"...L'épithète breton garde l'accent breton, il prête à sourire ici et là. Uncle Sam est chic, vieille canaille d'Amerloque suceur d'or, oncle Corentin non, pas chic du tout.(...) Un chalutier breton meurt à l'ouest, c'est malheureux, bien sûr, désastreux, ça n'est pas moins bretonnant, tellement à l'ouest. La mer n'est jamais si lointaine et rétive qu'en Armor, où la peau répugne aux caresses glacées du bain, du vent, sous des ciels de charpie."
"C'est facile, pêcher, en apparence. On laisse traîner un filet derrière le bateau. On attend qu'il se remplisse de poissons. Attraper cinq tonnes d'un même traît n'a rien d'exceptionnel un jour de veine. C'est facile en principe, ça l'est moins sur le champ, quand ça bastonne à tout-va sur le pont, quand les câbles tendus à hurler se font cordes à piano, menaçant de vous exploser au nez, quand l'un des deux panneaux qui lestent et maintiennent ouvert le filet sous la mer accroche la batayole ou l'ancre d'un destroyer englouti, voire un banal caillou planté là par Yhavé lui-même. On peut mourir en un pareil cas. On peut assister à la mort du navire et des copains, juste avant de fermer les yeux dans un rêve où il est question d'aller boire un verre au Café des amis, le dernier."
Je voudrais revoir mes mains. Elles m'ont accompagné si longtemps. Montrez-les moi par pitié. mes mains pourraient dire, elles, que je n'étais qu'enfance, indicible amour, elle se souviendront bien après moi de toutes mes folies, de tous mes rêves. Elles iront voir ma mère au lavoir des Trois-Sources, elles reverront mes premiers visages, elles reconnaîtront tous ces gens que j'ai la faiblesse d'oublier, de perdre, et qui sont peut-être moi. Tant de souvenirs, tant d'espoirs, mes mains les caresseront encore... Armelle, Anna, Mimi, Maria, Thomas, vous êtes là n'est-ce pas, vous m'écoutez, je suis le fils de la Durolle, un petit garçon nommé Francis, nommé Thomas... Je te parlerai mon Thomas, je vous consolerai, tous mes enfants, vous mes amours, mes adieux, mes roseaux je vous dirai mes enfants.
Bien coiffée, parfaite, elle ne l’était plus, elle étourdissait. On avait envie de manger son âme entre ses cuisses , elle le savait, en jouait.
Depuis sept ans qu'il vivait au bord de la mer, Ludovic ne l'avait jamais vue. Il l'entendait. Mais au grenier la lucarne donnait sur la cour, sur le fournil, et là-bas sur des pins monotones que les brouillards matinaux calfeutraient.
Le bain refroidissait, Nicole émergea.
Mona voulut dormir en plein air.
Ils couchèrent sous le même duvet dans l'ombre lumineuse et froide
où des nuages bas, trapus, éteignaient les étoiles
au-dessus du lac.
Il éprouvait une lassitude extrême.
une immense faiblesse, un besoin de poser sa tête sur l'oreiller.
Et c'était ainsi depuis des mois.
Il avait sommeil à longueur de journée
(ainsi cela arrivait à d'autres que charlottelit ?)
Il n'est plus un être maudit
ployé sous le fardeau d'une enfance mal-aimée
Il l'imagine, barbotant nue, le dos tourné,
des luisances sur les reins,
là où la chair s'arrondit et dessine entre les fossettes
un vol d'oiseau puissant
Mais aujourd'hui, qui n'est pas plus ou moins tueur ?
(et Queffelec écrit cela en 1998 ... dixit charlottelit)
Il y a mille et une façons d'assassiner l'autre, de l'éliminer sans qu'il meure,
de le vider insensiblement comme on gobe un oeuf.
Il a l'air intact : il est mort.