Citations de Tony Hillerman (247)
En réalité, il se sentait gêné. Il avait été joué, et il lui avait fallu onze années pour découvrir le premier indice tangible sur la manière dont on l'avait dupé.
_ C'était drôlement malin la façon dont vous vous y êtes pris.
_ Je vous ai dit que les vaches sont curieuses. Elles ont peur d'un homme qui se tient debout. Allongez-vous et elles se disent : " Mais qu'est -ce-qui se passe, là ? " et elles viennent voir.
Il épousseta son jean :
_ L'inconvénient c'est qu'on risque de se mettre de la bouse de vache partout.
Mort : les Navajos ont une crainte maladive de la mort au point de s'entourer de toutes sortes de précautions et d'éprouver une intense répugnance à toucher un cadavre qu'ils enterrent le plus rapidement possible dans un lieu secret. Pour eux, il n'y a pas de "paradis", au mieux le repos.
- Je n'en étais pas sûre. Peut-être quelque chose qui aurait exprimé votre colère. Si j'étais Navajo je prendrais ça mal que l'on donne le nom de John Macrae Washington à quoi que ce soit à l'intérieur de mon territoire. C'est comme si l'on donnait le nom d'Adolf Hitler à un col de montagne israélien.
Chee dirigea un regard déterminé vers le courant qui jaillissait de la fente. D'ici quelques minutes, il pourrait l'affronter. D'ici quelques heures, il serait réduit à la taille d'un simple filet d'eau. D'ici quelques jours, le sol de la ravine serait redevenu sec, la poussière s'y déposerait à nouveau dans l'attente de la prochaine "pluie mâle" qui viendrait tout nettoyer.
Quand il franchit la porte de la salle de rédaction, Shirley lui indiqua du geste qu'il avait un correspondant en ligne. Moon, lui répondit par le signe qui signifie "je rappellerai", jeta son chapeau sur son bureau, s'assit et regarda D. W. Hubble.
— Pas grand-chose, annonça celui-ci. L'Associated Press a une tornade précoce dans l'Arkansas. Pas emballant, mais ça pourrait s'améliorer. Ça continue à merder à mort au Viêt-nam, Ford a une conférence de presse prévue pour onze heures, heure de Washington, Kissinger a fait une déclaration (…)
Je vous aiderai si vous ne me mentez pas!
- Il existe chez nous une très vieille légende qui raconte comment le Premier Homme se transforma en sorcier, dit-il pour distraire Mary. Etant le premier homme, il n'avait pas de parents à tuer. Alors il fit appel à la magie pour détruire le plus fort des tabous. Il se détruisit lui-même, puis renaquit, et c'est ainsi qu'il obtint un pouvoir maléfique.
Quand le sergent Jim Chee sortit par la porte latérale du quartier général de la Police Tribale Navajo, il était d'une humeur compatible avec les conditions météo qui étaient exécrables.
Il était facile de voir pourquoi Yazzie avait érigé son hogan à cet endroit. Derrière les habitations, les falaises de grès d’une butte se dressaient à l’à-pic au nord et à l’ouest : cent siècles d’éboulis à leur base puis une pierre rougeâtre, lisse et abrupte, avec des traînées aux endroits où la couleur était devenue sombre par suite du suintement des eaux, suivie d’une couche de perlite grise plus malléable, creusée et criblée de grottes et de cavités, coiffée tout au sommet par l’avancée en surplomb d’une roche ignée noire et dure. Cela offrait aux hogans un abri contre les vents de sud-ouest et de l’ombre contre le soleil de fin d’après-midi. Au nord et à l’est, le paysage était un enchevêtrement fabuleux de formes colossales érodées dominées par une autre butte imposante au sommet aplati. Toutes les couleurs du spectre sont là, pensa McKee. Toutes à l’exception du vert pur. Le peu d’herbe qu’il y avait était hors de vue, caché dans des replis où la terre pouvait s’amasser et retenir les racines, et où les eaux qui ruisselaient de cette immensité rocheuse pouvaient être retenues et absorbées. Il avait dépassé plusieurs de ces endroits herbeux en empruntant la piste à chariots qui menait jusqu’à ce lieu. Certains, avait-il remarqué, avaient été sérieusement broutés par les moutons. Mais pas la majorité. Yazzie avait dû ressentir une belle frayeur pour emmener son troupeau en tournant le dos à cette herbe.
C'était déjà un grand garçon quand il a entendu dire que "la punition doit être adapté au crime" ou entendu parler d' "œil pour œil, dent pour dent". A la place on lui parlait d'une conception différente du châtiment. Si on fait subir un préjudice à quelqu'un, on s'assied avec sa famille, on détermine l'étendue de ce préjudice et on le compense. De cette façon, on restaure hozho. On obtient à nouveau l'harmonie entre deux familles....Si quelqu'un te cause un préjudice par méchanceté, par exemple...On ne t'apprends pas qu'il faut le punir. Il faut le guérir. Lui redonner son équilibre vis-à-vis de ce qui l'entoure. Lui rendre la beauté...
Quand tu auras compris l'ensemble, alors tu comprendras les parties. Donc commence par comprendre l'ensemble.
La chemise était humide à cause de la pluie sous laquelle il avait marché pendant qu'il se rendait de son hôtel à cet immeuble de bureaux, avant de se réfugier dans un drugstore. A sa grande surprise, le magasin vendait des parapluies. Il en avait acheté un, le premier qu'il eût jamais possédé, et avait poursuivi sa route en s'abritant dessous ( affreusement conscient de l'image qu'il offrait de lui-même), tout en se disant qu'il allait posséder le seul parapluie de Window Rock, et peut être le seul parapluie de toute la réserve, si ce n'était de tout l'Arizona.
- J'aimerais que vous puissiez nous en apprendre un peu plus. Une soudaine marque de richesse chez ces gens. N'importe quoi qui soit intéressant.
- Dans les environs de Short Mountain, si quelqu'un a trois dollars c'est une marque de richesse. Il n'y a rien eu de ce genre.
Ce que Georges Bowlegs cherchait, pensait Leaphorn, était un concept si étranger au Peuple qu'il n'y avait pas de mot pour lui dans sa langue. Il n'y avait pas de paradis dans l'ordre cosmique navajo, pas d'esprit kachina bienveillant, et pas de vie agréable après la mort. Si l'on avait de la chance, il y avait l'oubli. Mais pour la grande majorité, il y avait un fantôme malheureux et malfaisant, le chindi, qui passait l'éternité à se lamenter dans les ténèbres et à propager la maladie et le mal.
– Cathy était une femme très sérieuse. Qui ne se dispersait pas. Elle ne parlait que du travail. Elle faisait une fixation sur la peste bubonique. Elle trouvait qu’il n’était ni plus ni moins criminel de protéger les citadins des classes moyennes de ces maladies infectieuses et de laisser les vecteurs de propagation agir à leur guise ici, au fin fond de nulle part, où ils ne tuaient que le prolétariat. Cathy tenait parfois des discours marxistes à l’ancienne.
Leaphorn connaissait Ingles de réputation. Pendant des années, il avait sillonné la région depuis la Mission Saint-Michel à côté de Window Rock et, pour les Navajos de Window Rock, il était connu sous le nom de Curé Tracy par déférence envers son arrière-train osseux. Il parlait le navajo, ce qui était rare chez les hommes blancs, et en avait si bien assimilé les tonalités complexes qu’il pouvait pratiquer le passe-temps favori du Peuple consistant à produire des jeux de mots absurdes en faisant semblant de mal prononcer. Pour l’heure, le son de sa voix était triste. Il avait parlé à Leaphorn de la famille d’Ernesto Cata, et maintenant il lui parlait de Shorty Bowlegs. Leaphorn était déjà au courant de l’essentiel. Plus tard, quand il se serait écoulé suffisamment de temps pour que cette conversation prenne un tour tout à fait détendu, il poserait les questions qu’il était venu poser. En attendant, il se contentait d’écouter. C’était là quelque chose que Joe Leaphorn savait très bien faire.
Ne va pas t'imaginer qu'un homme ne se soucie pas du sort d'une de ses chèvres parce qu'il en possède un millier [...]. S'il en possède un millier c'est parce qu'il se soucie plus de ses chèvres que du sort des membres de sa famille. En d'autres termes, ne t'attends pas à ce que les riches se montrent généreux.
Le sang, la mort, le feu, le chaos, l’horreur, et des perspectives nouvelles. « Nietzsche pour la pensée, Wagner pour la musique », lui avait toujours dit son père. « La majeure partie de ce qui reste est pour les nègres. »
Elle appartenait au Dineh de la Maison Haute et par conséquent n'était en aucune manière liée au propre clan de Chee, celui du Peuple à la Parole Lente. Cela, il s'en souvenait. C'était la vérification automatique qu'effectue tout jeune Navajo, garçon ou fille, afin de s'assurer que la personne qui l'attire n'est ni une sœur, ni une cousine, ni une nièce à l'intérieur du système clanique complexe de la tribu et, de ce fait, n'est pas rendue tabou par les règles de l'inceste.