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Citations de Wladyslaw Szpilman (107)


Ce 23 septembre, (...), mon récital d'œuvres de Chopin a constitué l'ultime programme musical retransmis en direct de Varsovie. Pendant tout le temps que je jouais, les obus explosaient tout près du studio, des immeubles voisins étaient en proie aux flammes. (...). 
Le même jour, à trois heures et quart de l'après-midi, Radio Pologne cessait d'émettre. Ils étaient en train de passer un enregistrement du Concerto pour piano en do majeur de Rachmaninov, dont le deuxième mouvement empreint d'une beauté sereine venait juste de s'achever, lorsqu'une bombe allemande détruit le transformateur électrique de la station. Dans toute la ville, les postes ont été réduits au silence.
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Au 31 août 1939, tout Varsovie était persuadé depuis déjà un certain temps qu'un conflit avec l'Allemagne était inévitable. Seuls les optimistes impénitents avaient pu nourrir jusqu'à ce jour l'illusion que la détermination affichée par la Pologne allait finalement dissuader Hitler d'attaquer. Chez d'autres, inconsciemment peut-être, ce vœu pieux confinait à l'opportunisme pur et simple : à l'encontre de toute logique, et quand bien même il ne faisait plus de doute depuis belle lurette que la guerre était à l'horizon, ils voulaient croire qu'elle tarderait assez à éclater pour leur permettre de jouir de l'existence un peu plus longtemps. Car malgré tout la vie valait d'être vécue, n'est-ce pas?

(Chapitre 1)
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D'une voix indignée, empreinte d'amertune, [le dentiste] s'est exclamé :
« C'est une honte pour nous tous ! Nous les laissons nous conduire à la tuerie comme des moutons à l'abattoir ! Si nous attaquions les Allemands, le demi-million que nous sommes, nous pourrions nous libérer du ghetto, ou en tout cas mourir dignement au lieu de laisser une page aussi honteuse dans l'Histoire ! »
Père l'écoutait, d'un air assez embarrassé mais avec un sourire compréhensif. Réprimant un imperceptible mouvement de lassitude, il a remarqué :
« Comment êtes-vous si sûr qu'ils nous envoient à la mort ? »
En se tordant les mains, le dentiste a répliqué avec nervosité :
« Je n'en suis pas absolument certain, évidemment ! Comment le pourrais-je ? Vous croyez peut-être qu'ils nous le diraient ? Mais il y a quatre-vingt-dix chances sur cent qu'ils ont l'intention de tous nous liquider, croyez-moi ! »
Père a eu de nouveau un sourire, comme si cette réponse venait le confirmer dans ses convictions.
« Regardez ! lui a-t-il demandé en désignant d'un geste l'esplanade : nous ne sommes pas des héros, nous, mais des gens tout ce qu'il y a d'ordinaire ! Et c'est pourquoi nous préférons prendre le risque de garder l'espoir même dans ces dix pour cent de chances que nous avons de survivre. »
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À un moment, un garçon est arrivé vers nous en se frayant un chemin dans la foule. Il avait une boîte de bonbons accrochée au cou par une ficelle et les proposait à un prix absurde, quand bien même on se demandait ce qu'il pensait faire de tout cet argent par la suite... En réunissant nos dernières petites pièces, nous n'avons pu lui acheter qu'un seul caramel à la crème. Père l'a découpé en six parts avec son couteau de poche. C'est le dernier repas que nous avons pris tous ensemble.
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À la porte du studio, un vieux pianiste qui travaillait lui aussi pour la radio m'a attrapé le bras. Cher professeur Ursztein... Alors que le commun des mortels calcule en jours et en heures, son unité de mesure personnelle était la décennie de carrière d'accompagnateur. Ainsi, quand il cherchait à situer quelque événement dans le passé, il commençait invariablement par un : « Attendez voir... Oui, à l'époque, j'accompagnais un tel ou une telle. » Et une fois après avoir retrouvé de cette manière la période concernée et l'avoir localisée dans le temps, de même qu'une borne marque la distance au bord de la route, il laissait sa mémoire revenir au reste de ses souvenirs, évidemment moins importants que ce repère. Là, il semblait désorienté, abasourdi : comment mener cette guerre sans accompagnement au piano ? De quoi aurait-elle l'air ?
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Toute guerre fait émerger au sein des minorités nationales une fraction trop lâche pour se battre ouvertement, trop inconsistante pour jouer un quelconque rôle politique, mais assez veule pour se transformer en bourreaux stipendiés par l'une ou l'autre des puissances du conflit. Au cours de celle-ci, ce sont les fascistes ukrainiens et lituaniens qui ont occupé cette place.
Roman Kramsztyk a été l'un des premiers à tomber sous leurs balles lorsqu'ils ont commencé à prêter la main à l'opération de juillet. Son immeuble encerclé, il n'a pas voulu descendre dans la cour au coup de sifflet, préférant mourir chez lui, entouré de ses tableaux, quand ils ont écumé les étages!
C'est aussi à ce moment que Kon et Heller, ces deux magnats juifs qui collaboraient avec la Gestapo, ont été liquidés. Par excès de confiance ou peut-être par ladrerie, ils ne graissaient la patte qu'à l'un des deux commandants SS à Varsovie et ils ont eu la malchance d'être capturés par les hommes placés sous les ordres de l'autre. Les autorisations de complaisance que Kon et Heller leurs ont présentées n'ont fait qu'exciter encore plus leur haine puisqu'elles avaient été émises par l'unité SS rivale. Non contents de les abattre comme des chiens, ils ont fait venir deux tombereaux aux ordures et c'est ainsi, au milieu des immondices, que les deux nababs ont accompli leur dernier voyage jusqu'à la fosse commune.


page 110
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Le mal, la férocité sont toujours tapis dans le cœur humain et il suffit qu'on les laisse se développer librement pour qu'ils se mettent à croître, à développer d'obscènes rameaux, à engendrer les idées monstrueuses qui finissent par rendre possible qu'on assassine Juifs et Polonais de cette manière.
(Extrait du journal du capitaine Wilm Hosenfeld)
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Elle était une énigme pour moi, et désormais elle le restera pour toujours.
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D'autres tentaient d'en appeler à la conscience des passants, de les persuader :"On a tellement faim, tellement... On n'a rien mangé depuis des jours. Donnez-nous un quignon, rien qu'un quignon, ou si vous n'avez pas de pain au moins une pomme de terre, un oignon, juste de quoi tenir jusqu'à demain matin." Mais cet oignon, cette pomme de terre, rares étaient ceux qui les possédaient, et même dans ce cas ils n'arrivaient pas à les retrouver dans leur coeur pour les céder aux petits mendiants, parce que la guerre avait mué leur coeur en pierre.
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“Tu vas voir, un beau jour tout ça va se terminer parce que ... Il a soulevé les bras, perplexe ... parce que ça n’a pas vraiment de sens, non ?”
Il s’exprimait avec une conviction à la fois burlesque et assez désespérée, comme si l’absurdité totale de ce qui nous arrivait était à elle seule la preuve que cela ne pouvait pas durer.
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Quand j'ai posé mes doigts sur le clavier,j'ai senti qu'ils tremblaient. Habitué que j'avais été à gagner ma vie en plaquant des accords, je devais donc la sauver maintenant de la même manière !
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Je ne sais toujours pas comment j'ai pu survivre à ces moments. Dans la chambre, chez mes amis, quelqu'un assis juste à côté de moi a été tué par un éclat d'obus. J'ai passé deux nuits et un jour avec dix autres personnes, debout dans un minuscule cabinet de toilette. Quelques semaines plus tard, alors que nous n'arrivions pas à y croire et que nous avions tenté de répéter l'expérience, nous avons constaté que nous ne pouvions y entrer qu'à huit, au grand maximum, même en nous serrant à la limite de l'étouffement. La peur panique de la mort expliquait seule cet exploit.
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Au musée Yad Washem de Jérusalem, l’Allée des Justes est formée de jeunes arbres plantés en souvenir de tous les Gentils qui ont sauvé des Juifs de l’Holocauste. Un arbre pour une femme ou un homme de bonne volonté dont les noms sont inscrits sur de petites plaques à côté des troncs jaillissant du sol rocailleux. Qui entre dans ce lieu de mémoire passe donc devant ces milliers de noms, à jamais préservés de l’oubli. Pour ma part, j’œuvre à ce qu’il y ait bientôt, quelque part dans l’Allée des Justes, un arbre nourri de l’eau du Jourdain qui porte celui du capitaine Wilm Hosenfeld. Wladyslaw Szpilman , disparu à l’été 2000, n’est plus là pour le planter. Espérons que cet honneur revienne bientôt à son fils Andrzej.
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Je ne sais toujours pas comment j'ai pu survivre à ces moments. Dans la chambre, chez mes amis, quelqu'un assis juste à côté de moi a été tué par un éclat d'obus. J'ai passé deux nuits et un jour avec dix autres personnes, debout dans un minuscule cabinet de toilette. Quelques semaines plus tard, alors que nous n'arrivions pas à y croire et que nous avions tenté de répéter l'expérience, nous avons constaté que nous ne pouvions y entrer qu'à huit, au grand maximum, même en nous serrant à la limite de l'étouffement.
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Juste en face de nous habitait la famille d'un homme d'affaires que nous croisions souvent dans le quartier. Là aussi, un flot de lumière a envahit la pièce et nous avons aperçu des soldats casqués se ruer à l'intérieur, pistolet automatique levé. Nos voisins étaient encore assis autour de la table, tout comme nous quelques instants auparavant, et sont restés à leur place, tétanisés d'effroi. Le sous-officier qui commandait le détachement a pris cela pour une insulte personnelle ; muet d'indignation, il est resté un moment à regarder la tablée avant de vociférer : "Debout !"
Ils ont obtempéré aussi vite que possible. Tous, sauf le grand-père, un vieil homme que ses jambes ne portaient plus. Fou de rage, le sous-officier s'est avancé vers la table, a posé ses poings sur la table et a fixé l'infirme de ses yeux furibonds en répétant : "Debout, j'ai dit ! "
L'aïeul tentait vainement de se relever en pesant sur les bras de son fauteuil. Avant même que nous comprenions ce qu'ils allaient faire, les SS ont fondu sur lui, l'ont soulevé avec son siège, l'ont emporté sur le balcon et l'ont précipité dans la rue, du troisième étage.
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" Malgré tout la vie valait d'être vécue, n'est-ce pas ? "
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Aussi épouvantables eussent-elles été, ces informations ne pouvaient entamer le plaisir tout animal que nous éprouvions à être toujours en vie et à savoir que ceux qui avaient échappé à la mort ne couraient plus de danger immédiat. Certes, notre subconscient imposait un voile de honte sur cette sensation viscérale, mais dans cet univers inconnu où tout ce que nous avions jadis cru immuable avait été détruit en l’espace d’un mois, les choses de la vie les plus simples, les détails les plus prosaïques, tout ce que nous remarquions à peine auparavant, avaient désormais une profonde résonance : le confort rassurant d’un lourd fauteuil, la vue apaisante d’un poêle en faïence blanche, les craquements du parquet devenaient un douillet prélude à l’harmonie du foyer familial.
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Toute guerre fait émerger au sein des minorités nationales une fraction trop lâche pour se battre ouvertement, trop inconsistante pour jouer un quelconque rôle politique, mais assez veule pour se transformer en bourreaux stipendiés par l’une ou l’autre des puissances du conflit.
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Le journal du capitaine Wilm Hosenfeld

Les travailleurs ont suivi les nazis. L'église est restée impassible. Les classes moyennes étaient trop pleutres pour tenter quoi que ce soit, tout comme les intellectuels les plus en vue. Nous avons accepté la dissolution des syndicats, le bannissement des cultes, l'étouffement de la libre expression dans la presse ou à la radio. Et puis nous nous sommes laissés entraîner dans la guerre. Nous nous sommes satisfaits d'une Allemagne privée de représentation démocratique, nous avons toléré que des hommes sans vision ni réelle compétence prétendent parler en notre nom. Mais on ne trahit pas impunément les idéaux et désormais nous devons tous en accepter les conséquences.

p.290
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Je ne vois qu'une image capable de donner une idée de notre existence pendant cette terrible période, et c'est celle d'une fourmilière qui s'affole. Qu'une brute se mette en tête de la piétiner de son talon clouté et les insectes vont s'agiter en tous sens, chercher une issue dans un désarroi grandissant, tenter de se préserver. Mais au lieu de s'éloigner en toute hâte ils retournent obstinément à l'intérieur, comme sous l'emprise d'un maléfice. Est-ce la panique provoquée par la souveraineté de l'attaque ? Est-ce parce qu'elles voudraient sauver leur progéniture, ou ce qu'elles ont de précieux ? En tout cas, les fourmis s'enferment dans les mêmes parcours éperdus, se font prendre dans cet engrenage mortel et finissent par périr. Exactement comme nous.

p.128
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