Citations de Zéno Bianu (356)
c’est toujours trop peu
ça ne vit jamais assez
pour toi
le réel n’est pas suffisant
tu cherches
un abandon sans retour
vers la région des lumières
frémissantes
TOUJOURS PLUS LIBRE
vers cette vie toujours plus libre
où la vie sans fin s’improvise
vers cette vie qui ne meurt pas
et se propage à l’infini
vers cette vie qui boit la nuit
dans la fraîcheur du lâcher-prise
le chemin de l’éveil
est celui des oiseaux
chant
dans les muscles du chant
pourquoi craindre la mort
pourquoi inventer mille croyances
pour la déguiser
trou noir
ou nuit semée d’étoiles
oublions la marche du temps
nous dit Tchouang-Tseu
appelons-en à l’infini
chant
dans les muscles du chant
dans la fraîcheur du lâcher-prise
ou
dans le givre du matin
ou
dans ce saut de pensée soudain
ni ici ni là
ou dans
tout ce que vous voulez
ou plutôt
tout ce que vous aimez
ALLÉGEANCE
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. II est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?
RENÉ CHAR
Je me suis levé comme le silence,
Face à moi le soleil levant.
D'où vient-il ?
Il se lève tout comme moi.
À l'aide de mille mains, il nage
À travers le bleu sans fin.
La boue a souri avec la floraison du lotus,
La fleur a souri avec le vrombissement de l'abeille,
La terre a commencé a bouger sur ses pieds,
L'immobilité s'est mise à gambader comme une biche.
L'eau a laissé pousser ses ailes pour toucher le ciel.
Le ciel a laissé pousser ses jambes pour toucher la terre.
Moi aussi je marche,
Comme le soleil qui ne tourne jamais les talons,
Dispersant les chants des oiseaux,
Faisant voler des gouttes de rosée.
Dans mon sillage, la cime des arbres secouant la tête,
Les tendres plantes grimpantes s'emmêlant,
Les minces pousses d'herbes claquant des doigts,
Elles marchent.
Le vent, par vague, faisant parler le coeur des grottes,
Faisant marcher une multitude de fleurs,
Voyage avec moi. ...
La toile de l'univers - extrait
C. Narayana Reddy (1931-2017), s'est imposé comme un des poètes majeurs de langue télougoue. Député au Parlement indien, il a publié plus de soixante ouvrages, accordant toujours une place à la poésie comme tremplin de son oeuvre. « De quel temps suis-je l'enfant ? », s'interroge-t-il, exaltant le poème comme le lieu nécessaire d'une amplitude aimantée. | pp. 208-210 & Notice : p. 311
Je crois
qu'il faut prendre appui
sur le vent
s'agenouiller en mer
et se vouer
à l'infini.
À PERTE DE COEUR
Toutes les folies sont des états de grâce
tu émanes
tu irradies
comme un meneur de lune
ton monde n’a pas changé
mais il vibre autrement
cadencé par le silence et l’amour
ouvrant d’autres traces
d’autres gisements
un saisissement en continu
qui se diffuse à travers tes os
la folle folie d’aimer
à perte de coeur
Toutes les folies sont des états de grâce
Val des merveilles
deux noms dans la neige
où se prosternent les étoiles
le corps du temps
s'est recourbé
l'instant vibre
en fragments de foudre
frisson bleu du vivant
(" Infiniment proche et Le désespoir n'existe pas ")
MIGRATION
Fès, mamie
mon imprécatrice chauve
aux talons gercés dans la boue de l'hiver
ma folle aux dix chats sataniques
aux douze tortues pieuses
mon irrésistible défunte
au suaire de basilic
taché du premier sang de la vierge
ma mendiante sous l'auvent
de la « Boutique du prophète»
ma lavandière
Abdellatif Lâabi
il n’y a aucun mensonge dans le vent,
Alors très doucement, en un murmure
Comme si je me parlais à l’oreille je dis :
Une naissance humaine m’a échu, ça ne saurait se passer sans complication.
Sunil Gangopadhyay
Dans les documentaires des frères Lumière, les locomotives entrent en gare de La Ciotat ou d'ailleurs. Chez Méliès, elles abandonnent les rails pour s'envoler vers les étoiles. Avec Méliès, le cinéma va devenir le septième art.
Sanguine
La fermeture éclair a glissé sur tes reins
Et tout l'orage heureux de ton corps amoureux
Au beau milieu de l'ombre
A éclaté soudain
Et ta robe en tombant sur le parqué ciré
N'a pas fait plus de bruit
Qu'une écorce d'orange tombant sur un tapis
Mais sous nos pieds
Ses petits boutons de nacre craquaient comme des pépins
Sanguine
Joli fruit
La pointe de ton sein
A tracé une nouvelle ligne de chance
Dans le creux de ma main
Sanguine
Joli fruit
Soleil de nuit
Jacques Prevert
je donnerais tout
pour cet éclair d'énigme
à cœur de nuit
à fleur de vie
je donnerais tout
pour enfin
ne rien comprendre
Partout des meurtres -
et pourtant l’eau
coule dans la nuit
(Ozaki Hôsai)
Voilà
le monde reste beau
impunément
il n’a pas peur du noir
il coule de source
toujours
sous le goudron des atrocités
Amoureuses du blanc
les ballerines de givre
s'y rassemblent
Tancho / photographies de Vincent Munier ; textes de Zéno Bianu.
Bleu des premières secondes de l'univers
Bleu pour rêver plus juste.
Bleu pour enlacer la vie.
Bleu pour ne jamais en revenir.
je crois à ces chemins
où le corps avance dans l’esprit
où l’on surprend
le bruit de fond des univers
par ces yeux
que la nuit
a pleurés en nous
par ces yeux que la vie
a lavés en nous
…
je crois qu’il faut penser
comme chute une météorite
comme pleure une étoile-mère
qu’il faut saisir
l’intime conscience de son désastre
pour commencer
à vraiment sourire
pour s’aventurer
au plus bleu du bleu
'Credo', extraits
Il y a quelque chose qui crie
qui crie tant
dans nos vies
Quelque chose qui n'est pas là
et qui troue nos vies
d'une peine sans nom
d'un appel si vieux
qu'il est comme toutes les peines
du monde
d'un appel si chaud
qu'il est comme un amour
sans fond
pour toutes ces vies
ces vies perdues
Satprem
Je médite sur le vent, fouillant
Les sources des nombreux chants en moi qui n'ont pas vu le jour,
Rėvélant en un éclair la flamme constante,
Un feu au coeur du vent.
Je n'arrive pas à trouver de mot pour le vent.
Nissim Ezekiel, poète indien.
chant
dans les muscles du chant
tu écoutes
inlassablement
cette grande réserve de bouches
en lisière de tout
ce souffle premier
intarissable
comme il retentit dans le corps
par tout le corps
comme il s’exacerbe
comme il traverse le temps
autrement