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Critiques de William T. Vollmann (76)
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Les fusils

Dans la vie d'un lecteur, il y a deux catégories d'écueils : les livres simplement emmerdants, et les livres emmerdants et incompréhensibles. Non seulement on se casse les pieds, mais en en plus, on se demande en prime si on est complètement con ou si l'auteur est complètement hermétique. Vu les critiques élogieuses reçues par ce bouquin, tant dans la presse que sur Babelio, je m'inquiète un peu pour mon intelligence, mais vais essayer de me convaincre que je ne prend simplement pas les bonnes drogues.



William T. Vollmann nous entraîne ici dans une sorte d'histoire symbolique du Grand Nord américain, où s'entremêlent réalité et fiction, reportage et roman, passé et présent, autour de deux personnages centraux : John Franklin, de l'expédition du même nom, disparue dans les glaces en 1847, et le capitaine Subzéro, Blanc amoureux de ces déserts neigeux et d'une jeune Inuit au destin malheureux. Deux personnages qui ne sont en fait qu'un seul, l'un étant la réincarnation de l'autre et leurs consciences se rejoignant à travers le temps - ainsi qu'on finit par le comprendre aux trois-quarts du bouquin, après moult interrogations perplexes et agacées.



C'est d'ailleurs une des caractéristiques qui m'a le plus gonflée, dans ce livre : cette perpétuelle confusion des personnages, alimentée par une narration qui passe du "tu" au "je" puis au "il" sans qu'on sache très bien, à chaque fois, qui associer au pronom. Confusion assez omniprésente : l'auteur ne cesse de sauter du coq au pingouin, casse le rythme, l'ambiance, et nous enlise dans des phrases interminables dont la fin n'a plus aucun rapport avec le début. Les descriptions sont d'un ennui mortel, incapables de rien m'évoquer, et les personnages, aussi minables qu'exaspérants, n'ont pas suscité la moindre miette d'empathie de ma part.

Le tout sur plus de 600 pages : autant vous dire que j'ai souffert. Et lu pas mal en diagonale pour en finir au plus vite.



Mais pourquoi t'es-tu donc acharnée sur plus de 600 pages à cette sauce, me demanderez-vous, toi qui d'habitude n'hésite pas à envoyer un livre au diable quand tu ne parviens pas à rentrer dedans ?

Sur le premier tiers du bouquin - de loin le pire - j'ai tenu en partie à cause des critiques (autant de gens ne peuvent quand même pas avoir autant aimé un truc aussi moisi ? Ca va bien finir par devenir intéressant, non ?!), en partie pour Franklin, dont l'histoire me fascine tant que je suis capable de l'attendre pendant 250 pages d'ennui pur. Et puis après, le récit décolle un peu, par épisodes - en gros, quand l'auteur n'essaie pas de faire de la littérature, mais juste de raconter des trucs. Car il a réellement des choses intéressantes à dire, nourries par une documentation abondante : dommage qu'elles aillent s'empêtrer dans une ambition symbolique aussi pompeuse qu'obscure.



Après, je soupçonne aussi la traduction de ne pas arranger le schmilblick, et j'avoue désormais avoir presque autant envie de fuir les écrits de Claro que ceux de Vollmann. Dommage : j'aurais vraiment aimé aimer ce texte, dont les thèmes m'attiraient beaucoup.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Le livre des violences : Quelques pensées sur..

Yougoslavie , Somalie , Jamaique , autant de facettes autant de quotidiens ancrés dans une réalité violente , autant de facettes du Livre des violences . Facettes vécues et retranscrites de l'intérieur par l'ancien journaliste de guerre Vollmann. Visiblement hanté par ces expériences , potentiellement fasciné par leurs thématiques , Vollmann dresse un essai colossal . Résultat de 20 ans de travail et de réflexion . Un essai dont il tire une question majeure : "Quand la violence est elle justifiée ?" La premiére approche par rapport a cette oeuvre consiste à la prendre de front . Cela est une erreur . Sous cette forme ce livre prend la forme d'un bavardage répétitif , à l'argumentaire flou , à la structure vague , parfait pour amateurs de grandes phrases avec de jolis mots . La somme est tellement colossale qu'il est nécessaire pouren saisir la force et l'urgence de la lire en séparant bien les parties , avec plusieurs semaines d'écart entre les différentes étapes de lecture . Vollman met à la disposition ds lecteurs des outils de lecture qu'il est plus que judicieux d'utiliser. Vu de cette maniére Le livre des violences est un journal intime d'un homme du 20 éme siécle qui a choisi de transmettre un message sur la folie de certains aspects de ce monde qui entraine hélas une violence que l'on ne 'peut combattre à la maniére d'un Pernaut . Cet ouvrage quasi encyclopédique s'avére une oeuvre dont l'importance ne peut étre mesurée tellement elle est grande .....
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Pourquoi êtes-vous pauvres ?

Un nouvel ouvrage de la part del'un des esprits parmi les plus incisifs de notre époque. Ici Vollmann dresse un tableau complet des raisons de la pauvreté dans le monde entier , et soumet quelques idées pour permettre le recul de cette pauvreté extréme . Certes ici le ton n'est pas cajoleur , ici ceux qui se plaignent pour rien se sentiront tout petits par rapport a ces gens qui sont les témoins et les victimes d'un monde qui évolue , pendant que despays eux restent sur le bord de la route . Ce pamphlet contre l'abandon généralisé des démunis par les politiques s'avére particuliérement salvateur. De l'Asie aux Usa , Vollmann n'oublie personne et met un point d'honneur a ce que l'hypocrisie généralisée a ce sujet cesse. Quand un auteur majeur s'empare d'un sujet comme celui - ci , l'on peut dire que l'humanité évolue. Certes rien n'est rose ici , ce n'est pas le monde idylique de Pernaut , mais on a envie de dire tant mieux tellement ce genre d'initiative est rare à notre époque. Un ouvrage majeur de plus pour Vollmann.
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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

Au vu du manque de réaction du monde aprés la tragédie de Fukushima , il était important qu'un auteur de qualité se penche sur le sujet. Vollman' n'est pas homme a lacher prise et cela se confirme ici. Il dresse un bilan terrifiant de cette abomination , et en cela déja son livre est important pour comprendre la nécessité absolue d'une sortie du nucléaire. Fukushima et sa population on étaient sacrifiéspour des raisons purement financiéres. Sa plongée dans ces territoires "maudits" s'avére traumatisante pour lui et pour les lecteurs. Son regard de vrai journaliste et observateur représente ènomément en ces temps ou l'on ne parle plus de cette tragédie dans les médias. Un ouvrage rude , mais indispensable pour que l'homme n'oublie jamais ce qu'il s'est produit la bas...
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Les fusils

Quelle maîtrise dans ces récits, cependant il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour ne pas m'y perdre !

À la lecture de ces aventures qui sont en partie réelles, j'ai admiré combien William T. Vollmann s'est investi et documenté à fond, comme je l'avais constaté dans son livre "Fukushima ...", son écriture est belle, son style vivant ...

William T. Vollmann m'a emmenée dans le Grand Nord avec Sir John Franklin parti à la découverte du mythique passage du Nord-Ouest, dont les expéditions ont eu lieu entre les années 1814 et 1847 ; autre voyage, en 1991 avec le capitaine Subzéro, réincarnation de Franklin.

Le Grand Nord, une région plongée dans une nuit perpétuelle avec des paysages éblouissants décrits dans le roman "Les fusils", un roman où s'entrelacent récits historiques, reportages et fictions.

Une lecture marquante que je garderai en mémoire ! Un roman percutant.
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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

Voici un livre qui nous permet de comprendre l'ampleur de la catastrophe et surtout de voir à quel point les populations déplacées qui vivaient à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima sont très mal informées de la gravité de la situation. Les autorités savent judicieusement noyer le « poisson » ou devrait-on dire le « poison » pour désinformer les populations.

Le journaliste William T. Volmann nous montre à travers les rencontres et les témoignages d'individus des populations sinistrées à quel point ceux-ci sont déboussolés, ne comprenant pas vraiment pourquoi les autorités leur conseillent de quitter la zone attenante à Fukushima selon leur responsabilité individuelle sans vraiment donner un ordre officiel d’évacuation. L’auteur met lumière le fait que l’état utilise la langue de bois pour maintenir les populations dans l’incertitude concernant la gravité et surtout la dangerosité des particules radioactives rejetées. Ceux qui ont fait le choix de quitter leurs habitations espèrent pouvoir un jour revenir y habiter.



Un document très instructif du point de vue des populations. Un livre à recommander vivement.

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Les fusils

Ce livre est extremement bien fait et fait ressentir au lecteur des emotions (pitiee,joie)tres souvent

Je l'ai aimme car ce livre est tres attirant et tres attachant et que l'elan vit tout le long de l'histoire

Dutil arnaud
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La Famille royale

Expérience inoubliable . Longue glissade d'un homme dans un monde underground peuplé de prostitués dont la reine a des pouvoirs surnaturels.

Sacrée trip que la lecture de ce livre ...
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La tunique de glace

William T. Vollmann réécrit à sa façon les sagas de l’origine scandinave de la découverte des États-Unis.
Lien : http://www.humanite.fr/cultu..
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Le grand partout

Plus intime que jamais, Vollmann poursuit avec les hobos sa quête des mythes contemporains en mutation.



Ce nouveau Vollmann en français (paru en 2008 en américain) est une forme d'hommage aux "hobos", clochards ferroviaires ayant parcouru pendant plus d'un siècle les États-Unis, en resquillant à bord des trains de marchandises. Chantés par Woody Guthrie, largement évoqués par Jack Kerouac, Vollmann suit leurs traces, pas à pas, voyageant lui-même ainsi, en compagnie d'un ou deux amis, et remue ainsi leurs traces contemporaines : vigilance face aux serre-freins et à leurs pièges, obstacles, dangers, risques de blessures, mais aussi insécurité, vols, assassinats ponctuels entre vagabonds, bivouacs insalubres, "hobo jungles" à la réputation plus ou moins équivoque, troubles psychiatriques rencontrés à l'occasion...



"En allant et venant seul le long des rails ce soir-là, tard, je me suis demandé pendant combien de temps encore j'allais devoir faire mes preuves. Je voulais me laisser aller et devenir vieux, c'est-à-dire, comme disait mon ami Ben, devenir hors sujet. Mais je trouvais ça triste. Alors j'ai décidé de ne pas devenir vieux tant que mon dossier médical ne serait pas aussi épais que l'annuaire de Denver".



Ces 150 pages de récit, et les 64 photos pleine page en noir et blanc qui les accompagnent, sont aussi (peut-être surtout) l'occasion d'une rare introspection de la part de Vollmann, revenant sur deux points majeurs pour lui : la distance - quasiment impossible à combler - entre celui qui vit une "aventure" par plaisir ou par recherche et celui qui y est confronté par nécessité, d'une part, la quête de l'interstice entre le récit et l'invention romanesque, notamment à propos de son œuvre "Les fusils", interstice dans lequel niche peut-être plus sûrement qu'ailleurs l'art particulier de Vollmann, d'autre part.



Pour notre grand bonheur, Vollmann poursuit ainsi son entreprise jamais achevée d'étude et de test sur la manière dont les mythes contemporains évoluent, mutent ou disparaissent.

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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

Une rareté : un Vollmann décevant, qui fait pourtant subtilement effet.



Une fois n'est pas coutume, ce bref (85 pages) récit de William T. Vollmann, publié en 2011, et paru en France en 2012 chez l'excellent Tristram, est décevant.



Racontant les quelques jours qu'il a passés à proximité de la centrale maudite de Fukushima, dans les semaines qui ont suivi le tsunami du 11 mars 2011, ces pages ont les qualités et les défauts du "récit à chaud", mené avec beaucoup de pudeur et d'honnêteté : les entretiens avec des personnes déplacées et les descriptions quasi-cliniques du paysage dévasté font ressortir beaucoup de banalités, et comme une sourde rythmique, le faible niveau d'information de ces Japonais sinistrés sur les risques liés aux radiations, et l'incrédulité lancinante de Vollmann lui-même sur leur faible sensibilité à ces questions, au pays d'Hiroshima et de Nagasaki.



Rien de très intéressant au fond hélas - ce dont Vollmann est conscient, et avec quoi il joue -, mais deux petits miracles, même "en creux", qui font honneur au talent de l'écrivain : son humour désenchanté d'une part, toujours présent y compris au coeur des phases les plus délicates de son petit périple, et sa peur, omniprésente, d'autre part, affleurant à tout moment, maîtrisée avec difficulté, qui éclaire - paradoxalement davantage que bien des discours - l'invisible péril qui rôde...



"Je déambulai dans la zone interdite, rien que pour dire que je l'avais fait. L'interprète fit un ou deux pas prudents derrière moi, puis s'arrêta. Le chauffeur resta dans la voiture, vitres remontées. Chaque fois que je le regardais, il remettait anxieusement le moteur en marche. Aurais-je dû insister pour qu'il continue dans la zone d'évacuation forcée ? Mon dosimètre n'avait enregistré aucune augmentation récente ; s'agissant des rayons gamma, la situation semblait suffisamment sûre, et peut-être ce récit aurait-il été plus dramatique si j'avais été plus insistant, mais là encore, peut-être pas, car qu'aurions-nous vu, sinon d'autres maisons vides, et puis les dégâts du tsunami et du tremblement de terre, puis le réacteur - lequel, comme le montraient les photos prises par des drones et publiées dans le journal, ressemblait à n'importe quel chantier boueux ?"

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Les fusils

Sur les traces de l'expédition Franklin de 1845, le roman étourdissant du grand Nord canadien actuel



Publié en 1994, et traduit en français en 2006, "Les fusils" est l'une des œuvres les plus emblématiques, et sans doute parmi les plus attachantes, du prodige américain William T. Vollmann.



Le capitaine Subzéro, un Américain amoureux jusqu'à l'obsession du grand Nord canadien, revisite en pensée, en recherches livresques, puis en partie sur le terrain (lors d'un intense moment de solitude dans une station polaire abandonnée - séjour que Vollmann effectua en réalité) l'expédition maudite de Sir John Franklin, à la recherche du passage du Nord-Ouest, disparue corps et biens en 1845, ainsi que plusieurs des expéditions ultérieures qui tentèrent de découvrir le sort funeste des explorateurs... Au passage, il tombera éperdument amoureux d'une Inuit, et s'immergera dans la culture contemporaine de ce peuple largement déraciné, à la difficile intégration dans le Canada contemporain.



Roman étourdissant, où Vollmann mêle avec un talent consommé le reportage, l'histoire, les réflexions politiques et sociales avec le pur plaisir romanesque échevelé, et parvient à un étrange point de fusion entre ses personnages contemporains et ceux du passé, aux franges de la folie... Une révélation à bien des égards.
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La tunique de glace

Premier des "Sept Rêves" de Vollmann, formidable réinvention de la découverte de l'Amérique par les Vikings.



Publié en 1990 (et en français en ce début 2013 grâce à la collection Lot 49 du Cherche-Midi, dont je ne dirai jamais assez tout le bien que je pense), le deuxième roman de William T. Vollmann donnait aussi le coup d’envoi de l’un des projets les plus sainement ambitieux de la littérature contemporaine : décrire, retracer, réinventer, en sept « rêves » (dont quatre sont disponibles en américain, un cinquième étant annoncé pour 2013 – et deux en français, « La tunique de glace » (T1) et « Les fusils » (T6)), la mythologie, l’histoire et l’anthropologie de l’européanisation – puis de l’« américanisation » moderne, proprement dite - de l’Amérique du Nord.



Projet insensé, né – comme le dit Vollmann dans un entretien de 1994 – d’une soudaine songerie lors de l’écriture de son « Des putes pour Gloria », qui donnait en 1991 le coup d’envoi de sa « trilogie de la prostitution » - je traduis et synthétise librement cette bribe de discussion : « Après avoir pu vérifier en 1982 lors de mon séjour en Afghanistan (cf. "An Afghanistan Picture Show", 1992)) que je n’avais rien compris, malgré mes espoirs, à cette altérité « exotique », comme j’écrivais les nouvelles des « Récits de l’arc-en-ciel » (1989), j’ai réalisé peu à peu que je ne comprenais rien non plus à l’Amérique… Et là je me suis dit qu’il fallait repartir du début, des origines, de ce qu’il y avait avant tous ces parkings, omniprésents dans « L’arc-en-ciel »,… et comme plus jeune, j’avais lu plusieurs sagas norvégiennes et islandaises, le point de départ m’a semblé logique. »



Projet pensé dans ses moindres détails, car pour couvrir ces quelques siècles d’expansion des Norvégiens vers l’Islande, le Groenland puis Terre-Neuve (le Vinland), Vollmann développe ce qui deviendra ensuite sa méthode naturelle : lectures exhaustives des textes nordiques existants dont les deux Eddas, en prose et en vers, donc, mais aussi les sagas royales norvégiennes (notamment l’Heimskringla, dont la relecture constitue l’essentiel du livre I, « Métamorphoses ou Comment la Tunique d’Ours fur perdue et la Tunique de Glace fut trouvée »), les sagas islandaises, le Livre de la Colonisation (de l’Islande) ou encore la saga d’Erik le Rouge, adjonction de récits et de contes issus des cultures inuit (Groenland) ou micmac (Terre-Neuve), malaxage profond de l’ensemble pour résoudre (détourner, imaginer, créer ex nihilo) les incohérences, les non-dits ou les points aveugles, pour parvenir à une histoire ample, souple et cohérente, comme une véritable « tunique de glace » (ce froid intérieur, né essentiellement d’une avidité fondamentale soutenue par un objet technologique, la hache en fer) que les Vikings vont ainsi amener en Amérique du Nord… Le mélange et l’exploitation des sources, ainsi que de nombreux choix faits par William l’Aveugle sont aussi détaillés dans des notes finales abondantes et également captivantes.



Projet magnifique, dans lequel l’histoire, la légende, l’habillage fantastique et purement mythologique, les considérations économiques et technologiques, les interactions et les incompréhensions profondes entre cultures différentes, se heurtent et s’entrechoquent dans des phrases dérivées de celles des sagas, mais considérablement enrichies et questionnées, et rapportées aussi à leurs « traces » contemporaines que l’auteur a tenu à pratiquer en personne et à inclure lorsque nécessaire : paysages arctiques, désolations de la terre de Baffin, brèves anecdotes issues des visites au Groenland, rivages de Terre-Neuve…



Projet baigné de l’humour caustique et tordu de Vollmann, souvent si proche, étonnamment, de celui de Iain Banks : présent dans cette fiévreuse rêverie en tant que « William l’aveugle », narrateur non fiable s’il en est, aimant à manier à l’occasion une brève et tranchante incise relativisant le propos univoque ou emphatique de tel ou tel personnage légendaire, confessant par avance ses possibles préjugés limitatifs et avouant d’emblée son homérique « mauvaise vue » (qui est aussi celle de Vollmann dans la vraie vie).



Projet éclairant, enfin : à la lecture de cette rugueuse « Tunique de glace », l’extraordinaire réussite, l’achèvement pour ainsi dire, que constitue « Les fusils » apparaît dans toute sa folie et toute sa splendeur désolée. Là, conservant toute cette saveur de langue et de construction inaugurée avec « La tunique de glace », mais lui ajoutant le personnage hors norme du capitaine Subzéro, remplaçant les Vikings et leurs haches de fer par l’expédition Franklin, ses conserves avariées et ses fusils, avec des certitudes morales identiques dans leur absolutisme chez les deux types de « découvreurs », Vollmann mène (presque) à son terme la quête entamée ici (même si un ultime rêve, le n°7, qui devrait concerner les Navajos et les Hopis contemporains, reste à découvrir).



Signalons aussi, comme le fait le traducteur Pierre Demarty dans ses notes, que la version française tente de coller au plus près à la musique et au verbe de Vollmann, nourri par les versions anglaises et américaines des sagas, et que l’on n’y retrouvera donc pas nécessairement le phrasé caractéristique et les choix effectués par les traductions officielles françaises des Eddas ou de l’Heimskringla, dominées par les augustes figures de Régis Boyer et de François-Xavier Dillmann.



Au total, une œuvre majeure, foisonnante et multi-dimensionnelle, dont la profondeur renouvelée à chaque chant ne cède à aucun moment devant la pure beauté du récit, et qui confirme – pour ma part – l’admiration pour l’auteur, capable d’écrire un texte pareil comme deuxième roman, à 30 ans…



Et comme le dit William l’Aveugle en guise de préface : « Devrais-je faire un seul rêve ou plutôt sept ? - N'importe qui préférerait passer un seul après-midi à se graisser les talons à loisir, afin que de souples ailes puissent y fleurir, lui permettant ainsi d'aller jouer entre les ciels bleus et les toits, mais dans la mesure où je ne pourrais jamais voler, ayant revêtu La Tunique de Glace, La Tunique de Corbeau et La Tunique de Poison, je ne place aucun espoir en de frivoles ambitions. Toute tunique, si chamarrée soit-elle, n'est jamais qu'une camisole ; c'est pourquoi je ne perçois ni n'entends parler d'aucune beauté sinon parmi les nus. - Je vais, cependant, en rêver sept à présent, auxquels correspondent les Sept Âges de VINLAND LE BON. Chaque Âge fut pire que le précédent, car nous pensions chaque fois qu'il était de notre devoir d'amender ce que nous trouvions, rien de ce qui était ne se reflétant dans les miroirs de glace de nos idées. Nous n'en méritions pourtant guère le reproche, pas plus que ne sont repréhensibles les bacilles qui attaquent et détruisent un organisme vivant ; car si l'histoire a un sens (et si elle n'en a pas, alors il n'y a rien de mal à en inventer un), alors notre saccage des arbres et des tribus doit bien avoir quelque utilité. - Qu'il en soit ainsi. Le lecteur est averti que les cartes et frontières ici esquissées sont provisoires, approximatives, douteuses et fausses. Je les ai néanmoins incluses, car, dans la mesure où mon texte n'est guère plus qu'un paquet de mensonges, elles ne sauraient causer beaucoup de tort. »

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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

William T. Vollmann, journaliste et écrivain, connaisseur du Japon, pays qu’il aime de longue date, veut se rendre sur les lieux de la catastrophe de Fukushima, constater les effets du séisme-tsunami du 11 mars 2011. Il prépare soigneusement son départ, visite chez le dentiste, … achat d’un dosimètre, documentation et étude des données nécessaires à la compréhension de ce « petit appareil » d’une importance capitale pour sa santé. Il doit connaître les différentes mesures des radiations et le seuil critique à ne pas dépasser !

Après Tokyo, il se rend dans la zone sinistrée, pendant plusieurs jours il interroge les habitants « déplacés » qui ont dû quitter leurs maisons, n’ont plus de travail et constate qu’ils vivent tout cela dans une grande dignité. C’est avec beaucoup de pudeur et un grand respect que William va s’adresser aux rescapés de la catastrophe.

86 pages d’une écriture fluide et qui ne manque pas de poésie, un talent certain, une documentation précise, un style que j’ai beaucoup apprécié.

A lire !

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La tunique de glace

Un roman ambitieux sur l’arrivée des Vikings en Amérique du Nord [...] Cette fresque, brodant à partir d’un fait dont on sait peu de choses, mais que les historiens corroborent, était signée d’un jeune auteur de 30 ans encore peu connu, un certain William T. Vollmann, lauréat depuis du National Book Award.
Lien : http://www.books.fr/en-libra..
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La tunique de glace

Un roman plein de fureur sur la découverte précoce de l'Amérique - le Vinland - par les vikings norvégo-groenlandais.

La première partie qui retrace la vie des légendaires rois des sagas islandaises est moins intéressante que la deuxième partie ou la découverte du Vinland et des indiens skraeling est racontée.



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La tunique de glace

Critique de Bernard Quiriny pour le Magazine Littéraire



William T. Vollmann s'est beaucoup intéressé aux parkings durant sa carrière, notamment parce que c'est sur les parkings que travaillent souvent les prostituées, héroïnes récurrentes de ses livres. À l'époque où il écrivait ses Récits arc-en-ciel, il s'est posé une question simple : à quoi ressemblait l'Amérique avant d'être couverte de parkings ? C'est ainsi, dit-il d'un ton amusé, qu'a germé dans son esprit l'idée de Seven Dreams, « un livre des paysages nord-américains » : un cycle de sept romans où un alter ego nommé « William l'aveugle » reprendrait l'histoire de l'Amérique et raconterait son peuplement par les Européens et leur lutte contre les populations natives. Ce projet démentiel, à mi-chemin entre travail historique et récit d'invention, l'occupe en continu depuis la fin des années 1980 et progresse en parallèle à ses autres publications, romans-fleuves, reportages et essais en tous genres. Pour l'heure, quatre tomes sur sept ont paru : La Tunique de glace (1990), sur la découverte de l'Amérique par les Vikings, Fathers and Crows (1992), sur les missions jésuites au Canada, Les Fusils (1994), sur l'exploration du passage du Nord-Ouest, et Argall (2001), sur Jamestown et la légende de Pocahontas. L'éditeur Viking annonce pour cette année la parution du cinquième, The Dying Grass, qui racontera la guerre du général Howard contre les Nez-Percés en 1877.

Le public français a déjà fait connaissance avec la série grâce à la traduction du sixième volet, Les Fusils ; voici le premier, dans une traduction de Pierre Demarty, à qui cet épais volume aura sans doute demandé plus de travail que le dernier J. K. Rowling. Pour faire simple, disons que Vollmann y donne sa vision de la découverte de l'Amérique par les Groenlandais au tournant de l'an mil, en s'appuyant sur une documentation fouillée qui comprend principalement les fameuses « sagas du Vinland », récits traditionnels islandais qui décrivent l'arrivée des Vikings au Vinland, un territoire situé du côté du New Jersey. Les vingt pages de bibliographie en fin d'ouvrage témoignent de l'ampleur des lectures de l'auteur, qui a en outre profité d'une bourse pour visiter les lieux de l'action en Nouvelle-Écosse, en Islande, dans le territoire de Baffin et au Groenland (seule la Norvège a échappé à ses investigations). Qu'on ne s'y trompe cependant pas : La Tunique de glace ne se présente pas comme un essai ni comme un roman « historique » au sens classique du terme. William T. Vollmann annonce en effet d'emblée qu'il n'hésite jamais à prendre des libertés avec la réalité, et que son travail s'apparente plutôt à une sorte de recréation romanesque ou à du « nouveau journalisme », un mélange assumé de subjectivité, d'histoire vraie et d'envolées poétiques. « L'infidélité à la vérité littérale telle que les faits nous l'enseignent, dit-il, engendre une appréhension plus profonde de la vérité. »

Le plus sage pour attaquer La Tunique de glace est peut-être de commencer par la fin, c'est-à-dire par les annexes (chronologie, glossaires et index des noms), qui donnent une première approximation du genre d'univers où l'on va plonger. On peut aussi faire défiler les pages sous le pouce pour admirer les nombreuses cartes artisanales et les croquis qui parsèment l'ouvrage, notamment le bel autoportrait de l'auteur à la page 483. Après quoi il faut entrer dans le texte, et s'y perdre. Quelle saga ! Habitué aux travaux d'Hercule, Vollmann se propose en toute simplicité de brasser l'histoire des peuples scandinaves depuis l'an 200, avec de longs développements sur les mythologies inuits et diverses incursions chez les Peaux-Rouges. Après quoi il en vient au coeur de son affaire, c'est-à-dire à l'épopée par laquelle trois générations de Vikings ont réussi à traverser le Ginnungagap (le détroit de Davis) pour atteindre le Helluland (l'île de Baffin), le Markland (le Labrador), et finalement le Vinland, ce paradis perdu qui lui sert d'allégorie pour désigner l'Amérique originelle, avant sa colonisation par les Européens.

La thèse centrale, si l'on peut dire, est que l'arrivée des Vikings en Amérique fut la blessure originelle du continent, car ils importèrent avec eux la violence, la cupidité et l'appétit de pouvoir (ainsi que le christianisme, avec ses « évêques racornis et ascétiques »), autant de plaies que Vollmann rassemble dans un symbole : la glace et le froid. Et cette Tunique de glace de prendre des allures de récit mythologique : ayant passé un pacte avec le démon, Freydis, fille adultérine d'Erik le Rouge et exploratrice du Vinland, provoque malgré elle la glaciation de ce merveilleux endroit, polluant à jamais une contrée jusqu'alors vierge de toute atteinte. La colonisation viking serait ainsi selon Vollmann l'acte de naissance de la violence en Amérique, l'importation du vice dans le Nouveau Monde, et par conséquent la préfiguration des « infamies qui y seraient commises par la suite ».

Soyons francs : il faut s'accrocher pour suivre dans le détail les aventures d'Erik le Rouge, de Leif le Chanceux, de Freydis Eiriksdottir et de Gudrun Thorbjornsdottir, sans parler des dieux, des spectres et des Indiens. Un bref coup d'oeil sur le glossaire des noms permet de mesurer la quantité de personnages mis en scène par Vollmann et la complexité de cette longue histoire. L'étonnant est qu'il nous la raconte comme s'il l'avait toujours sue, ou qu'il s'en était imprégné au point qu'elle n'ait plus de secret pour lui ; le profane en revanche, à moins d'être familier des sagas islandaises et de la culture inuit, s'y perd parfois, et la lecture peut du coup se révéler frustrante. Elle n'en demeure pas moins une authentique expérience, et on reste saisi devant l'ampleur de ce texte-fleuve qui rappelle les opéras wagnériens (David Sacks, dans The New York Times, a comparé La Tunique de glace à une relecture du Ring par Sam Peckinpah, sur un livret de Tolkien). On est frappé aussi par l'ingénuité du ton, l'absence presque totale d'ironie, voire d'humour : Vollmann réécrit les mythes comme un enfant entre dans un jeu, au premier degré, relatant par exemple avec le plus grand sérieux l'interminable combat du démon Amortortak contre le dieu indien Kluskap. Beaucoup de lecteurs hausseront les épaules devant ce fatras où la vision politique est noyée sous des envolées lyriques au parfum d'heroic fantasy. On peut les comprendre. Tout en objectant que les purs moments de grâce sont nombreux dans ce pavé, et qu'il y a chez son auteur une forme de démesure géniale dont le revers, sans doute, tient dans le relatif hermétisme de ses projets monumentaux.

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Le grand partout

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Le grand partout

Dans ce livre W.T Vollman nous fait partager sa période bohème aux Etats unis. Il raconte cette vie de hobo dure et dangereuse mais également synonyme de liberté total et de mode de vie à part.

Il parvient à mettre des mots sur ce sentiment de liberté, ses descriptions des paysages qu’il traverse à bord des trains de marchandises ainsi que celles qu’il fait des gens qu’il rencontre au cour de ses pérégrinations sont d’une beauté sidérante.

Le livre est illustré de ses propres clichés, les portraits réalisés ne laissent pas indifférent.

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Fukushima : dans la zone interdite : Voyage..

Le 11 mars 2011 est une date qui restera gravée dans nos mémoires car c'est ce jour-là, comme voue voue le rappelez certainement tous, qu'un tremblement de terre extrêmement violent suivi d'un tsunami ravagèrent la côte est du Japon. De plus, comme si cela ne suffisait pas, cela a déclenché un terrible accident nucléaire dans le centrale de Fukushima.

Qui parmi nous n'a pas vu ces terribles images au Journal Télévisé ou encore dans les journaux ? Qui ne s'est pas senti solidaire de ces milliers de japonais qui étaient obligé de fuir de chez eux, pour les plus chanceux, à savoir ceux qui n'avaient pas déjà été englouti par le tsunami ?

Bien que les autorités japonaises aient d'abord tenté de minimiser les dégâts, cette catastrophe nucléaire s'est avéré en réalité aussi importante que celle de Tchernobyl. J'étais alors à l'époque trop jeune pour m'en rappeler mais là, cette fois-ci, je ne peux pas me voiler la face en disant que je n'ai rien vu.

C'est pour cela que j'ai eu envie de lire cet ouvrage, pour essayer de mieux comprendre et d'être en empathie avec les gens qui y ont survécu.



L'auteur s'est en effet rendu sur place, accompagné d'une interprète et a sillonné plusieurs villes telles que Tokyo, Kesennima, Oshima, Koriyama, Miyako Oji et enfin Kawauchi (cette dernière se trouvait d'ailleurs en zone interdite) afin de recueillir des témoignages d'habitants qui ont, pour la plupart, tout perdu, mais qui ont au moins conservé la chose la plus importante qui existe sur cette terre, c'est-à-dire, la Vie.



Au cours de ses pérégrinations, l'auteur-reporter ne se sépare jamais de son dosimètre afin de comparer le taux de radioactivité des différentes villes dans lesquels il s'est rendu et c'est là où j'ai eu un peu plus de mal à suivre lorsqu'il parle de rems et de millirems.

Un ouvrage néanmoins passionnant mais qui ne laisse certainement pas indemne. A découvrir !
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