Citations de Zéno Bianu (356)
Bleu Haïku
Profond
plus profond encore
dans les montagnes bleues
Taneda Santôka
Ce haïku, que je lis et relis lentement, au plus intense, m'offre toujours un surcroît de présence, une écoute de toutes les coïncidences. Il met en scène un je-univers, un esprit capable de se laisser habiter, visiter, un corps devenu antenne au diapason de l'espace. Dans une exaltation toujours neuve. Dieu ? Une onde, un flux, un abandon bleuté.
CHANSON
2
Une chanson
Et deux poissons
Se chamaillent.
3
Ma chanson ?
Un aquarium
De poissons chanteurs.
4
Les yeux des poissons
Comme mes chansons
Jamais ne se ferment.
p.23-24
Je joue au bord du silence
chaque note a sa pesanteur
son apesanteur particulière
je ne bavarde jamais
je n'aime pas le brio
le brio c'est toujours l'ego
et ses vieilles lunes
je préfère jouer vers autrui vers l'autre
tendre sereinement mon coeur
oui
ma musique s'envole vers autrui
c'est un art de l'envol quoi d'autre
où finit le ciel
c'est ta prière qui voit
c'est ton bleu
qui se noie
aimée
tu pleus toute parole
en gouttes de nuit
p.17
Danseurs de paradis
jusqu’à la fin des temps
et plus loin encore
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
jusqu’à la fin des mondes
et plus loin encore
bien plus loin
sans jamais rien comprendre
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
je remonte
vers la source
des hommes-questions
vers tous ceux
qui interrogent
la source sans source
je remonte vers l’intérieur de tout
mille astres noirs
au fond de mes poches
je mets lentement au jour
cette force d’éden
de cœur en cœur
de lèvre en lèvre
de vie envie
l’univers tout entier
suspendu
au visage d’une femme
je mets du baume
au monde
je marche l’immensité
je glisse et reglisse
le long des désolations
je remonte
vers les cendres fertiles
au jour le jour
а la nuit la nuit
j’écoute sans relâche
cette voix qui parle en moi
je l’écoute
aimanté par l’impossible
aimanté
par le fond des mondes
oui je dérive
vers la nuit de la nuit
je m’abandonne
aux avant-postes
des grands effondrements
je remonte
en fièvre pétrifi’e
en étincelante déploration
mon âge se compte
en milliers d’étoiles
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
j’accueille le jamais plus
comme si l’inquiétude
ne pouvait plus neiger en moi
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
comme au premier jour
et les villes basculent
et les fleuves rebroussent
chemin
dans la profondeur
des profondeurs
la sève circule
chez les danseurs de paradis
in Revue N4728, N°12
Le Chant des Mots, 49130, Les-Ponts-de-Cé, 2007
Trouve l’Amour de tous les commencements...
Trouve l’Amour de tous les commencements,
Connais-le,
Alors chaque jour est émotion durable
Jamais ne se rompra le commencement.
Si le doux sage joue, subtil, du Plein Amour,
Pierre précieuse,
Lotus flottant sur le lac,
Alors la lune s’élève dans le ciel bleu,
L’étoile accrochée,
Les deux prises l’une à l’autre ;
Deux lettres enlacées pour être,
Trois pour le rituel,
L’extase portée vers.
L’Amour agit
Si tu sais mourir vivant à l’Amour,
Immortel tu deviendras dans le monde mortel
Trouve l’Amour de tous les commencements,
Connais-le.
// Dîn Doyal
Éveil
éprouver
d’un coup
toute l’octave du monde
[...]
Dans la bouche d'une étoile
au risque de chaque instant
humble et démesuré
vif et insondable
le premier mot du ciel
dans un jour sans limites
[...]
(extrait de "Dans la bouche d'une étoile").
Je crois
qu’il faut prendre appui
sur le vent
s’agenouiller en mer
et se vouer
à l’infini.
NE VOUS LAISSEZ JAMAIS
METTRE AU CERCUEIL
COBA
Tout
est déjà
passé mais à
chaque instant précieux
cela revit tout est déjà passé mais
il y a des rivières gardiennes et les silex
rouges blancs noirs et jaunes des fils des abeilles
en plein cœur de la terre on avance en lumière rasante
on a le goût du vertige pour mieux caresser
le mystère du monde des tortues et serpents
s'enlacent chez les ciseleurs de
hiéroglyphes jusqu'aux grands
précipités passionnels
immergés dans le
Tout
Arbre de coeur arbre de vie
chemin de veine en paradis
arbre du ciel axe des nuits
chemin d'éveil en infini
arbre dressé jusqu'à l'esprit
chemin de sève où tout s'inscrit
arbre d'étoiles recueillies
chemin de coeur chemin de vie
J'ai toujours voulu
tout accueillir tout aimer
tout faire vivre
d'un seul regard démultiplié
m'accorder à ma ligne de plus haute tension
par-delà la fatigue
par-delà l'épuisement
tout accueillir tout
aimer
aller
aller plus avant
vers les grands creusets de l'effervescence
ne jamais en finir avec l'infini
doter chaque instant
d'une présence authentique
dernier souffle premier souffle
REPRENDRE HALEINE
une infinité de visages rompus
se pose au bord du temps
parole noyée entre deux lointains
très haute langue d'insomnie
Credo
(...) je crois à l'opacité solitaire
au pur instant de la nuit noire
pour rencontrer sa vraie blessure
pour écouter sa vraie morsure
Dans la bouche d'une étoile
laisse frémir l'innocence
jusqu'à la fin des mondes
jusqu'au bleu de l'esprit
la forêt des poumons
traversée par le vent
( extrait de " Dans la bouche d'une étoile")
La poésie est la clé absolue: clé de sol, clé des songes, clé des champs.
ÉLÉMENTAIRE
(sur une chorégraphie de Brigitte Chataignier)
je ne sais pas
j'ouvre
les yeux
sur le monde
je ne sais pas
ne sais pas
dans la nuit
dans le noir
les mots
apparaissent
les mots
résonnent
le mot danse
apparaît
j'aimerais tant
oh oui
avec
tout mon corps
avec
toute ma voix
m'incarner
complètement
absolument
j'aimerais
j'aimerais
oui
j'aimerais tant
je ne sais pas
j'ouvre les yeux
sur chaque moment
le regard
l'infini
le regard
l'infini
j'écoute
j'écoute de toutes mes forces
et le mot terre apparaît
je respecte la terre
le son de la terre
je sonde la terre
le corps de la terre
les éléments se tiennent
par la main
tous les éléments
je descends dans la terre
les manteaux
qui me recouvrent
tombent les uns après les autres
je passe
de l'autre côté de la tombe
de l'autre côté des cendres
p.215-216
DANS LA BOUCHE D'UNE ÉTOILE
dans la bouche d'une étoile
j'écoute trembler l'arrière-ciel
sur le grain de la peau
sur le grain de la pierre
descente à pic dans la vie
descente à pic dans la nuit
p.107
LA PLAIE ET LE BAUME
entre l'usure de l'être
et la fraîcheur des choses
ou l'inverse
à traquer les zones
d'effondrement
entrer en clarté
à son corps défendant
la nuit ne tient qu'à un fil
p.67
VAL DES MERVEILLES
deux noms dans la neige
où se prosternent les étoiles
le corps du temps
s'est recourbé
l'instant vibre
en fragment de foudre
frisson bleu du vivant
p.31