Citations de Yann Queffélec (604)
Quand on a passé son enfance à casser le peu de jouets qu’on avait et à les remonter, pour les recasser, M. Miracle est un ami. Et quand on a perdu sa mère à dix-huit ans, les fées vous mangent dans la main. Intuition, rêverie, foi du charbonnier, une panne mécanique n’en demande souvent pas davantage pour s’avouer vaincue. Ajoutez une clé plate de 13 et le desserrage d’écrou du veinard, sur un diesel en carafe, et le mauvais œil va zyeuter ses maléfices ailleurs.
Un souvenir n’est qu’un souvenir, il a des lacunes : il prend quelques libertés avec le calendrier, la vérité n’en souffre pas.
Pour ma part, je ne crois pas un instant qu'un texte génial ou non ait besoin d'être soutenu par une intention. Règle d'or en Littérature : ne jamais expliquer. Pourquoi l'auteur a-t-il écrit ça? Pour s'en débarrasser ni plus ni moins, pardi ! se vider la tête d'une épine irritative que le talent peut transformer en violon, quand la prétention ne fait pas une scie.
"Et là-haut, la lucarne avec le rayon de lune en travers du carreau, c'était la chambre de bonneoù ils gardaient les affaires à donner, le repaire de Jack l'Eventreur, mais aussi d'Elodie la rieuse"
Au nord, un croissant de lune achevait lentement sa course et touchait l'horizon d'une lueur moire, des volutes blanchâtres voguaient sur la pinède.
Jolis passages descriptifs, la plume de l'auteur glisse avec volupté pour écrire des mots enrobés d'amour et de délicatesse.
C'est une histoire banale de couple mais l'écriture m'a séduite.
Elle regardait fumer son bol, perdue dans un rêve.
(...)
Elle a porté le bol à ses lèvres, un geste doux, elle tremblait, on voyait bouger la surface du thé.
A quelle vitesse devient-on plus étranger qu'un martien dans la vie d'une femme avec laquelle on a partagé les nuits et les jours, fait durant des années, corps et âme.
Tu as vu, Papa ? J’ai bien couru ?
Même pas : j’ai bien nagé, non, même pas : j’ai bien marché, je suis fort, et si tu m’avais dit : porte-moi sur ton dos, je t’aurais porté en courant jusqu’à la maison.
Même pas tout ça pour lui prouver que je ne me suis pas trompé de papa, et lui pas trompé de fils.
Il répond du tac au tac, l’air indigné :
– Bien couru ? Ton frère aurait couru plus vite que toi.
Il me sourit, découvrant ses dents mal rangées qu’il ne montre jamais.
– Et il aurait mieux nagé, tu ne sais pas nager.
« Mon livre s'achève, amie lectrice, lecteur, vous lui manquez déjà. J'ai déguisé pour en venir à bout tout ce qui pouvait l'être. J'ai maquillé, enjolivé, recruté faux-nez, hommes de paille et prête-noms, ne voulant pas incommoder la mémoire de papa ni les amis des amis des amis. Mais pas un seul des épisodes auxquels je fais allusion ici, tous amorcés dans leur exactitude originelle, qui mente à l'Homme de ma vie ». (p.258)
« Nous nous promettons de nous revoir vite et d'aller marcher en forêt. Je le regarde se diriger vers l'avenue du Parc et l'émotion m'étreint. Mon père. Il n'est pas si grand que je croyais. Il se tasse avec les années, sa démarche est moins assurée. Il y voit moins bien, j'en ai peur. Je regarde s'amenuiser sous les platanes l'homme de ma vie. Qu'est-ce qui m'empêche de lui courir après ? On se dit ces choses-là, on les imagine, mais dès qu'on veut les mettre en pratique, passer au concret, il n'est plus temps. D'ailleurs il a disparu. Quel âge il a, papa ? Quel âge peut avoir un homme comme ça ? » (p.201).
Papa veut payer, papa en fait une question d'honneur, de vexation, de représailles, une leçon d'amour propre, aller débrouiller les fils de l'orgueil chez deux damnés se disputant la gloriole de rincer la dalle à celui qu'il méprise, eh bien qu'il paye, le grand Spi !
C'est moche, la fessée, ça fait mal, d'accord. C'est comme un vaccin qui ne vaccinerait contre rien. ça s'oublie comme un vaccin, d'ailleurs. ça fait partie de la famille, en somme. Trousse à pharmacie, trousse à châtiments, gare à toi ! ...Il ne faut pas abuser des médicaments : pas abuser des fessées.
Ok les gars, j'ai perdu. On avait dit douze irish et j'ai pas bu les douze irish. C'est le douzième irish qui prend son temps. Une fois je suis arrivé à treize, mais ce soir... C'est pas la mer à boire, douze irish... C'est douze irish quand même. Quel pari de merde !
Dans l'émotion du bel instant les sosies pouvaient être son père, son frère, une musique, un livre, la mer, une fleur, un mot qu'elle se mettait à répéter en boucle
Sa ferveur déteignait sur nous et c'était grâce à lui qu'on pouvait espérer mourir en restant vivants
Paséal Beg-Ar-Raz E vz atav aon pe c'hloaz.
Voici un adage breton à prononcer avec l'accent léonard un lendemain de fest-noz, on a droit à plusieurs essais : " mangé un radis. ui cinq litres de rouge.Malade avec le radis".
Au delà des clichés amoncelés sur sa postérité souffreuteuse, Grall le colérique a parfois le souffle des grands pour écumer à pleins naseaux d'orgueil la rage de son mal-être armoricain.
Il tirait sur sa pipe jaune, il émettait des bruits humides de succion. Il leva un sourcil, sa pipe ne brûlait plus. Il battit son briquet, jura. Plus une goutte d’essence. Aucune importance, les filles ont toujours du feu sur elle.
Les femmes racontent qu’on ne doit jamais se faire belle uniquement pour eux, pour les hommes, et qu’ils ne méritent pas ça. Je cherche à plaire, j’avoue, j’ai besoin de me glisser dans leur imaginaire, de sentir bon.
"...L'épithète breton garde l'accent breton, il prête à sourire ici et là. Uncle Sam est chic, vieille canaille d'Amerloque suceur d'or, oncle Corentin non, pas chic du tout.(...) Un chalutier breton meurt à l'ouest, c'est malheureux, bien sûr, désastreux, ça n'est pas moins bretonnant, tellement à l'ouest. La mer n'est jamais si lointaine et rétive qu'en Armor, où la peau répugne aux caresses glacées du bain, du vent, sous des ciels de charpie."