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Critiques de Velibor Colic (157)
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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

Comment recommencer une nouvelle vie, à vingt-huit ans, étant considéré analphabète dans un centre de réfugiés d'un nouveau pays, quand on a déjà lu Edgar Allan Poe, ou Kafka, on connait la différence entre le réalisme et le surréalisme, déjà eu un prix littéraire très important en Yougoslavie et on écoute du jazz, Miles, Mingus et Coltrane.....?

Comment vivre sans argent, sans parents, sans amis,sans parler français,au milieu de familles africaines, ex-soldats russes et paumés de toute espèce ?

Comment noyer un passé douloureux, une enfance sous Tito,la barbarie de la guerre civile,la perte de ses proches?

L'auteur du truculent "Jésus et Tito" nous relate ici ses premières années d'exils de 1992 à 2000, depuis son arrivée à Rennes après sa désertion de l'armée bosniaque.

Sa bouée de sauvetage sera l'écriture et sa folle ambition littéraire, sa carotte devant l'âne.

Avec beaucoup d'humour et de dérision, il nous relate ces années difficiles , sa percé dans le monde littéraire français, et son errance à travers l'Europe, la solitude ne le quittant jamais d'une semelle, quelque soit les circonstances.

L'humour est fin, l'autodérision assassine, bref malgré le tragique, il nous fait bien rire.
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Perdido

Certains auteurs semblent habités par le jazz. Boris Vian, Julio Cortázar, et Velibor Colic. Perdido est moins une biographie du saxophoniste américain Benjamin Francis Webster, membre des Big Band d’Andy Kirk, Fletcher Henderson, Cab Calloway, Duke Ellington, qui exerça son art aux côtés d’Oscar Peterson, de Billie Holiday, … qu’une partition très personnelle, un « roman jazz » similaire à des morceaux, que Colic interprèterait autour d’un même thème.



Les femmes, l’alcool, la musique, la cocaïne, l’Europe, l’Amérique, la famille, les amis musiciens, la fumée d’une cigarette sont les morceaux joués par le romancier  un chorus poétique pour dire le génie de Ben Webster. Sous-titré « Roman roulette », Perdido rappelle Marelle, de Cortázar, où le lecteur peut sauter des chapitres comme s'il sautait à cloche pieds. Velibor Colic lance les dés sur le tapis d’une vie, et déroule son récit là où leur course s’arrête. Je découvre la destinée de ce saxophoniste légendaire, dont je n’avais en mémoire qu’une silhouette aperçue dans le film d’animation Chico et Rita de Fernando Trueba et Javier Mariscal.

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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

En 2018, pour fêter ses 20 ans, le Courier des Balkans a organisé une table ronde avec des écrivains des Balkans dont le thème était : Écrire dans la langue de son exil.

C'est là, que j'ai eu la formidable chance de rencontrer la bulgare Elitza Gueorguieva, découverte avec son roman : Les cosmonautes ne font que passer.

Et, puis, à la faveur d'un débat, j'ai découvert un homme aux yeux bleus perçants, avec une tristesse et une mélancolie empreintes sur son visage.

Cet homme, c'était Velibor Colic, je l'ai écouté raconter son périple et son arrivée en FRANCE, à Rennes, et de suite, j'ai eu envie de lire son roman.

Manuel d'exil est un livre qui vous prend aux tripes, qui vous malaxe , qui vous pétrit, qui vous meurtrit .

Avec un humour et une poésie sans nom, Velibor Colic nous convie dans cet exil, après avoir déserté l'armée bosniaque, fuit cette guerre qui lui fait dire avec beaucoup de justesse :

"Peut-on écrire après Sarajevo?"

Velibor Colic avec une grande tendresse d'ours mal leché nous emmène dans son exil intérieur

" Depuis que je suis exilé il y a beaucoup trop de miroirs et de fenêtres autour de moi. Impossible d'y échapper".

J'ai beaucoup aimé aussi ce parfum suranné qu'il porte et transporte d'un autre monde: l'empire Austro-hongrois.

Tellement émouvant, quand place Wenceslas, il croise le fantôme de Stefan Zweig.

"Je sais que l'homme dépourvu de sa terre ne peut prétendre au ciel."

Oui, c'est un récit qui porte sur l'exil, le temps et l'érosion du temps, un monde qui se clôt.

Je pourrais encore tant parler de ce livre, il m'a beaucoup touché et je repense au regard rêveur et nostalgique de l'auteur, lors de cette rencontre, une journée très pluvieuse de décembre à Paris.

Je lui laisse la conclusion.

"Plus que jamais je suis perdu dans une Europe aveugle, indifférente au sort des nouveaux apatrides. Mes rêves de capitalisme et de monde libre, de voyages et de villes des arts et des lettres sont devenus des mouchoirs en papier usagés,utiles pendant un bref instant mais gênants après l'utilisation. Rien que des cendres.

J'ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme "



Chapeau bas Monsieur Velibor Colic !
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Ederlezi : Comédie pessimiste

Mais quel poète - magicien MONSIEUR Velibor!!

Voici un roman coup de coeur, oh——pas si facile à lire —-mais alors, on se régale...

Velibor Čolic restitue à sa manière où ça pétille et virevolte telle une sarabande légèrement avinée , gouailleuse, mélancolique et âpre , l'histoire haute en couleurs de ce fameux orchestre tzigane composé de musiciens virtuoses , buveurs et amoureux des femmes, conteurs illustres , séducteurs jusqu'à plus soif, bagarreurs ,aiguiseurs de couteaux, aux blagues plutôt paillardes, au répertoire emprunté à l'amalgame de cultures diverses: tristes ballades bulgares, mélopées yiddish, sevdah bosniaque, Kënge albanais et autres chansons patriotiques macédoniennes, fanfares serbes ou autrichiennes ...

Il nous conte l'épopée sensible , tragique et légendaire de ce peuple tzigane si attachant,«  aux semelles de vent », portés par des musiques vieilles comme la douleur , hommes errants , expulsés ou tabassés , engloutis , exterminés pendant la deuxième guerre, ( Là périrent des milliers de Tziganes dans les camps puis à nouveau broyés par la guerre d'ex - Yougoslavie ) joyeux , éternellement amoureux, ivres de nuits d'alcool et d'amour ...

Un livre merveilleux semblable aux contes des mille et une nuits ou à une fable teintée de sang, de larmes, de rires , de douleurs infinies , de recommencements, d'âmes en flamme et de tendre chair..



Velibor Čolic met toute son âme ,son talent fou à nous détailler les coutumes de ces mangeurs de hérissons rôtis, ces musiciens dans l'âme, entre humour , gravité et tendresse , avec un souci du détail enchanteur,'nombreuses anecdotes et légendes vampires - sorcières ...

«  La réalité n'est qu'une illusion provoquée par le manque d'alcool. »

La langue est magnifique , sinueuse, insolente et imprévisible.

C'est drôle , émouvant , immersif .

«  C'est la figure intemporelle, éternelle de celui qui n'a pas de pays et fuit toujours , ne sachant où aller ni où se poser. »

Un peuple à nul autre pareil ....

Vibrant hommage à la figure du Rom souvent méconnu, à la richesse de sa culture et à ses traditions .

Quelle chance d'avoir rencontré l'auteur et sa savoureuse comédie pessimiste !

Je ne manquerai pas de m'attacher prochainement aux autres ouvrages de Velibor Čolic.

C'est mon troisième !

«  Le peuple tzigane errait dans le noir.Un jour, l'un d'entre eux , Danko le Kirvo , ouvrit sa poitrine , en retira son coeur et l'offrit de ses deux mains. de son coeur incandescent jaillit la lumière. Alors , il conduisit son peuple sur la route de la LUMIÈRE . »
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Jésus et Tito

Velibor Colic nous entraîne dans ce petit roman à travers ses souvenirs d'enfants et d'adolescent dans un pays qui n'existe plus : La Yougoslavie.

Ce qui est très émouvant dans ce livre, c'est de comprendre comment les hommes qu'ils soient croates, serbes, tziganes, d'une confession religieuse ou d'une autre s'entendaient et vivaient ensemble.

Velibor Colic nous le fait sentir bien des fois sous une écriture un peu déjantée, drôle et sérieuse à la fois. C'est un peu comme Ivan Andric dans son roman : un pont sur la Drina ".

Comment ces communautés ont volé en éclat aboutissant à dix ans de guerre ?

J'ai beaucoup aimé la dérision de Velibor Colic quand il évoque leur Dieu communiste.

Né dans un petit village coincé entre des montagnes, son enfance est dirigée par le Maréchal TITO qui a sauvé la Yougoslavie.

Néanmoins, son esprit critique s'aiguise à travers le temps et son goût pour la littérature l'entraîne vers l'écriture qui lui permet d'exister.

J'ai rencontré Velibor Colic lors de rencontres sur la littérature des Balkans. Un personnage hors norme, au regard bleu froid des montagnes, un ours un peu mal léché mais qui exerce une attraction indéniable.
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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

Quand j’entends « migrant », je pense automatiquement Afrique, faim, guerre, désespoir, misère, survie et tant de termes que ma condition d’européen privilégié m’empêche (quelle chance) de connaitre, de ressentir dans l’absolu…

Quand j’entends « génocide », je pense tout de suite à juif, Arménien, Rwanda, Tutsi, Amerindien, Ukraine (depuis le poignant billet d’Iboo : https://www.babelio.com/livres/Naumiak-Ukraine-1933-Holodomor--Itineraire-dune-famille-/1007576/critiques/1494841).

Dans les deux cas, combien sommes-nous à penser Yougoslavie? Moi, jamais je l’avoue et pourtant… Ca se passait à notre porte il n’y a pas 25 ans…



Manuel d’exil n’est pas un livre sur la guerre en ex Yougoslavie mais sur un destin qui fera partie des dommages collatéraux, comme on dit.

Velibor Colic, raconte quelques fragments de son parcours.

Quelques débris d’avant AK47 au fond des poches pour toute richesse, il arrive à Rennes comme aujourd’hui tant de gens arrivent quelque part sur une cote Méditerranéenne. Un migrant, perdu. Un sinistré hagard qui erre dans les ruines d’un passé pourtant plein de promesses. La vie continue, accompagnée de quelques fantômes. La vie continue malgré cette sensation ne plus y participer, malgré cette impression d’être devenu spectateur voir de subir le temps qui passe. Entre apnée et amnésie, c’est toute une rééducation qui reste à faire.

Difficile de se souvenir qu’on est un homme quand le regard de l’autre vous renvoie au rang de parasite, de gêneur, de sous homme. Difficile de garder un zest d’estime de soi quand les rares paroles qui vous sont adressées vous donnent l’impression d’être, dans le meilleur des cas, une brave bête à qui il ne manque plus que la parole.

Velibor Colic va passer de chambres en foyers, de bancs en bancs, de bars en bars, de villes en villes. Il va faire le chemin, presque caricatural et malheureusement si réel, tracé par notre « civilisation » qui accordera ou non le droit de vivre (le droit d’asile comme on dit…) aux hommes de rien.

Fin de la première partie parce qu’après…

Après, le début de la deuxième moitié du manuel d’exil ressemble plus à une immersion chez les bobos qu’à une véritable galère. Attention, quand je dis « immersion chez », je ne dis pas que Colic embrasse la « cause », il y est plus en observateur et par intérêt. Un intérêt commun avec des gens plus ou moins condescendants qui se servent de lui à des fins financières ou « philosophico-humanitaires ». Un échange de « bons » procédés en somme.

Les dernières « leçons » (chapitres), nous font voyager de Budapest à Milan en passant par Paris, Prague ou Venise mais plus en tant que migrant. En tant qu’écrivain bohème, une voie qu’il draguait avant l’an kalachnikov.

J’avoue que ce que j’appelle « deuxième partie » m’a beaucoup moins intéressé même si malgré la vie qui se simplifie, qui reprend un cours moins incertain, Velibor Colic reste un déraciné, un meurtri.

Son écriture est parsemée de lambeaux d’espoirs qui ouvrent la porte à quelques moments de poésie dans une période de sa vie pas vraiment propice au « beau ». L’exil est une encre indélébile, un tatouage à l’âme. C’est un mal insidieux qui guette et surgit à n’importe quel instant pour un mot, un visage, une odeur qui rappelle… La « guérison » n’est qu’apparente car si tout quitter est difficile, les causes du départ, elles, sont gravées dans l’inconscient.

Je ne sais pas trop comment définir le ton du bouquin. La quatrième de couverture nous promet une langue pleine de fantaisie et d’humour avec une ironie féroce et tendre. J’ai trouvé que ça oscillait aussi beaucoup entre désabusement et fatalisme. Un mélange de tout ça qui en fait une lecture qui n’appelle pas l’œil à s’humecter mais qui laisse parfois la gorge un peu sèche…

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Ederlezi : Comédie pessimiste

Sur leur passage tout est bouleversé, ils remuent ceux qui aiment le confort d’une vie sédentaire car ils sont des hommes aux semelles de vent et à l’âme de feu, "poètes et trafiquants d’armes". La lascivité de leurs danses et de leurs chants trouble la quiétude des villages qu’ils traversent, ils inquiètent.



Velibor Colic nous offre là une bible tzigane qui nous conte l’épopée légendaire sublime et tragique d’une lignée de musiciens et chanteurs, de ces semeurs d’étoiles qui font vibrer ceux qui les entendent à travers «des complaintes vieilles comme la douleur», des hommes qui traversent les tragédies du XXe siècle en vivant passionnément, des nuits d’ivresse faites de chants et d’amour, des hommes qui seront pris dans les mâchoires d’un monde qui a de plus en plus «une gueule de chien enragé».


Un livre emprunt d’une sagesse éternelle pleine d’humour jusque dans la tragédie, dont on sort ébloui, le coeur plein de rires et de larmes.


«Quand vous trouvez un os sur le chemin, souvenez-vous qu’un jour la viande le recouvrait. Retenez bien ceci, mes amis : ce n’est pas la chair qui est réelle, c’est l’âme. La chair est tendre, l’âme est flamme.»

«En bon Tzigane, Ezequiel parlait cinq ou six langues, mais seulement au futur.
--- Pour moi, confirma-t-il, le présent n’existera pas, seulement l’éternité.

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Jésus et Tito

Ce qui est bien en terme de lecture est d'avoir également une personne (avec laquelle on vit de préférence, surtout en cette période de confinement), qui adore la lecture, ce qui est mon cas. Aussi, même si j'ai terminé tous les livres que j'avais emprunté à la médiathèque dans laquelle je travaille, je peux piocher dans les provisions de mon mari. Ayant emprunté cet ouvrage pour le prochain club-lecture organisé dans sa propre médiathèque (et qui du coup, se fera de manière virtuelle), cela m'a permis de découvrir un auteur que je ne connaissais absolument pas et de me familiariser quelque peu (j'avoue que l'on ne peut cependant pas s'en tenir à un seul ouvrage dons il me faudra creuser un peu plus dans ce sens) avec la littérature serbo-croate.



Ici, notre auteur, protagoniste nous livre quelques passages de son enfance en ex-Yougoslavie, pays alors fortement sous l'emprise du maréchal Tito et donc très profondément encré dans des idées communistes. Notre jeune héros, d'abord enfant, se partage entre les idées de son père, vouant corps et âme à ce dernier et la passion catholique de sa mère, d'où le titre de cet ouvrage. Ce n'est qu'en grandissant qu'il se fera ses propres opinions mais là encore, l'ouvrage s'arrête trop tôt puisqu'à la sortie de cette lecture, notre protagoniste-auteur n'est encore que très jeune puisque finissant à peine son servie militaire. Cependant, le lecteur peut se forger une vague opinion de ce qu'était la vie sous un régime communiste, quand il découvre que le héros et son frère bavent d'envie devant tout ce qui est fabriqué aux Etats-Unis et ne jurent plus que par le "Made in USA". Alors, certes, il faut prendre beaucoup de recul car nous nous plaçons alors juste avant ce que l'Histoire allait plus tard appeler "La guerre froide", à savoir les fortes tensions entre des pays capitalistes d'un côté (et notamment les Etats Unis) et les pays socialo-communistes de l'autre (l'ex URSS) mais cela n'est pas abordé de manière politique ici. Au contraire, l'auteur sait traiter le sujet de manière plus ou moins neutre par moments, se penchant uniquement sur son histoire personnelle et celle de ses camarades d'époque et le tout avec un ton léger et une bonne dose d'humour !



Un ouvrage qui se lit très rapidement et que je ne peux que vous recommander, même si j'avoue avoir moi-même décroché de temps à autres. Heureusement que les chapitres, ou plutôt les bribes de souvenirs sont courts et que l'on peut suspendre sa lecture à n'importe quel moment car, mis à part, la chronologie, il n'y a pas réellement de fil conducteur entre les souvenirs évoqués ici !
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Chroniques des oubliés

En 1992, ayant fui son pays d'origine en guerre et fraîchement débarqué en France, ce Bosnien de Bretagne, qu'est devenu Velibor Colic, prenait aussitôt des cours de Français, langue qui lui était totalement inconnue. À son enseignante de la langue de Molière, qui s'informa de ses projets en France, l'auteur notait comme unique réponse "Goncourt !" C'est dire que l'homme avait de l'ambition. Même pas un quart de siècle plus tard, s'il n'a pas encore obtenu ce Prix, il peut se vanter d'avoir écrit plusieurs oeuvres notoires directement en Français : "Jésus et Tito" (2010), "Sarajevo omnibus" (2012), "Ederlezi : Comédie pessimiste" (2014) sur les tziganes, et "Manuel d'exil : Comment réussir son exil en trente-cinq leçons" (2016). Plus l'introduction du livre d'Alban Lécuyer "Ici prochainement : Sarajevo", que j'ai chroniqué le mois dernier.

Avant, cet écrivain, né en 1964 à Odžak en Bosnie-Herzégovine, avait déjà écrit plusieurs oeuvres en Serbo-croate dont les plus connus sont sans doute : "Les Bosniaques" (1994) et "L'ombre du mur" (2001).



"Chronique des Oubliés", écrit 2 ans après son arrivée en France, pendant qu'il séjournait à Strasbourg, dédié à "tous ceux qui sont tombés dans l'oubli", est très court (95 pages) et subdivisé en de nombreux chapitres, souvent d'une ou de deux pages seulement. Résumer est dès lors exclu.

L'ensemble ressemble à une sorte de recueil de flashes, d'instantanés, qui à partir de souvenirs, constituent des témoignages émouvants de l'horreur et de l'absurdité de la guerre et de la violence. Certains vous glacent le sang et sont donc peu recommandables juste avant d'aller dormir !

Cette méthode permet cependant de se faire une idée plus précise de ce que cette violence arbitraire, aveugle et atroce a signifié pour les enfants, femmes et vieillards dans les villages isolés de Bosnie et qui ne sont, hélas, plus là pour raconter la terreur et la souffrance dont ils ont été les innocentes victimes.



Quelques brefs exemples pour illustrer la réalité de cette guerre d'ex-Yougoslavie. Un père qui dans un abri de fortune confectionne, avec des veilles chaussettes, une poupée pour sa petite Anna, morte depuis 3 jours par la balle d'un sniper "C'est pourquoi il ne pleure pas. Il n'y a pas de larmes sur son visage. Sa douleur est sèche." Les cadavres carbonisés de 4 soldats serbes attachés à une porte en bois, déposée sur l'eau de la rivière Bosna et poussée en direction de la Serbie, avec une pancarte : "Donnez bien le bonjour à Slobo !" le pauvre soldat croate qui rêve d'avoir encore ses jambes et qui au réveil, constatant que ce n'est pas le cas, essaie de se couper la gorge à l'hôpital de Slavonski Brod, manque son coup, et meurt 5 jours plus tard de gangrène.



Ayant été enrôlé, contre son gré, dans l'armée bosniaque, dans ces instantanés condamnant la violence, il n'épargne pas ses compatriotes, bien que ce soient évidemment les Oustachis (Croates) et surtout les Tchetniks (Serbes) qui écopent. Comme notamment les troupes "d'elite" , les Aigles Blancs.



J'ai été tellement séduit par la beauté de la langue, que je me suis fait la réflexion que la traductrice mériterait un prix. En vérifiant j'ai découvert qu'en fait, Mireille Robin, diplômée en langues slaves et la grande spécialiste du Serbo-croate vers le Français en avaient déjà obtenu 2 prestigieux : le Prix Halpérine-Kaminsky en 2003 et, 7 ans plus tard, le titre de Chevalier des Arts et Lettres pour justement ses travaux de traductrice. À Novi Sad, au Nord de la Serbie, elle a marié le poète Rade Tomic, de qui elle a eu 3 enfants. Lorsque celui-ci, en tant qu'opposant politique, a disparu mystérieusement, elle est rentrée en France, à Rennes. Elle a traduit les principales oeuvres de pratiquement tous les grands noms en cette langue, tels Borislav Pekic, Rajko Djuric, Dubravka Ugresic, Slavenka Drakulic, Ljubica Arsic etc.

J'ignore qui est le plus à louer pour cette réussite, l'auteur ou sa traductrice ? Car le résultat est à la fois terrible et très réussi.



Velibor Colic estime que pour écrire après une guerre, "il faut croire en la littérature.... Vouloir croire en la littérature après la guerre, ou pendant qu'elle dure encore, est une forme de résistance." Se taire, selon lui est "une honte. Car se taire veut dire approuver."

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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

«  Je suis une tache gênante et sale, une gifle sur le visage de l'humanité, je suis un migrant . »

«  Des cendres. Rien que des cendres. J'ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme » .



« Mon corps inutile commence à rouiller . Je suis robotisé par la misère. Je suis un long spectre faible et transparent posé sur le trottoir , un insecte nocturne qui brûle à petit feu , trahi par le halo des lampadaires . »



Quelques extraits de ce livre lu d'une traite , que l'on pourrait qualifier de « Chronique des OUBLIÉS » où l'auteur , après avoir déserté l'armée bosniaque, se retrouve à Rennes , dans un foyer de demandeurs d'asile à la fin de l'été 1992, je me suis demandée :

ET SI le lecteur se posait la question.





Comment survivre et s'adapter dans un pays inconnu , dont on ignore la langue, sans argent , sans amis , dans un dénuement physique et intellectuel ?

AVEC pour tout bagage et pas des moindres : Jean - Paul Sartre, , Émilie Dickinson, Raymond Carver, Ernest Hemingway, , Modigliani , Dostojevski, après avoir traversé l'Europe endormie: Croatie, Slovénie , Autriche et Allemagne réunifiée? .

L'auteur nous conte avec superbe, ironie, poésie, immense dérision , tendresse , à la mesure de ce qu'il vit , ses rêves , la ville de ses songes, insolite maelström de son bourg natal, curieux mélange de Sarajevo et Dubrovnik jusqu'à son réveil douloureux : surtout vivre une vie sans EXIL ...

Il nous décrit sans apitoiement la condition des réfugiés ....sujet d'actualité.



Sa France est faite d'un espace très réduit :

Cultivé et démuni, ironique et désabusé, une ombre parmi les ombres, il attendra un signe au fond d'une Église, habité par un froid métaphysique , entre désespoir et ironie féroces, il errera entre Prague, Venise, Strasbourg et Paris....

La langue est imagée, colorée, riante, triste ou désespérée , pétrie de portraits chaleureux , fins , fouillés , réalistes , de femmes, d'hommes, cette gente humaine cruelle ou lumineuse....



Parfois il se sent immensément grand , en d'autres temps , minable et le corps douloureux . ..



.. Un très bel opus prêté par ma médiathèque.

Elle m'a demandé de le lire avant la rencontre avec Velibor Čolic en novembre .
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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

Quand on est écrivain et que la guerre vous attrape , vous enrôle et vous barde de ces horreurs, la fuite est une option non négligeable .

C'est celle retenue par Velibor Colic , soldat de l'armée bosniaque au début des années 90 dans un pays à feu et à sang. Son exil l'envoie à Rennes dans un foyer .



Livre autobiographique donc , plein de charme , d'autodérision , d'humour mais aussi de nostalgie , de tendresse et d'alcool.

Pas simple quand on est un érudit de tomber dans un pays où l'on ne comprend rien et où l'on doit se battre chaque minute.

Velibor Colic nous narre ses premières années dans une très belle langue où suinte son amour des lettres, des femmes , de la bière mais aussi des Balkans dont chaque évocation est remarquablement écrite.



Une très belle découverte d'un auteur qui à travers ce texte intime se rend forcément très sympathique .
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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

Un manuel d'exil grinçant et ironique , derrière lequel on perçoit toute la détresse de Velibor Čolić devant ce que l'exil de sa Bosnie natale, en proie au nettoyage ethnique , a fait de lui : un vagabond qui s'abrutit d'alcool, se couvre de crasse et se fait horreur.



Jamais chez lui nulle part, privé de son statut d'écrivain, errant de ville en ville, de refuge en refuge, il perd peu à peu, à ses propres yeux, ce qui faisait son humanité.



Le part pris du fragment et de l'ironie fait, littéralement , voler en éclats cette douleur, mettant, pudiquement, la souffrance à  distance. On a presque un peu de mal, parfois, à rentrer en empathie avec quelqu'un qui semble se détester si fort.



La deuxième partie où l'auteur semble avoir recouvré son statut d'intellectuel reconnu, lu,  traduit et honoré,  est plus facile à lire, mais aussi moins écorchée vive, moins pathétique, moins prenante.



Parler de soi comme migrant et comme déclassé est un exercice difficile et douloureux . D'où, je pense, le côté un peu forcé, presque laborieux de ce manuel qui semble avant tout destiné à l'auteur lui-même.



Un humour caustique, une grande pudeur et une plume intéressante , piquante, vers laquelle je reviendrai sûrement.
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Jésus et Tito

Il saigne ses souvenirs pour qu'ils puissent être dit,transmis.

Il témoigne d'un passé révolu.

Une ombre à la fois sombre et lumineuse qui scintille dans sa mémoire et qui raconte une enfance merveilleuse dans les Balkans dans un village de montagne en Bosnie.



Que de similitude dans ce roman : « Jésus et Tito » de VElibor Colic avec ma propre enfance !

Biberonné aux chansons partisanes,

Adulant le Marechal Tito avec l'innocence de l'enfant pour qui il est un réfèrent, un père ,un héros ,

La fierté d'être un « pionir » un enfant communiste,

Citer les yeux fermés en pleine nuit toutes les offensives de Tito pendant la deuxième guerre mondiale,

Considérer Marx comme un sage ressemblant à un Deda Mraz (littéralement un Grand père Gelé)^^

Manger du burek ,cette délicieuse pâte feuilletée à la viande avec délice.

Que d'étranges références qui pourtant construisent une conscience humaine !



Un gamin qui grandi dans un pays communiste dans ce qui à l'époque était la Yougoslavie.

Pourquoi ce gamin tirait-il avec un fusil de chasse des escargots inoffensifs ?

Pourquoi ce garçon du haut de ses 10 ans assassine-t-il un pigeon avec une balle en pleine tête ?

Métaphores ou prémisses d'une vie à venir dans un pays en guerre qui n'aura plus rien d'idyllique !!!

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Jésus et Tito

J'ai rencontré Velibor Čolic lors de sa venue en novembre à la médiathèque pour la sortie de son ouvrage«  Manuel d'exil » , lu et critiqué, déjà .

« Jésus et Tito » est un des derniers livres qui me restent durant la période de confinement ...

Avec humour, dérision, sagacité , bon sens et réalisme, Velibor nous livre lors de cette autobiographie agréable à lire—- inventaire de ses années d'enfance et d'adolescence ....l'image d'un héros qui se partage entre les idées communistes de son père, juge, et la passion toute catholique ( cachée bien sûr , à cette époque) de sa mère, sous l'égide du maréchal Tito.



Avec une certaine naïveté , il nous raconte son pays , ses amis, sa famille , son école , son affreux service militaire .



En se penchant avec tendresse et drôlerie sur les idoles roch'n roll de son adolescence : Pelé,—- à six ans il veut devenir footballeur, noir brésilien —-



Velibor nous balade au gré de son grand amour, la littérature :Charles-Bukowski, Arthur Rimbaud, , Charles Baudelaire, Pablo Neruda, Paul Verlaine et « le petit prince » il nous mène dans le bateau de ses rêves —- devenir un poète —- maudit de préférence ... Évidemment ....



Le tout sous le signe de la bonne étoile : Rouge ....



Coup de coeur et de gueule,, doutes sur le communisme ...



Un texte entre MÉMOIRE Et IMAGINATION, témoignage d'un monde lointain ... plus rien que des cendres,.. «  le Jurassic Park d'un communisme disparu et enterré en même temps que l'idée de la Yougoslavie , pays des slaves du Sud » ...

Petite histoire dans la Grande Histoire...

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Guerre et pluie

Petite virée en guerre civile, avec ce livre relativement bref qui narre l'absurdité qui anime de manière périodique l'humanité.

En deux temps. En commençant par la fin, celle de sa maladie, qui, du fait de la narration, semble la conséquence du récit qui va suivre. Une maladie auto-immune comme la maladie qui incite des peuples à s’auto-détruire.

Bien assis derrière leurs écrans, certains penseurs de canapé vitupèrent contre tout ce qui est différent, contre toutes les menaces qui risquent de les priver de leurs certitudes forgées par des années de pratiques. Alors se lèvent quelques démagogues qui sauront exploiter ce travers humain et cela recommencera. On le voit aujourd'hui au moyen-orient. Personne n'est au dessus de cette tentation, pas d'échappatoire à cette maladie qui ronge toutes les sociétés de l'intérieur. L'appartenance à un groupe, le sentiment national ne se définissent que par opposition à d'autres. Pas d'états-nations sans ennemis à combattre. Pas de peuple élu sans peuples à dominer...

Là, c'est l'ex Yougoslavie... Sans creuser la bio de l'auteur, on ne peut pas savoir à quel "camp" il appartient (le notre, celui des gentils? ou celui des autres, les méchants?).

C'est justement ce qui rend pertinent ce roman : la médiocrité, la bêtise, la souffrance sont sans frontières, sans nationalités. Bien sûr, dans son canap' on est sûr d’appartenir au camp du bien. Mais à l'épreuve de de la guerre, l'auteur nous montre la stupidité de cette posture.

Ce qu'il vit est aussi vécu par les autres en face. C'est moche, c'est cru, presque vulgaire par instants.

Mais justement, c'est ça la réalité de la guerre, quand on la fait réellement, c'est à dire au corps à corps, contre un ennemi équivalent. Loin des guerres asymétriques menées avec des drones et des bombardiers et des missiles guidés par satellites (un must), de loin, ici on suit les mouvements sans buts précis des simples exécutants, ceux qu'on a enrôlés ou qui se sont mobilisés pour la bonne cause (peu importe laquelle) et qui en tuant finalement assez peu, contribuent à la propagation de cette maladie auto-immune de l'humanité appelée guerre. Maladie qui profite essentiellement aux pires parasites qui s'en nourrissent mais qui ne la font pas, bien sûr.
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Manuel d'exil : Comment réussir son exil en t..

"La misère du monde s'est donnée rendez-vous à Rennes en cette fin d'été 1992. L'Irak et la Bosnie, la Somalie et l'Ethiopie, plusieurs pays de l'ex-bloc soviétique. Quelques vagabonds professionnels en plus, des hommes

perdus depuis longtemps, peut-être depuis toujours, entre les diverses administrations et les frontières, entre le vrai monde et ce sous-monde des citoyens de seconde classe, sans papiers, sans visage et sans espoir. "(p. 23)



Une lecture qui prend aux tripes ! *

Découvert cet écrivain bosniaque en surfant sur le site Babelio, et en prenant connaissance des impressions de lectures des uns et des autres... J'avais noté dans mes préférences ce "Manuel d'exil"... que j'ai trouvé à

la médiathèque...



Une plume ironique, poétique, tendre, qui dit pourtant les douleurs intolérables de la guerre, des barbaries humaines, et puis la survie dans la fuite et l'exil !!...

Je fais donc connaissance avec cet écrivain, qui arrivant en France, comme réfugié politique, avait déjà écrit et publié dans son pays. Ensuite, s'étant acharné à apprendre la français, il écrira directement en français... Quel courage et quel mérite !... Une phrase m'a particulièrement interpellée : "--------

"Je ne suis pas prêt, le chemin est encore long. Je sais que ma nouvelle vie en France exige un esprit fort et une mémoire blanche. (...) Je sais que mon salut, ma Thérapie d'approche cognito-comportementale,ne doit être qu'une seule chose : l'écriture.

Il me faut apprendre le plus rapidement possible le français. Ainsi ma douleur restera à jamais dans ma langue maternelle. (p. 34)"



Emue et bouleversée par cette lecture, avec une nette préférence pour la première partie concernant son séjour en France entre Rennes, Strasbourg et Paris... la seconde partie, concerne les pérégrinations de notre écrivain apatride entre Budapest, Milan et l'Allemagne... les séances de signatures de ses livres, ses difficultés et impossibilités face à l'écriture; la solitude d'un homme , rempli de désillusions et de solitude au milieu de la société des hommes..!



"Comme on le sait, comme on l'a répété depuis longtemps, le poète est inéluctablement parmi les hommes, afin de parler de l'amour et de la politique, de la solitude et du sang qui coule, de l'angoisse et de la mort, de la mer et des vents. Pour écrire après une guerre, il faut croire en la littérature. (...)

Qu'elle peut ramener l'horreur, incompréhensible et inexplicable, à la mesure humaine. (p. 105)



"Je n'arrive pas à oublier que cet écrivain [Salman Rushdie] est menacé de mort, que ses ennemis sont urbi et orbi, dans le monde et dans la ville, au ciel comme sur la terre. Qu'ils sont prêts à verser un million de dollars pour tuer un écrivain, rien d'autre et rien de plus qu'un écrivain.

c'est déplorable et révoltant, je réalise que la littérature est une courageuse sentinelle, une sorte de papier de tournesol pour examiner le taux d'acidité et de folie dans ce bas monde. "(p. 126)



De beaux passages retenus ; ceux qui rendent hommage aux valeurs essentielles de l'Ecriture : outil de réflexion, compréhension, de résistance...de conjuration de l'exil, de la solitude dans un pays

étranger. L'auteur nous fait part de ses lectures et de ses auteurs de prédilection...qui l'aident au quotidien... à vivre et à oublier la guerre



"J'ai vingt-huit ans et j'ai déjà servi dans l'Armée populaire yougoslave, puis dans la défunte armée bosniaque. J'en ai plein le dos des armes et des drapeaux, des nuits sans fin qui mordent les mains et les aubes violettes qui commencent avec les obus ennemis. Je ne veux plus entendre aucun commandement d'aucun capitaine, aucun cri d'aucun blessé. (...)

Nom de dieu, je suis un poète ! Je ferme mon carnet et tire la couverture jusqu'au menton. tout baigne, tout est en ordre. Mes alliés, mes saints patrons, Prévert, Camus, Celan, Pound sont de nouveaux là. Rien à craindre." (p. 30)



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Ederlezi : Comédie pessimiste

Ce n'est pas un roman à lire d'une traite car il n'est pas facile à lire bien que l'écriture et la narration soit fluides. L'action est lente et répétitive. Il faut prendre le temps de savourer les nombreuses anecdotes qui étayent le roman, de s'imprégner des légendes (comme le célèbre duel entre la vieille Marishka, un peu sorcière et la terrible Papillone- une vampire)

.

Les descriptions détaillées des personnages (tous superbes) permettent d'entrer dans l'ambiance particulière du roman.

Souvent l'auteur passe d'un personnage à l'autre sans préciser ni le temps ni le lieu. Certains personnages se retrouvent plusieurs fois au cours du siècle. D'autres disparaissent à jamais, à moins qu'eux aussi ne se réincarnent ?



Tout n’est pas dit ou expliqué et il arrive souvent qu'on perde la trace d'Azlan pendant quelques jours, semaines, mois ou années pour s'attacher à tel ou tel autre personnage secondaire pendant ce temps. Ces digressions peuvent perturber les lecteurs trop jeunes ou les impatients :)



Dans ce roman, l'auteur rend hommage au peuple tzigane et à son patrimoine culturel. Il rend hommage aussi à ces femmes et à ces hommes inconnus et à la richesse de leur culture. Azlan devient le symbole du Rom errant éternellement sur les routes, traversant les décennies porté par la seule musique. Il est impossible de de le supprimer car il renaît de ses cendres et revient toujours avec courage pour recommencer à vivre... Perpétuel bouc émissaire, Azlan représente la "figure intemporelle de celui qui n’a pas de pays et fuit toujours ne sachant pas où aller ni où se poser".

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Mother Funker

Roman noir qu’on ne peut lire en restant à distance, on en ressort commotionné, troublé. L’écriture en est forte, l’humour et la poésie n’en sont pas absents même si l’ambiance générale est lourde, poisseuse et violente. Velibor Colic a nommé le personnage principal, un américain ancien détective devenu tueur à gage, Hubert Selbie en hommage à l’auteur américain du même nom qu’il admire. «Mother Funker» est émaillé de références musicales (Nick cave, Gainsbourg, Miles Davis..), littéraires (Baudelaire, Boulgakov, Corto Maltese, Italo Calvino entre autres) sans oublier des peintres comme Modigliani ou Picasso.

Mother funker ressemble à une tentative d’exorcisme de la douloureuse expérience que Velibor colic a traversé en Bosnie.

S’il nous touche autant c’est qu’il n’abolit pas totalement la part, même infime, d’une possible rédemption. En effet, si l’odeur de la mort imprègne les quatre saisons de ce roman quelques anges font pourtant une apparition lors du grand passage et reviennent hanter dans un dernier éclair de lucidité ceux qui ont voulu oublier leur existence, qui ont cru les avoir éliminer.

Le tueur à gages lassé et désabusé est toutefois rejoint par l’ombre noire de ses victimes. Le mal peut contaminer ceux qui le côtoient trop longtemps comme ceux qui s’approchent trop près du vide sont saisis par le vertige. Ils ne peuvent continuer leur route qu’en buvant sec et grâce à la déesse morphine sans oublier la tendresse et la douceur d’un corps de femme que bien souvent ils bafouent.

Dans un entretien avec Maya Michalon, aux rencontre d’Averroès en novembre 2002, Velibor Colic à propos de Mother Funker dit :

J’ai écrit ce texte en 1998. J'y règle mes comptes avec ces “ bagages” du XXe siècle que sont le fascisme et le communisme, et qu’à mon sens nous n’avons pas besoin d’emporter dans le XXIe.
Le titre Mother Funker sonne comme une insulte. Mais c’est un jeu de mots, un clin d’œil à la musique noire, au funk, à James Brown, au jazz, à Coltrane que j’aime beaucoup.
J’ai choisi la forme du roman policier, car pas plus qu’un autre, je n’ai le droit de donner de leçons. Le sujet est très lourd, les personnages sont tous des salauds : ce genre de littérature me permet de les “ promener” un petit peu...
(...) L’humour permet de “calmer le jeu”, de donner une vision plus drôle, plus simple de cette situation si violente que je décris.

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Perdido

«Dans ce livre, certaines pensées, certaines phrases, certains paragraphes, voire des chapitres tout entiers se répètent parfois (voir «Soulville» I, II et III), et ceci pour une raison bien simple. Nous pouvons l’expliquer ainsi : à l’instar d’un musicien de jazz, nous partons d’un thème donné, qui revient et se reproduit sans cesse, mais chaque fois nous lui ajoutons quelque chose de nouveau, une improvisation, si bien que le rythme, pourtant toujours le même, semble différent.» p 8

Velibor Colic joue là, à partir d’éléments de la vie de Ben Webster, une mélodie spontanée et imaginaire, une vie avec des pauses et des ruptures de rythme. Ce n’est pas une biographie respectueuse des faits qu’il nous offre. En faisant se croiser différents thèmes pris dans la vie de ce saxophone ténor né à Kansas City en 1909, ami de Duke Ellington, Oscar Peterson, Ray Brown... il fait résonner, grâce à son doigté, des notes particulières bien à lui.

Qu’est-ce qui est plus poignant que la voix syncopée d’un saxo si ce n’est la vie de celui qui en joue dont il se fait l’interprète.

«Perdido» est composé de 7 parties : «Sur mes mains et mon coeur, je porte sept blessures, sept roses pourpres, sept étoiles vierges qui sans cesse à nouveau écloses, sont nourries par la sève de mes veines.»

La vie au fil des improvisations et du hasard mais aussi avec des retours, des répétitions, un fil de trame : la nuit, les bars, les hôtels miteux et la beauté déchirante et sensuelle des femmes rencontrées lors des tournées en Europe, retrouvées ou perdues mais toujours présentes qu’elles se nomment Sarah, Annabella, Laurie, Juana ou Jane «Sister Midnight». Désespoir d’un homme qui lorsqu’il ne joue pas se noie dans l’alcool et la drogue sans doute parce que vivant avec tant de passion, il ne peut que se brûler.

«En harmonie avec les cendres», ainsi s’intitulerait le blues qu’il écrirait en souvenir de Sarah. Il reprit son bloc et son crayon et, d’une main exercée, ajouta quelques mesures sur la partition de sa mémoire. p 123

Me sont revenues, en lisant ce livre, des scènes du beau film de Bertrand Tavernier «Autour de minuit» qui s’appuie, en la romançant, sur la vie du saxophoniste Lester young et du pianiste Bud Powell

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Les Bosniaques

Ce livre n'est pas un roman, c'est un cri.

Velibor Čolić, bosniaque né à Zagreb en 1964, l'a pratiquement écrit sur le front de la guerre des Balkans. Enrôlé dans l'armée de Bosnie-Herzégovine, il est fait prisonnier et réussit à s'échapper. Ce livre est un recueil de portraits, d'anecdotes, de souvenirs tous plus vifs et violents les uns que les autres. Ils dépeignent avec une justesse crue la dureté et l'absurdité de cette guerre. Ce livre est construit en trois parties : Hommes, Villes, Barbelés. La première est elle même construite en trois parties : Musulmans, Serbes, Croates. Chacune dépeignant son lot de portraits vifs et cruels d'innocents ou de criminels, comme pour montrer que ce pays a une âme, une unité, même si les ethnies s'entre-déchirent.
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