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Critiques de Zsuzsa Bànk (37)
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Mourir en été

Zsuzsa Bánk est une écrivaine allemande de parents hongrois qui furent contraints à l'exil suite à l'insurrection hongroise de 1956. La Hongrie , le lac Balaton, l'eau et la natation sont des constantes de son oeuvre, notamment dans ce récit autobiographique.

« La mort ne sied pas à l'été. La mort relève de l'hiver », pourtant c'est dans la chaleur de l'été, que Bànk retourne avec son père en Hongrie, à son passé et à celui de sa famille, alors que ce dernier compte ses jours. Un été sec et étouffant sous tension de la perte imminente de l'être cher, dont la plume d'une simplicité désarmante de Bánk nous en fait sentir la réalité au plus près. Sans entrer dans le pathos, elle relate la longue agonie vers la fin, , "il ne suffit donc pas que son corps l'abandonne, le voilà aussi lâché par sa raison….Non, il n'y a pas de bonne fin. Oui, toute fin est cruelle.” Elle alterne avec les souvenirs, les siens et ceux de ses parents, dont la majorité sont des souvenirs de Hongrie , le pays d'origine dont la nostalgie n'a jamais quitté les parents, et apparemment aussi la fille, bien qu'elle soit née et ait grandi en Allemagne.

Un livre qui me touche personnellement ayant vécu la même expérience avec un père adoré avec le même diagnostique et ici je retrouve mes propres ressentis et mes propres mots face à la douleur d'une séparation définitive, que je n'ai finalement jamais accepté comme définitive, «  Moi aussi, j'ai ces morceaux de lien avec mon père, des ponts minuscules vers notre temps commun, qui me montrent que c'est vrai, oui, nous avons existé, nous étions authentiques, nous étions là ». Même si la mort de nos parents est logiquement inévitable , quand elle fait de nous ses protagonistes, nous ne sommes pas préparés, nous savons rien et nous ne pouvons recourir à rien. Nous seuls le vivons, nous seuls le vivons à notre manière. Nous sommes toujours seuls dans notre douleur.

Pour qui ne connaît pas encore Zsuzsa Bánk je conseille expressément ses très beaux livres, « Le nageur » et «  Les jours clairs ». C'est une superbe écrivaine , pas pour tous les goûts , sûr, mais cela vaut largement la peine de la rencontrer.





L'ÉTANG

 

Il repose, serein, dans la lumière du matin,


En paix, comme une conscience pieuse ;


Quand la brise d'ouest embrasse son miroir,


La fleur de la rive ne le sent pas ;


Les libellules vibrent au-dessus de lui,


Baguettes d'or, d'azur et de carmin,


Et à la surface de l'éclat du soleil,


L'araignée d'eau danse ;


L'iris se dresse sur la rive


Et écoute les berceuses des roseaux ;


Un doux chuchotement arrive et passe,


Comme un murmure : Paix, paix, paix !



Annette von DROSTE-HÜLSHOFF

( une poétesse que partageait le père et la fille)





« Au bout du compte le paradis est verrouillé et nous devons faire le tour du monde pour voir s'il ne serait pas ouvert quelque part à l'arrière. »

Kleist
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Les jours clairs

Années 60, sud de l'Allemagne, un petit bled, un trio d'enfants, un trio soudé à vie.

Aja, une petite fille pas comme les autres, une maman, Évi qui invente des histoires à défaut de les lire,.....ne cache pas ses bleus et noue ses cheveux ébouriffés avec des bandes de tissu et un papa, Zigi,qui ne porte pas de chaussure, gagne sa vie dans un cirque et ne rentre chez lui qu'une fois par an...." Seri", la petite copine d'Aja, nous raconte leur histoire.....Un petit garçon, Karl, suite à un drame familial, les rejoindra par "les jours clairs" d'une enfance, au cours desquels ils regardaient leur monde sans avoir de doute.....Les accompagne,trois mères seules, Évi, Ellen, Maria, et le pére de Karl, seul aussi, Zigi remplissant ses fonctions paternelles que temporairement. Etrange compagnie, étranges relations.....et....les jours clairs de l'enfance s'estomperont peu à peu avec le plongeon dans l'âge adulte, se heurtant aux vérités et secrets révélés et effaçant à jamais les illusions inventées .



Une histoire très poétique, pleine de charme, où la noirceur des événements et circonstances n'enlève à aucun moment l'infinie douceur qui enveloppe le récit et ses protagonistes qui semblent vivre hors du temps dans un cocon, pourtant des plus spartiates. Communiquant entre eux qu'avec trés peu de mots et même en silence, chacun porte sa croix, mais une sensibilité profonde commune à tous, crée des vrais liens d'amour et d'amitié. Trés émouvant.



Bànk nous croque des portraits et scènes délicieuses, foisonnant de détails, tout juste sortis des albums de photos en noir et blanc du milieu du siècle dernier. La photo est d'ailleurs un des détails de la toile de fond. C'est son troisième livre que je viens de lire, et c'est toujours avec beaucoup de finesse et de sensibilité qu'elle nous raconte l'insoutenable légèreté et complexité de la vie et des relations humaines.

Un livre dont la photo de couverture est magnifique, avec ces trois enfants sautant dans l'eau dans toute l'insouciance de leur âge.

Un livre dont on déguste chaque mot, chaque phrase...."Je garde les jours clairs, je rends les sombres au destin"........

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Mourir en été

"Je ne verrai plus jamais mon père , je ne lui parlerai plus jamais. Je n'entendrai plus sa voix que dans mes rêves et mes pensées , peut-être le souvenir ne suffira t-il plus à un moment donné , pour la recomposer dans ma tête , peut-être l'oublierai-je. (P.151)



En cet été particulièrement chaud, la famille Bánk, résidant habituellement en Allemagne, se retrouve dans son village hongrois natal, mais le repos estival est vite piétiné par la maladie du grand-père. Ce ne sont pas les sorties au lac et le temps dans la maison d'enfance qui vont scander ces vacances, mais le cancer.



Zsuzsa Bánk livre ici un témoignage réaliste, à la façon d'un journal familial intime, sur le chemin de croix que représente la maladie, pour le malade lui-même, mais aussi pour sa famille.

Elle égrène l'insensibilité pressée des médecins, les étapes éreintantes des établissements et traitement ou examens à endurer, parcours du combattant de celui qui est déjà épuisé : oncologie, chirurgie, anesthésiologie, médecine intensive, gériatrie, clinique de jour et à nouveau, retour en oncologie...

L'auteure souligne quel traitement indigne peut être infligé aux malades et à leurs famille. Les médecins (et les soignants en général), parfois impatients, agacés par les questions... Pour eux bien sûr, c'est le énième patient, mais pour une famille, on ne perd son père ou sa mère qu'une seule fois.



Zsuzsa Bánk raconte sans fard la maladie, comme un îlot hors du temps et en marge du monde.

Le temps, les journées et les nuits sont modelées par la maladie. Accompagner le malade, c'est vivre dans un autre univers où le temps ne s'écoule pas de la même façon, à la même vitesse.

Chaque geste apparemment anodin du quotidien devient une lutte, une douleur. Chaque nuit est une errance sans certitude du lendemain. La maladie broie le malade et use son entourage.

"Le temps que mon père passe à la maison est un temps difficile, ce sont des journées de douleur ou chaque pas devient une torture, chaque pas un coup, une piqûre. [...] Il n'est plus question de dormir, la nuit est dévastée par les coupures, la nuit n'est plus un lieu de repos, la nuit est un lieu où l'on endure et où l'on résiste. (P.104)

Ce temps, isolé des autres vivants, est un aspect prégnant de cette bulle de douleur et de chagrin dans laquelle est enfermée cette famille.

Le temps, qui court comme un décompte, le temps qu'on n'a plus. Le temps qui vous est compté... Même à partir de l'heure du décès : vous n'avez que 6h avant l'enlèvement du corps...

Le temps est dilaté. La chimio aura accordé 5 années supplémentaires : "Et cinq années, c'est beaucoup. Ce n'est pas suffisant, mais c'est beaucoup. [...] Cinq années à cultiver le jardin. Cinq années à regarder les pommes mûrir sur l'arbre, les vers s'y attaquer. Cinq années à voir le feuillage prendre des couleurs vives et tomber."(P.156)

La maladie et la mort vous poussent hors du temps, hors de la société. Les vivants ne veulent pas de ça dans leur quotidien. Même le funérarium traduit par son emplacement excentré et peu accueillant le traitement que notre société réserve à la mort : "Mon amie pastoresse me dit plus tard que les funérariums sont souvent des lieux indignes, des fragments mal aimés, reculés et oubliés de l'administration municipale.[...] La mort, me dit-elle, est repoussée dans le dernier coin crasseux, on n'imagine pas dans quels cagibis elle doit parfois se préparer."(P.182)



Mais à travers ce "journal de la séparation", dans ce récit autobiographique l'auteur convoque surtout l'Histoire. Elle retranscrit les séparations et les adieux qui auront précédé la disparition de ce père tant aimé : l'arrachement de ses parents à leur patrie et à leur famille respective. L'au revoir à ce père, c'est l'histoire familiale et intime qui affleure à la surface.



Car Zsuzsa Bánk raconte avec délicatesse et pudeur l'exil de ses parents.

Ne se connaissant pas encore, son père et sa mère fuient leur Hongrie natale, Budapest, en 1956, comme nombre de leurs compatriotes, face à l'avancée des chars soviétiques.

À travers son propre deuil, l'auteure tire les fils douloureux de cette fuite pour survivre, de ce déracinement qu'ont dû choisir ses parents pour tenter un avenir meilleur, ailleurs. Quitte pour cela à ne plus jamais revoir les leurs.

À travers le prisme de son propre deuil, Zsuzsa Bánk évoque donc les deuils, les multiples pertes et déchirements d'une vie, les au revoirs qui vous tailladent l'âme, les derniers regards dont on réalisera trop tard qu'ils étaient ultimes. Cette déchirure poignante que constituent les au-revoirs entre le fils et le père, "quand le plus ancien sait en silence qu'il s'agit d'adieu." (p.72)

Et toujours Zsuzsa Bánk émaille son récit de ce temps terrible, qui ne se rattrape pas...

Pour toutes ces personnes en errance, poussées hors de leur pays par le régime autoritaire et ses fils barbelés, une vie communautaire s'est recréée dans ces immeubles d'accueil. La famille au sens traditionnelle est abîmée, certains sont restés en Hongrie, d'autres sont morts d'avoir résisté. Mais les liens se recréent autrement. Dans ces temps-là, on s'épaulait.



Alors, la disparition du père, c'est toute la fin d'une époque. Elle était finie depuis belle lurette, mais il en était encore la "survivance" malgré tout, le témoignage de ce qui fut.

"Enfant , nous nous promenions d'un appartement à l'autre , nous étions les bienvenus , on nous aimait et on nous portait. Quand mes parents allaient danser , la voisine venait voir ce que nous faisons , comme le font ordinaire les tantes et les grands-mères.'" (P.148)

La mort du père, c'est aussi le retour sur les lieux de l'enfance, ce sont les souvenirs de ce que nous fûmes et ce que furent les lieux qui accueillirent nos jeux, les copains, les virées à la boulangerie, les fêtes religieuses qui scandent l'année.



En réalité, au-delà de la disparition de son papa, c'est notre finitude que sonde Zsuzsa Bánk. Elle craint l'effacement: à la perte physique de l'être aimé, se superpose la crainte de l'oubli... De sa voix, de son visage, de son existence même. Avec celui qui s'en va, s'évanouit l'histoire dont il était porteur. Alors, elle "rassemble", et malgré les nécessaires ventes et dons qui succèdent à un décès, elle tente de sauver ce qu'elle peut comme on griffe l'eau de la vague qui se retire. La lutte est presque désespérée... "Moi aussi, j'ai ces morceaux de lien avec mon père, des ponts minuscules vers notre temps commun, qui me montrent que c'est vrai, oui, nous avons existé, nous étions authentiques, nous étions là." (P.242)



Zsuzsa Bánk est désarmante d'authenticité dans son chagrin et dans l' effarement à réaliser l'absence à présent définitive de son père. Elle semble découvrir la façon dont la mort va impacter sa vie. La mort n'est plus une voisine lointaine.

"J'ai peur lorsque je vois combien ma mère est encore capable aujourd'hui de pleurer ses parents , comment cette vieille femme qui vit depuis longtemps sans eux les pleure parfois comme si la perte datait de la veille." (P.56)

Son chagrin s'épaissit chaque jour un peu plus. Passé l'épuisement de l'accompagnement, et l'état de choc dans lequel la laisse la mort de son père, l'auteure réalise en conscience que cette fin humaine est inéluctable.

"Ce ne sont pourtant pas les jours ou les moments rares et particuliers qui me manquent. Ce qui me manque , c'est la vie quotidienne avec mon père , les choses que nous partageons tous les jours , téléphoner, parler, boire du café, attendre le soir au jardin. Les nombreuses choses du quotidien qui vont disparaître et que rien ne remplacera." (P.99)

Et face au vide laissé par la personne, tourne comme une harangue l'obsessionnelle question de savoir, de comprendre où ce père peut bien être à présent...



La mort n'est plus lointaine, un concept dont on a connaissance mais qui nous frôle à peine. Non, aujourd'hui insidieusement, elle s'infiltre comme une composante quotidienne de notre vie.

"J'ai toujours pensé que les gens mouraient entre novembre et janvier, une fois que le soleil a pris congé , que les températures tombent et que l'obscurité s'installe. L'hiver, c'est la mort, pas l'été. L'été, c'est la vie. Mais ce qui est fou, c'est que les gens meurent aussi en été, ils meurent même par des journées brûlantes, claires, innocentes, impeccable. La mort est capricieuse, on doit compter avec elle à tout moment."(P.122)



Le deuil, après la maladie, finit d'ôter les repères. Il jette ceux qui restent dans un après qui ressemble à un décor vide de sens : "J'ai pris de l'âge, mon visage est celui d'une vieille femme, mes yeux se sont détournés de je ne sais quoi, ils sont devenus ternes et petits, ils se sont retirés comme s'ils voulaient disparaître. La vie continue, me disent beaucoup [...] Mais ce n'est pas vrai, non, la vie ne continue pas, seules les nombreuses nuances du deuil se déploient, la grande palette des couleurs de deuil avec leur dégradé du gris au noir et du noir au gris, et il faut parcourir toutes les nuances. Mais la vie ne continue pas du tout, non, elle ne s'immobilise pas non plus, elle se contente de faire du surplace, c'est plutôt cela. Elle devient une faible réplique d'elle-même, blême et vide, elle ne fait pas d'offres, elle ne montre rien et n'invite plus à rien, elle ne fait plus que traîner stupidement, traîner stupidement et inutilement." (P.133)



La survivance des morts parmi la communauté des vivants fait partie de nombreuses cultures et des rites religieux, quelque soit la confession. Mais à présent, il ne s'agit plus d'un rite, mais d'une véritable conviction, une façon de vivre définitivement modifiée. L'auteure aborde cette présence invisible consacrée, à travers les moments de solitude ou ceux, familiaux, où une place est réservée au mort. "Nous avons toujours beaucoup parlé de nos morts, mais à présent il s'agit de plus que cela, les morts sont toujours parmi nous. Ils sont assis à notre table, ma mère et moi leur consacrons nos après-midis, nous leur offrons nos soirées et nos nuits. La vie avec eux ne s'arrête pas au seul motif qu'il sont morts." (P.222)



Avec l'âge, avec nos pertes et nos chagrins, nos yeux voient différemment. Et nous commençons à avoir un pied ici... mais aussi un pied ailleurs... L'âge ou la douleur nous poussent irrémédiablement vers cette prise de conscience. "Nous employons toute notre vie à exclure la mort, à la tenir à distance. Chaque matin nous regardons dans le miroir sans penser en même temps à la mort, chaque soir nous nous couchons dans notre vie avec la certitude de nous réveiller le matin".(P.223)



Zsuzsa Bánk colle au réel et nous retranscrit étape après étape le long et pénible cheminement vers la perte d'un père, la maladie, le calvaire des hôpitaux, les traitements, l'espoir, puis la résignation, la souffrance, les moments arrachés à la maladie, la peur permanente et puis la séparation, le deuil... L'après, un chagrin qui sonne. Le temps qui s'étire, les journées sans fin, les démarches administratives parfois kafkaïennes, le peu d'énergie restante avalée, engloutie par des formalités, le choix d'un cercueil, d'une concession au cimetière, d'un restaurant où recevoir après l'inhumation... Et l'incompréhension: où est-il à présent ?



Zsuzsa Bánk nous fait déambuler sur ce chemin de peine avec elle, dans cet été germano- hongrois qui n'en finit pas d'écraser les individus autant que le chagrin la perfore. J'aurais voulu parfois qu'elle parvienne à se décoller de ces événements, de ses sentiments "coups de baffe" pour éviter un récit quasi journalistique.



L'un des extraits de ce roman figurant sur la 4ème de couverture m'avait laissée émue, songeuse face à cette perte inéluctable que l'auteur semblait transcender avec douceur et nostalgie, une sorte de poésie, un aveu d'impuissance face à ce que l'on ne peut combattre, qu'il nous faut accepter, mais que l'on peut teinter d'une lumière satinée. Je n'ai pas retrouvé dans ma lecture cette teinte de douce amertume. Et si le récit se lit sans difficulté, je n'y ai finalement pas trouvé ce qui m'avait remué le cœur à la lecture de l'extrait présentant ce roman.

Malgré une illustration de couverture sublime et un style très fluide, ce récit restera une petite déception au final, et un thème peu évident lorsqu'on a soi-même perdu un être cher.



Je remercie sincèrement Babelio et Nicolas pour cette Masse Critique ainsi que les éditions "Rivages" pour leur confiance et l'envoi de cet ouvrage.
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Les jours clairs

"Les jours clairs", voilà un titre et une couverture qui me laissaient penser qu'il s'agissait d'un livre léger. La quatrième de couverture atténue un peu cette impression " Tout n'est pas aussi idyllique qu'il y paraît et les trois amis devenus adultes, devront faire face à des secrets de famille douloureux..."

Dès qu'on ouvre le livre, cette sensation de légèreté disparaît complètement. L'écriture est certes poétique mais elle est dense, très dense, les phrases sont longues, les chapitres longs et les dialogues inexistants. J'ai été déroutée, tantôt je me suis lassée de cette ambiance faussement légère, tantôt j'ai apprécié cette plume et les journées passées à se balancer sur les hamacs de fortune, à gambader dans les champs de maïs et à glaner des regards, des mots, des attitudes des adultes. Ce roman sur l'apprentissage de la vie sort du commun, ce n'est pas un énième livre sur les secrets de famille et les non-dits, c'est beaucoup plus. Mais il demande un effort, ce n'est pas un livre qui se lit facilement, il y a des détours, des retours et des pirouettes.

Trois enfants amis, Seri, la narratrice, Aja et Karl, trois mères qui vont elles aussi devenir amies autour de Evi, mère de Aja et artiste de cirque immigrée hongroise et trois pères absents ou présents par intermittence. Voilà les personnages de ce livre que l'on va suivre avec émotion mais aussi parfois avec difficulté.

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Mourir en été

Dans ce texte autobiographique, Zsuzsa Bánk évoque la mort de son père. Les différents moments de la maladie, les hôpitaux, les soucis quotidiens que tout cela cause. Mais aussi la manière dont cela affecte les relations, les liens familiaux. Tout le travail de mémoire que cela provoque : au-delà de la mort de son père, elle remonte à celle de son grand-père, par exemple. Mais aussi à l’histoire de ses parents, nés en Hongrie, partis en Allemagne après 1956, l’entrée des chars soviétiques dans leur pays. Une vie entre deux pays, la traversée des frontières, impossibles, puis compliquée, puis sans aucun problème. Une vie entre deux (voire trois, car des cousins au Canada) langues. La langue maternelle de ses parents, difficile à maîtriser, mais indispensable, certaines choses ne peuvent être traduites qu’en perdant du sens. Et les étés hongrois, dans une maison familiale, une maison pleine de souvenirs, de différentes générations. Une maison qui devra être quittée après la mort du père, tirant définitivement un trait sur une partie du passé. Plus rien ne sera comme avant.



L’auteure dit dans ce libre tout son immense amour à son père. C’est une façon de faire le deuil, grâce aux mots, à l’écriture. C’est aussi une manière de restituer une histoire, celle de ses proches, mais aussi celles de tous ces gens qui ont vécu des histoires un peu similaires, de déracinement, de rupture. Ou tout simplement de la perte d’un être cher.



C’est très sensible, très bien écrit, cela touche forcément les gens qui ont vécu cette expérience de la perte d’un proche. Il faut sans doute choisir le moment pour le lire et entrer dans l’écriture de Zsuzsa Bánk.
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Le nageur

Avec Le nageur, Zsuzsa Bànk me laisse aussi perplexe qu’avec son recueil de nouvelles, L’été le plus chaud, que j’ai lu la semaine dernière. Dès les premières pages, j’ai retrouvé son style si caractéristique que j’avais aimé. Des non-dits, des impressions, des observations, un regard sur le monde. Une atmosphère gaie, insouciante et lourde à la fois, empreinte d’une tristesse négligée, d’une nostalgie d’un passé mal connu et d’un présent mal compris. Très poétique. Mais ce qui fonctionne merveilleusement pour des histoires courtes ne marche peut-être pas aussi bien pour un roman qu’on étire. Dans tous les cas, ça n’a pas été suffisant pour moi.



Avec Le nageur, Zsuzsa Bànk nous dresse un portrait d’une Hongrie, on ne sait pas trop laquelle. Figée dans le temps, peut-être même hors du temps. En 1950 ou en 1990, peu importe. Kara, la jeune narratrice, et son frère Isti apprennent la fuite de leur mère, réfugiée à l’Ouest. À partir de ce moment, ils sont trimbalés à gauche et à droite par leur père. Mais ce qui marquera leur enfance, c’est ce lac, près duquel ils passent beaucoup de temps, près duquel ils trouvent un peu de bonheur. Les petits plaisirs du quotidien sont arrachés au monde adulte qui les entoure. Chaque chapitre est l’occasion de découvrir un personnage qui jouera un rôle dans cette enfance cruelle et magique. Je ne sais toujours pas si j’ai aimé ou non…



Enfin qui est ce nageur ? Au début, j’ai cru que le titre faisait référence au père, puis aux amis Tamas et Mihaly, finalement, c’est probablement Isti. Titre étrange, évocateur, mais, selon moi, peu approprié. J’avais ressenti la même impression avec L’été le plus chaud, où j’ai longtemps cherché la chaleur dans les froides nouvelles. Bien sur, il y a l’eau, au cœur du récit. Les enfants y trouvent réconfort, entre autres choses. Dans tous les cas, qu’est-ce le lecteur est supposé trouver, lui, au roman ? Je ne le sais toujours pas.

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Les jours clairs

Première impression très favorable : une jolie couverture et des pages douces au toucher et agréables à tourner.

En Allemagne, dans une petite ville, trois enfants se lient d’une amitié qui les mènera à leur vie d’adulte. Parallèlement, leurs mères respectives tisseront les mêmes liens au fil des années.

Légère déception en début de lecture. Les phrases sont très très longues. Il n’y a pas de dialogues. L’histoire avance lentement, se répète.

Tout est étrange

-l’ambiance : temps et lieux sont indéfinissables

-les personnages semblent irréels

-la construction du récit est déroutante.

Et puis, à partir du chapitre relatant la vie de Zigi et d’Evi, ça y est. On est dans l’histoire, il n’y a plus qu’à se laisser porter.

-les phrases, bien que toujours aussi longues, filent toutes seules

-les lieux et les personnages se précisent

-la construction intéresse, avec ses rappels en leitmotiv.

Tout se dévoile par petites touches. Ce qui m’avait déroutée au début m’a envoûtée par la suite.

Le rythme est excellent. Cette succession de vagues de longues phrases qui semblent se répéter à l’infini, rappelant les mêmes évènements, mais déposant à nos pieds de nouveaux éléments est d’une incroyable musicalité.

C’est un magnifique roman dont j’ai du mal à sortir.

Un immense merci à babelio et aux éditions Piranha pour cette très belle découverte.



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L'été le plus chaud

Je suis assez partagé, tant à propos de ce bouquin que de la cote que je lui ai attribuée. Quatre étoiles me semblaient exagéré mais trois, un tantinet sévère. C'est souvent le cas pour un recueil de nouvelles. En tous cas, pour moi. Certaines histoires m'emballent alors que d'autres me laissent indifférent. Ce fut le cas pour L'été le plus chaud, de Zsuzsa Bànk. Les nouvelles qui constituent ce recueil parlent de femmes. Souvent, elles sont deux. Qu'elles se trouvent à New York, au Canada, en Europe de l'Est ou même en Australie, elles sont deux. Parfois, d'autres comparses se joignent à elles, presque superflus, mais qu'importe. Ce sont elles qui sont au cœur de l'histoire. J'écris le mot histoire mais y en a-t-il vraiment ? Pas certain. Ces femmes, partagées entre les souvenirs et la contemplation, livrent leurs émotions, leurs impressions. Pas toujours en paroles, des fois en gestes, en regards, en non-dits. Je ne me rappelle pas de chacune des nouvelles, elles se confondent et se perdent dans mon esprit. Elles ne sont pas particulièrement mémorables. Ce que j'en retiens le plus, et c'est la raison pour laquelle j'ai apprécié ce recueil, c'est l'atmosphère qui s'en dégage. Une sorte de nostalgie, un mélange d'attentes, de regrets, d'espoirs, de questionnements. La quête du bonheur ? J'aime beaucoup cette écriture, concise, douce comme un murmure, toute en finesse, qui me fait penser aux romans de la néerlandaise Hella S. Haasse. Je repose ce recueil en me promettant de lire d'autres œuvres de Bànk.

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Le nageur

Nous somme en Hongrie dans les années 50. Un jour, Katalin quitte sa famille pour partir clandestinement à l’Ouest. Ses enfants ne comprennent pas, devant les réactions du village où il habite, Kálmán, le père vend la maison, une étrange errance débute pour les enfants, qui voguent de lieu en lieu, de famille en famille. Ils s’attachent à chaque fois, et le départ arrive immanquablement. Ils finissent par échouer tous les trois chez Anna, leur grand-mère paternel, mais ils repartiront aussi de ce lieu des origines.



Tout le prix de ce livre est dans les descriptions, dans les ambiances, aussi dans la manière dont Zsuzsa Bánk dépeint ses personnages, donne vie à leurs angoisses, à leurs forces et faiblesses, toujours sans juger, sans idéaliser, mais avec une indéniable tendresse en fin de compte. C’est très factuel, mettant à distance, sans pathos, ne jouant pas la corde sensible, ce qui peut éloigner certains lecteurs. C’est un peu un univers désespérant, le quotidien est difficile et les horizons sont limités : la vie de Katalin en Autriche semble presque plus dure que celle qu’elle menait en Hongrie. Mais les gens partent quand même, certains n’ont d’une certaine manière pas le choix, une nécessité interne les pousse à tenter quand même. Le livre n’est pas à proprement parlé politique, peu d’allusions sont faites aux événements, mais un fond de tristesse et d’absence de perspectives est là, en fond de tableau. Et il y a malgré tout aussi une partie habitée par les jeux et l'insouciance de l'enfance.



J’ai un peu calé au milieu du roman, trouvant que la trame romanesque à proprement parlé était quelque peu lâche, les déambulations, descriptions de lieux et personnes ont fini par me sembler un peu de l’empilement, sans lien véritable. Mais la fin du livre permet un peu mieux d’appréhender le parcours de Kálmán, jusque là personnage assez énigmatique, n’explicitant rien, et surtout pas la signification des errances qu’il impose à ses enfants. Cela donne davantage de sens à l’ensemble, et finit par permettre une émotion plus intense, moins retenue que jusque là. Et m’a laissé sur une forte impression pour terminer ma lecture.
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L'été le plus chaud

Douze nouvelles étonnantes ,sans chute spectaculaire,sans révélation finale,pleines de silences et de non-dits que Bank laisse à notre imagination de combler.Il est souvent question de deux femmes,dont on ne saisit pas toujours la vraie relation,amies,sœurs,amantes?...Tout est raconté en finesse à travers des sensations,des impressions ,des émotions mêlés aux souvenirs d'un passé conjoint qu'on observe à travers une brume,une brume qui peut être déroutante,voir frustrante.

Une conférencière retrouve dans une ville de l'Est des proches perdues de vue depuis trés longtemps(Dernier dimanche),trois amies dont une en clinique psychiatrique,se retrouvent une fois par an ,les deux premières visitant la troisieme(Dix-huit,peut-être dix -neuf décembre),un petit voyou prend "pacifiquement"en otage une petite fille(Parmi les chiens),une femme rend visite à son amie d'enfance mariée,trois enfants,dans une petite ville en hiver et se retrouve bloquée chez elle par la neige(Ére glaciaire)...L'atmosphère est souvent lourde et glauque et malgré le titre la chaleur au sens propre et figuré,est absente.

Mais j'aime la prose de Zsuzsa Bank,dont c'est le deuxième livre que je lis(J'avais beaucoup aimé "Le nageur"),et avec ces nouvelles qui nous laissent souvent perplexe ,elle relate parfaitement avec simplicité et finesse la complexité des relations humaines.
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Les jours clairs

Les jours clairs, ce sont ceux de l'enfance ; rayonnants, purs et joyeux. Les jours clairs, c'est l'été à Kirchblüt, petite ville au sud de l'allemagne, c'est l'amitié indéfectible qui unit Aja, Karl et Séri, trois enfants d'une huitaine d'années dans les sixties. Entre le lever du soleil et son coucher, les heures s'étirent au rythme des jeux de ces enfants ; roues et autres jeux d'équilibre avec Zigi, le père d'Aja dans le petit jardin qui entoure leur maison-cabane toute rafistolée aux dalles branlantes et au portail de guingois, promenades en vélo autour du lac, courses à travers les champs de coquelicots, de trèfles ou de tournesols selon la saison, contemplation du paysage environnant...

Les jours s'assombrissent quand Zigi, trapéziste, doit rejoindre le cirque où il travaille les trois-quarts de l'année laissant Évi, la maman d'Aja seule dans sa petite maison où il fait si froid l'hiver. Les nuages sont bien lourds quand Karl parle de son frère qu'il a laissé partir un matin avec un inconnu, quant à Séri elle si triste lorsqu' elle croise le regard trouble de sa mère, jeune veuve.

Séri raconte son histoire et celles de ses amis, des vies ordinaires de gens ordinaires. Des existences qui s'écoulent avec leurs tourments. Elle évoque l'enfance, l'adolescence, l'entrée dans le monde des adultes, Karl sera photographe, Aja deviendra médecin, et Séri s'essayera à la traduction. Cette dernière nous livre sa vision des choses, elle décrit les lieux, les comportements et les réactions de chacun, nous fait part de ses découvertes, de la vérité qui se fait jour, par touches, au fur et à mesure qu'elle grandit. Secrets et non-dits éclatent, des vérités parfois douloureuses... Avec elle, Aja et Karl, on s'envole pour l'Italie, autre endroit, autre atmosphère, les esprits s'échauffent, les reproches arrivent, les souvenirs anciens remontent à la surface sous des angles différents. L'amitié vacille, l'amour s'en mêle, la confusion s'installe.

Un très beau roman sur l'apprentissage de la vie. L'écriture est posée, les phrases sont amples et descriptives, les détails foisonnent, les scènes de la vie quotidienne se répètent comme des ritournelles et l'empathie pour les personnage est de mise. La figure maternelle – repésentée par les mères des enfants - traverse le roman avec profondeur et tendresse. Elles sont le garant de leur équilibre. Malgré quelques longueurs - le livre est un pavé de 540 pages - il se dégage de ce roman de bien jolies choses sur l'amitié et l'amour, les liens familiaux et les souvenirs d'enfance, le monde des adultes pas toujours accessible à l'entendement des enfants, les petits arangements avec la réalité, la solitude, la trahison et la réconciliation. Un roman plein de charme et de poésie.
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Le nageur

Triste histoire de deux enfants hongrois dans les années 50,abondonnés par leur mère qui passe à l'Ouest et ballotés par leur père d'un bout à l'autre du pays.L'eau sera leur bouée de sauvetage mais aussi pour l'un d'eux le chemin de la mort.Superbe!
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L'été le plus chaud

Dans ces nouvelles, Zsuzsa Bank montre comment les sentiments humains peuvent se déliter sous l'effet de l'ennui et de la routine, du silence, d'un désamour que rien ne justifie. Que ce soit dans un couple, dans une amitié où tout se partage, dans une famille étroitement unie, il y en a toujours un qui se lasse, s'éloigne, cesse de se réchauffer au coeur de l'amour ou de l'amitié, il y en a un qui délaisse.

Et il y a l' autre qui s'en trouve déchiré, abattu, effondré, qui ne parvient jamais vraiment à guérir, à récupérer, à revivre, car d'un désamour, on ne se remet jamais.

Pour exprimer ces moments d'intense bonheur, comme pour dire la profondeur d'un chagrin inépuisable, Zsusza Bank use d'une écriture dominée par la pudeur : Comment dire ces sentiments si intenses, si douloureux quand aucun mot ne pourrait les traduire sans les dénaturer?

Simplement il faut agir comme si de rien n'était, regarder encore le monde environnant, éviter tout lyrisme, rester sobre, presque minimaliste, et, ce faisant, laisser entendre une émotion d'autant plus forte qu'elle se ravale dans une ellipse, s'étrangle d'une coupure de phrase, s'étouffe dans la contemplation de l'insignifiant.
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Les jours clairs

Que j'ai eu du mal avec ces "Jours clairs" de l'allemande Zsuzsa Bánk. Pourtant cela faisait très longtemps que je voulais m'y plonger, cette histoire d'enfance et d'amitié me plaisait bien. Mais le charme n'a pas opéré...

Nous sommes en Allemagne de l'est, dans la petite ville de Kirchblüt. Seri nous raconte par petites touches son enfance, et surtout son amitié avec Aja, qui habite une toute petite maison à l'orée de la ville. En fait c'est surtout Evi, la mère d'Aja, qui la fascine, avec son accent étrange et son passé d'artiste de cirque. Une fois par an débarque Ziggi, le père, qui pendant l'été amène à tous le bonheur, les jours clairs...

C'est un livre qui est terriblement bien construit : il tourne autour d'une situation de départ somme toute assez banale pour s'enrichir peu à peu, comme une spirale. Ainsi les scènes du début prennent elles un autre sens au fur et à mesure de la lecture, et on se retrouve devant des personnages tout en profondeur. Par contre je n'ai pas aimé l'écriture, pseudo-poésie à deux balles qui ne m'a pas touchée : et vas-y que je me ballade toute la journée parmi les champs de blé doré, que je me balance sous les tilleuls à côté du petit pont au dessus du fossé rempli de coquelicots... J'ai trouvé que ça sonnait faux. Bref un avis mitigé.
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Mourir en été

J’ai toujours aimé courir le risque (très mesuré, je n’ai rien d’une aventurière…), de me lancer, grâce aux Masses Critiques Babelio, dans des lectures un peu hors cadre, hors appétits habituels, bref, hors de mes sentiers battus, mais cette fois, je l’avoue, je me suis fait rattraper par mon étourderie : « Mourir en été », de Zsuzsa Bank, paru chez Rivages, ça sonnait comme un bon polar...non ? J’avais cependant omis quelques détails : ces Rivages-là n’étaient pas noirs et, s’il y avait bien un mort, il n’y avait pas de mystère, le coupable, multi récidiviste, était fort bien connu, « cancer » était son nom. Car « Mourir en été » est ce que l’on a coutume d’appeler pudiquement un « récit de deuil ». Zsuzsa Bank nous y fait partager son cheminement lent et douloureux vers un statut que l’on souhaiterait atteindre, lorsque l’on a, comme elle, une relation douce et chaleureuse avec l’auteur de ses jours, le plus tard possible, celui d’orpheline de père.

« Ça n'a rien de particulier et ça arrive à tous. Nous venons au monde, nous mourons, nous perdons quelqu'un emporté par la mort, et un jour quelqu'un nous perd emporté par la mort. Pourquoi est-ce que j'en fait quelque chose d'exceptionnel? Comme si ça n'arrivait qu'à moi? »…Sans doute parce que, lorsqu’arrive ce moment auquel rien ne prépare jamais vraiment, on se sent tellement démuni que toute tentative de donner sens, de donner forme à cette douleur, chacun avec ses aptitudes, chacun avec ses moyens, ne peut qu’être accueillie avec soulagement. Les sportifs décrochent des médailles qu’ils dédient au parent disparu, les comédiens font de même avec leur César, les peintres peignent, les écrivains écrivent, on a les exorcismes que l’on s’est choisis. Reste l’art délicat du partage…Car il en faut du talent pour donner à cette expérience intime un caractère suffisamment universel pour que d’autres acceptent de la revivre à vos côtés, entre vos lignes, à travers vos souvenirs, pour que d’autres acceptent de se confronter à l’inexorable. Il faut avoir la douceur obstinée d’une Zsuzsa Bank, le phrasé souple et fluide de ses évocations pleines de tendresse, il faut savoir, comme elle, faire ressurgir les paysages de l’enfance, l’histoire d’un exil, la lumière sans pareil des étés aux joies disparues, il faut pouvoir, comme elle, trouver le courage de repasser par sa peine, d’en questionner la mémoire, d’en accepter les nouveaux contours, à la lueur d’une nostalgie enfin supportable, depuis une distance enfin « partageable ». Et je ne cache pas qu’il vaut mieux ne pas s’attendre à un polar avant d’attaquer sa lecture…on en sort un peu moins indemne !

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L'été le plus chaud

Dans la lignée de mes déconvenues successives ce mois-ci, j'ai également été déçue par ce recueil de nouvelles pourtant vantées par [author:Minh Tran Huy|3076597] elle-même : je me suis en effet laissé avoir par cet appât publicitaire et par l'annonce de "portraits de femmes aimantes, déçues, rayonnantes, et toujours intenses." Si j'ai retrouvé les premiers adjectifs, c'est très loin d'être le cas du dernier. Les femmes sont très présentes dans ces textes, bien que certains laissent planer un mystère sur l'identité du narrateur/de la narratrice. Elles sont présentées dans des situations de transition, d'arrivée ou de départ, le plus souvent, donc dans des moments de fragilité et d'entre-deux. Cela aurait pu donner lieu à des textes très intéressants, mais je n'ai malheureusement pas été sensible au style de ceux-ci, trop descriptifs et répétitifs parfois (j'ignore si c'était dû à l'auteure ou à la traductrice, mais c'était assez désagréable). A aucun moment, je n'ai réussi à me retrouver dans ces univers pourtant divers, dans ces fragments de vie trop vides.
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Mourir en été

Zsuzsa Bank signe un magnifique texte sur la mort de son père. Elle décrit avec pudeur et émotion les derniers moments de son père et l’année qui a suivi le deuil. Les souvenirs remontent à la surface et rendent plus douloureux ces moments. Le deuil n’est ni blanc ni noir, il est un nuancier de gris.



La mort nous fait prendre conscience que les êtres aimés s’en vont et que notre temps avec eux est limité.



La force du texte est que, malgré la grande tristesse qui s’en dégage, il est lumineux.



un grand merci à Babelio et aux éditions Rivages pour l’envoi de ce roman.
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Les jours clairs

Singulier triangle amical que forment à première vue Seri, Aja et Karl, trois enfants qui grandissent dans une petite ville du Sud de l’Allemagne dans les années 60. La vie est douce, en apparence et ils profitent des jours clairs de l'enfance, leitmotiv qui revient jusqu'aux trois quarts du roman. Évi, la mère d'Aja , excelle à créer une atmosphère poétique et champêtre dans sa maison minuscule, malcommode, mais ô combien accueillante.

La narratrice, Seri, remarque cependant : "Karl, Aja et moi n'avions pas de père, du moins pas comme d'autres enfants avaient des pères. Nous avions nos mères , avec leurs secrets silencieux qu'elles protégeaient comme des trésors."

Ces secrets, à l'orée de l'âge adulte, les trois amis les découvriront à l'occasion d'un séjour en Italie. C'est là aussi qu'apparaitront des fêlures, peut être irréversibles dans ce qui les unit.

Roman d'atmosphère, Les Jours clairs est un texte qu'il faut prendre le temps de savourer, de laisser infuser. Il distille un charme qui opère d'emblée. On découvre au détour d'une phrase,lâchée mine de rien, une information d'importance, évitant ainsi tout pathos. On devine la trahison, mais rien n'est jamais clairement mentionné. Les épreuves rapprocheront petit à petit les mères, mais sans rien de théâtral.Des attentions, des gestes minuscules mais qui ont une importance extrême pour ceux qui sont dans la peine, tout est délicat, poétique. Un roman marqué par la perte mais qui n'en reste pas moins d'une formidable luminosité.

Les jours clairs fait partie de ces livres qu'on quitte à regret et pour mieux prolonger ma lecture, je me suis même mise à lire à mi-voix le dernier chapitre de ces 539 pages...



Et zou, sur l'étagère des indispensables !
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Les jours clairs

J’aime rêver devant les quatrièmes de couverture des romans inconnus, cet appel qui ressemble aux marchands de légumes sur les marchés, belle marchandise, vous ne serez pas déçu. Parfois les fruits vantés possèdent vraiment une saveur incomparable et cela vaut la peine de prendre le risque.



La quatrième de couverture de ce livre couleur bleu paon m’a attirée : « roman envoûtant » ? On utilise souvent ces adjectifs un peu trop enthousiastes pour être honnêtes. Non, c’est la biographie de l’auteur qui m’a attirée. Zsuzsa Bánk, Allemande d’origine hongroise et parcours de vie intéressant. J’ai retourné la couverture : trois enfants sautent dans l’eau, mais on dirait qu’ils sautent dans le vide, ciel couleur d’eau proche de certains tableaux italiens de la Renaissance, logo discret dans un triangle : Piranha en blanc, avec le fameux poisson carnivore en blanc lui aussi. J’ai pris le livre. Les maisons d’éditions qui ont le culot de se lancer (Piranha a commencé à publier en 2014) veulent vraiment faire découvrir des auteurs.



J’ai dévoré Les jours clairs. Stupéfaite, irritée parfois par certaines longueurs, mais fascinée par cette puissance, cette poésie, cette façon de creuser la phrase jusqu’à ce que le lecteur éprouve exactement ce que l’auteur voulait qu’il ressente.



Voici je pense l’extrait à l’origine de la couverture du livre :



Nous n’attendrions plus, nous prendrions notre souffle et plongerions dans la vie comme dans l’eau profonde, et nous nagerions vers le monde extérieur aussi loin que nous pourrions.



Les jours clairs est un roman d’apprentissage. Encore un ? Oui, encore un. Mais si particulier, constitué de tant de pirouettes d’acrobates le long d’un pont aux coquelicots !



La narratrice vit à Kirchblüt, petite ville typique de l’Allemagne du Sud. Elle est l’amie totale d’Aja, la fille d’Évi l’immigrée hongroise. Évi vit en marge de la ville dans une maison minuscule, une sorte de cabane construite avec des rebuts et dont Zigi le père d’Aja, artiste de cirque, colmate les brèches chaque fois qu’il vient rendre visite à sa famille pour que la maison puisse affronter l’hiver. Karl vient se greffer sur ce duo l’année où son frère Ben disparaît. Les trois enfants sont désormais inséparables et passent leurs journées ensemble dans la maison de conte de fées d’Évi et ses environs magiques, champs, forêt et lac. Les jours clairs du titre, les jours clairs de l’enfance, alors que les mères des enfants, en arrière-plan, vivent leurs propres drames. La mère de Seri la narratrice est hantée par le décès brutal de son mari alors que Seri était encore un bébé. Celle de Karl par la disparition de son fils cadet qui est monté dans une voiture inconnue et n’est jamais revenu :



C’était ça le pire, ici, parce qu’elle continuait à voir Ben, parce qu’il apparaissait, dix, vingt fois à la file, pour franchir en courant derrière Karl le portail de l’école, son jardin aux roseaux, les rues de Kirchblüt, la grande place sous les platanes, l’été sous les feuilles vertes, l’hiver sous leurs branches nues, étayées, qui se tendaient comme si elles voulaient l’attraper lorsqu’il passait devant elle sans la voir, lorsqu’il courait vers elle depuis tous les côtés, depuis tous les recoins, quand elle se tournait vers lui dans toutes les directions et qu’il lui échappait dès qu’elle voulait le toucher.



Les mères des trois enfants, si différentes par leur milieu social et leur origine, vont se lier d’amitié, décalque de l’amitié de leurs enfants, et s’aider mutuellement à affronter les douleurs qui les hantent. L’élément central de ce roman, c’est Évi, l’artiste de cirque immigrée hongroise.



Évi connaît une existence difficile dont elle extrait avec une force lumineuse toute la poésie possible afin que sa fille Aja vive environnée de beauté sans s’apercevoir de la misère. Évi pleine d’amour pour les autres est le phare de ce roman, celui qui projette sa lumière pour que les âmes désemparées reviennent à la rive de la vie. Elle aide les parents de Karl à surmonter leur tragédie et leur fils à transcender sa culpabilité en art. De son côté Maria la mère de Seri aide Évi à vendre ses gâteaux, veille sur sa fille Aja et apprend aussi à lire à Évi. Magnifique apprentissage, plein d’entêtement et de poésie, de délicatesse imagée :



Ma mère ne tarda pas à dicter à Évi des passages de mes livres, pas trop vite, avec beaucoup de pauses, parce qu’il fallait du temps à Évi avant qu’elle n’ait déposé les mots dans son cahier, de cette écriture qu’elle ne changea plus, qui resta identique même des années plus tard, peut-être parce que Évi ne pouvait plus se libérer de l’effort qu’elle déployait pour écrire chaque lettre et qu’il était visible sur chaque morceau de papier, sur chaque page de ses papiers où les lettres se pressaient comme si elles n’avait jamais eu suffisamment de place, comme s’il fallait qu’elles se repoussent les unes les autres.



Dans ce livre qui fait la part belle aux mères, les hommes sont curieusement absents : soit morts, soit présents par intermittence, soit mis à l’écart par la séparation et le drame. Pères rêvés, souvent menteurs ou muets, esquisses floues face aux portraits rayonnants de leurs femmes.



Les enfants grandissent, cruautés adolescentes, conflits amicaux et amoureux, éloignement.



Pages magnifiques sur l’éloignement des enfants et les sentiments de leurs mères, entre arrachement, perte et rancune.



J’allai seule sur l’étroit sentier de gravier et ils attendirent, pendant que je rompais mon serment et pleurais pour la première fois sur la tombe de mon père. Je pleurais parce que ma mère et moi étions restées seules, je pleurais sur le nom de mon père inscrit sur cette pierre, je pleurais parce que je n’avais pas de souvenirs personnels de lui quand je regardais les photos encadrées sur les étagères de nos bibliothèques. (…) Je pleurais parce que nous commencions à avoir nos vérités à nous, à ne plus nous fier aux histoires de nos mères, à inventer notre monde selon nos propres mesures, et parce que les années colorées et bruyantes de notre enfance étaient derrière nous.



Les trois inséparables partent à Rome poursuivre leurs études. Rivalités, non-dits, fissures dans la ville éternelle si admirablement décrite. Des secrets de famille douloureux sortent alors du chapeau du magicien, la fête est finie. La fin du roman baigne dans la nostalgie du paradis perdu.



Ce livre de 539 pages m’a parfois irritée : les errances de Zigi et d’Évi pour trouver un endroit où enraciner Aja m’ont semblé longues, errances de migrants auxquelles je ne pouvais m’identifier. La fin également m’a paru faible, ces trois désormais adultes qui conservent certains rites enfantins et continuent à vivre une amitié indéfectible malgré la vie quotidienne figés dans une enfance stéréotypée. Mais le reste ! Toutes ces pages d’une écriture magique, ces pages que j’aurais voulu écrire tellement elles décrivent exactement les sentiments et sensations que j’ai éprouvées dans ma propre vie, que tant de lecteurs ont éprouvées, vraiment je ne peux pas les oublier. Toutes mes félicitations au traducteur, Olivier Mannoni, qui a dû accorder sa propre sensibilité avec celle de Zsusa Bánk, un exercice de funambule dans ce livre d’équilibriste.



Je vous recommande avec force ce livre émouvant et poétique, puissant et incroyablement humain publié par une maison d’édition naissante à qui on ne peut que souhaiter longue vie.
Lien : http://nicole-giroud.fr
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Les jours clairs

Je crois que je m'attendais à autre chose. J'ai été gênée par la manière dont l'histoire est racontée. Il n'y a pas de dialogues: Seri empile les souvenirs, elle est la seule à intervenir. En outre, elle insère des retours en arrière qui m'ont semblé parfois un peu difficiles à suivre. Cette façon de faire, cette absence de mise en scène (si j'ose dire), m'a donné l'impression que les personnages n'étaient pas épais, comme s'ils étaient morts depuis des générations, et que Seri racontait des anecdotes les concernant.

En outre, la narratrice répète certaines choses ou s'attarde sur des détails, et soudain, au milieu de cette logorrhée, elle donne une information importante.

[...]

Lire la suite sur:
Lien : http://www.lalivrophile.net/..
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