je veux de l'eau et que j'ouvre les yeux
j'appelle ce nom
Cette femme qui pleurait dans ma chambre
était-elle souvenir d’un roman
ou l’un de mes jours ?
Si l'on disait N'as-tu jamais voulu mourir ?
- regarde cela
elle montrait une cicatrice à la gorge.
Si l'on disait danser, il se levait pour danser
tout seul
jusqu'à ce qu'ivre de mauvais vin il s'écroule.
La nostalgie
brille en mon cœur comme de l’or
comme une eau pure y pénètre.
Poésies sans titre
IV
Est-ce qu’elle me demande que je dise certaines
choses ?...
ou que je rie ?
Oui, oui, je sais, je sais bien…
L’amour, c’est un échange de boniments.
Pauvre femme !
Attends ! attends un petit moment !...
Dire la vérité… je ne puis rire maintenant…
Tu sais que j’ai une mauvaise habitude.
Les toits, les toits… partout je vois des toits jusqu’à
perte de vue,
Partout, il y a des toits, rien que des toits si serrés,
des toits ronds, des toits hauts, des toits bas comme
s’ils avaient été écrasés,
écrasés, écrasés… mais certains toits résistants se
cramponnent au sol.
D’autres s’évertuent de monter et d’échapper dans
le ciel !
Partout, sur ces toits, les rayons du soleil d’au-
tomne…
Partout, avec leur tiédeur, ces rayons, comme les
yeux d’un maître vigilant.
[…]
Poésies sans titre
II
« Oh ! rien ne serait plus triste que cet évènement ! »
À l’heure oisive où je rêvais, j’ai dit ces mots,
soudain sans trop réfléchir.
Je les ai dit, ces grands mots…
J’ai essayé de rappeler dans mes souvenirs ces
choses tristes et angoissantes…
Rien ! le bâillement !
Puis, entre temps, je songeais : « Je dois me tuer. »
Je pensais : « Mourir, c’est la seule solution qui
me reste… »
Poésies sans titre
III
Le silence !
Dans les coins et les recoins de mon cœur,
je ne trouve aucun écho… rien…
Je me demandais si je pourrais entendre quelque
chose,
je dressais les oreilles
et je sondais l’état de mon cœur, puis, soudain,
je me suis rappelé cette femme…
« Bon, j’irai » j’ai fait mes préparatifs pour aller
la voir,
« pour l’échange des mensonges ! »
Poésies sans titre
I
Rouge ! Rouge !
Combien notre monde est riche et animé
à cause de l’existence de cette couleur « rouge » !
Les fleurs, les femmes, les drapeaux,
puis le sang !
Le soleil qui se couche sur la terre aride,
les vagues errantes de la mer après la bataille
sanglante.
Cette tristesse vague,
A la tombée de la nuit,
Monte sur le lit et s'immisce en moi.
Enfouissant mon menton dans le col du pardessus,
En pleine nuit, je me suis figé pour écouter.
Cette voix si semblable à la sienne.
Cette exaltation qui m'a saisi,
Jusqu'à hier du matin au soir,
Je tente de ne pas l'oublier.
Aujourd'hui, soudain de l'amour pour cette montagne,
J'y suis allé.
J'ai cherché la pierre où je m'étais assis l'an passé.
Comme un train coupant la lande,
Ce tourment,
De temps à autre, me traverse l'esprit.
Matin après matin,
Je masse tristement cette cuisse un peu engourdie,
Puisque je dors en y prenant appui.
A l'instant, j'ai murmuré quelque chose,
Et, en y pensant,
Je ferme les yeux et savoure l'ivresse.
Pressant ma dent douloureuse,
J'ai remarqué le soleil qui s'élevait,
Écarlate dans la brume d'hiver.
Dans l’attente de quelque manne …
Dans l’attente de quelque manne qui me
parviendrait.
Tour à tour debout et allongé,
j’ai vécu aujourd’hui.
Mon père, quelle tristesse…
Mon père, quelle tristesse !
Aujourd’hui encore lassé de lire le journal,
je me suis amusé avec les fourmis du jardin.
Devant le jardin passe un chien blanc...
Devant le jardin passe un chien blanc. Je me retourne
et consulte ma femme : Si nous en adoptions un ?
Il y aurait de quoi rire …
Il y aurait de quoi rire — —
Ce couteau que j’ai longtemps cherché
était dans ma main.
/Traduction Jérôme Barbosa et Alain Gouvret