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EAN : 9782211097321
288 pages
L'Ecole des loisirs (04/03/2010)
3.96/5   41 notes
Résumé :
Les filles ? Des êtres stupides. des bouches inutiles à nourrir. Les marier ? La dot coûte cher. Mieux vaut les tuer dans l'oeuf. Les intouchables, les " hors castes " ? Des parasites. Bons à rien. Arriérés. Condamnés aux basses besognes. Il faut les fuir à tout prix. Dans l'Inde de tous les possibles, mais aussi des préjugés tenaces, les routes de deux parias se croisent. Elle, Isaï, était venue en cachette assister aux funérailles de sa mère. Lui, Murugan, d'un ge... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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J'appréhende toujours un peu la lecture d'un roman dont l'action se passe en Inde. Ici la naissance de ce bébé fille pose bien sûr problème. Doit-on nourrir cette bouche inutile ou faire en sorte qu'un "accident" se produise ? Sa mère Dayita va la protéger envers et contre tout. Elle va l'élever, l'éduquer. Malheureusement, quand elle meurt épuisée, Isaï n'a que 10 ans. La petite fille va rencontrer Murugan, jeune garçon "hors caste", un révolté contre la société qui veut faire son chemin sans s'occuper de sa famille, des castes. Il est musicien percussionniste. Isaï et lui font de la musique ensemble, elle chante divinement grâce à sa mère. Ils décident de se rendre à Bombay afin d'y retrouver le père d'Isaï, une aiguille dans une botte de foin. Des tas d'aventures vont s'ensuivre, des embûches prévisibles mais leur complicité indéfectible et la rencontre de "bonnes personnes permettront de les surmonter.
Au final, un livre pour ado agréable à lire qui n'élude pas les sujets graves mais qui ne s'appesantit pas sur les malheurs. de plus, les éléments artistiques et culturels sont intéressants et adoucissent les côtés difficiles du début du roman.
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Sud de l'Inde, état du Tamil Nadu. Isaï naît dans une famille pauvre où naître fille est une misère... Cependant, malgré l'absence de son père parti chercher du travail à la ville et la haine de sa tante qui souhaite rien de moins que sa mort, Isaï grandit dans l'amour de sa mère, Dayita, qui la protège et lui enseigne tout ce qu'elle sait : lire, parler l'hindi (en plus du Tamoul, la langue du Tamil Nadu), chanter... Ensemble, elles prient les dieux hindous afin qu'ils les protègent, particulièrement la déesse Sarasvati, déesse des Arts, qui semble avoir comblé Isaï de dons exceptionnels pour le chant.
Isaï a 10 ans lorsque sa mère meurt, la laissant seule pour affronter sa venimeuse tante cobra... Au cours de la crémation de sa mère, elle aperçoit un "opprimé", un hors-caste, qui ramasse respectueusement une fleur tombée du lit funéraire. Plus tard, alors que sa tante lui a rasé le crane sous un prétexte quelconque, elle devient son amie, se faisant passer pour un garçon. Mais tante cobra n'a pas fini de torturer Isaï et, pour rembourser l'emprunt du mariage de son fils, elle décide d'envoyer sa nièce travailler en ville chez un usurier ! Isaï y voit l'occasion de s'enfuir à Bombay où son père travaille... Elle réussit grâce à Murugan, le hors-caste devenu son ami qui, lui aussi souhaite tenter sa chance à la ville et n'accepte pas que les intouchables comme lui soient considérés comme des arriérés !
Les deux enfants partent donc vers Bombay sous l'aile bienveillante de Sarasvati, et leur route, semée d'embûches, leur dévoile l'Inde : unique, multiple, complexe, pauvre et belle !

C'est un voyage très instructif à travers l'Inde que nous propose Claire Ubac avec ce roman.
C'est tout d'abord un voyage géographique (si j'ose dire) à travers l'Inde et un dépaysement garanti avec les nombreuses descriptions des villes et villages traversés par nos deux jeunes protagonistes... Ainsi, débuté à Yamapuram dans l'état du Tamil Nadu dans le sud est de l'Inde, le périple d'Isaï et Murugan nous conduit à Madurai, puis à Kanyakumari, puis à Mysore dans l'état du Karnataka, puis à Bangalore, puis à Hampi pour finalement nous déposer à Bombay, capitale de l'état du Maharashtra, au centre ouest de l'Inde... de quoi découvrir de multiples paysages !
C'est ensuite un voyage spirituel avec l'évocation d'une panoplie de dieux et déesses hindous vénérés par nos deux jeunes héros qui ne manquent jamais d'aller faire leur puja dans les temples des lieux qu'ils traversent. Nous faisons ainsi la connaissance de Durga, Shiva, Kali, Parvati, Ganesh (Ganapati), Sarasvati, Lakchmi, et j'en oublie sans doute...
C'est aussi un voyage culturel avec l'évocation du cinéma bollywoodien, les odeurs de nourriture (barfis, samosas, payasam, chapatis, etc...), la description de quelques coutumes (les kolams par exemple dont je vous ai déjà parlés ici), les nombreux vêtements typiques, et, bien entendu, la musique !
C'est enfin un voyage social, bien ancré dans la réalité et donc bien difficile à supporter parfois : situation inacceptable des femmes, sort des intouchables, extrême pauvreté dans les villages obligeant les hommes de la maisonnée à s'exiler dans les villes afin de nourrir leur famille, extrême pauvreté encore fabriquant des cohortes d'enfants des rues fouillant les poubelles pour survivre,... autant de vérités crues que le cinéma bollywoodien souhaiterait parfois nous faire oublier.

Ainsi, ce roman permet aux lecteurs de découvrir de multiples facettes de l'Inde moderne et, en cela, il est très intéressant mais cela a-t-il été suffisant pour me plaire totalement ? Malheureusement non ! En effet, plutôt destiné aux adolescents, j'ai trouvé ce livre, certes frais, mais beaucoup trop naïf et le happy end est beaucoup trop "happy" à mon sens (je ne dévoile rien mais bon, c'est un peu too much...)
Lien : http://loumanolit.canalblog...
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Présentation de l'éditeur : les filles ? Des êtres stupides. Des bouches inutiles à nourrir. Les marier ? La dot coûte cher. Mieux vaut les tuer dans l'oeuf.
Les intouchables, les "hors castes" ? Des parasites. Bons à rien. Arriérés. Condamnés aux basses besognes. Il faut les fuir à tout prix.
Dans l'Inde de tous les possibles, mais aussi des préjugés tenaces, les routes de deux parias se croisent.
Elle, Isaï, était venue en cachette assister aux funérailles de sa mère. Lui, Murugan, d'un geste respectueux, a replacé une fleur tombée du brancard. Leur premier dialogue s'est fait en rythme et en musique. Chanter, jouer, ils en rêvent tous les deux. Ils osent partir.
Leur traversée du pays sera semée d'embûches et de mauvaises rencontres.
Mais Sarasvati, la déesse au luth, veille sur eux.

Mon avis : un récit que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire et cela, dans le cadre du challenge "Bienvenue en Inde" proposé pas Hilde et soukee. Découverte d'un pays que je ne connais que très peu (par la lecture s'entend ; je n'ai bien sûr jamais mis un pied – une roue – en Asie).

Nous suivons un pan de la vie d'Isaï, narratrice de sa propre histoire, dans un pays où il faut naître garçon si l'on veut jouir d'un tant soit peu de considération. Mais elle est fille, pauvre de surcroît, et soumise, en compagnie de sa maman, au diktat de sa tante, "tante cobra", un surnom tout à fait approprié pour cette femme, "persiffleuse" et persécutrice hors-pair.

C'est lorsque sa maman décède qu'Isaï décide de tenter de faire bouger les choses, laissant alors derrière elle la seule personne qui l'a aidée dans sa misère : son grand-père.

Le récit conte donc le parcours de cette enfant, qui a grandi trop vite et part sur les routes en compagnie de Murugan, un jeune garçon appartenant à ce que l'on appelle encore les "hors castes". Tous deux se soutiennent mutuellement et unissent leurs talents vocaux et musicaux.

Le récit est agréable à lire et ouvre une porte sur ce monde à mille lieues du nôtre. Isaï découvre un pays qu'elle n'imaginait pas, s'interroge, se bat tout en avançant, animée par le désir de retrouver son père et d'échapper au destin qui aurait dû être le sien…

Une superbe couverture colorée, Sarasvati sur son cygne, sert d'écrin à cette histoire émouvante et qui sonne juste.

"Un des tout premiers souvenirs que j'ai de maman remonte à ma mémoire, accompagné d'une familière odeur d'argile. Elle trace des lettres sur la terre humide au bord du bassin des femmes. Je suis invitée à tracer le mot à mon tour. Je ressens encore le plaisir de toucher la terre sableuse, celui de la voir s'ouvrir sous le soc de mon ongle !

C'est ainsi que j'ai appris à lire l'hindi, la langue du Rajasthan. Ici, à Yamapuram, on parle tamoul. L'hindi était notre langue secrète à toutes les deux. C'est aussi la langue du chant classique d'Inde du Nord, cet art que j'ai sucé avec mon lait. Nous chantions toutes deux continuellement en travaillant. Tante cobra ne se doutait pas que nos en profitions pour communiquer.

- Ne tourne pas la tête et ne me réponds pas, chantait maman. Va chez la voisine l'aider à coudre pour le mariage de sa fille. Garde le triage des pois pour cet après-midi. Ta tante sera chez la voyante ; je t'apprendrai un hymne à Krishna."

Ce roman a reçu le Grand Prix du Livre Jeunesse 2010 de la Société Des Gens de Lettres.
Lien : http://paikanne.skynetblogs...
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Challenge ABC 2016-2017
9/26

L'Inde, des dieux, ses castes, ses conceptions de la vie d'une femme...
La musique et le chant, pratiqués par deux amis fuyant leurs familles - l'une pour retrouver son père à Bombay, l'autre hors caste qui cherche un avenir meilleur - les tireront de biens des situations périlleuses ; les temples seront très souvent leurs refuges. Une grande spiritualité enveloppe le roman. Sarasvati, déesse des arts, les accompagne au long de ce roman initiatique à l'écriture fluide. L'auteur a rendu le contexte du roman réaliste : géographie, langues, religions, fêtes et rituels annuels et quotidiens. Elle ne s'attarde pas sur les castes, ce qui aurait ppu alourdir la narration ; ils sont évoqués, parce que c'est toujours un gros problème, mais dans un sens plutôt positif : Murudan intègre une association de Bombay qui lutte pour leur abolition. La différence caste n'a eu d'impact sur Isaï : ils sont unis par leur amour de la musique et du chant, et par la conscience de leur survie. Et plus tard de leur amitié ; ils se sont trouvés à un moment où chacun allait mal et se sont épaulés tout au long de leur périple.
Un petit roman qui n'a l'air de rien et qui brasse beaucoup de questions autour de la tolérance et de l'acceptation.
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Étant une complète néophyte en ce qui concerne l'Inde, j'ai appris beaucoup de chose concernant les femmes. D'autant plus que dans les films Bollywoodiens, elles ressemblent un peu toute à des princesses et semblent très apprécié. Autant dire tout de suite qu'avec ce roman, j'ai tout de suite compris que c'était loin d'être le cas ! Par contre, certaines zones d'ombres sont restées pour moi au fil de l'histoire : ne connaissant pas bien les coutumes indiennes, je dois dire qu'il y a certaines choses que je n'ai pas bien compris. Comme par exemple, pourquoi Isaï et Murugan ne pouvait pas être amis (bon, j'ai compris pourquoi, mais j'aimerais tout de même savoir ce qui oppose ces deux "peuples"...).

L'histoire en elle-même m'a également beaucoup plu : j'ai beaucoup apprécié cette amitié qui n'aurait jamais du être, et la course au rêve de ces deux enfants. J'ai aimé que tout ne soit pas toujours rose pour eux, mais qu'ils arrivent toujours à s'en sortir. Et puis, je dois dire que j'ai apprécié certains passages qui m'ont fait penser au film Slumdog Millionaire (en beaucoup moins violent heureusement !).



Les différents personnages m'ont beaucoup plu. Évidemment Isaï et Murugan sont les deux qui m'ont le plus touchés. Il faut dire aussi qu'on les suit pendant quelques années, dans leur bons moments comme dans les plus mauvais, alors, forcément, l'on s'attache beaucoup à ces deux enfants.
Margaux et la famille indienne de son amie m'ont également beaucoup plu par leur gentillesse.



J'ai trouvé l'écriture de Claire Ubac très agréable : c'était le premier livre que je lisais d'elle, mais ce ne sera sûrement pas le dernier ! J'ai beaucoup aimé la dimension poétique qu'apporte la musique dans ce texte. D'autant plus que j'ai vu que ma médiathèque possédait plusieurs roman de cette auteur ;)
Et puis, j'ai beaucoup aimé la dimension poétique qu'apporte la musique dans ce texte.
Le chemin de Sarasvati est un roman à découvrir.
Lien : http://lunazione.over-blog.c..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La « chose sans nom » que je suis survit ainsi pendant cinq semaines. C’est le père qui doit murmurer son nom à l’oreille de son enfant. Et Meyyan ne revient toujours pas de la ville, où il cherche du travail.

Ce matin-là, comme chaque matin, les jérémiades de mon cousin Selvin sortent ma mère du doux rêve où elle et mon père étaient réunis. Le fils de la maison a beau avoir cinq ans passés, il pleurniche toujours en se réveillant, au lieu de gazouiller. Il attend qu’on le nourrisse, comme ces oisillons devenus gros et gras qui ne se décident pas à voler de leurs propres ailes. Tante cobra l’élève ainsi. Elle ne le laisse pas faire un pas tout seul. Elle le bourre de gâteaux dès qu’il pousse un grognement.

Ma mère se lève malgré sa fatigue. Une fois debout, elle est prise de vertige. Elle doit rester immobile le temps que le sol cesse de tanguer sous ses pieds. Ses nuits sont courtes. Elle ne dort que d’un œil ; dès que je remue, elle me donne le sein. Ainsi je n’ai pas le temps de pleurer et d’attirer sur nous la colère de tante cobra.

Ma mère roule la natte qui lui sert de lit. Après une rapide toilette, elle prend une bouse pétrie et séchée sur la pile de celles que nous récupérons de nos buffles. Elle allume le feu, pose sur le fourneau la bouilloire de fer-blanc.

Elle tend un biberon rempli de lait à Selvin, qui l’attrape avidement. Assurée de quelques minutes de répit, Dayita se dirige vers le coin de la puja.

Là, dans une niche creusée dans le mur de terre, se tiennent les dieux de l’autel familial. Durga, la déesse du Foyer, Shiva, que ma tante invoque le plus volontiers, Ganapati, l’enfant dieu à tête d’éléphant…

La préférée de ma mère est Sarasvati, la déesse des Arts. Ma mère dépose à ses pieds la plus jolie des fleurs cueillies au jardin.

À l’école de chant, autrefois, elle la priait avec ses amies. Ces dernières lui ont offert sa statuette quand ma mère est partie vivre dans la famille de Meyyan.

– Ainsi, chaque fois que tu feras la puja, tu penseras à nous !

« Oh oui, je pense à vous, mes chères amies, songe ma mère en s’inclinant devant la déesse, les mains jointes sur le front. Mais aujourd’hui, vous me paraissez si loin ! Est-ce que je vous reverrai un jour ?… »

Les larmes lui montent aux yeux. Quelle mine feraient ses amies en la voyant, elle autrefois si gracieuse et coquette, le corps décharné dans ce sari défraîchi, la peau terne, les cheveux rêches!
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Je ne suis pas le premier bébé fille menacé de mort au village de Yamapuram. D’autres mères avant Dayita ont eu à subir des pressions de la famille pour faire disparaître leur enfant. Bien sûr, personne ne parle de meurtre, ici.

Non, il s’agit seulement de mères maladroites et d’accidents. C’est souvent la même histoire quand une fille naît, ici au village, surtout dans une famille sans garçons. D’abord des pleurs, des gémissements, toute une mise en scène du malheur. Ensuite, la grand-mère, la tante, la sœur, la voisine, ou les quatre à la fois, viennent chuchoter à l’oreille de la mère en larmes. Celle-ci a beau résister, on lui fait honte, on lui dit de se taire et d’obéir, elle, une bonne à rien qui déshonore la famille.

Quelques jours plus tard, c’est l’accident. La mère met du jus de tabac dans le biberon au lieu de lait, ou bien elle laisse le bébé au soleil. Toujours la mère. Quand c’est la mère la responsable, qui parle de meurtre ? Ce n’est même pas un péché, dit-on. Ainsi, plus de fille, plus de honte. La mère n’a qu’à espérer une prochaine grossesse, où un bébé mâle, enfin, lui rendra sa dignité.

Voilà pourquoi, tant que je n’ai pas encore de nom, aucune voisine ne parierait une poignée de lentilles sur mon avenir. Encore quelques jours avant que je m’étouffe dans mon châle de coton. À moins que je tombe du dos de Dayita par un malheureux hasard.

Mais ma mère ne laisse aucune place au hasard. Elle emporte son petit fardeau partout, pour couper du bois, pour se laver au bassin des femmes, et même pour faire ses besoins, tellement elle a peur qu’il m’arrive malheur si elle me quitte des yeux. Heureusement, elle a un allié dans la famille : mon grand-père, le père de Meyyan. Il est doux et bon. Il prend soin de moi, du moins dès que ma tante est hors de la maison. Quand elle est là, il n’ose pas. Il a peur d’elle. Il voudrait protester quand ma tante prive ma mère de nourriture afin de tarir son lait. Mais il sait trop bien ce qu’elle lui répondrait :

– Dites donc, père, vous êtes bien content qu’on vous nourrisse, vous aussi, alors mêlez-vous de vos affaires. Par Shiva ! Avec tout l’argent qu’on dépense pour vous autres, les bouches à nourrir, mon cher mari pourrait se payer une moto. Il n’aurait plus à marcher une heure avant d’atteindre l’arrêt de bus qui mène en ville. Nous pourrions offrir à Selvin le vélo dont il rêve.
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"C'est un des premiers jours de ma vie; je n'ai pas encore de nom. Ma mère me donne le sein dans la cour, à l'ombre du manguier. Ses bras se crispent autour de moi. Ma tante vient de sortir de la maison; elle fouille la cour des yeux, les paupières plissées sous le soleil cru du printemps.
Ma mère implore en pensée la déesse du Foyer: "Durga, ne la laisse pas s'approcher !"
Mais la grande femme sèche se dirige déjà vers nous. Sans se donner la peine de s'accroupir, elle crie à sa belle-sœur :
- Femme de Meyyan !
Ces mots sonnent avec dédain. Ma tante, exprès, n'appelle jamais ma mère "petite sœur", comme c'est l'usage.
- Femme de Meyyan, qu'est-ce que tu es en train de faire ?
Elle siffle entre ses dents :
- Tu sais pourtant qu'il faut la laisser mourir de faim, cette merde que tu as pondue !" (Médium/L'école des loisirs - p.11)
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Ainsi dressée et frémissante, elle a tout du cobra qui attaque. Dayita, ma mère, ne bouge pas plus qu’une proie hypnotisée. Vingt fois par jour, l’épouse du frère aîné la pousse ainsi à se débarrasser de moi, sa fille. Vingt fois par jour, elle distille son venin.

Ma mère se garde bien de répliquer. Elle reste immobile. Mais elle n’est hypnotisée qu’en apparence. Elle me lave. Elle me nourrit. Plus encore. Dès que la maîtresse de la maison est hors de vue, ma mère masse mon petit corps à l’huile de coco sur ses jambes allongées. Elle me chante des berceuses de sa voix d’or. La méchanceté, si haineuse soit-elle, n’a pas le pouvoir de tuer.

Crache, crache ton venin, tante cobra. Répète tes médisances à qui veut les entendre, à propos de Dayita, ma mère :

– Voyez-vous ça, cette fille du Nord à la peau claire, trop jolie et trop éduquée pour nous. Ah mais, quant à sa dot, nous n’en avons pas vu la couleur ! Si vous voulez mon avis, sa famille a dû être bien contente de trouver un idiot comme Meyyan pour l’en débarrasser.

Ma tante ne décolère pas. Elle n’aurait jamais cru que le jeune frère de son mari puisse trouver une femme. En tant que fils cadet, sans situation, aucune famille de notre village ne lui aurait accordé sa fille.
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"Et soudain, chaque matin, je me retrouve dans le noir, plongée dans l'émerveillement! Certains films sont en tamoul, d'autres en hindi. Pour la première fois, j'entends d'autres femmes parler la langue de ma mère. Et quelles femmes! Toutes des beautés, en sari de soie aux couleurs exquises, subtilement maquillées, couvertes de bijoux étincelants. Elles chantent et dansent à ravir - de façon souvent provocante, il faut l'avouer - et séduisent des hommes taillés dans la même étoffe de lumière. J'en ai le souffle coupé! (Médium/L'école des loisirs - p.91)
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